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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1656/2024

JTAPI/471/2024 du 17.05.2024 ( MC ) , CONFIRME

REJETE par ATA/660/2024

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.75.al1; LEI.75.al2; LEI.64c
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1656/2024 MC

JTAPI/471/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1974, est ressortissant du Sénégal.

2.             Après son entrée en Suisse, le 13 novembre 2001, il s'est vu octroyer une autorisation de séjour (permis B) prolongée jusqu'au 30 septembre 2009.

3.             Le 1er septembre 2012, il a quitté la Suisse à destination du Sénégal.

4.             Revenu en Suisse le 12 mai 2022, il s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) le 25 avril 2022, valable jusqu'au 24 avril 2025.

5.             Le 14 mai 2024, l'intéressé, en possession d'une autorisation de séjour italienne de type "PERMESSO DI SOGGIORNO" avec la remarque "LAVORO" échu, a été contrôlé à la frontière de Moillesulaz par les agents de l'office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières lesquels ont constaté que l'intéressé avait violé son interdiction d'entrer en Suisse.

6.             Entendu dans les locaux de la police le même jour, l'intéressé a déclaré vivre à B______ (France) où il donnait des cours de mathématique et chimie, être venu en Suisse le jour de son interpellation, se savoir faire l'objet d'une interdiction d’entrée mais avoir pensé qu'elle n'était plus valable. Démuni de moyens de subsistance, il n’avait aucune attache en Suisse. Il ne fréquentait pas cousins qui y vivaient.

7.             Le 15 mai 2024, il a été condamné par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis, délai d’épreuve 3 ans, pour infraction à l'art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

8.             Le même jour, les services de police ont entamé la procédure de réadmission de M. A______ en Italie, conformément à l'Accord entre la Confédération suisse et la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (RS:0.142.114.549).

9.             Le 15 mai 2024, à 15h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre semaines. A réception d’une réponse affirmative des autorités italiennes, il ferait l'objet d'un renvoi sans décision formelle, conformément à l'art. 64c LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en Italie et était en bonne santé.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

11.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré être d'accord de retourner en Italie. Il avait vécu en Suisse de 2001 à 2012 et avait fait ses études à l'C______. Il avait beaucoup d'amis en Suisse et à B______ (France). Il vivait à D______ en Italie. S'il était revenu en Suisse malgré l'interdiction d'entrée prise à son encontre, c'est car il n'était pas au courant qu'elle était toujours valable. A la base, il se trouvait à B______ (France) et s'était dit qu'il allait en profiter pour aller voir des amis à Genève. Il travaillait comme aide-maçon en Italie et gagnait environ EUR 1'500.- par mois. Son fils vivait au Sénégal. Il vivait seul en Italie. Il était censé rentrer en Italie dimanche 19 mai pour arriver le 20 mai. Il était en possession d'un billet de bus, sous format e-ticket, et devait travailler le 27 mai 2024. Le 9 février 2024, il avait sollicité la prolongation de son permis de séjour italien et il en attendait la délivrance. Il n'envisageait pas de retourner au Sénégal. Il vivait en Italie depuis 2014 et son permis avait toujours été renouvelé.

Le représentant du commissaire de police a indiqué que ne pas avoir reçu de réponse de la part des autorités italiennes et que cela prenait environ dix jours. Si les autorités italiennes refusaient la réadmission de M. A______, l'OCPM devrait rendre une décision formelle de renvoi à son encontre avant d'entamer les démarches pour un renvoi vers le Sénégal, notamment en obtenant un laissez-passer. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre semaines

Le conseil de l'intéressé a conclu à la levée immédiate de la détention de son client.

Avec l'identifiant et le mot de passe Hotmail de M. A______, le tribunal a ouvert la boîte mail de ce dernier. Avec son concours, il n'a pas été possible de retrouver le ticket de bus pour C______, Italie, pour un voyage le 19 mai 2024.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 15 mai 2024 à 12h00.

3.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.            Conformément à l'art. 75 al. 1 LEI, afin d'assurer l'exécution d'une procédure de renvoi, l'autorité cantonale compétente peut ordonner la détention pendant la préparation de la décision sur le séjour, pour une durée de six mois au plus, d'un étranger qui n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement, lorsque celui-ci franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyé immédiatement (let. c).

5.            L’autorité compétente prend sans délai une décision quant au droit de séjour de la personne mise en détention (art. 75 al. 2 LEI).

6.            Cette obligation est, s'agissant de la détention en phase préparatoire, substantiellement équivalente à celle instituée par l'art. 76 al. 4 LEI (obligation de diligence et de célérité) sous l'angle de la détention en vue du renvoi, de sorte que les principes dégagés par la jurisprudence en lien avec cette disposition, dans la mesure où ils sont pertinents, doivent aussi trouver application, la violation de l'art. 75 al. 2 LEI, soit un retard non justifié dans la prise de décision de renvoi, conduisant en principe à la libération de l'étranger ; en effet, même si l'art. 75 al. 1 LEI prévoit que la détention en phase préparatoire peut durer six mois, il n'en demeure pas moins que la question de la présence en Suisse de l'étranger doit être clarifiée sans délai (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 37 p. 773 ; Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], 2010, n° 24 et 26 ad art. 75 al. 2 ; cf. aussi ATF 139 I 206 consid. 2.4 = RDAF 2014 I 445, p. 446 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.424/2006 du 27 juillet 2006 consid. 4.1 ; 2A.581/2006 du 18 octobre 2006).

7.            Une fois que la décision statuant sur le séjour d'un étranger détenu sur la base de l'un des motifs prévus par l'art. 75 LEI a été prise, la détention doit, le cas échéant, être convertie en détention en vue du renvoi aux conditions de l'art. 76 al. 1 let. a LEI (cf. ATF 125 II 377 consid. 2b), sans qu'il soit nécessaire de libérer l'étranger dans l'intervalle. Il faut cependant que la détention en vue du renvoi fasse l'objet d'une décision, laquelle est soumise à un contrôle judiciaire (cf. ATF 121 II 105 consid. 2a et b ; cf. aussi ATF 127 II 174 consid. 2b ; 125 II 377 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2.1 ; ATA/671/2015 du 23 juin 2015 ; ATA/355/2014 du 14 mai 2014 ; ATA/85/2012 du 10 février 2012), étant rappelé que les différentes formes de détention peuvent être combinées pour autant que la durée totale de celle-ci ne dépasse pas la durée maximale prévue par la loi (cf. not. ATA/85/2012 du 10 février 2012 consid. 6).

8.            En l'occurrence, une décision est en préparation sur le séjour de M. A______, lequel n'est titulaire d'aucune autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement en Suisse. De plus, l’intéressé fait l’objet d’une interdiction d’entrer en Suisse jusqu’au 24 avril 2025, valablement notifiée, ce qui ne l’a pas empêché d’y revenir le 14 mai 2024, soit durant la période prohibée.

9.            A réception de la réponse affirmative des autorités italiennes, l’intéressé fera l'objet d'un renvoi sans décision formelle conformément à l'art. 64c LEI. En cas de rejet de la demande de réadmission il fera en revanche l'objet d'une décision de renvoi de Suisse à destination du Sénégal, conformément à l'art. 64 al. 1 LEI et les démarches en vue d'un renvoi au Sénégal seraient entamées.

10.        Dans ces conditions, sa mise en détention administrative se justifie pleinement. S'agissant du principe de la proportionnalité, on ne voit pas quelle autre mesure serait apte à assurer le renvoi de l'intéressé, ce dernier n'était pas en possession d'un ticket de bus à destination de l'Italie pour le 19 mai 2024 comme il le prétend et son titre de séjour italien est échu.

11.        Par ailleurs, ayant sans attendre entrepris les démarches nécessaires en vue de sa réadmission en Italie, la police a respecté son obligation de diligence et célérité.

12.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour la durée de quatre semaines requise, laquelle n'apparaît pas d'emblée inadéquate ou excessive au vu des démarches encore à entreprendre. Néanmoins, il y a tout lieu de penser que l'exécution de son renvoi pourra avoir lieu avant cette échéance.

13.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 15 mai 2024 à 15h15 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre semaines, soit jusqu'au 11 juin 2024 ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière