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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2424/2021

JTAPI/65/2022 du 24.01.2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION SUR OPPOSITION;OBSERVATION DU DÉLAI;EMPÊCHEMENT NON FAUTIF;NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE;ATTEINTE À LA SANTÉ
Normes : LIFD.132.al1; LPFisc.39.al1; LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2424/2021 ICC/IFD

JTAPI/65/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 janvier 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Geneviève CARRON, avocate, avec élection de domicile

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2019 d’A______ SA.

2.             À teneur du registre du commerce genevois, cette société est, depuis sa fondation, le ______ 1996, sise 1______, rue B______ et a pour unique administrateur Monsieur C______.

3.             Tous les courriers adressés à la contribuable par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) concernant l’affaire en cause ont été envoyés à l’adresse précitée.

4.             Le 13 janvier 2021, l’AFC-GE a rappelé à la contribuable qu’elle n’avait pas déposé sa déclaration fiscale 2019 dans le délai utile et l’a invitée à le faire sans attendre.

5.             Le 24 février 2021, faute de réponse de la contribuable, l’AFC-GE lui a imparti un délai au 8 mars 2021 pour déposer sa déclaration fiscale 2019, sous peine de taxation d’office. L’AFC-GE a attiré son attention sur le fait qu’elle s’exposerait à une amende en cas de non-respect de cette obligation.

Ce pli recommandé, non retiré, a été retourné à l’AFC-GE.

6.             Par bordereaux du 12 avril 2021, l’AFC-GE a taxé d’office la contribuable, arrêtant son bénéfice et capital propre imposables aux montants de CHF 89’079.- et CHF 424’283.-. Elle lui a par ailleurs infligé deux amendes, une de CHF 300.- en ICC et une autre de CHF 200.- en IFD.

7.             Le 4 juin 2021, la contribuable a formé réclamation contre ces bordereaux et a déposé sa déclaration fiscale pour la période 2019. Elle s’est excusée pour ne pas avoir réussi à déposer sa déclaration fiscale dans les délais fixés, expliquant que les raisons de son retard étaient la maladie (Parkinson) de son administrateur, l’urgence et la nécessité de mettre en place la fermeture du bureau ainsi que la pandémie.

Dans cette réclamation, la contribuable a indiqué comme nouvelle adresse, depuis le ______ 2020, le chemin D______ 2______, à E______ ; il s’agit du domicile privé de l’administrateur.

8.             Par décisions du 17 juin 2021, l’AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable, motif pris de sa tardiveté.

9.             Par actes du 14 juillet 2021, la contribuable a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à la recevabilité de sa réclamation du 4 juin 2021 et ce que l’AFC-GE procède à la révision des taxations d’office du 12 avril 2021.

La maladie dégénérative des cellules nerveuses de son administrateur apparue en 2019, laquelle ralentissait tous les processus de la personne, avait nécessité la fermeture du bureau d’architecture et la cessation de toutes les activités avec les difficultés en découlant. Les perturbations dues au Covid-19 s’étaient ajoutées à cette situation. Les remaniements avaient été faits dans l’urgence et malgré le fait les efforts déployés, un dépassement de délai pour la remise de la déclaration fiscale 2019 avait eu lieu, alors que la recourante n’avait jamais eu de problèmes avec le fisc auparavant. L’écart entre les montants effectifs de l’exercice 2019 et les montants taxés d’office était considérable et représentait un fardeau difficile à absorber dans la configuration actuelle.

Dans ces écritures, la recourante a indiqué en tant qu’ancienne adresse la rue B______ 1______ et, pour nouvelle adresse depuis le ______ 2020, le chemin D______ 2______, à E______.

10.         Dans sa réponse du 16 septembre 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La taxation d’office avait été effectuée à juste titre, la recourante n’ayant pas remis sa déclaration fiscale dans les délais utiles.

La réclamation n’ayant pas été déposée dans le délai légal de trente jours, fait reconnu par la recourante, celle-ci devait être considérée comme tardive. À cet égard, la recourante ne faisait pas valoir de motif justificatif qui l’aurait empêché de déposer sa réclamation en temps utile. Le délai fixé au 30 mars 2020 pour le dépôt de la déclaration fiscale 2019 avait été automatiquement repoussé au 2 juin 2020 en raison de la pandémie. Par la suite, la recourante avait demandé trois prolongations de délai qui lui avaient été accordées, soit jusqu’au 31 octobre 2020. Sans nouvelle demande de prolongation ou dépôt de la déclaration fiscale, l’AFC-GE avait adressé un rappel et une sommation. En outre, la recourante n’avait produit aucune pièce (par exemple un certificat médical) attestant du fait que son administrateur aurait été malade et que sa maladie était de nature à l’empêcher effectivement d’agir ou de recourir aux services d’un tiers. Enfin, les conditions d’une révision ou d’une reconsidération n’étaient pas réalisées.

11.         Par réplique du 12 octobre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Après avoir relevé des erreurs de plume de la réponse de l’AFC-GE, elle a déclaré n’avoir reçu ni le pli simple du 13 janvier 2021, ni le pli recommandé du 24 février 2021, alors que le changement d’adresse avait été dûment fait à la poste lors de la fermeture de ses locaux. Ces courriers non reçus ou non distribués ne pouvaient être dus qu'à des faits extérieurs, qui ne sauraient lui être imputables.

Son état financier avait subi des modifications notables, à la baisse. Elle priait le tribunal de bien vouloir prendre en considération ces faits nouveaux.

12.         Le même jour, le conseil de la recourante, constitué la veille, a prié le tribunal de lui accorder un délai supplémentaire pour compléter la réplique.

13.         Le 2 novembre 2021, sous la plume de son conseil, la recourante a complété sa réplique. Elle a conclu à l’annulation des bordereaux de taxation ICC/IFD du 12 avril 2021 et à ce que l’AFC-GE procède à une reconsidération, voire à une révision de ses décisions du 17 juin 2021.

À teneur de l’attestation médicale établie le 22 octobre 2021 par le Dr Jacques BUBAS, son administrateur était traité pour une maladie de Parkinson. Ce médecin avait précisé que « cette affection, neurodégénérative progressive, affecte toutes les activités quotidiennes, physiques et mentales » et spécifié que « depuis plusieurs mois, particulièrement dès 2021, les difficultés vont croissantes (tremblements, rigidité, problème d’écriture, difficultés majeures à la marche, perte des réflexes de posture, lenteur des mouvements, chutes accidentelles, etc.). (...) S’ajoutent une fatigue importante, des difficultés de concentration et de mémoire, une lenteur d’idéation et un état anxio-dépressif ». Pour ce médecin, « l’affection neurologique et ses répercussions physiques et psychologiques constituent donc un handicap qui ont empêché Monsieur C______ de donner suite en temps voulu aux demandes de l’Administration fiscale ».

Ainsi, dès le début 2021, l’état de santé de son administrateur ne lui permettait pas d’assurer le suivi administratif de ses affaires, et notamment de donner suite aux demandes de l’AFC-GE. De plus, la déclaration fiscale 2019 comprenait toute la comptabilité de l’activité indépendante et son handicap ne permettait pas à son administrateur d’établir ou de vérifier les comptes, même avec le soutien d’une fiduciaire puisqu’il était le seul en mesure de s’assurer que les comptes étaient corrects, de sorte à les valider, sinon au prix d’un effort conséquent qu’il ne pouvait suivre sur la durée. Ces démarches s’inscrivaient de plus dans un contexte fort difficile, la péjoration de l’état de santé de son administrateur impliquant, pratiquement du jour au lendemain, la cessation de l’activité d’architecte indépendant. À ce jour, celui-ci n’avait toujours pas été en mesure de liquider la recourante. Son seul tort avait été de ne pas avoir pensé à solliciter un certificat médical lors du dépôt de la réclamation et de la déclaration fiscale 2019.

Il lui était reproché de ne pas avoir contesté avoir reçu les courriers des 13 janvier 2021 et 24 février 2021. Toutefois, son administrateur, en toute bonne foi, affirmait ne pas avoir eu connaissance de ces plis, n’étant alors déjà plus en mesure ni de se rendre dans les locaux où il exerçait son activité professionnelle ni de prendre toutes les mesures utiles pour s’assurer d’un suivi administratif sans failles. Il devait agir dans l’urgence, sans être en mesure, de par sa maladie, de vérifier et suivre l’ensemble des démarches en lien avec la société.

14.         Par duplique du 15 novembre 2021, l’AFC-GE a persisté intégralement dans ses considérants et les conclusions de sa réponse.

Il résultait du suivi des envois établi par la poste que le courrier recommandé du 24 février 2021 avait été correctement acheminé à l’adresse de la recourante, qui correspondait par ailleurs à celle indiquée dans l’acte de recours. Dès lors, le pli était présumé être arrivé dans sa sphère de puissance et il lui appartenait dès lors de démontrer qu’elle n’avait pas reçu ce courrier suite à une erreur de notification, ce qui n’a pas été le cas.

Au demeurant, la recourante, qui avait été en mesure de procéder à plusieurs demandes de prolongation de délai pour la remise de la déclaration fiscale 2019, aurait pu en faire de même par la suite. Bien que son administrateur souffrait de la maladie de Parkinson, il ressortait toutefois de son site internet que l’équipe de la société était notamment constituée d’une personne en charge du secrétariat et de l’administration. En outre, l’administrateur de la recourante avait consulté un mandataire dans le cadre de la procédure interjetée auprès du tribunal. Sa maladie n’était donc pas de nature à l’empêcher de requérir l’aide d’une tierce personne.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Lorsque la décision sur réclamation est une décision d’irrecevabilité, seule la question de la non-entrée en matière peut faire l’objet du recours, mais non pas la taxation en tant que telle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 1.2 ; 2C_176/2012 du 18 octobre 2012 consid. 1.3).

4.             En l’occurrence, les décisions sur réclamation du 17 juin 2021 sont des décisions d’irrecevabilité, de sorte que le pouvoir d’examen du tribunal se limite à la question de savoir si c’est à juste titre que l’AFC-GE n’est pas entrée en matière sur la réclamation.

5.             À teneur des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l’autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l’autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l’étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard. Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié officiel, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 133 al. 1 LIFD et 41 al. 1 LPFisc).

6.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/614/2021 du 8 juin 2021 consid. 4a). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 8b).

Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d’égalité de traitement et d’intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l’irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d’un délai n’est en principe pas constitutive d’un formalisme excessif prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2015 du 12 novembre 2015 consid. 2.3 ; ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 8b).

7.             Selon l’art. 46 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable dans la mesure où la LPFisc n’y déroge pas (art. 2 al. 2 LPFisc), les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit. Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

L’art 19 LPFisc, qui traite de la notification des décisions en matière d’ICC, ne déroge pas à ce principe s’agissant de leur notification à un contribuable domicilié dans le canton de Genève. Il en va de même de l’art. 116 al. 1 LIFD en matière d’IFD. Une règle identique à celle de l’art. 47 LPA existe à l’art. 38 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021).

8.             S’agissant d’un acte soumis à réception, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée faite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (ATA/1220/2021 du 16 novembre 2021 consid. 9b). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). Autrement dit, la prise de connaissance effective de l’envoi ne joue pas de rôle sur la détermination du dies a quo du délai de recours (arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2018 du 7 mars 2019 consid. 7.2.1).

De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d’une décision et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi, dont la bonne foi est présumée (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.1 ; 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2 et les références).

Comme toutes les règles sur le fardeau de la preuve, cette jurisprudence tend en particulier à régir les conséquences d’une absence de preuve ; elle ne permet cependant pas au juge d’occulter les éléments propres à établir le fait pertinent pour trancher en défaveur de la partie qui avait la charge de la preuve (ATF 114 II 289 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4, non publié in ATF 134 II 186 ; ATA/296/2017 du 14 mars 2017 consid. 10).

9.             Lorsque le destinataire d’un envoi recommandé n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, cet envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas lieu dans le délai de garde de sept jours, il est réputé notifié le dernier jour de ce délai (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/ 2011 du 26 mai 2011).

En cas de courrier recommandé, il y a présomption naturelle que le pli a bien été distribué au destinataire. Le suivi « Track & Trace » de la poste ne prouve pas directement que l’envoi a effectivement atteint la sphère d’influence du destinataire, mais simplement que le bureau de poste a effectué une inscription correspondante dans son système d’enregistrement On peut cependant conclure de cette inscription que l’objet a été placé dans la boîte aux lettres ou la boîte postale du destinataire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2018 du 18 janvier 2019 consid. 2.2.2 et 2C_16/2019 du 10 janvier 2019 consid 3.2.2).

Une erreur dans la notification, laquelle ne peut jamais être exclue, ne suffit pas en soi à renverser la présomption susmentionnée, il doit pour ce faire y avoir des indices concrets d’une erreur. Cette présomption de notification peut ainsi être renversée par le destinataire qui doit démontrer en quoi une notification incorrecte est plausible au vu des circonstances. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1059/2018 du 18 janvier 2019 consid. 2.2.2).

10.         Il existe une présomption d’exactitude de faits se trouvant dans un registre public (art. 9 al. 1 CC du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). Il est cependant possible de renverser cette présomption (arrêt du Tribunal fédéral 1C_ 1/2015 du 10 août 2015 consid. 2.3).

11.         Il appartient à l’administré qui réclame ou qui recourt d’établir qu’il l’a fait dans le respect du délai légal (ATA/899/2015 du 1er septembre 2015 ; cf. aussi Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n° 2.2.6.7 p. 304).

12.         En l’espèce, il ressort des éléments au dossier que l’AFC-GE a adressé le pli recommandé du 24 février 2021 et les bordereaux du 12 avril 2021 à l’adresse de la recourante mentionnée dans le registre du commerce, présumée correcte. Cette notification est ainsi conforme aux exigences des art. 19 LPFisc et 46 al. 2 LPA comme à celles de l’art. 116 al. 1 LIFD.

S’agissant de la sommation du 24 février 2021, il résulte du suivi « Track and Trace » de la poste que la recourante a reçu l’avis de retrait du pli recommandé dans sa boîte aux lettres le 25 février 2021, que ce pli recommandé est arrivé à l’office de retrait ou de distribution le lendemain et qu’il y est demeuré jusqu’au 5 mars 2021. Le délai légal de trente jours pour faire recours, non prolongeable, a ainsi commencé à courir le 6 mars 2021 et a expiré le mardi 6 avril 2021, Pâques étant un dimanche et le lundi de Pâques étant un jour férié officiel. La recourante a soutenu ne pas l’avoir reçu, puis a allégué que son administrateur n’en a pas eu connaissance du fait qu’il n’était plus en mesure de se rendre au bureau ni de prendre toutes les mesures utiles pour s’assurer du suivi administratif. Ce faisant, la recourante n’exprime aucunement qu’elle a été victime d’une erreur de notification par voie postale. A fortiori, elle n’indique aucun élément étayant une telle hypothèse, étant rappelé que l’AFC-GE a adressé le pli recommandé du 24 février 2021 à l’adresse officielle de la recourante. À la lumière de ces éléments, on comprend que l’administrateur n’a effectivement jamais dû avoir en ses mains la sommation précitée, mais cela ne signifie pas qu’elle ne soit entrée dans sa sphère de puissance. Partant, ayant été dûment sommée de déposer sa déclaration fiscale 2019 et ne l’ayant pas fait, c’est à juste titre que l’AFC-GE a procédé à une taxation d’office.

S’agissant des bordereaux de taxation du 12 avril 2021, il convient d’effectuer le même raisonnement que ci-dessus. En outre, la recourante n’a pas contesté avoir reçu la décision peu de temps après sa date d’expédition, ni n’a allégué ne l’avoir jamais reçue, contrairement à ses allégations relatives aux pli simple du 13 janvier 2021 et pli recommandé du 24 février 2021, de sorte qu’il faut admettre que ces bordereaux ont été réceptionnés quelques jours après leur expédition.

Partant, la tardiveté de la réclamation ne peut qu’être confirmée.

13.         Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les trente jours après la fin de l’empêchement.

14.         Les conditions pour admettre un empêchement d’agir dans le respect des délais légaux sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (ATF 119 II 86 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées ; ATA/463/2018 du 8 mai 2018). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’une personne avisée (ATA/463/2018 du 8 mai 2018).

15.         Les cas de force majeure, soit les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible, demeurent aussi réservés (ATA/286/2020 du 10 mars 2020). Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/463/2018 du 8 mai 2018).

Par exemple, le seul état de santé déficient au moment de la notification de la décision est insuffisant, de même qu’une dépression importante. Même le cas d’un administré atteint d’un cancer, dont la situation de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois, n’a pas été considéré comme cas de force majeure (cf. ATA/402/2021 du 13 avril 2021 consid. 3c et la référence citée).

Par ailleurs, la restitution du délai est subordonnée à une requête motivée, qui doit être déposée - avec l’acte - dans les trente jours suivant la fin de l’empêchement. Si, par exemple, le contribuable invoque une maladie (par ex. une dépression), il doit démontrer, par des moyens de preuve pertinents, tant sa réalité que le fait qu’elle l’a concrètement empêché de déposer sa réclamation en temps utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_716/2010 du 25 janvier 2011 consid. 2).

16.         En l’espèce, le fait que l’administrateur de la recourante ait été atteint de la maladie de Parkinson ne suffit pas à retenir l’impossibilité de former en temps utile la réclamation. En effet, si sa maladie était certes de nature à l’empêcher effectivement d’agir par lui-même, elle ne l’empêchait toutefois pas de recourir aux services d’un tiers ; tel a d’ailleurs été le cas dans la présente procédure, où la recourante a consulté un conseil au stade de la réplique. À cet égard, l’allégation que l’administrateur devait forcément établir lui-même la comptabilité ne peut être suivie, une fiduciaire pouvant sans autre effectuer une telle opération.

Dans ces conditions, la restitution du délai de réclamation est exclue.

17.         Pour le surplus, force est de constater que les conditions d’entrée en matière sur une reconsidération des taxations litigieuses ne sont manifestement pas remplies en l’espèce.

18.         À teneur des art. 147 LIFD et 55 LPFisc, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé (par quoi il faut entendre reconsidéré, le terme de révision étant destiné au réexamen des décisions judiciaires ; cf. ATA/920/2019 du 21 mai 2019 consid. 2d et la référence citée) en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

19.         Sont des faits nouveaux susceptibles d’entraîner une révision d’une décision selon la disposition légale précitée, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n’étaient pas connus du requérant, malgré toute sa diligence. Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c’est-à-dire de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2).

La révision est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire, s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD ; art. 55 al. 2 LPFisc). En d’autres termes, même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurispruden-ce se montrant stricte à cet égard (arrêts du Tribunal fédéral 2C_962/2019 du 19 février 2020 consid. 5.3 ; 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter ses motifs dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de révision n’étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_962/2019 du 19 février 2020 consid. 5.3). En effet, il appartient à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les arrêts cités).

20.         En l’occurrence, la recourante ne s’est prévalue d’aucun fait ou moyen de preuve nouveau susceptibles de lui conférer un droit à ce qu’il soit entré en matière sur une éventuelle reconsidération des taxations litigieuses. En soi, elle aurait déjà pu invoquer le caractère manifestement inexact de la taxation d’office dans le cadre de la procédure ordinaire, par la voie de la réclamation, si elle avait fait preuve de toute la diligence, notamment en déléguant à un tiers, ce qui pouvait être raisonnablement exigée de sa part. Partant, force est de constater que les conditions d’entrée en matière sur une reconsidération des taxations litigieuses ne sont manifestement pas remplies.

21.         Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

22.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 juillet 2021 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 17 juin 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Michèle PERNET, présidente, Alia CHAKER MANGEAT et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière