Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/1616/2025 du 13.11.2025 sur JTBL/215/2025 ( OBL ) , RENVOYE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/12331/2024 ACJC/1616/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 13 NOVEMBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 mars 2025, représenté par Me Vianney LEBRUN, avocat, cours des Bastions 5, 1205 Genève,
et
B______ SA, sise c/o C______ SA, sise ______ (VD), intimée, représentée par Me Christian LÜSCHER, avocat, esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26.
A. Par jugement JTBL/215/2025 du 4 mars 2025, dont la motivation a été notifiée aux parties le 25 mars 2025, le Tribunal des baux et loyers a fixé le loyer annuel de l’appartement n° 403 de quatre pièces au 4ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève à 33'936 fr., hors charges, dès le 1er octobre 2024 (ch. 1 du dispositif), dit que le montant de l’acompte pour les frais accessoires était inchangé (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).
B. a. Par acte déposé le 8 mai 2025 à la Cour de justice, A______ (ci‑après : le locataire ou l'appelant) a formé appel contre ce jugement. Principalement, il a conclu à son annulation et au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions [en hausse de loyer], et subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour instruction complémentaire en ce sens qu’il soit ordonné à la précitée de produire toutes les pièces comptables requises selon le bordereau du 16 décembre 2024. Plus subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement entrepris et, cela fait, à ce qu’il soit dit que le loyer fixé à 33'936 fr. par le Tribunal est valable du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025 uniquement, à ce que le loyer soit fixé à 32'976 fr. dès le 1er octobre 2025 et à ce qu’il soit dit que le montant de l’acompte pour les frais accessoires est inchangé.
A l’appui de ses écritures, l’appelant a produit des échanges de courriers avec la bailleresse des 28 mars et 10 avril 2025, concernant une demande en diminution de loyer, au sens de l’art. 270a al. 1 CO, le taux hypothécaire de référence ayant baissé de 0,25% depuis le 4 mars 2025. Il sollicitait de la bailleresse qu’elle annule sa majoration de loyer du 8 mai 2024, maintienne le loyer annuel initial à 32'040 fr. et, subsidiairement, rétablisse le loyer à ce même montant dès le 1er octobre 2025. La bailleresse lui a répondu ne pas pouvoir entrer en matière sur sa requête; une modification du loyer ne pouvait intervenir que pour la prochaine échéance contractuelle fixée au 30 septembre 2025 et le calcul ne pouvait se faire de manière précise vu le litige pendant devant la Cour concernant la contestation de hausse du loyer.
b. Dans sa réponse du 3 juin 2025, B______ SA (ci-après : l’intimée ou la bailleresse) a conclu à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement du locataire de toutes autres ou contraires conclusions.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.
A l’appui de sa réplique, l’appelant a produit un courrier du 2 juillet 2025 adressé à la bailleresse.
d. Les parties ont été avisées le 30 septembre 2025 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. B______ SA est propriétaire de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ci-après : l’immeuble), depuis plus de trente ans.
b. Le 15 août 2017, B______ SA, en qualité de bailleresse, et D______ et E______, en qualité de locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de quatre pièces situé au 4ème étage de l’immeuble précité.
Le bail a été conclu pour une durée initiale d’une année, du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018, renouvelable par reconduction tacite de six mois en six mois, sauf résiliation de l’une ou l’autre des parties moyennant un préavis de quatre mois.
Le loyer annuel initial a été fixé à 32'040 fr. nets, à savoir 2'670 fr. par mois, auxquels s’ajoutaient 2'400 fr. annuels, soit 200 fr. par mois, à titre de provisions pour le chauffage, l’eau chaude et les frais accessoires.
A la date de la conclusion du bail, le taux hypothécaire de référence était de 1.5% (mois de juin 2017) et l’indice suisse des prix à la consommation (ci-après : ISPC) était de 100.6 (mois d’août 2017, base : décembre 2015 = 100).
A teneur de l’avis de fixation du loyer initial, celui-ci était motivé par l’adaptation aux loyers usuels dans le quartier.
c. A______ a repris le bail de l’appartement précité, conformément à l’art. 264 CO, à compter du 6 octobre 2020.
d. Par avis de majoration du 8 mai 2024, le loyer mensuel net a été majoré de 266 fr. par mois, de sorte que celui-ci s’élevait à 2'936 fr. par mois hors charges, soit 35'232 fr. par an, à compter du 1er octobre 2024.
La bailleresse a motivé cette hausse par l’ajustement du taux hypothécaire de référence de 1.5% (au mois d’août 2017) à 1.75% (au mois de décembre 2023), soit une augmentation de 80 fr. par mois, par la compensation du renchérissement de l’ISPC de 157.7 points (au mois de juillet 2017) à 169.3 points (au mois de mars 2024), soit une augmentation 79 fr. par mois, et par l’augmentation des charges d’exploitation arrêtées en 2023, soit 107 fr. par mois.
e. Le taux hypothécaire de référence était de 1.75% au mois de mai 2024 et jusqu’au 3 mars 2025. Du 4 mars 2025 au 1er septembre 2025, il était de 1.5%.
L’annonce de la baisse du taux hypothécaire de 1.75% à 1.5 % a été publiée sur le site de l’Office fédéral du logement le 4 mars 2025.
f. A______ a contesté cette hausse de loyer le 28 mai 2024 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.
g. Non conciliée le 20 août 2024, l’affaire a été portée par la bailleresse devant le Tribunal le 11 septembre 2024. Cette dernière a conclu à ce que celui-ci fixe le loyer annuel à 35'232 fr., charges non comprises, à compter du 1er octobre 2024, dise que l’avance de frais accessoires (chauffage et eau chaude) était inchangée et déboute A______ de toutes autres conclusions.
La bailleresse a notamment allégué que l’augmentation de loyer n’était pas abusive dans la mesure où elle se fondait sur des motifs prévus par la loi (art. 269a let. b et let. e CO). En l’occurrence, elle motivait cette hausse de loyer par l’augmentation du taux hypothécaire, la compensation du renchérissement et l’augmentation de ses charges d’exploitation, précisant que cette dernière serait motivée ultérieurement.
h. Par réponse du 16 décembre 2024, le locataire a préalablement conclu à ce que la procédure soit suspendue jusqu’à droit jugé sur la demande en diminution de loyer – en raison de travaux et nuisances sonores provenant de l’établissement bar au rez-de-chaussée de l’immeuble – déposée par-devant le Tribunal et portant le numéro de cause C/2______/2024 et à ce qu’il soit ordonné à la bailleresse de produire toutes les pièces comptables et extraits bancaires y relatifs permettant d’effectuer un calcul de rendement. Principalement, il a conclu au déboutement de la bailleresse de toutes ses conclusions.
Le locataire a fait valoir que la majoration de loyer impliquerait un rendement abusif et que celui-ci était déjà abusif; les pièces comptables requises en mains de la bailleresse devaient permettre de le démontrer. Par ailleurs, les moyens invoqués par cette dernière ne lui permettaient pas de justifier une hausse de loyer; elle ne pouvait recourir à la méthode de calcul relative que s’il était objectivement impossible d’opérer un calcul selon la méthode absolue.
i. Lors de l’audience du Tribunal, qui s’est tenue le 4 mars 2025 à 8h50, la bailleresse a produit un rapport de gestion attestant du fait que l’immeuble était en sa propriété depuis 1955. Le locataire n’a pas contesté ce fait, précisant qu’il n’avait aucun élément à soulever en lien avec la date d’acquisition dudit immeuble. Il a par ailleurs persisté dans sa demande de calcul de rendement.
Suite aux premières plaidoiries, le Tribunal a rejeté les offres de preuves du locataire, faute de pertinence.
A l’issue de l’audience, il a gardé la cause à juger, d’entente entre les parties.
D. Dans le jugement entrepris, les premiers juges ont considéré que le loyer devait être déterminé selon l’évolution des critères relatifs invoqués dans l’avis de majoration querellé depuis la date de notification du précédent avis de majoration (sic). Le Tribunal a ainsi fixé le loyer annuel, hors charges, à 33'936 fr. en se fondant sur l’évolution du taux hypothécaire de référence (1.75% au jour de la notification de la majoration) et de l’ISPC (108 points en mai 2024), à l’exception du critère de la hausse des charges d’exploitation invoqué par la bailleresse, celle-ci n’ayant apporté aucune preuve à cet égard.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
En matière de contestation de hausses des loyers, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 91 al. 1 CPC); si la durée de prestations périodiques est indéterminée, le montant annuel est multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC). La valeur litigieuse correspond à la différence entre l'augmentation proposée et le montant accepté par le locataire par mois, annualisée et capitalisée sur vingt ans (ATF 137 III 580, consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2011 du 2 novembre 2011, consid. 1).
1.2 En l'espèce, l’intimée a majoré le loyer de 266 fr. par mois, hausse que l’appelant a intégralement contestée. Compte tenu de ce montant annualisé et capitalisé sur vingt ans, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l’appel est ouverte.
1.3 Interjeté dans la forme et le délai prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 al. 1, 145 al. 1 let. a, 311 al. 1 CPC), l’appel est recevable.
1.4 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des baux et loyers d'habitation et de locaux commerciaux en ce qui concerne la consignation du loyer, la protection contre les loyers abusifs, la protection contre les congés ou la prolongation du bail (art. 243 al. 2 let. c CPC).
La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC). Les parties ne sont toutefois pas dispensées de collaborer activement à l'établissement des faits (ATF 142 III 402 consid. 2.1).
1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
2. L’appelant a produit des pièces nouvelles, allégué des faits nouveaux et pris une conclusion nouvelle devant la Cour.
2.1
2.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).
2.1.2 L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).
2.2
2.2.1 En l'espèce, les échanges de courriers avec la bailleresse des 28 mars, 10 avril et 2 juillet 2025 (produits en pièces n° 21, 22 et 23), qui concernent en particulier une demande de l’appelant en diminution de loyer, le taux hypothécaire de référence ayant baissé de 0,25% depuis le 4 mars 2025, sont recevables car postérieurs à la date à laquelle la cause a été gardée à juger, soit le 4 mars 2025. Il en va de même des allégués s’y rapportant.
2.2.2 A titre « plus subsidiaire », l’appelant a conclu à l’annulation du jugement entrepris, cela fait, à ce qu’il soit dit que le loyer fixé à 33'936 fr. par le Tribunal est valable du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025 uniquement, et à ce que le loyer soit fixé à 32'976 fr. dès le 1er octobre 2025, compte tenu de la baisse du taux hypothécaire précitée.
Pour ne pas violer le principe d’interdiction de formalisme excessif, il y a lieu d’admettre que la baisse du taux hypothécaire de référence applicable à compter du 4 mars 2025 constitue un fait notoire nouveau dont l’appelant ne pouvait se prévaloir devant le Tribunal. En effet, même à considérer que l’information était disponible sur le site internet de l’Office fédéral du logement le 4 mars 2025, le locataire n’apparaît pas avoir été en mesure d’invoquer ce fait, ni de prendre des conclusions nouvelles en diminution du loyer au stade de la première instance, puisque l’audience du Tribunal s’est tenue ce jour-là, à 8h50.
Partant, dans la mesure où elle présente un lien de connexité avec la prétention initiale de l’appelant en contestation de la majoration de loyer litigieuse et repose sur le fait nouveau de la baisse du taux hypothécaire de 0,25% à compter du 4 mars 2025, sa conclusion nouvelle « plus subsidiaire » est recevable devant la Cour; la question de son bien-fondé sera traitée infra, sous considérant 4.
3. L’appelant fait grief au Tribunal d’avoir rejeté son offre de preuve relative aux pièces comptables requises en mains de la bailleresse, l’empêchant par conséquent de procéder à un calcul de rendement et de faire valoir des critères de fixation du loyer absolus à titre défensif. Ce faisant, les premiers juges auraient porté atteinte à son droit à la contre-preuve, respectivement à son droit d’être entendu. L’appelant reproche également au Tribunal d’avoir violé les art. 269 et 269a CO, et les principes jurisprudentiels s’y rapportant, en excluant l’application de la méthode de calcul absolue du seul fait de l’ancienneté de l’immeuble.
3.1
3.1.1 A teneur de l'art. 269d al. 1 CO, le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d'une formule agréée par le canton.
Le Tribunal fédéral distingue deux méthodes d'examen du loyer : la méthode absolue et la méthode relative. Selon la méthode absolue, le juge se contente de vérifier si le loyer, examiné à un moment donné, est en soi abusif. Il mesure ce loyer à la seule aune du rendement de la chose louée (art. 269 et 269a let. c CO) ou des loyers usuels (art. 269a let. a CO). Les accords des parties sont ignorés. Selon la méthode relative, le juge ne fait qu'examiner si le loyer est devenu abusif depuis sa dernière fixation, en raison d'une modification des paramètres invoqués par les parties (Lachat/Stastny, Le bail à loyer, 2019, p. 678).
Si le locataire demande une baisse de loyer fondée sur la méthode relative
(art. 270a CO), le bailleur peut toujours, à titre de moyen de défense, exiger du juge qu'il vérifie au moyen de la méthode absolue du rendement si le loyer en vigueur est abusif ou non. Si le bailleur invoque la méthode relative pour augmenter le loyer en fonction de la hausse du taux hypothécaire de référence (art. 269d CO), le locataire peut invoquer, de son côté (c'est-à-dire comme moyen de défense), que la majoration est abusive en se prévalant de la méthode absolue du rendement
(ATF 147 III 32 consid. 3.4.1).
3.1.2 La méthode absolue sert à vérifier concrètement que le loyer ne procure pas un rendement excessif au bailleur compte tenu des frais qu'il doit supporter ou des prix du marché. Dans l'application de cette méthode, les deux critères absolus que sont le critère du rendement net (fondé sur les coûts) et le critère des loyers du marché (c'est-à-dire les loyers comparatifs appliqués dans la localité ou le quartier) sont antinomiques, et partant exclusifs l'un de l'autre (ATF 147 III 14 consid. 4.1).
Le critère du rendement net de l'art. 269 CO se base sur le rendement net des fonds propres investis. Le loyer doit, d'une part, offrir un rendement raisonnable par rapport aux fonds propres investis et, d'autre part, couvrir les charges immobilières. Le loyer est ainsi contrôlé sur la base de la situation financière de la chose louée à un moment donné, sans égard aux accords antérieurs passés avec le locataire, lesquels ne sont pris en considération que dans l'application de la méthode relative (ATF 147 III 14 consid. 4.1.1).
Le critère absolu des loyers usuels de la localité ou du quartier de l'art. 269a let. a CO est fondé sur les loyers du marché. L'art. 11 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF; RS 221.213.11) détermine les loyers déterminants pour le calcul de ceux-là : il s'agit des loyers de logements comparables à la chose louée quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). Les statistiques officielles doivent être prises en considération (al. 4; ATF 147 III 14 consid. 4.1.2).
La preuve des loyers usuels dans la localité ou le quartier (art. 269a let. a CO) peut être apportée au moyen de deux méthodes (cf. art. 11 al. 1 et 4 OBLF). Premièrement, il est possible de se baser sur des logements de comparaison, lesquels doivent être au nombre minimal de cinq et présenter, pour l'essentiel, les mêmes caractéristiques que le logement litigieux quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction, tout en tenant compte de l'évolution récente de leurs loyers au regard du taux hypothécaire et de l'ISPC. Secondement, le juge peut appliquer la méthode des statistiques officielles
(art. 11 al. 4 OBLF). Celles-ci doivent satisfaire aux exigences de l'art. 11 al. 1 OBLF et, partant, contenir des données chiffrées suffisamment différenciées et dûment établies selon les critères précités (ATF 147 III 14 consid. 4.1.2, 4.1.2.1 et 4.1.2.2).
Pour que le juge puisse appliquer la méthode des statistiques officielles, il faut qu'il existe de telles statistiques au niveau cantonal, satisfaisant aux exigences de
l'art. 11 al. 1 OBLF (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1 et 2.2.2; 123 III 317 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_271/2022 du 15 août 2023 consid. 5.1.1).
A l'heure actuelle, il n'existe pas à Genève de statistiques officielles au sens de l'art. 11 al. 4 OBLF (ATF 123 III 317 consid. 4c/cc; arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2024 du 17 juin 2024 consid. 5.2). Le recours à celles-ci est admissible lorsque le juge est amené à fixer le loyer initial présumé abusif (ATF 148 III 209 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_271/2022 du 15 août 2023 consid. 5.2.3). Cette possibilité n'est en revanche pas ouverte dans le contexte d'une hausse de loyer motivée par les loyers usuels du quartier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_271/2022 précité consid. 5.2.3). La question des loyers usuels doit ainsi être appréciée au moyen de la méthode des logements comparatifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2021 du 22 octobre 2021 consid. 7.2).
3.1.3 Le critère absolu du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels de la localité ou du quartier, en ce sens que le locataire peut toujours tenter de prouver que le loyer permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif (art. 269 CO), et ce n'est donc qu'en cas de difficulté ou d'impossibilité de déterminer le caractère excessif du rendement net qu'il pourra être fait application du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier (ATF 147 III 14 consid. 4.2).
Pour les immeubles anciens, la hiérarchie des critères absolus est inversée : le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier l'emporte sur le critère du rendement net des fonds propres investis. Pour de tels immeubles, en effet, les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis en vue de calculer le rendement net font fréquemment défaut ou font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle
(ATF 147 III 14 consid. 4.2; 140 III 433 consid. 3.1). Pour que soit respecté le principe de l'égalité des armes, le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier doit valoir aussi bien dans les procédures de majoration du loyer et de contestation du loyer initial que dans celles de baisse du loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_400/2017 du 13 septembre 2018 consid. 2.2.1, non publié in
ATF 144 III 514). Pour un immeuble ancien, le bailleur peut donc se prévaloir de la prééminence du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier; le fait que ce critère ait la priorité ne l'empêche toutefois pas d'établir que l'immeuble ne lui procure pas un rendement excessif à l'aide du rendement net (ATF 147 III 14 consid. 4.2).
3.1.4 A teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., n'est pas une fin en soi, même s'il s'agit d'une garantie constitutionnelle de caractère formel. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_93/2014 du 21 août 2014 consid. 3.1.3 et 4A_153/2009 du 1er mai 2009 consid. 4.1).
Le droit à la preuve – qui découle tant du droit d'être entendu garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst. que, en droit privé fédéral, de l'art. 8 CC et qui est, depuis l'entrée en vigueur du CPC, également consacré à l'art. 152 CPC – octroie à toute personne à laquelle incombe le fardeau de la preuve le droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 133 III 295 consid. 7.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_453/2022 du 29 août 2023 consid. 3.1 et 4A_226/2022 du 27 septembre 2022 consid. 4.1).
En revanche, le droit à la preuve n'est pas violé lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; 129 III 18 consid. 2.6).
La preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC).
3.2
3.2.1 En l’espèce, contrairement à ce que soutient l’appelant, il ne pouvait être exigé des premiers juges l’établissement d’un calcul de rendement net, ni la production des pièces comptables par la bailleresse, pour démontrer l’éventuel caractère abusif de la majoration de loyer litigieuse, l’immeuble étant ancien – ce qui n’est pas contesté in casu.
En effet, selon la jurisprudence fédérale rappelée supra, si le bailleur invoque la méthode relative pour augmenter le loyer en fonction notamment de la hausse du taux hypothécaire de référence, le locataire peut invoquer de son côté, à titre de moyen défensif, le fait que la majoration est abusive en se prévalant de la méthode absolue. Cela étant, il n’est pas pour autant autorisé à exiger l'application du rendement, dans le cadre de la méthode absolue, l'ordre de priorité entre le critère du rendement net et celui des loyers du marché ayant été précisément défini par le Tribunal fédéral en fonction de l'ancienneté de l'immeuble.
En l’occurrence, étant donné que l’immeuble litigieux date de plus de trente ans, la hiérarchie des critères absolus est inversée, de sorte que l’appelant pouvait uniquement opposer à la bailleresse le critère des loyers usuels du quartier, au moyen de la méthode des logements comparatifs à Genève, ce qu’il n’a pas fait in casu. Il s’est limité à soutenir que la majoration de loyer impliquerait un rendement abusif et que celui-ci était par ailleurs déjà abusif.
Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le Tribunal a examiné la validité de la majoration de loyer à la seule aune des critères relatifs invoqués par la bailleresse.
3.2.2 Il découle de ce qui précède que, dans la mesure où l’appelant ne pouvait exiger le calcul de rendement net pour démontrer l’éventuel caractère abusif de la hausse de loyer, les premiers juges étaient fondés à rejeter son offre de preuves, les pièces comptables requises n’étant pas pertinentes.
Partant, le droit d’être entendu de l’appelant, respectivement son droit à la contre-preuve, n’ont pas été violés.
3.2.3 L’examen des premiers juges quant au bien-fondé de la hausse de loyer litigieuse n’étant, pour le surplus, pas remis en cause par l’appelant, la fixation du loyer annuel, hors charges, sera confirmée à hauteur de 33'936 fr. dès le 1er octobre 2024 jusqu’au 30 septembre 2025 (cf. consid. 4 infra).
4. A teneur de sa conclusion nouvelle, déclarée recevable devant la Cour (consid. 2.2.2 supra), l’appelant a conclu à l’annulation du jugement entrepris, cela fait, à ce qu’il soit dit que le loyer fixé à 33'936 fr. par le Tribunal est valable du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025 uniquement, et à ce que le loyer soit fixé à 32'976 fr. dès le 1er octobre 2025.
Il soutient qu’au vu de la baisse du taux hypothécaire de référence de 0,25% intervenue le 4 mars 2025, soit à la date à laquelle la cause a été gardée à juger et le jugement rendu, le loyer annuel fixé par le Tribunal à 33'936 fr. ne saurait s’étendre au-delà du 30 septembre 2025, à savoir la date de la prochaine échéance contractuelle du bail. A compter du 1er octobre 2025, le loyer annuel devrait ainsi être réduit de 960 fr. (12 mois multipliés par 80 fr.), dès lors que la portion de la hausse relative à la variation du taux hypothécaire ne se justifierait plus.
4.1
4.1.1 A teneur de l’art. 270a al. 1 et 2 CO, le locataire peut contester le montant du loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de résiliation, s’il a une raison d’admettre que la chose louée procure au bailleur un rendement excessif au sens des art. 269 et 269a, à cause d’une notable modification des bases de calcul, résultant en particulier d’une baisse des frais; le locataire doit adresser par écrit sa demande de diminution au bailleur, qui a un délai de 30 jours pour se déterminer. Si le bailleur ne donne pas suite à la demande, qu’il ne l’accepte que partiellement ou qu’il ne répond pas dans le délai prescrit, le locataire peut saisir l’autorité de conciliation dans un délai de 30 jours.
L’alinéa 2 de cette même disposition n’est pas applicable lorsque le locataire qui conteste une augmentation de loyer en demande simultanément la diminution (art. 270a al. 3 CO).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il se justifie d’autoriser le locataire à faire valoir de nouvelles prétentions en diminution de loyer dans l’instance pendante, dans le cadre d’une action en contestation de la majoration de loyer, par une application analogique de l’art. 270 al. 3 CO; la procédure préalable au sens de l’art. 270 al. 1 et 2 CO n’est ainsi pas indispensable dans ce contexte
(ATF 132 III 702 consid. 4.1, publié in JdT 2007 I 47; 122 III 20 consid. 4c, publié in JdT 1996 I 600; arrêt du Tribunal fédéral 4C.291/2001 du 9 juillet 2002 consid. 4b; Lachat, Le bail à loyer, 2019, ch. 5.3.2 p. 522 et ch. 5.3.9 p. 525). Le locataire qui fait valoir des motifs de baisse doit néanmoins respecter le délai et le terme de congé, sa demande en diminution de loyer ne pouvant être prise en considération que pour la prochaine échéance utile du bail (Lachat, Le bail à loyer, 2019, op. cit, ch. 5.3.9 p. 525 et les références citées).
4.1.2 Une demande de diminution du loyer en cours de bail s'apprécie à l'aide de la méthode relative, en ce sens que le locataire ne peut invoquer que les facteurs de baisse qui se sont réalisés depuis la dernière fixation du loyer, notamment en raison d’une baisse du taux hypothécaire de référence (ATF 142 III 568 consid. 1.2;
133 III 61 consid. 3.2.2.2). Une modification de 1/4% du taux hypothécaire de référence suffit pour modifier le loyer (art. 13 al. 1 et 2 OBLF). Le taux d’intérêt hypothécaire de référence est un fait notoire au sens de l’art. 151 CPC
(ATF 143 IV 380 consid. 1).
Le bailleur peut toutefois, à titre de moyen défensif, exciper de la méthode absolue pour contrer une demande de baisse de loyer fondée sur la méthode relative (ATF 141 III 569 consid. 2.1.2). Il peut, en outre, opposer un facteur compensatoire relatif; en particulier, une diminution du taux hypothécaire peut être compensée par l’augmentation de l’indice suisse des prix à la consommation, la hausse des frais d’entretien et des charges courantes ou par des prestations supplémentaires du bailleur (art. 13 al. 1 OBLF). Le bailleur peut s’en prévaloir dans le cadre du litige et doit en apporter la preuve (ATF 119 II 32 consid. 3c/bb).
4.2 En l’espèce, le nouveau motif en diminution du loyer apparaît fondé compte tenu de la baisse notable du taux hypothécaire de référence de 0,25% intervenue le 4 mars 2025. Dans la mesure où la procédure préalable visée par l’art. 270a al. 1 CO n’était pas exigée in casu, au vu de l’application par analogie de l’art. 270a al. 3 CO conformément à la jurisprudence fédérale précitée, l’appelant s’en est valablement prévalu devant la Cour, ce qu’il a fait aux termes de ses conclusions d’appel du 8 mai 2025 en respectant le préavis de quatre mois prévu contractuellement pour la prochaine échéance du bail fixée au 30 septembre 2025.
4.3 Au vu de ce qui précède et par souci de simplification, le chiffre 1 du dispositif du jugement sera annulé. Il sera statué à nouveau dans le sens que le loyer annuel net sera fixé à 33'936 fr. pour la période du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025.
Afin de respecter le double degré de juridiction et ainsi de permettre à l’intimée d’opposer des moyens défensifs face au motif de diminution du loyer nouvellement allégué par l’appelant, un renvoi de la cause au Tribunal s’impose pour une instruction complémentaire et la fixation du loyer à compter du 1er octobre 2025, dans le sens du présent considérant. Dès le 1er octobre 2025, le loyer devra en effet être fixé en tenant compte du taux hypothécaire de référence de 1,5%, au lieu de 1,75%.
5. À teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 8 mai 2025 par A______ contre le jugement JTBL/215/2025 rendu le 4 mars 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/12331/2024.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, et statuant à nouveau :
Fixe le loyer annuel hors charges de l’appartement n° 403 de quatre pièces au 4ème étage de l’immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève loué à A______ à 33'936 fr. du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025.
Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour qu’il statue sur la fixation du loyer à compter du 1er octobre 2025, dans le sens des considérants.
Confirme le jugement pour le surplus.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions d’appel.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Victoria PALLUD, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr.