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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1040/2024

JTAPI/943/2024 du 23.09.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1040/2024

JTAPI/943/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 septembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs C______ et D______, représentés par Me Murat Julian ALDER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1986, et Madame B______, née le ______ 1991, sont ressortissants du Kosovo.

Ils se sont mariés le ______ 2019 dans leur pays d’origine.

2.             Le 23 octobre 2018, M. A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour en sa faveur et celle de Mme B______ et de leur enfant D______, né à ______(GE) le ______ 2018, auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), invoquant l’opération « Papyrus » et précisant qu’ils pouvaient également se prévaloir d’un cas de rigueur.

Il a exposé vivre en Suisse depuis huit ans, habiter avec sa compagne depuis 2011 avec laquelle il avait eu un enfant, exercer une activité lucrative dans le domaine du bâtiment de façon régulière, avoir transféré le centre de ses intérêts à Genève où il avait passé sa jeunesse, n’avoir plus aucune personne ou élément pouvant le retenir dans son pays natal, n’avoir fait l’objet d’aucune condamnation, avoir toujours respecté les valeurs constitutionnelles, parler parfaitement bien le français et être financièrement autonome.

À l’appui de sa requête, M. A______ a produit diverses pièces le concernant, dont un formulaire M rempli par l’entreprise individuelle E______ mentionnant son arrivée à Genève en mai 2011, des fiches de salaire de mai à juillet 2018, un extrait de son casier judiciaire (vierge), un extrait de l’office des poursuites du 13 août 2018 dont il résultait qu’il ne faisait l’objet d’aucune poursuite mais d’un acte de défaut de biens d’un montant de CHF 191,45, une attestation de l’Hospice général du 13 août 2018 certifiant qu’il n’était pas aidé financièrement, une attestation de l’Ifage du 30 août 2018 indiquant son niveau de français (A2) et divers documents attestant sa présence en Suisse depuis mai 2011.

Des pièces concernant Mme B______ ont aussi été produites, dont un extrait de son casier judiciaire (vierge), un extrait de l’office des poursuites du 13 août 2018 attestant qu’elle ne faisait l’objet ni de poursuite ni d’acte de défaut de biens, une attestation de l’Hospice général du 13 août 2018 certifiant qu’elle n’était pas aidée financièrement et une attestation de l’Ifage du 30 août 2018 indiquant son niveau de français (A2).

3.             Les 15 mars et 30 juillet 2019, M. A______ a déposé des demandes de visa pour se rendre au Kosovo pour des raisons familiales ; la première demande ne concernait que lui, la seconde aussi sa famille.

4.             Par lettre du 9 octobre 2019 parvenue à l’OCPM six jours plus tard, M. A______ a encore communiqué diverses pièces à l’OCPM, dont un formulaire M rempli par F______ SA, des fiches de salaire 2019 établies par cet employeur ainsi que la police de son assurance-maladie.

5.             Le 14 octobre 2019, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa demande, notamment du fait qu’il n’avait pas démontrer un séjour continu en Suisse de dix ans, étant arrivé à Genève en 2011 et sa concubine et leur enfant en 2018.

6.             Le 8 novembre 2019, M. A______ a soutenu que l’intention de refus était injustifiée dans la mesure où il séjournait en Suisse de manière ininterrompue depuis onze ans. Il a produit, à l’appui de son allégation, des fiches de salaire de G______ SA pour les mois de janvier, février, juin et octobre 2009 ainsi que mai, juillet, novembre et décembre 2010.

7.             Le ______2020, Mme B______ a donné naissance à C______.

8.             Le 29 novembre 2020, M. A______ a été entendu par la police en qualité de prévenu de faux dans les titres, de séjour illégal, d’exercice d’une activité lucrative sans autorisation et de comportement frauduleux à l’égard des autorités. La police a renoncé à entendre Mme B______, celle-ci ayant accouché peu auparavant.

En substance, M. A______ a déclaré qu’il avait complété sa demande par le biais de Monsieur H______ à qui il avait versé CHF 2’000.- pour ce travail, que les fiches de salaire de G______ SA avaient été ajoutées à son dossier à son insu, que les fiches de salaire établies par E______ lui avaient été remises par son employeur et qu’il ignorait qu’elles comportaient des erreurs. Il a reconnu avoir fourni une fausse adresse à l’OCPM.

M. A______ a expliqué que son père, sa mère, sa sœur et l’un de ses frères vivaient au Kosovo ; son autre frère se trouvait à Genève, dénué de titre de séjour. Il vivait à Genève depuis le 5 mai 2011 et son épouse l’avait rejoint en 2016 ; elle n’exerçait aucune activité professionnelle. Il était retourné au Kosovo un mois en 2016, puis une fois en 2018 avec un visa. Il ne souhaitait pas y retourner et voulait travailler et vivre en Suisse avec son épouse et leurs enfants, n’ayant rien fait de mal.

9.             Le 17 mai 2021, une demande de visa en faveur de M. A______, Mme B______ et leurs deux enfants a été déposée auprès de l’OCPM ; ils voulaient se rendre en été au Kosovo durant deux mois pour « vacances ». Le 9 juin 2021, M. A______, indiquant n’avoir pas reçu de réponse, a reformulé cette demande – mentionnant cette fois pour motifs « visiter la famille ».

10.         Le 15 mars 2022, une demande de visa en faveur de toute la famille a été déposée auprès de l’OCPM ; ils voulaient se rendre un mois au Kosovo en avril 2022 pour « visite familiale ».

11.         Le 14 mars 2023, une demande de visa en faveur de M. A______ a été déposée auprès de l’OCPM ; il devait se rendre d’urgence au Kosovo, sa mère ayant des problèmes de santé.

12.         Par arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice du 27 juin 2023, M. A______ a été acquitté de l’inculpation de faux dans les titres, mais a été déclaré coupable d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI. Il a de ce fait été condamné à une peine pécuniaire de cent jours-amende, sous déduction de deux jours-amende correspon-dant à deux jours de détention avant jugement, assorti d’un sursis de deux ans.

13.         Le 9 novembre 2023, l’OCPM l’a informé de son intention de refuser d’accéder à la demande de régularisation des conditions de séjour déposée en octobre 2018. Un délai de trente jours lui a été imparti pour faire valoir par écrit ses observations et objections éventuelles.

14.         M. A______ s’est déterminé, sous la plume de son précédent conseil, le 10 janvier 2024, dans le délai prolongé accordé par l’OCPM. Il n’insistait pas sur l’obtention d’un permis de séjour au titre de l’opération « Papyrus », ne remplissant pas la condition du séjour ininterrompu de dix ans au moment du dépôt de sa demande en octobre 2018. Sa situation correspondait en revanche à un cas dc rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, la condition d’un séjour ininterrompu de dix ans étant réalisée depuis 2021. L’infraction liée au comportement frauduleux n’était due qu’à des circonstances indépendantes de sa volonté, ainsi que retenu par la justice pénale.

Son épouse et lui-même avaient eu un troisième enfant le ______2023.

15.         Par décision du 22 février 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande du 23 octobre 2018 et de soumettre le dossier de M. A______ et des membres de sa famille avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Il a prononcé leur renvoi et leur a imparti un délai au 22 mai 2024 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissait possible, licite et raisonnable-ment exigible.

Lors du dépôt de la demande d’autorisation de séjour, M. A______ ne totalisait pas les dix ans de séjour requis pour une personne n’ayant pas d’enfant scolarisé. Le fait que son séjour en Suisse était à ce jour de plus de dix ans résultait de son comportement ayant conduit à l’ouverture d’une procédure pénale au terme de laquelle il avait été condamné. Par ailleurs, bien que l’inculpation pour faux dans les titres n’avait pas été retenue, il n’en demeurait pas moins que la justice pénale l’avait condamné pour comportement frauduleux à l’égard des autorités : il savait pertinemment qu’il ne remplissait pas la condition principale pour obtenir un titre de séjour, soit une durée de séjour de dix ans ininterrompue. En acceptant qu’un tiers fournisse des informations mensongères pour son compte dans le but d’obtenir un tel titre, il avait porté atteinte à la confiance que l’administration était en droit d’attendre de sa part. Sa situation ne répondait ainsi pas aux critères de l’opération « Papyrus ». Il ne remplissait par ailleurs pas non plus les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Le fait de chercher à induire en erreur les autorités chargées de se prononcer sur une demande d’autorisation de séjour en produisant des documents falsifiés et d’être ensuite pénalement condamné pour ces faits était incompatible avec une bonne intégration. Un tel comportement démontrait que M. A______ n’avait aucun scrupule à violer la loi afin d’obtenir un avantage personnel, ce qui justifiait le refus de lui octroyer une autorisation de séjour. En outre, il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée et n’avait pas acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait pas les mettre en pratique au Kosovo. Il n’avait pas non plus démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, de graves conséquences sur sa situation personnelle.

Mme B______, qui serait arrivée en Suisse en 2016, n’avait jamais exercé d’activité lucrative. D______, âgé de cinq ans, avait débuté sa scolarité en août 2023, tandis qu’C______, âgée de trois ans, n’était pas encore scolarisée. Ces deux enfants étaient en bonne santé.

16.         Par acte du 25 mars 2024, par le biais de leur conseil, M. A______ et Mme B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs D______ et C______, ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de leur délivrer des autorisations de séjour.

Ils remplissaient les conditions d’obtention d’un titre de séjour pour cas de rigueur. Le recourant résidait à ce jour en Suisse depuis plus de douze ans, soit une durée pouvant aisément être qualifiée de longue ; cela attestait de « très bonnes stabilité, intégration et adaptation à la société suisse ». Il n’avait cessé de travailler pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, manifestant une véritable volonté d’intégration dans la vie active et une réussite professionnelle remarquable. Il ne recevait, à l’instar de son épouse, aucune prestation financière de la part de l’Hospice général. Sa condamnation pénale, notamment pour tentative d’obtention frauduleuse d’un permis de séjour, représentait son unique écart de conduite depuis son arrivée en Suisse et on ne saurait alors retenir à son encontre qu’il n’avait aucun scrupule à violer la loi. Cette faute, qui devait être considéré comme une erreur de parcours, ne saurait justifier le refus d’octroyer un permis de séjour. L’atteinte à l’intérêt public résultant d’une violation de la LEI ne pouvait en aucun cas être comparé, dans son intensité et dans sa nature, avec celle découlant d’une infraction pénale à proprement parler. La recourante ne figurait pas au casier judiciaire et possédait un niveau A2 en langue française. Les enfants avaient toujours vécu à Genève et D______ y avait d’ailleurs commencé sa scolarité en août 2023 ; les renvoyer dans un pays qu’ils ne connaissaient pas ne respectait pas le principe du bien supérieur de l’enfant, au sens de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107).

Ils pouvaient se prévaloir de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ; renvoyer toutes la famille dans un pays dans lequel ils n’avaient aucune attache portait indéniablement atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.

En tant qu’elle ordonnait le renvoi de toute la famille, la décision était totalement disproportionnée au vu du temps passé en Suisse et de l’intégration dont ses membres avaient fait preuve. Cette décision était aussi arbitraire dans la mesure où elle ne prenait pas véritablement en compte la durée du séjour de la famille et surtout l’implication du recourant dans l’activité économique suisse. Sa situation et celle de sa famille devait être distinguée de celles de ressortissants étrangers ne s’impliquant pas dans la société suisse. Renvoyer dans son pays d’origine une famille bien intégrée était insoutenable et, partant, arbitraire.

17.         Dans ses observations du 23 mai 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Il ne ressortait pas du dossier des recourants que leur intégration sociale en Suisse était telle qu’un retour au Kosovo, où ils avaient vécu la majeure partie de leur vie, les placerait dans une situation personnelle d’extrême gravité. Sur le plan profes-sionnel, le recourant n’avait pas acquis des compétences si spécifiques qu’il ne pourrait les faire valoir au Kosovo. Quant à la recourante, elle n’avait pas exercé d’activité lucrative depuis son arrivée en Suisse. Jeunes et en bonne santé, ils devraient pouvoir se réintégrer sans rencontrer de difficultés insurmontables, d’autant plus que la plupart de leurs proches résident au Kosovo et qu’ils pourraient ainsi les soutenir dans leur réinstallation. Quant aux enfants, compte tenu de leur très jeune âge, ils restaient encore fortement liés à leurs parents et pourraient ainsi rapidement s’adapter à un nouveau cadre de vie.

18.         Par réplique du 12 juillet 2024, les recourants ont persisté dans les termes et les conclusions de leurs écritures du 25 mars 2024.

L’allégation de l’OCPM selon laquelle leur renvoi au Kosovo ne poserait pas de problèmes compte tenu de leur intégration sociale en Suisse ne saurait être suivie. En effet, ils étaient en Suisse depuis de nombreuses années, leurs enfants y étaient nés et y grandissaient ; les renvoyer dans leur pays d’origine serait constitutif d’un déracinement et d’un déchirement abrupt et choquant. Si la recourante ne travaillait pas en dehors du ménage afin de pouvoir s’occuper des enfants, le recourant avait travaillé du mieux qu’il le pouvait. Ils ne touchaient aucune prestation de l’Hospice général et n’étaient donc pas une charge pour la collectivité publique genevoise.

19.         Le 24 juillet 2024, l’OCPM a indiqué avoir pris connaissance de la réplique du 12 juillet 2024, qui n’appelait pas d’observations complémentaires.

Le SEM avait été informé par les autorités croates que le recourant avait quitté l’espace Schengen en date du 6 juillet 2024. Il apparaissait que le recours pourrait être devenu sans objet.

20.         Le 14 août 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions et affirmé que leur recours n’était nullement devenu sans objet. Ils s’étaient certes rendus en vacances en famille au Kosovo du 5 juillet au 10 août 2024, mais ils étaient désormais de retour à Genève. Le recourant avait repris son travail et D______ recommencerait l’école (en 3P) le 19 août 2024.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2024 du 6 mai 2024 consid. 3.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3).

5.             Les recourants sollicitent d’être mis au bénéfice d’autorisation de séjour pour des cas individuels d’extrême gravité.

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

7.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

8.             Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

9.             Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

Les critères de l’art. 58a LEI, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal adminis-tratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

10.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

11.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

12.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remar-quable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

13.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l’intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu’après la révocation de l’autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n’emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

14.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnais-sance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2).

15.         Lorsqu’il y a lieu d’examiner la situation d’une famille sous l’angle de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global. Le sort de la famille formera en général un tout. Il serait en effet difficile d’admettre le cas d’extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi le problème des enfants est un aspect, certes important, de l’examen de la situation de la famille, mais ce n’est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une appréciation d’ensemble, tenant compte de tous les membres de la famille. Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu’il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure rattaché à son pays d’origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour au pays d’origine constitue un déracinement complet (ATAF 2007/16 du 1er juin 2007 et les références citées). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7). L’adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d).

Sous l’angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 al. 1 CDE (cf. ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêts 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; cf. aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7).

16.         L’opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://demain.ge.ch/actualite/operatio n-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

Les critères délibérément standardisés à respecter pour pouvoir en bénéficier étaient d’avoir un emploi, d’être indépendant financièrement, de ne pas avoir de dettes, d’avoir séjourné à Genève de manière continue, sans papiers, pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires (le séjour devait être documenté), de faire preuve d’une intégration réussie (minimum niveau A2 de français) et de ne pas avoir fait l’objet de condamnations pénales (autres que pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande de permis de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

17.         Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).

18.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compéten-tes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

19.         Selon la jurisprudence, un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale au sens de l’art. 8 par. 1 CEDH pour s’opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Les relations familiales visées par l’art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu’entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. Cependant, une relation hors famille nucléaire peut tomber sous le coup de la vie familiale au sens de l’art. 8 par. 1 CEDH s’il existe un rapport de dépendance particulier entre la personne étrangère et un proche parent au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d’un handicap - physique ou mental - ou d’une maladie grave dont il souffrirait (ATF 144 II 1 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_22/2023 du 9 janvier 2024 consid. 1.2.1).

Sous l’angle étroit de la protection de la vie privée, l’art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l’étranger devant établir l’existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d’une intégration ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l’étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de présumer que les liens sociaux développés sont à ce point étroits qu’un refus de renouveler l’autorisation de séjour ou la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux. Ce « séjour légal » n’inclut pas les années de clandestinité dans le pays. Il convient du reste de ne pas encourager les personnes étrangères à vivre en Suisse sans titre de séjour et de ne pas valider indirectement des comportements tendant à mettre l’État devant le fait accompli. La présomption qu’il existe un droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans ne s’applique ainsi pas dans le cas d’une première demande d’autorisation après un séjour illégal. Cela étant, une personne ayant résidé en Suisse sans autorisation de séjour peut, à titre exceptionnel, se prévaloir d’un droit au respect de la vie privée découlant de l’art. 8 CEDH pour demeurer en Suisse, à condition qu’elle fasse état de manière défendable d’une intégration hors du commun (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/ 2024 du 16 mai 2024 consid. 4.2.1).

20.         Une décision est arbitraire lorsqu’elle contredit clairement la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu’elle heurte d’une manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3).

Il n’y a pas d’arbitraire du seul fait qu’une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_26/2024 du 3 juillet 2024 consid. 2).

21.         Après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, force est pour le tribunal de constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les recourants et leurs enfants ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, y compris sous l’angle particulier de l’opération « Papyrus » ainsi qu’ils l’ont à juste titre admis le 10 janvier 2023, étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n’est à cet égard pas suffisant, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, qui font ici défaut.

S’agissant du recourant, celui-ci réside à ce jour sur le territoire helvétique depuis près de treize ans et demi, soit une durée de séjour qui peut être qualifié de longue au sens des critères légaux et jurisprudentiels rappelés plus haut. Ce séjour s’est cependant déroulé en grande partie dans l’illégalité et se poursuit, depuis le dépôt de la demande de régularisation en octobre 2018 au bénéfice d’une simple tolérance des autorités. Or, le recourant ne saurait déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi. Il ne peut en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l’occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission. Partant, la durée de son séjour ne saurait, en soi, être considérée comme déterminante. Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne saurait par ailleurs être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle. Même s’il parvient à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et n’a jamais émargé à l’aide sociale, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Il n’apparaît en outre pas qu’il se serait particulièrement investi dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. Par ailleurs, actif dans le domaine du bâtiment, il ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays. Il n’a pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse. D’autre part, arrivé en Suisse à l’âge de 24 ans et demi, il a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. Il en maîtrise dès lors la langue ainsi que les us et coutumes ; il a d’ailleurs épousé une compatriote qui partage ces racines et ils y ont célébré leur mariage. Au vu de ces éléments, sa réintégration au Kosovo n’apparaît nullement compromise. Celle-ci devrait en outre être facilitée par les compétences linguistiques, l’expérience professionnelle acquises à Genève et l’aide qu’il pourra obtenir des membres de sa famille voire de celle de son épouse, étant noté qu’il s’est régulièrement rendu au Kosovo - la dernière fois cet été - pour leur rendre visite.

Pour sa part, la recourante serait arrivée en Suisse en 2016, de sorte que son séjour serait de huit ans, durée qui peut également être qualifié de longue. Son séjour a cependant débuté dans l’illégalité et se poursuit, depuis le dépôt de la demande de régularisation, en octobre 2018, au bénéfice d’une simple tolérance des autorités. À l’instar de son époux, la recourante ne saurait déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi et la durée de son séjour ne saurait donc, en soi, être considérée comme déterminante. Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne saurait être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle, la recourante n’exerçant aucune activité lucrative et il n’apparaît pas qu’elle se serait investie dans la vie associative ou culturelle genevoise. Arrivée en Suisse à l’âge de 25 ans, elle a également passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine et en maîtrise dès lors la langue ainsi que les us et coutumes. Au vu de ces éléments, sa réintégration au Kosovo n’apparaît nullement compromise, sachant qu’elle y possède vraisemblablement également des membres de sa famille.

Quant à D______ et C______, désormais âgés de six ans et demi et de quatre ans, ils sont encore jeunes et restent ainsi attachés dans une large mesure à leur pays d’origine par le biais de leurs parents. Si D______ est certes scolarisé à Genève depuis un peu plus de deux ans, son parcours scolaire n’est toutefois pas avancé au point qu’une rupture de ce dernier constituerait un déracinement pour lui. Aucun élément au dossier ne permet en tout cas de considérer que leur réintégration, avec leur parent, au Kosovo serait gravement compromise. Ils y retrouveront par ailleurs certainement d’autres membres de leur famille. Le tribunal tient à ajouter que le troisième enfant des recourants, qui serait né le ______ 2023 mais dont aucune pièce au dossier n’atteste l’existence, serait dans la même situation qu’C______, non scolarisé et attaché dans une large mesure à son pays d’origine par le biais de ses parents.

Dans ces circonstances, il n’apparaît nullement que les difficultés auxquelles les recourants devront faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays. Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d’admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Il convient encore de rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Les recourants ne pouvaient ignorer, au vu de leur statut précaire en Suisse, qu’ils pourraient à tout moment être amenés à devoir y mettre un terme en cas de refus de l’OCPM.

Ainsi, l’appréciation que l’autorité intimée a faite de la situation des recourants sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA apparaît parfaitement admissible. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l’OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

Au surplus, l’art. 8 CEDH n’est d’aucun secours aux recourants, ceux-ci n’ayant pas séjourné légalement en Suisse pendant au moins dix ans, ni ne pouvant se prévaloir d’une forte intégration, comme exposé ci-dessus. De plus, ils ne peuvent se prévaloir d’un droit au respect de la vie familiale puisque la mesure litigieuse n’a pas pour effet de séparer leur famille, tous les membres de celle-ci étant appelés à quitter la Suisse.

22.         Partant, l’OCPM n’a violé ni le droit constitutionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de délivrer l’autorisation de séjour sollicitée. De ce fait, la décision querellée n’est nullement arbitraire.

23.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

24.         Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier des recourants et de leurs enfants au SEM en vue de la délivrance d’autorisations de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner leur renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation. Il n’apparaît en outre pas que l’exécution de leur renvoi ne serait pas possible, serait illicite ou qu’elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

25.         Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

27.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 mars 2024 par Monsieur A______ et Madame B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs C______ et D______, contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 22 février 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière