Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1370/2024

JTAPI/789/2024 du 20.08.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI;ENFANT
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; LEI.83; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1370/2024

JTAPI/789/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 août 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ agissant en son nom et celui de sa fille mineure B______, représentées par Me Emily VILLARD, avocate, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1987, et sa fille B______, née le ______ 2014, sont ressortissantes des Philippines.

2.             Elles sont arrivées en Suisse le 2 septembre 2022.

3.             Le 13 juin 2023, Mme A______, par le biais d’un conseil, a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité en sa faveur et celle de sa fille.

A teneur de la lettre accompagnant cette demande, elles étaient venues rejoindre en Suisse Mesdames C______ et D______, titulaires d’un permis B en Suisse et respectivement mère et cousine de Mme A______, dont elles étaient très proches et qui pourraient les soutenir financièrement. Depuis leur arrivée en Suisse, elles s’étaient immédiatement intégrées, notamment au sein d’une communauté religieuse. B______ était scolarisée, avait noué des relations particulièrement étroites avec ses camarades de classe et acquis de bonnes connaissance de français. Mme A______ avait trouvé un emploi et reçu deux propositions d'emplois complémentaires. Auparavant, elle avait eu de nombreuses expériences professionnelles aux Philippines et à E______ (Emirats Arabes Unis), dans les domaines de la restauration et du service à la clientèle. Elle parlait parfaitement anglais et philippin et avait pour objectif de suivre des cours de français de manière intensive dès l'été 2023. Elle n’avait pas d’attaches aux Philippines, n’y ayant plus qu’une sœur avec laquelle elle n’avait pas de contact. Elle n’avait jamais eu de contact avec le père de sa fille, lequel vivrait et travaillerait à E______ (Emirats Arabes Unis). Sa réintégration et celle de sa fille seraient particulièrement difficile aux Philippines alors qu’elles bénéficiaient ici d'un enseignement de haute qualité, d’opportunités prometteuses et d’un soutien familial. Un refus d’autorisation les séparerait par ailleurs de leur mère, respectivement grand-mère.

Elle a joint des pièces, dont son contrat de travail, ses diplômes et son curriculum vitae duquel il ressort qu’elle est titulaire d’un bachelor en « Hotel and Restaurant management », a suivi une formation de « professional caregiving » et est au bénéfice de plusieurs années d’expériences dans les domaines de la restauration et du service à la clientèle, aux Philippines et à E______ (Emirats Arabes Unis), depuis 2008.

4.             Par courrier du 18 décembre 2023, l'OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de refuser d'accéder à sa requête et lui a accordé un délai de trente jours pour lui faire part, par écrit, de ses observations et objections éventuelles.

5.             Par courrier du 16 février 2024, Mme A______, sous la plume de son conseil, a expliqué sa relation avec son pays d’origine et les circonstances de son départ. A l’âge de 27 ans, elle avait quitté les Philippines pour les Emirats Arabes Unis, ne s’y sentant plus en sécurité, suite à une relation avec un homme influent lui faisant quotidiennement subir des violences. L’histoire s’était répétée avec le père de sa fille, aux Emirats Arabes Unis. Elle craignait de retourner aux Philippines et d’être confrontée à son ancien partenaire qui avait essayé de reprendre contact avec elle depuis qu’elle était en Suisse. B______ y serait par ailleurs considérée comme un enfant illégitime et n’y aurait aucun futur. Elle rappelait enfin leur bonne intégration et leurs liens forts, notamment avec Mme C______, qui devenait âgée et avait besoin de son soutien.

Elle a notamment joint des courriers de son employeur et de proches attestant de leur bonne intégration ainsi qu’un certificat médical du 15 février 2024 du service de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) indiquant qu’elle bénéficiait actuellement d’un suivi régulier rapproché, sans autre précision.

6.             Par décision du 5 mars 2024, annulant et remplaçant une première décision du 26 février 2024 aux fins d’octroyer un délai de départ tenant compte de la fin de l’année scolaire de B______, l’OCPM a refusé de délivrer l'autorisation de séjour requise en faveur de Mme A______ et de sa fille et a prononcé leur renvoi de Suisse, un délai au 30 juin 2024 leur étant imparti pour ce faire.

Mme A______ ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité, vu en particulier la courte durée de son séjour en Suisse, soit depuis septembre 2022, son manque d’intégration socio-professionnelle exceptionnelle, de liens particuliers avec la Suisse, ses attaches avec le pays d'origine et dès lors que sa réintégration aux Philippines n'était aucunement compromise. La durée de sa présence en Suisse devait en outre être fortement relativisée en lien avec le nombre d'années qu'elle avait passées aux Philippines. Arrivée en Suisse à l’âge de 35 ans, elle avait vécu toute son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte dans son pays d'origine ou à l’étranger.

Elle ne pouvait se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'elle ne puisse plus quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables ou à un déracinement complet. En effet, elle n'avait pas acquis de connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'elle ne pourrait plus les mettre en pratique aux Philippines. Le fait qu’elle pourrait se trouver dans une situation personnelle et économique sensiblement moins favorable que celle qu'elle avait connue en Suisse n'était pas de nature à admettre l'existence d'un cas d'extrême gravité et il n'était pas déraisonnable de considérer qu'elle pourrait y retrouver un emploi.

S’agissant de la prise en compte de l'intérêt supérieur de B______, conformément à l'art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), il convenait de retenir que celle-ci était âgée de 9 ans et au vu de la courte durée de sa présence en Suisse, son intégration n'y était pas déterminante, de sorte que sa réintégration dans le pays d'origine ne devrait pas lui poser des problèmes insurmontables.

Les intéressées ne pouvaient enfin se prévaloir de l'art. 8 CEDH, la décision querellée n’ayant pas pour conséquence de les séparer et les relations entretenues avec Mme C______ n’étant pas couvertes par cette disposition, en l’absence de relation d'interdépendance entre cette dernière et les recourantes.

7.             Par acte du 22 avril 2024, Mme A______ agissant, sous la plume de son conseil, en son nom et celui de sa fille, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) en concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en leur faveur, sous suite de frais et dépens.

La décision querellée violait son droit d'être entendu, l’OCPM n’ayant pas examiné soigneusement et sérieusement les arguments avancés dans ses déterminations du 16 février 2024, à savoir son passé aux Philippines, les violences physiques et mentales qu’elle y avait subies de la part de son ancien partenaire, sa crainte d’y retourner et d’être confrontée à ce dernier, les circonstances difficiles autour de la naissance de sa fille, le harcèlement scolaire subi par cette dernière et auquel elle risquait d'être à nouveau exposée en cas de retour aux Philippines, rendant une décision finale quasiment identique à son projet de décision du 18 décembre 2023. Dans ces circonstances, la motivation de la décision querellée était insuffisante et la décision devait être annulée.

Une violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; Cst - RS 101) était également à déplorer du fait de l’absence d’analyse concrète de leur situation et du prononcé d’une décision de portée générale.

C’était au surplus à tort que l’OCPM avait considéré que les conditions de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas remplies. A cet égard, la breveté de leur séjour devait être relativisée au vu de leur intégration particulièrement marquée, de leurs fortes attaches en Suisse et dès lors que leur réintégration aux Philippines était impossible.

L’OCPM avait enfin violé l’art. 8 CEDH en ne tenant pas compte de leurs liens personnels particulièrement étroits avec la Suisse et Mme C______, qui y était domiciliée, et, à l’inverse, de l’absence de liens avec les Philippines où elles ne seraient pas en sécurité et où elles avaient vécu de évènements traumatisants.

Elle a joint un chargé de pièces.

8.             Le 19 juin 2024, l'OCPM a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations il a conclu au rejet du recours.

Les arguments de la recourante n'étaient pas de nature à modifier sa position.

La durée de séjour des intéressées en Suisse était courte et de ce seul fait, à ce jour, leur processus d'intégration socio-économique ne pouvait pas être considéré comme particulièrement avancé, ni leur lien avec la Suisse comme très étroit, bien qu'y vivaient deux membres de leur famille.

Pour le surplus, au vu de la formation et des expériences professionnelles acquises par la recourante, âgée de 37 ans et en bonne santé, sa réinstallation, avec sa fille, aux Philippines n'apparaissait pas fortement compromise, malgré les circonstances ayant conduit à son départ de son pays d’origine. A cet égard, aucun élément au dossier n’indiquait qu’elle ne pourrait pas y bénéficier de la protection de son Etat national, par exemple. Quoi qu'il en était, cet élément n'était pas en soi suffisant pour l'exempter du nombre maximum d'étrangers fixés par la Confédération. Sa fille n’avait pas encore atteint l'âge de l'adolescence et restait donc encore étroitement liée à sa mère, en ce qui concernait l'identification sociale. Bien que scolarisée et socialement intégrée, son retour aux Philippines ne constituait pas un déracinement important vis-à-vis de la Suisse. Elle devrait ainsi y trouver ses repères, après une période d’adaptation.

Enfin, sous l’angle de l’art. 8 CEDH, aucun lien de dépendance entre Mme A______ et sa mère n’était démontré.

9.             Par réplique du 15 juillet 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités). En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3 ; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.3.1).

6.             Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

7.             Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante reproche à l'OCPM de n'avoir pas tenu compte des arguments contenus dans ses observations du 16 février 2024. Elle se plaint ainsi d'une violation de son droit d'être entendu, pour défaut de motivation de la décision querellée.

8.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

9.             Le droit à obtenir une décision motivée résulte également du droit d'être entendu. L’autorité doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). Elle n’a toutefois pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 3).

10.         La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, n’est possible que lorsque l’autorité dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2). Elle dépend toutefois de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception. Elle peut cependant se justifier en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

11.         En l'espèce, la décision litigieuse mentionne les bases légales applicables et énonce les motifs pour lesquels l'OCPM n'a pas fait droit à la requête de la recourante. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence susmentionnée, l'OCPM n’avait pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les moyens invoqués par la recourante dans ses déterminations. Au demeurant, cette dernière a fait valoir ces mêmes moyens dans son recours, de sorte qu’une éventuelle violation de son droit d’être entendu sous l’angle d’une absence de motivation aurait été réparée dans le cadre de la présente procédure et que le renvoi de la cause à l’autorité intimée constituerait une vaine formalité.

Ce grief sera dès lors écarté.

12.         La recourante conteste l’application faite par l’OCPM, des critères de reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité. Elle invoque également la violation du principe de l’égalité de traitement en l’absence d’analyse concrète de sa situation.

13.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Sénégal.

14.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L’art. 31 al. 1 OASA dans sa teneur en vigueur lors du dépôt de la demande, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant (let. a); b. du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b); de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c); de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d) ; de la durée de la présence en Suisse (let. e) ; f. de l’état de santé (let. f) ; g. des possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

15.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. La reconnaissance d’une situation d’extrême gravité n’implique pas forcément que la présence de l’étranger en Suisse constitue l’unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il s’y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d’extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l’intéressé avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et références citées).

16.         Ainsi, l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

17.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées).

S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine, comme pourrait l’être une formation dans l’horlogerie par exemple (ATA/526/2021 du 18 mai 2021), ou il doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et références citées).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2). La durée du séjour (légal ou non) est, ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée. Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Le Tribunal fédéral a considéré que l'on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les années passées sur le territoire suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

Lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

18.         Il ne faut enfin pas perdre de vue qu’il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3).

Cela étant, le fait de travailler pour ne pas dépendre de l’aide sociale, d’éviter de commettre des actes répréhensibles et de s’efforcer d’apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s’agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant, à elles seules, de retenir l’existence d’une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d’un cas de rigueur (cf. Blaise VUILLE/Claudine SCHENK, L’article 14 alinéa 2 de la loi sur l’asile et la notion d’intégration, in: Cesla AMARELLE [éd.], Pratiques en droit des migrations, L’intégration des étrangers à l’épreuve du droit suisse, 2012, p. 122s).

19.         Lorsqu’il y a lieu d'examiner la situation d'une famille sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global. Le sort de la famille formera en général un tout. Il serait en effet difficile d'admettre le cas d'extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi le problème des enfants est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ce n'est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une appréciation d'ensemble, tenant compte de tous les membres de la famille. Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu'il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure rattaché à son pays d'origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour au pays d'origine constitue un déracinement complet (ATAF 2007/16 du 1er juin 2007 et les références citées).

20.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

21.         Aux termes de l’art. 8 al. 1 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1).

22.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la recourante et sa fille ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

S’agissant tout d’abord de la durée du séjour, la recourante est arrivée en Suisse avec sa fille, selon ses propres déclarations, en septembre 2022. Elles y séjournent ainsi depuis moins de deux ans, ce qui ne représente pas une longue durée de présence. De surcroît, elles n’ont jamais été titulaires d’un titre de séjour, bénéficiant uniquement, depuis le dépôt de leur demande, d’une tolérance de la part des autorités.

La recourante ne peut pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée. Même si elle parvient à subvenir aux besoins de sa famille, n’a jamais émargé à l’aide sociale et ne fait l’objet d’aucune condamnation, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Active dans l’économie domestique et même si son travail est apprécié par son employeur, elle ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’elle ne pourrait les utiliser dans sa patrie. Elle n’a pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse. Pour le surplus, arrivée en Suisse à l’âge de 35 ans, la recourante a passé toute son enfance et son adolescence, périodes décisives pour la formation de la personnalité, ainsi qu’une partie de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. Elle en maîtrise la langue ainsi que les us et coutumes. Dans ces circonstances, sa réintégration aux Philippines, où elle a travaillé durant de nombreuses années dans le domaine de la restauration et du service à la clientèle et où elle pourra également faire valoir les compétences professionnelles et linguistiques acquises en Suisse, ne parait pas gravement compromise en soi, étant relevé qu’elle est encore jeune et en bonne santé. En tout état, rien n’indique que les difficultés auxquelles elle pourrait faire face en cas de retour dans son pays seraient plus lourdes que celles que rencontrent d’autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d’origine au terme d’un séjour régulier en Suisse, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que la recourante n’a pas établi. Elle devrait au surplus pouvoir compter sur le soutien, à tout le moins financier, de sa mère. Il faut enfin rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, la recourante ne pouvait à aucun moment ignorer qu’elle risquait d’être renvoyée dans son pays d’origine.

Quant à sa fille, âgée désormais de 10 ans, elle est scolarisée à Genève mais n’a pas encore atteint un degré scolaire particulièrement élevé. Les connaissances qu’elle a acquises sont avant tout d’ordre général et lui seront donc profitables pour la suite de sa scolarité ailleurs qu’en Suisse. Si son retour aux Philippines nécessitera certainement un effort d’adaptation, il ne faut pas perdre de vue qu’elle sera accompagnée de sa mère. Sa réintégration dans son pays d’origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie et effectué le début de sa scolarité, paraît ainsi possible.

Enfin si les craintes de la recourante en lien avec le harcèlement que sa fille aurait subi aux Philippines sont à prendre au sérieux, les vagues explications qu’elle fournit à ce sujet ne permettent pas de confirmer la réalité des risques allégués, qui restent à ce stade purement hypothétiques. Il n’en va pas différemment des craintes en lien avec les violences dont elle aurait été victime et du risque de représailles de la part de son ancien compagnon, nullement étayées.

Au vu de ces circonstances, l'appréciation que l'autorité intimée a faite de la situation de la recourante et de sa fille sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEI, 31 et 32 al. 1 let. d OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire. Il découle de ce qui précède qu’aucune violation du principe de l’égalité de traitement ne saurait non plus être retenue.

23.         La recourante se prévaut de l’art. 8 CEDH au motif de ses liens très étroits avec sa mère. Elle expose également que cette dernière devient âgée et a besoin de son soutien.

24.         L’art. 8 par. 1 CEDH peut être invoqué par un ressortissant étranger pour s’opposer à une séparation d’avec sa famille et obtenir une autorisation de séjour en Suisse à la condition qu’il entretienne des relations étroites, effectives et intactes avec un membre de celle-ci disposant d’un droit de présence assuré en Suisse, ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse ou qu’il soit au bénéfice d’une autorisation d’établissement ou d’un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1).

Les relations familiales qui, sous cet angle, peuvent fonder un droit à une autorisation de police des étrangers sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux, ainsi qu’entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.4).

Le Tribunal fédéral admet aussi qu’un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l’art. 8 par. 1 CEDH s’il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d’établissement), par exemple en raison d’une maladie grave ou d’un handicap les empêchant de gagner leur vie et de vivre de manière autonome (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2022 du 26 janvier 2022 consid. 4.2). Tel est notamment le cas si la personne dépendante nécessite un soutien de longue durée en raison de graves problèmes de santé et que ses besoins ne seraient pas convenablement assurés sans la présence en Suisse de l’étranger qui sollicite une autorisation de séjour (arrêt du Tribunal fédéral 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1). L’extension de la protection de l’art. 8 CEDH aux ressortissants étrangers majeurs suppose l’existence d’un lien de dépendance comparable à celui qui unit les parents à leurs enfants mineurs. Le handicap ou la maladie grave doivent nécessiter une présence, une surveillance, des soins et une attention que seuls les proches parents sont généralement susceptibles d’assumer et de prodiguer (arrêts du Tribunal fédéral 2C_614/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.1 ; 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.1 ; 2D_7/2013 du 30 mai 2013 consid. 7.1 ; 2C_194/2007 du 12  juillet 2007 consid. 2.2.2). Des difficultés économiques ou d’autres problèmes d’organisation ne sauraient être assimilés à un handicap ou une maladie grave rendant irremplaçable l’assistance de proches parents et ne fondent donc pas un droit à se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour obtenir le droit de séjourner en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral cf. arrêts 2C_155/2019 du 14 mars 2020 consid. 7.5 et les références citées). Le Tribunal administratif fédéral a rappelé qu’en cas d’effet miroir, le lien de dépendance devait atteindre un degré d’intensité qualifié que seules justifiaient des circonstances tout à fait particulières (arrêt D-1613/2015 du 3 juin 2015, consid. 5.2.3).

Enfin, sous l’angle de l’art. 8 CEDH, lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance - par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont en revanche pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3).

25.         En l’espèce, la recourante et sa fille ne peuvent pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH, dès lors que leur relation avec Mme C______ n’est pas protégée par cette disposition, sauf à démontrer qu’elles se trouveraient dans un état de dépendance, tel que défini par la jurisprudence, ce qui n’est manifestement pas le cas ici, et ce aussi compréhensible que soit leur souhait de pouvoir rester en Suisse auprès de leur mère, respectivement grand-mère.

Enfin, séjournant depuis moins de deux ans en Suisse et ne pouvant se prévaloir d’une forte intégration, tant sur le plan professionnel que social, la recourante et sa fille ne peuvent pas plus se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour résider en Suisse, en raison de leur propre situation.

26.         Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2).

Elles ne disposent à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10).

27.         En l'occurrence, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour à la recourante et sa fille, l'OCPM devait en soi ordonner leur renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI.

28.         Reste toutefois à déterminer si l'exécution de cette mesure est possible, licite et peut être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 al. 4 LEI, au vu des problématiques dont la recourante se prévaut.

29.         L’exécution du renvoi n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l’un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI), ce qui est en particulier le cas lorsque l'étranger est exposé à un véritable risque concret et sérieux d'être victime, en cas de retour dans son pays, de traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH ; sur cette question, cf. ATAF 2011/24 consid. 10.4.1). L'exécution du renvoi n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement la personne en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

30.         En l’espèce, la recourante fait valoir qu’un renvoi aux Philippines est impossible dès lors qu’elle et sa fille y ont vécu des événements traumatisants (violences domestiques et harcèlement) et n’y seraient pas en sécurité. Sa fille, considérée comme un enfant illégitime, n’y aurait aucun futur. Hormis un certificat médical particulièrement laconique, aucune pièce ne vient étayer ces allégués. Partant et sans minimiser les craintes de la recourante de se retrouver dans une situation manifestement plus compliquée qu’en Suisse une fois de retour dans son pays d’origine, le tribunal doit constater que celle-ci n’a ni démontré ni rendu vraisemblable l’existence d’une mise en danger concrète pour elle-même et sa fille en cas de renvoi aux Philippines, étant rappelé que des allégués d'ordre général ne sauraient suffire pour surseoir à l'exécution du renvoi.

Il résulte de ce qui précède que l'exécution du renvoi de la recourante apparaît licite, possible et raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEI.

31.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

32.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

33.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

34.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par Madame A______, agissant en son nom et celui de sa fille mineure B______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 5 mars 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière