Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/1128/2025 du 26.08.2025 sur JTBL/486/2025 ( SBL ) , CONFIRME
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/30348/2024 ACJC/1128/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU LUNDI 25 AOÛT 2025 |
Entre
SOCIETE IMMOBILIERE A______, sise ______ [TI], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 mai 2025, représentée par Me Vadim HARYCH, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.
A. Par jugement JTBL/486/2025 du 14 mai 2025, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection des cas clairs, a déclaré irrecevable la requête de la SOCIETE IMMOBILIERE A______ du 5 décembre 2024 à l'encontre de B______ (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).
Il est mentionné au pied de la décision que celle-ci peut, conformément aux articles 319 ss du code procédure civile (CPC), faire l'objet d'un recours par devant la Cour de justice dans les dix jours qui suivent sa notification.
B. a. Par acte déposé le 2 juin 2025 à la Cour de justice, SOCIETE IMMOBILIERE A______ (ci‑après : la bailleresse ou l'appelante) a formé appel contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu tout d'abord à ce que, dans l'hypothèse où par extraordinaire la Cour considérait que la voie de droit désignée dans son acte était mal désignée, celle-ci convertisse le moyen d'appel en recours. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour dise que les congés extraordinaires pour modification non autorisée de la chose louée donnés à B______ le 15 août 2024 pour le 30 septembre 2024, respectivement le 15 août 2024 pour le 30 septembre 2025, concernant les appartements sis respectivement au 1er et 2ème étages de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève, ainsi que les caves qui en dépendent, sont efficaces et valables, condamne B______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens et de tout tiers dont il répond, lesdits appartements ainsi que les caves qui en dépendent, en les laissant en bon état de propreté et de réparation locative, et l'autorise à mandater un huissier judiciaire, lequel pourra, si nécessaire, dûment muni de l'attestation du caractère exécutoire du présent arrêt, le faire exécuter en mettant en œuvre, aux frais de B______, un serrurier, ainsi qu'une entreprise de déménagement et requérir, le cas échéant, l'appui de la force publique.
b. Par mémoire réponse du 16 juin 2025, B______ (ci-après : le locataire ou l'intimé) a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
c. Les parties se sont encore exprimées par écritures des 24 juin, 3, 11, 17 et
21 juillet 2025.
d. Elles ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 5 août 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. Le 14 juin 1994, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA, en qualité de bailleresse, et B______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail portant sur la location d'un appartement de 2 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.
Le contrat était conclu pour une durée initiale d'une année, du 1er juillet 1994 au
30 juin 1995, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.
L'art. 1 des clauses particulières du contrat stipule : " La présente location est conclue sans réparation à la charge du bailleur et les locaux sont repris dans l'état où ils se trouvent. Si le locataire juge que des réparations sont nécessaires en raison de l'état dans lequel l'appartement se trouvera à la sortie du locataire le précédant, il s'engage d'ores et déjà à les faire exécuter par ses soins et à en assumer le paiement".
Le loyer était fixé à 250 fr. par mois.
b. Le 16 février 2001, les mêmes parties ont conclu un second contrat de bail, portant sur la location d'un appartement de 2 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis Rue 1______ no. ______ à Genève.
Le contrat était conclu pour une durée indéterminée dès le 1er mars 2001.
L'art. 2 des clauses particulières avait la même teneur que l'art. 1 précité, étant toutefois précisé que le montant du loyer était fonction de l'état actuel des locaux et que la location était de ce fait conclue sans réparation à la charge du bailleur.
L'art. 5 précisait que les locaux loués étaient mis à disposition sans confort ni service de chauffage et eau chaude, le loyer convenu tenant compte de cette situation.
Le loyer était fixé à 300 fr. par mois. Il a été ensuite augmenté à 315 fr. par mois dès le 1er décembre 2011.
c. A une date indéterminée avant juin 2024, B______ a effectué des travaux dans ces appartements. Il a en particulier ouvert le plafond séparant les appartements du 1er et du 2ème étage et les a reliés par un escalier. Il a également installé une climatisation, changé l'affectation de certaines pièces (suppression d'une cuisine et création d'un bureau dans l'appartement du 2ème étage, suppression d'un WC et création d'une douche dans l'appartement du 2ème étage) et procédé à des travaux d'aménagement importants (démolition d'une cloison de séparation dans l'appartement du 1er étage).
B______ n'a ni demandé ni obtenu d'autorisation du département compétent avant de réaliser ces travaux. Il soutient avoir obtenu l'accord oral de la bailleresse avant d'y procéder, ce que celle-ci conteste, alléguant ne pas avoir été informée et s'en être rendue compte lors d'un transport sur place le 20 juin 2024.
Selon une attestation établie le 10 juillet 2024 par C______, employé de la Régie D______ en charge des appartements concernés, celui-ci n'a jamais autorisé la réunion d'appartements.
d. Par courriers et avis officiels du 21 juin 2024, la bailleresse a résilié les deux contrats de bail pour leur prochain terme, soit pour le 30 novembre 2024 s'agissant de l'appartement du 1er étage et pour le 30 juin 2025 s'agissant de l'appartement du 2ème étage.
A la demande du locataire, les congés ont été motivés par courrier du
10 juillet 2024. Il en ressort en substance que la résiliation était motivée par les travaux exécutés sans autorisation par le locataire.
e. Par courriers du 27 juin 2024, la bailleresse a mis en demeure le locataire de "fermer les deux logements" et de remettre les locaux dans leur état initial avant le 31 juillet 2024, faute de quoi les contrats de bail seraient résiliés en application de l'article 257f al. 3 CO.
Par courriers des 31 juillet et 2 août 2024, la bailleresse a invité le locataire à lui communiquer quelle suite avait été donnée à sa mise en demeure. Elle n'a reçu aucune réponse.
f. Par courriers et avis officiels du 15 août 2024, la bailleresse a résilié les contrats de bail pour le 30 septembre 2024, en application de l'article 257 f al. 3 CO.
g. Le 2 décembre 2024, B______ a contesté devant le Tribunal des baux et loyers les congés ordinaires du 21 juin 2024 et a demandé leur annulation (C/2______/2024).
Il a également, le même jour, contesté devant le Tribunal des baux et loyers les congés extraordinaires du 15 août 2024 pour le 30 septembre 2024 et a demandé au Tribunal de constater leur inefficacité (C/3______/2024). Il a exposé en substance qu'aucune violation du devoir de diligence ne pouvait être retenue, dans la mesure où les travaux qui lui étaient reprochés avaient été entrepris avec l'accord de la bailleresse. En outre, le délai imparti pour la remise en état des appartements n'était pas raisonnable.
h. Par requête du 5 décembre 2024, la bailleresse a agi en évacuation à l'encontre du locataire par la voie de la procédure sommaire de protection des cas clairs.
Elle a conclu à ce que le Tribunal dise que les congés extraordinaires donnés le
15 août 2024 pour le 30 septembre 2024 sont efficaces et valables et condamne le locataire à évacuer les deux appartements, avec mesures d'exécution directe.
i. Par courrier du 12 mars 2025 au Tribunal, le locataire a conclu à l'irrecevabilité de la requête du 5 décembre 2024. Il a également demandé la condamnation de la bailleresse à une amende en application de l'art. 128 al 3 CPC.
Il a produit des pièces, à savoir des actes issus des procédures C/2______/2024 (contestation des congés ordinaires) et C/3______/2024 (contestation des congés extraordinaires), parmi lesquelles une ordonnance du Tribunal ordonnant l'audition des parties et copie des citations à comparaitre en vue des débats d'instruction dans les procédures susmentionnées.
j. Lors de l'audience du 24 mars 2025, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.
Le locataire s'est opposé à la requête et a conclu à son irrecevabilité. Il considérait que la situation factuelle n'était pas claire. Il contestait ne pas avoir reçu l'autorisation de réaliser les travaux litigieux; d'autres locataires avaient d'ailleurs été autorisés à exécuter des travaux similaires. Cette question devait être instruite, notamment par l'audition de témoins. Il avait contesté les congés reçus et la procédure était en cours. Le Tribunal saisi de ces contestations avait ordonné l'interrogatoire des parties, ce qui démontrait que la cause devait être instruite. Les loyers étaient extrêmement bas et il était admis que c'étaient les locataires qui s'occupaient des travaux dans l'immeuble. Il considérait par ailleurs que la situation juridique n'était pas non plus claire. Le Tribunal devait faire une appréciation de la situation, ce qui empêchait de statuer par la voie du cas clair. Même si le congé devait être validé, se poserait la question de la prolongation du bail.
La bailleresse savait que la LDTR n'était pas respectée dans l'immeuble parce qu'elle admettait à teneur du bail que les locataires installent eux-mêmes le chauffage, soit des travaux soumis à autorisation. Le locataire a contesté que son ancienne voisine n'avait pas obtenu l'autorisation de rénover ses deux appartements. Il n'avait pas percé une dalle en béton mais enlevé deux lattes de plancher.
La bailleresse a contesté que le locataire avait obtenu son autorisation pour réaliser les travaux. Le gérant technique de l'immeuble, C______, avait établi une attestation qui confirmait qu'il n'avait pas donné de telle autorisation. A supposer même que le locataire avait reçu une autorisation de la bailleresse, il aurait également dû obtenir une autorisation du département compétent. Les travaux réalisés sans autorisation par le locataire étaient dangereux et exposaient la bailleresse à des sanctions, ce qui rendait la poursuite du bail insupportable. Une autre locataire avait fait des travaux similaires sans autorisation mais elle avait restitué les locaux. D'un point de vue juridique, il était exact que les questions soumises au Tribunal impliquaient l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation. Cela n'empêchait cependant pas le Tribunal de statuer en cas clair lorsque la situation était claire, comme c'était le cas en l'espèce.
Le Tribunal a gardé la cause à juger au terme de l'audience.
k. Postérieurement à l'audience, par courrier du 3 avril 2025, le locataire a adressé au Tribunal des explications et une pièce complémentaire, soit le procès-verbal d'une audience qui s'était tenue le 2 avril 2025 dans le cadre de la procédure de contestation de congé. Il ressort de ce procès-verbal que B______ a demandé l'audition de plusieurs témoins, ce à quoi la bailleresse s'est opposée.
Le même jour, la bailleresse a communiqué au Tribunal des déterminations sur ces éléments complémentaires.
l. Le locataire a encore écrit au Tribunal le 7 avril 2025, lui communiquant copie d'une ordonnance de preuves rendue par le Tribunal en charge de la procédure de contestation des congés extraordinaires. Par cette ordonnance, celui-ci, considérant qu'une instruction était nécessaire pour trancher la question de la validité des congés, avait ordonné l'audition de deux témoins, dont C______.
1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).
Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).
Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans
(ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).
En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation, indépendamment de la mention erronée figurant au pied de la décision entreprise.
1.2 L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).
En l'espèce, l'appel, formé dans le délai et la forme prescrits par la loi, est recevable.
1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).
Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
2. Dans la décision entreprise, les premiers juges ont retenu en substance que la question de savoir si la bailleresse avait autorisé les travaux litigieux devait être instruite. L'attestation produite à cet égard n'était pas suffisante pour que l'on renonce à auditionner son auteur, faute de force probante suffisante. De plus, le Tribunal en charge de la contestation des congés avait également considéré qu'une instruction était nécessaire. Le cas n'était en conséquence pas clair.
L'appelante reproche au Tribunal d'avoir déclaré sa requête irrecevable. Elle soutient que l'absence d'autorisation est acquise et que, partant, le cas est clair.
2.1.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque
(ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_385/2022 du
14 février 2023 consid. 3.2; 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).
Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1 p. 465; 140 III 315
consid. 5.2.3 et 5.3).
La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.
Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée: le demandeur doit apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig) qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).
Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1;
138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale
(cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes
(ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).
Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).
Si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner sa validité à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles des dispositions invoquées (en l'espèce art. 257f al. 3 CO) sont remplies. En effet, l'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262
consid. 3.2 in fine; sur la notification de l'avis comminatoire et de la résiliation,
cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 4.1).
L’introduction, par un locataire, d’une procédure en contestation du congé ne fait pas obstacle à l’action postérieure en expulsion intentée par le bailleur selon
l’art. 257 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023
consid. 4.1).
2.1.2 A teneur de l'art. 257f al. 1 CO, le locataire est tenu d'user de la chose avec le soin nécessaire.
Lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (art. 257f al. 3 CO).
Le congé anticipé au sens de l'art. 257f al. 3 CO ne peut être donné que si, malgré l'avertissement écrit, le locataire continue ou recommence à enfreindre son devoir de diligence (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne, 2019, p. 888).
La résiliation prévue à l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des conditions cumulatives suivantes : une violation du devoir de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit préalable du bailleur, la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (SJ 2014 I 210 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 4.1).
Le congé présuppose que le maintien du bail soit insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison. La violation incriminée doit être telle que l'on ne puisse raisonnablement exiger du bailleur qu'il laisse le locataire disposer des locaux (ACJC/119/2005). La réponse à cette question ne repose toutefois pas sur des critères abstraits, mais fait appel aux règles de l'équité, lesquelles imposent de tenir compte de toutes les circonstances importantes de l'espèce, y compris des circonstances objectives et subjectives propres au locataire incriminé, au bailleur et aux autres habitants de l'immeuble (Higi, in ZUKO, 1994, n. 59 ad art. 257f CO; Svit-Kommentar, 2011, n. 35 ad art. 257f CO).
C'est au moment où la résiliation est donnée qu'il faut se replacer pour juger de sa validité, des circonstances postérieures n'étant pas de nature à vicier a posteriori une résiliation valablement donnée (arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2001 du
26 novembre 2001; ACJC/1141/2003).
Selon la doctrine, le bailleur doit agir dans un laps de temps raisonnable pour reprocher au locataire une infraction au bail, sinon il est réputé renoncer au droit de mettre fin au contrat de façon prématurée (Wessner, Le devoir de diligence du locataire dans les baux d’habitations et de locaux commerciaux, séminaire Neuchâtel 2006, p. 19 et les références citées)
2.2 Dans le présent cas, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que le cas n'était pas clair et la Cour fait siens les motifs retenus à cet égard. A cela s'ajoute qu'on ignore quand ont eu lieu les travaux litigieux – l'allégation de l'appelante selon laquelle elle n'en aurait appris l'existence qu'en juin 2024 étant sujette à caution – ce qui pourrait avoir une incidence sur la solution du litige. La situation de la voisine qui aurait procédé à des travaux de même nature mérite également d'être éclaircie.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, le défaut d'autorisation (la nécessité de celle-ci étant par ailleurs contestée) ne suffit pas à lui seul pour retenir l'existence d'un juste motif de résiliation. Les circonstances qui ont entouré les travaux litigieux méritent d'être éclaircies, notamment au vu des conditions particulières du bail.
L'appel sera rejeté et le jugement entrepris confirmé.
3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 2 juin 2025 par SOCIETE IMMOBILIERE A______ contre le jugement JTBL/486/2025 rendu le 14 mai 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/30348/2024.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Victoria PALLUD, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2