Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/549/2025 du 17.04.2025 sur JTBL/566/2024 ( OBL ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/6771/2021 ACJC/549/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 17 AVRIL 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 mai 2024 (JTBL/566/2024), représenté par l’ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,
et
B______ SA, sise ______ (NE), intimée|, représentée par Me Tatiana GURBANOV, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève.
A. Par jugement JTBL/566/2024 du 24 mai 2024, reçu par les parties le 31 mai 2024, le Tribunal des baux et loyers a, sur demande principale, déclaré valable le congé notifié à A______ le 11 mars 2021 pour le 30 juin 2021 (sic) portant sur l’appartement de 90 m² au 6ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), octroyé à A______ une unique prolongation de deux ans, échéant le 30 juin 2023 (ch. 2), sur demande reconventionnelle, condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l’appartement de 90 m² au 6ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève et ses dépendances (ch. 3), transmis la cause, à l’expiration du délai d’appel contre la décision, au Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l’article 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d’exécution sollicitées (ch. 4), cela fait, débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).
B. a. Par acte expédié le 1er juillet 2024 à la Cour de justice, A______ (ci-après : le locataire ou l’appelant) a formé appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut, cela fait principalement, à ce que la Cour annule la résiliation du bail qui lui a été notifiée le 11 mars 2021 pour le 30 juin 2021. Subsidiairement, il conclut à ce que la Cour lui octroie une pleine et entière prolongation de bail de quatre ans et l’autorise à quitter le logement avec un préavis de 15 jours le 15 ou la fin d’un mois.
b. Dans sa réponse du 15 août 2024, B______ SA (ci-après : la bailleresse ou l’intimée) conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.
c. Le locataire a répliqué, persistant dans ses conclusions. La bailleresse a renoncé à dupliquer.
d. Les parties ont été avisées le 28 octobre 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. Le 11 juin 2007, B______ SA, en qualité de bailleresse, et A______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de 3 pièces de 90 m² en duplex, situé au 6ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, destiné à l’usage d’habitation exclusivement.
Le bail a été conclu pour une durée initiale d’une année, du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, renouvelable ensuite tacitement d’année en année, le préavis de résiliation étant de trois mois.
Le loyer annuel a été fixé initialement à 12’000 fr., hors charges, soit 1’000 fr. par mois.
b. Selon un état locatif du 19 septembre 2005, cet appartement était « vacant » et le loyer annuel s’élevait à 29’820 fr., hors charges.
c. Par ailleurs, selon un état locatif du 30 septembre 2005, A______ était locataire de deux places de parking (102 et 210), à titre gratuit, dans l’immeuble sis no. ______ rue 1______.
d. C______ était administrateur président de la bailleresse, aux côtés de D______, E______ et F______, administrateurs. Chacun des administrateurs était au bénéfice d’une signature collective à deux.
e. A______ était également locataire d’un autre appartement, dont C______ était propriétaire, sis rue 2______ no. ______ à Genève. Le loyer s’élevait à 650 fr. par mois, hors charges. Il a été sous-loué pour un montant de 2’800 fr. par mois, hors charges.
f. En 2007, la gestion de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève a été confiée à la régie G______ (ci-après : la régie). Il en est de même des autres immeubles appartenant à C______, dont celui sis rue 2______ no. ______ à Genève.
g. A une date indéterminée, une convention a été signée entre la régie, C______ et A______ en lien avec les immeubles sis rue 1______ no. ______, rue 2______ no. ______ et rue 3______ no. ______ à Genève. A teneur de celle-ci, l’entretien courant et la réfection d’appartements étaient « avisés » par A______ à concurrence de 10’000 fr. Les factures devaient être payées par la régie sous 30 jours si elles étaient conformes au devis. Les gros travaux d’immeubles devaient être gérés en collaboration avec le locataire, y compris la validation des budgets. Les dossiers de candidature devaient être soumis à A______, qui en choisissait un et participait à la visite sur place s’il le souhaitait. Enfin, une liste d’entreprises était fournie par le précité, d’autres entreprises pouvant être proposées par la régie pour les travaux d’un coût supérieur à 2’000 fr.
h. Par courrier du 5 janvier 2008, la régie a annoncé accorder exceptionnellement une baisse de loyer à H______, locataire d’un appartement de trois pièces dans l’immeuble sis rue 1______ no. ______, après discussion avec la société propriétaire. Elle rappelait toutefois que la locataire était au bénéfice d’un bail indexé. Le loyer n’était par conséquent pas soumis à la variation du taux hypothécaire, tandis que l’ISPC aurait permis d’augmenter le loyer de 51 fr. par mois.
i. Le 30 juin 2015, le Tribunal régional de I______ [NE] a prononcé la mainlevée provisoire de l’opposition formée par C______ à une poursuite de A______. Les montants relatifs à la créance de A______, fondée sur des prêts consentis par celui-ci au précité, ont été caviardés. Il ressort de cette décision que C______ était débiteur de A______. Lors d’une audience tenue par le Tribunal précité le 20 avril 2015, le locataire a déclaré qu’il habitait dans un immeuble propriété de la société B______ SA et que les parties avaient trouvé un accord quant au paiement des loyers, raison pour laquelle la créance opposée en compensation par C______ à ce sujet était injustifiée.
j. Par courrier du 20 février 2018, le locataire a sollicité une baisse de loyer de 150 fr. par mois à partir du 1er mars 2019, au vu de la variation du taux hypothécaire et de l’ISPC.
k. La bailleresse a accédé à sa demande. Selon l’avis de majoration du 8 mai 2018, le loyer annuel a été fixé à 10’200 fr. dès le 1er mars 2018.
l. Une plainte pénale a été déposée par la bailleresse à l’encontre de C______ qui a reconnu avoir détourné en sa faveur des fonds appartenant à B______ SA d’une valeur totale de 1’623’000 fr. Selon l’acte d’accusation, entre le 25 janvier 2019 et le 6 novembre 2019, C______ a profité de son accès aux comptes de la société pour procéder à des prélèvements privés.
m. En août 2020, D______ a quitté ses fonctions d’administratrice de B______ SA et le 15 décembre 2020, C______ a démissionné de ses fonctions.
n. Par courrier du 25 janvier 2021, le locataire a sollicité une baisse de loyer fondée sur l’évolution du taux hypothécaire, du coût de la vie et des charges d’exploitation.
o. Par courrier du 2 mars 2021, la régie a confirmé l’octroi d’une baisse de loyer, fixant celui-ci à 9’888 fr. l’an à compter du 1er juillet 2021.
p. Par avis officiel du 11 mars 2021, B______ SA a résilié le bail pour le 30 juin 2022, sans indiquer de motif.
q. Par courrier du 29 mars 2021, le locataire a sollicité de la bailleresse le motif du congé.
r. Par courrier du 30 mars 2021, la régie a imparti au locataire un ultime délai au 30 avril 2021 pour qu’il remette en état les murs, le plafond du balcon et une partie de la façade dans leur couleur d’origine, ayant constaté qu’elles avaient été repeintes en blanc.
s. Par courrier du 15 avril 2021, la régie a indiqué avoir constaté que le locataire entreposait des vélos sur le palier. Elle lui accordait un ultime délai au 19 avril 2021 pour les enlever. Dans le cas contraire, elle les ferait évacuer sans autre avis.
t. Par courrier du 19 avril 2021, le locataire, sous la plume de son conseil, a contesté les reproches qui lui étaient faits, ces demandes lui paraissant chicanières dans un contexte de tensions avec la bailleresse. Ces faits étaient par ailleurs tolérés depuis le début du bail.
u. Par courrier du 6 mai 2021, la régie a persisté dans les reproches faits au locataire ajoutant que celui-ci représentait un administrateur de la société propriétaire ces dernières années et agissait au gré de ses envies, ne tolérant aucune remarque.
v. Par courrier du 8 juin 2021, la bailleresse, sous la plume de son conseil, a communiqué le motif du congé au locataire. Elle a indiqué avoir « été contrainte de résilier le bail portant sur l’objet visé pour remettre celui-ci à un nouveau locataire de son choix. Monsieur A______, profitant de sa relation particulière avec un ancien administrateur de la société propriétaire, s’est arrogé un statut privilégié (loyer préférentiel, utilisation d’une place de parc sans droit, réalisation de travaux multiples au sein de son appartement aux frais de la propriétaire, entrave à la remise en location d’un appartement, etc.). Il a en outre adopté un comportement, pour le moins inadéquat, envers les locataires de l’immeuble et autres usagers ainsi que lors de la relocation des appartements. La bailleresse souhaitait mettre un terme à tout privilège et rétablir quiétude ainsi qu’égalité de traitement pour ses locataires ».
w. Au 30 juin 2021, les autres appartements loués au sein de l’immeuble l’étaient à des loyers compris entre 1’376 fr. (3 pièces, 61 m², remis à bail le 1.11.2002) et 3’150 fr. (5 pièces, 109 m², remis à bail le 15.03.2021).
Les loyers des appartements du 6ème étage étaient les suivants :
- 061.18 : 3 pièces, 61 m², remis à bail le 1er mai 2021, 1’650 fr. ;
- 062.10 : 4 pièces, 92 m², remis à bail le 1er février 2006, 2’100 fr. ;
- 064.10 : 5 pièces, 109 m², remis à bail le 1er février 1999, 1’704 fr.
x. Le 12 avril 2021, le locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d’une requête en contestation du congé.
y. Vu l’échec de la tentative de conciliation, l’autorisation de procéder a été délivrée au locataire le 10 juin 2021.
Le 12 juillet 2021, la cause a été introduite au Tribunal des baux et loyers, le locataire concluant à l’annulation du congé, subsidiairement à ce qu’une prolongation de bail de quatre ans lui soit octroyée.
A l’appui de sa requête, il a fait valoir que le congé avait été donné en représailles à sa demande de réduction de loyer du 25 janvier 2021. Il a contesté les reproches qui lui étaient faits et affirmé être la victime de la mésentente entre l’administrateur actuel de la bailleresse et les autres actionnaires, d’une part, et C______, ancien administrateur, d’autre part.
z. Dans sa réponse et demande reconventionnelle du 21 octobre 2021, la bailleresse a conclu, principalement, à la validité du congé notifié au locataire, avec effet au 30 juin 2022, et à ce qu’aucune prolongation de bail ne lui soit accordée. A titre reconventionnel, elle a conclu à l’évacuation du locataire dès le 1er juillet 2022. Elle a fait valoir que le locataire avait bénéficié, à ses dépens, d’un loyer de faveur et d’avantages liés à sa relation privilégiée avec C______. En particulier, il avait bénéficié d’une place de stationnement double au sous-sol de l’immeuble, mise à sa disposition gracieusement depuis la conclusion du bail et restituée à première demande en 2021, de l’usage à titre gracieux d’un appartement de 3 pièces au 6ème étage de l’immeuble litigieux, depuis le 1er mars 2018, l’appartement ayant été restitué et loué à partir du 1er mai 2021, et de travaux somptuaires exécutés dans l’appartement litigieux aux frais de la bailleresse. Elle a également allégué que le locataire intervenait de manière inappropriée dans la gestion de l’immeuble, notamment dans le choix des locataires.
aa. Dans sa réponse à la demande reconventionnelle et réplique, le locataire a contesté avoir bénéficié de faveurs. Les clauses du bail et les autres prestations qui lui avaient été offertes avaient toutes été avalisées par la régie en charge de la gestion de l’immeuble, une convention ayant d’ailleurs été conclue pour le mode de gestion de trois immeubles. Il participait à cette gestion avec l’aval de la régie, sans être rémunéré. Par son intervention, la bailleresse avait pu louer l’arcade au rez-de-chaussée à la Ville de Genève au prix de 500 fr./m² par an, laquelle avait également financé le coût des travaux de rafraîchissement et de réaménagement pour les besoins d’une crèche. Ainsi, son loyer – qui pouvait paraître avantageux en l’absence d’autres éléments – était justifié par les services rendus par le locataire à la bailleresse, dans le cadre de la gestion de l’immeuble. Il était par ailleurs âgé de 78 ans et souffrait de plusieurs problèmes de santé qui l’empêchaient de mener à bien ses démarches administratives.
bb. Dans sa duplique, la bailleresse a produit des plans selon lesquels l’appartement était constitué d’une cuisine, d’un salon et de deux chambres à coucher à l’étage. Elle a allégué que les montants investis dans l’appartement litigieux s’élevaient à 70’000 fr. alors que les autres appartements de l’immeuble avaient généré des dépenses pour quelques milliers de francs. Enfin, elle a rappelé que C______ ne disposait pas de la signature individuelle pour engager la société, que D______ avait perdu sa capacité de discernement et que E______ et F______ avaient été informés de la situation concernant le locataire, en février 2021, par la régie.
cc. Par avis officiel du 18 juillet 2022, le bail de l’appartement loué par le locataire sis rue 2______ no. ______ a été résilié par le nouveau propriétaire de l’immeuble pour le 31 octobre 2022.
dd. Lors de l’audience du 20 septembre 2022 devant le Tribunal, le locataire a exposé qu’il se présentait comme le représentant de C______, avec qui il entretenait une relation étroite. Il ne connaissait pas le régime de signature de C______ et ne savait pas qu’il y avait d’autres administrateurs.
Il a admis avoir disposé des clés de l’appartement de 3 pièces au 6ème étage de l’immeuble litigieux. Il y avait logé quelques mois, durant les travaux réalisés dans l’appartement qu’il louait. Il disposait gratuitement d’une place de parking, ce qui avait été convenu avec C______ et J______ dans le cadre de ses attributions pour la gérance de l’immeuble.
Les travaux exécutés dans son appartement étaient nécessaires. Le parquet et les carrelages étaient cassés et l’électroménager était en mauvais état. C’est lui-même qui avait commandé les travaux aux entreprises et la régie avait délivré des bons de travaux. En définitive, c’était lui qui choisissait les entreprises pour l’ensemble des travaux dans l’immeuble. Il approchait des entreprises qui exécutaient des travaux dans l’immeuble, comme la crèche, ou alors des entreprises qui travaillaient habituellement avec la régie.
Le loyer avait été négocié avec J______, qu’il connaissait, et K______, dans le contexte d’une part, de son intermédiation pour confier à la régie la gérance de l’immeuble, ainsi que deux autres immeubles appartenant à C______ et, d’autre part, de son intervention pour louer l’arcade du rez-de-chaussée à la Ville de Genève pour y installer une crèche, pour un loyer très important, ces deux éléments ayant influencé le montant de son loyer.
ee. Lors de l’audience du 9 janvier 2024 devant le Tribunal, F______, administrateur de la bailleresse, a exposé que le bail avait été résilié car les administrateurs avaient appris que le loyer était nettement inférieur aux loyers de l’immeuble et du quartier, pratiquement du simple au double. Le locataire avait utilisé un appartement gratuitement pendant une certaine période. Il s’était occupé de la location d’appartements avec C______ mais pas avec les autres administrateurs. Il avait réalisé des travaux dispendieux dans l’appartement qu’il occupait. Le bail avait été résilié pour tous ces motifs, étant précisé que le faible loyer était un motif déjà suffisant pour résilier le bail. Le locataire n’avait aucun rôle au sein de B______ SA. Il avait également occupé des places de parking qui ne figuraient pas sur son bail et pour lesquelles il ne payait pas de loyer. Toutes ces informations avaient été communiquées aux administrateurs par la régie. Avant décembre 2020, ils tenaient des assemblées du Conseil d’administration, lors desquelles ils obtenaient certaines informations sur la gestion de l’immeuble, mais pas les principales, à savoir tout ce qui n’était pas normal ne leur était pas transmis. Ils avaient pêché en accordant trop de confiance à C______. Les administrateurs étaient informés de l’état locatif et de son rendement, lequel était positif. Il n’avait lui-même jamais visité l’appartement litigieux. Il avait toutefois visité l’immeuble litigieux à deux reprises, dont une récemment. Il n’avait constaté ni amélioration ni péjoration de l’état de l’immeuble.
ff. Le Tribunal a procédé à l’audition de témoins lors des audiences des 6 décembre 2022, 31 janvier 2023 et 4 avril 2023.
J______, régisseur, a déclaré que sa régie gérait l’immeuble litigieux depuis 2007. Le mandat de gérance avait été obtenu par l’intermédiaire du locataire, de même que d’autres mandats pour d’autres immeubles. Le loyer de l’appartement litigieux avait été décidé par C______. Les travaux de rénovation réalisés dans l’appartement résultaient des choix du locataire, la régie n’ayant pas été consultée à cet égard. Le locataire avait bénéficié d’un parking gratuit, sans la caution de la régie. Il s’était occupé de la gestion et de l’entretien de l’immeuble, donnait des instructions pour les travaux, choisissait les entreprises et avait un contrôle sur les loyers et le choix des locataires. Cette activité n’avait pas permis de rentabiliser l’immeuble et aurait pu être effectuée par la régie qui percevait des honoraires sur les travaux et avait le mandat de rechercher des locataires. La situation devenant ingérable en raison des attributions du locataire, il avait pris l’initiative d’établir une convention signée avec C______ et le locataire. La situation était inhabituelle, à savoir qu’un tiers, le locataire, interférait avec le travail de la régie, étant précisé que toutes les instructions du locataire étaient validées par C______. L’arcade au rez-de-chaussée avait été relouée avant que la régie ne reprenne la gestion de l’immeuble. Le bail du locataire avait été résilié sur instruction de la société propriétaire, à la suite d’une séance entre les actionnaires et d’une réunion entre la régie et un de ses actionnaires, accompagné de son épouse et du fiduciaire de la société.
Les déclarations de K______, régisseur, ont confirmé celles de son père, J______. Il a par ailleurs déclaré que, hormis C______, il n’avait rencontré aucun autre représentant de la société propriétaire.
L______, employé de la régie, supérieur hiérarchique de la gestionnaire en charge de l’immeuble litigieux, a déclaré qu’il avait souvent été amené à traiter avec le locataire pour l’immeuble en question et pour d’autres immeubles. Il agissait en qualité de représentant de la société propriétaire. Il avait rencontré E______ et F______, en février 2021. Ces derniers avaient mal réagi lorsqu’ils avaient appris l’intervention du locataire dans la gestion. La réunion avait pour but de faire connaissance. Il était apparu à cette occasion que la régie n’avait pas connaissance de toutes les informations concernant les relations des administrateurs entre eux. La question de la nature des travaux réalisés dans l’appartement litigieux avait été établie à la suite de cette rencontre, à la demande des administrateurs. Il avait pris part aux discussions concernant la résiliation du bail litigieuse. Du moment où E______ et F______ avaient repris la main sur la gestion de l’immeuble, les rapports avec le locataire avaient été impossibles. Divers griefs avaient été évoqués, par exemple les travaux. Il a encore indiqué que lorsque la régie recevait des instructions du locataire qui l’interpelait, comme par exemple la baisse du loyer de la locataire H______, elle les faisait valider par C______. A un certain moment, la vacance de l’appartement mis à disposition du locataire avait inquiété la régie car elle avait duré.
M______, employée de la régie du 1er février 2016 au 31 août 2019, était en charge de la gestion de l’immeuble litigieux. Le locataire avait été son seul contact pour la bailleresse, il lui avait été présenté comme son représentant. Elle avait été instruite par sa hiérarchie de voir avec lui pour toutes les questions concernant la relocation d’un logement. Elle ne se rappelait pas avoir reçu d’instruction insolite ou absurde de sa part, ni qu’il ait tenu des propos racistes ou discriminatoires lors de visites d’appartement avec des candidats locataires.
N______, employée de la régie depuis 2010, avait repris la gestion administrative de l’immeuble litigieux le 1er décembre 2019. Elle avait eu beaucoup de contacts avec le locataire, en lien avec cet immeuble, et aucun avec les autres représentants de la bailleresse. Il exigeait d’être présent aux visites. Il avait mis comme condition que les locataires ne soient ni étrangers ni homosexuels. C’est lui qui choisissait au final les locataires. L’appartement de 3 pièces au 6ème étage de l’immeuble avait été mis à disposition du locataire à sa demande, pour y entreposer des objets durant les travaux dans l’appartement qu’il occupait. Elle avait trouvé dans le dossier un courriel de M______ à C______, confirmant que selon les instructions du locataire, l’appartement ne serait pas reloué. Elle avait reloué l’appartement lorsque ce dernier avait été écarté. En 2021, à la demande de la bailleresse, elle avait établi un récapitulatif de tous les travaux réalisés dans l’appartement du locataire. A cette occasion, ses collègues du service technique lui avaient dit que le locataire gérait les travaux, donnait les instructions sur la nature des travaux et le choix des entreprises. Il était le seul interlocuteur pour la bailleresse. Les autres appartements de l’immeuble n’avaient pas fait l’objet de travaux de même ampleur.
O______, employée de la régie de 2019 au 31 mars 2021, a déclaré avoir agi comme assistante technique pour l’immeuble litigieux. Elle avait traité avec le locataire qui lui transmettait des instructions cohérentes et dont l’intervention était utile. Le locataire avait demandé d’effectuer des travaux dans son appartement. Elle avait fait valider ses demandes par ses supérieurs hiérarchiques. Selon elle, les travaux réalisés étaient comparables par leur qualité et leur ampleur à ceux réalisés dans d’autres appartements de l’immeuble ou d’autres appartements locatifs. Après consultation des factures liées aux travaux réalisés dans l’appartement litigieux, elle a toutefois déclaré ne pas avoir le souvenir que des travaux similaires avaient été réalisés dans un autre appartement de l’immeuble. En revanche, lorsqu’un appartement se libérait après une longue période de location, une rénovation complète était entreprise pour un montant similaire de 70’000 fr. Il était arrivé que le locataire lui désigne des entreprises à mandater mais elle ne suivait ses instructions que lorsque les entreprises étaient agréées par la régie. Elle avait été licenciée par la régie.
P______, une bonne connaissance du locataire, a déclaré qu’ils avaient fait des affaires ensemble. Le locataire agissait comme intermédiaire et lui avait introduit des clients. Ainsi, il avait conclu une affaire avec F______ et C______, portant sur 90 logements au Boulevard de la Cluse, la construction de bâtiments pour les HUG, ainsi que d’une crèche pour la Ville de Genève. Le locataire était intervenu comme courtier et avait été très actif dans ce projet. Il avait lui-même négocié avec les HUG et la Ville de Genève. Il ignorait si le locataire avait touché une commission. Il avait été convenu qu’il s’arrange avec C______ et F______ à ce sujet. Il y avait droit.
gg. Par plaidoiries finales écrites du 15 mars 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions. Le locataire a produit un certificat médical, attestant d’affections chroniques multiples, dégénératives, d’origine orthopédique, hématologique et neurologique allant s’aggravant, ainsi qu’une attestation de ses prestations vieillesse pour l’année 2023, d’un montant de 10’596 fr.
Par déterminations complémentaires du 28 mars 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
La cause a ensuite été gardée à juger.
hh. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le motif du congé avancé par la bailleresse, soit sa volonté de ne plus être liée contractuellement à un locataire se comportant comme un propriétaire, qui avait joui à ses dépens d’un loyer préférentiel, utilisé une place de stationnement sans droit ou réalisé des travaux somptuaires dans l’appartement qu’il occupait, avait été confirmé par son administrateur devant le Tribunal. Le locataire était en effet intervenu dans la gestion de l’immeuble à tous les niveaux, en prenant la quasi-totalité des décisions, sans que cela ne rentabilise la gestion de l’immeuble. Il avait bénéficié d’un loyer de faveur, celui-ci représentant le loyer absolu le plus bas de l’immeuble, de places de stationnement à titre gracieux ainsi que d’un appartement supplémentaire durant près de trois ans. Il avait également fait réaliser, aux frais de la bailleresse, des travaux non négligeables dans l’appartement qu’il occupait, d’une ampleur et d’une qualité uniques par rapport aux autres appartements. Ainsi, il avait objectivement bénéficié d’avantages, qu’ils soient justifiés ou non par ses prestations au niveau de la gestion de l’immeuble. Dans la mesure où il avait été mis un terme à son intervention dans la gestion de l’immeuble, il n’y avait plus lieu pour la bailleresse de compenser en nature les éventuels services qu’il lui avait rendus. Le motif du congé n’était donc pas un congé économique déguisé et la bailleresse ne commettait pas d’abus de droit en voulant relouer son appartement à un tiers pour mettre fin à ce régime de faveur.
En tout état, les loyers pratiqués dans l’immeuble au début du bail en 2007, de même qu’au jour du congé, permettaient de retenir que la bailleresse serait en mesure de relouer plus cher. Partant, même s’il devait être retenu que le congé était un congé économique, le Tribunal tenait pour établi que la bailleresse était en mesure de relouer l’appartement à un loyer sensiblement plus élevé lorsqu’elle avait notifié le congé.
Le locataire avait ainsi échoué à prouver que le congé était abusif. L’instruction avait démontré qu’il donnait des instructions à la régie pour le compte de la bailleresse, lesquelles n’avaient pas toujours servi les intérêts de celle-ci. Tel était le cas de la baisse de loyer accordée à la locataire H______ et de la non relocation de l’appartement au 6ème étage mis à la disposition du locataire. M______ étant en charge de la gestion à cette période, ses déclarations devaient être appréciées avec réserve, tandis que rien ne permettait de remettre en question celles de N______. Il importait peu que la régie ait validé les instructions du locataire et, au demeurant, C______ n’avait pas la capacité d’engager seul la bailleresse et donc de confier un mandat à la régie ou au locataire. L’éventuelle bonne foi du locataire ne rendait pas le congé abusif.
S’agissant de la prolongation du bail, le locataire n’avait entrepris aucune démarche pour se reloger. Sa situation médicale ne justifiait pas en soi une prolongation, sa santé allant s’aggravant, de sorte qu’une prolongation ne permettait pas d’alléger la pénibilité du déménagement. Tenant compte de ces éléments, de la situation de pénurie à Genève, de la durée du bail, de la situation personnelle et financière du locataire, une prolongation unique de deux ans lui a été accordée.
Enfin, le Tribunal a prononcé l’évacuation du locataire.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
En l'espèce, le loyer annuel de l’appartement litigieux, hors charges, s'élève à 9’888 fr. La valeur litigieuse est donc supérieure à 10'000 fr. (9’888 fr. x 3 ans = 29’664 fr.), de sorte que la voie de l’appel est ouverte.
1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 138 al. 2 et 3 let. a, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.
1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
1.4 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s'applique notamment aux litiges portant sur des baux à loyer d'habitations et de locaux commerciaux en ce qui concerne la protection contre les congés ou la prolongation du bail. La maxime inquisitoire sociale régit alors la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).
Le juge doit donc établir les faits d'office et n'est pas lié par les allégations des parties et leurs offres de preuve (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Toutefois, les parties ne sont pas pour autant dispensées de collaborer activement à l'établissement des faits (ATF 142 III 402 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2).
2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir constaté de manière erronée ou incomplète certains faits en lien avec le motif du congé et d'avoir violé l’art. 271 CO. Il fait notamment grief au Tribunal d'avoir considéré que la résiliation litigieuse n’était pas contraire aux règles de la bonne foi. Selon lui, il s’agit en réalité d’un congé économique, dont les conditions ne sont pas remplies, contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal. A tout le moins, le Tribunal aurait dû retenir que le congé consacrait une disproportion manifeste des intérêts en présence.
Les griefs développés par l'appelant relèvent en réalité de l’appréciation des faits, lesquels ont toutefois été complétés dans la mesure utile.
3. 3.1 Lorsque le contrat de bail est de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite, chaque partie est en principe libre de le résilier pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue. Au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune des parties a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.1; 4A_484/2012 du 28 février 2013 consid. 2.3.1; 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.2). La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO), et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 141 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).
En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d’assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1 et 5.2.3 non publié in ATF 143 III 15; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3; ATF 120 II 105 consid. 3b/bb) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou en faveur de ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).
La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi: lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 et 271a CO).
La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).
Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid. 2;
135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1).
Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6). Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut examiner que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux. Cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 consid. 3.2; 4A_484/2012 précité consid. 2.3.1 et les arrêts cités).
Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation (pour le cas où l'avis de résiliation n'est pas motivé, cf. l'arrêt 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2) et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).
En vertu de l'art. 271 al. 2 CO, le congé ne doit être motivé que si l'autre partie le demande. La motivation du congé revêt toutefois une importance décisive lorsqu'il s'agit de décider si le congé est contraire aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). La motivation peut en principe encore être indiquée devant le Tribunal de première instance, la maxime inquisitoire simple étant applicable (art. 229 al. 3, 247 al. 2 let. a en relation avec l'art. 243 al. 2 let. c CPC; ATF 138 III 59 consid. 2.3). La détermination du sens et de la portée du motif s'effectue conformément aux principes généraux en matière d'interprétation des manifestations de volonté (ATF 127 III 444 consid. 1a p. 445). Il ne faut donc pas s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont le bailleur a pu se servir (art. 18 al. 1 CO).
Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation. Pour en juger, le juge doit se placer au moment où la résiliation a été notifiée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 précité consid. 4.4.1). Des faits survenus ultérieurement ne sont en effet pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification : si le motif pour lequel le congé a été donné tombe par la suite, le congé ne devient pas abusif a posteriori. En revanche, des faits ultérieurs peuvent fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (ATF 140 III 496 consid. 4.1 ; ATF 138 III 59 consid. 2.1 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_435/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1.1).
L'auteur de la motivation est lié par les motifs qu'il a donnés. Certes, il peut les compléter en cours de procédure, les expliciter, s'il a de bonnes raisons de le faire, par exemple pour répondre aux questions du juge ou aux arguments de sa partie adverse, mais il ne peut pas en donner d'autres (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 956).
Le bailleur qui a donné plusieurs motifs de congé doit prouver la réalisation de l'un d'entre eux, au moins. S'il n'est pas abusif, cela suffit à la validation du congé (Lachat, op. cit., p. 957).
Contrairement à ce qui prévaut lorsque le bailleur résilie le bail de manière anticipée – cas dans lequel le fardeau de la preuve de son besoin propre incombe au bailleur –, il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi. Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par lui (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 précité consid. 4.4.2).
Déterminer quel est le motif de congé et si ce motif est réel, ou s'il n'est qu'un prétexte, relève des constatations de fait (ATF 136 III 190 consid. 2; 131 III 535 consid. 4.3; 130 III 699 consid. 4.1). En revanche, savoir si le congé contrevient aux règles de la bonne foi est une question qui relève du droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_476/2016 du 20 février 2017 consid. 2.2.1).
3.2 En l’espèce, les premiers juges ont retenu que le motif du congé n’était pas contraire à la bonne foi, ce que conteste l’appelant.
S’agissant dudit motif, l’intimée a tout d’abord indiqué, par courrier du 8 juin 2021, avoir « été contrainte de résilier le bail portant sur l’objet visé pour remettre celui-ci à un nouveau locataire de son choix. Monsieur A______, profitant de sa relation particulière avec un ancien administrateur de la société propriétaire, s’est arrogé un statut privilégié (loyer préférentiel, utilisation d’une place de parc sans droit, réalisation de travaux multiples au sein de son appartement aux frais de la propriétaire, entrave à la remise en location d’un appartement, etc.). Il a en outre adopté un comportement, pour le moins inadéquat, envers les locataires de l’immeuble et autres usagers ainsi que lors de la relocation des appartements. La bailleresse souhaitait mettre un terme à tout privilège et rétablir quiétude ainsi qu’égalité de traitement pour ses locataires ».
Elle a précisé ce motif dans son écriture du 21 octobre 2021, exposant que l’appelant avait bénéficié, à ses dépens, d’un loyer de faveur et des avantages liés à sa relation privilégiée avec C______. En particulier, il avait bénéficié d’une place de stationnement double au sous-sol de l’immeuble, mise à sa disposition gracieusement depuis la conclusion du bail et restituée à première demande en 2021, de l’usage à titre gracieux d’un appartement de 3 pièces au 6ème étage de l’immeuble litigieux, depuis le 1er mars 2018, l’appartement ayant été restitué et loué à partir du 1er mai 2021, et de travaux somptuaires exécutés dans l’appartement litigieux aux frais de la bailleresse. Elle a également allégué que l’appelant intervenait de manière inappropriée dans la gestion de l’immeuble, notamment dans le choix des locataires.
Lors de son audition du 9 janvier 2024, F______, administrateur de l’intimée, a déclaré que le bail avait été résilié car les administrateurs avaient appris que le loyer était nettement inférieur aux loyers de l’immeuble et du quartier, pratiquement du simple au double. L’appelant avait utilisé un appartement gratuitement pendant une certaine période. Il s’était occupé de la location d’appartements avec C______ mais pas avec les autres administrateurs. Il avait réalisé des travaux dispendieux dans l’appartement qu’il occupait. Le bail avait été résilié pour tous ces motifs, étant précisé que le faible loyer était un motif déjà suffisant pour résilier le bail.
Il sied donc d’examiner si ces motifs permettent de valider la résiliation de bail litigieuse.
Il ressort de l’instruction que l’appelant a effectivement occupé un rôle dans la gestion de l’immeuble, sans rémunération, agissant comme représentant de l’un des administrateurs de l’intimée, soit C______, avec qui il entretenait une relation étroite et qui était son débiteur. A ce titre, il a bénéficié d’un loyer de faveur, d’une place de parking à titre gratuit, de travaux de rénovation dans son appartement qu’il a lui-même ordonnés et d’un pouvoir décisionnel sur les affaires courantes de l’immeuble. Il a d’ailleurs indiqué, dans le cadre d’une procédure en mainlevée l’opposant à C______ qu’il habitait dans un immeuble propriété de la société B______ SA et que les parties avaient trouvé un accord quant au paiement des loyers. Or, C______ ne disposait pas formellement du pouvoir de représenter la société propriétaire.
L’appelant ne pouvait l’ignorer puisqu’il se présente comme un apporteur d’affaires qui devait donc connaître le pouvoir de représentation de la société propriétaire, a fortiori s’agissant d’une information notoire, figurant au registre du commerce. Au vu de ses déclarations, il avait par ailleurs conscience du fait que B______ SA était une personne distincte de C______. Au demeurant, la convention signée par la régie, l’appelant et C______, pour régler les modalités de gestion de l’immeuble, a été signée au nom de ce dernier et non au nom de la société.
Il est vrai que les états locatifs qui étaient remis à l’intimée lors des conseils d’administration pouvaient la renseigner, et cela avant la période entourant la démission de C______ et la résiliation du bail intervenue le 11 mars 2021, sur le fait que l’appelant disposait de deux places de parking à titre gratuit (cf. supra, let. C.c), sur le montant de son loyer et son évolution, sur les autres loyers pratiqués dans l’immeuble, sur la vacance de l’un des appartements du 6ème étage ou encore sur le fait que la gestion de l’immeuble avait été confiée à une régie. Ceci étant, le représentant de l’intimée a déclaré lors de son audition que si ces informations étaient partagées avec les autres administrateurs, tel n’était pas le cas des « principales, à savoir tout ce qui n’était pas normal », soit le rôle qu’a joué l’appelant dans l’immeuble. Ce faisant, l’appelant a effectivement joui d’avantages aux dépens de l’intimée.
Dans ce contexte, l’intimée était en droit de mettre fin à la convention de gestion engageant l’appelant, C______ et la régie, de revoir la manière dont son immeuble serait administré à l’avenir et de mettre fin au contrat de bail d’un locataire ayant objectivement bénéficié d’avantages. De surcroît, ce locataire s’est présenté des années durant comme le représentant de C______, anciennement administrateur président de l’intimée, lequel s’était rendu coupable d’une grave infraction pénale à son encontre. Le souhait de ne plus être liée contractuellement à ce locataire apparaît légitime. Le motif du congé est réel et ne contrevient pas aux règles de la bonne foi.
Par conséquent, le Tribunal n’a pas erré en validant le congé.
4. L’appelant reproche enfin au Tribunal de lui avoir accordé une unique prolongation de deux ans et conclut à l’octroi d’une prolongation maximale. L’intimée, quant à elle, conclut à ce qu’aucune prolongation ne soit accordée à l’appelant.
4.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit d'un logement, la durée maximale de la prolongation est de quatre ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée.
Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 142 III 336 consid. 5.3.1; 116 II 446 consid. 3b). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2;
125 III 226 consid. 4b). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_459/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4.1).
L'octroi d'une prolongation suppose que le locataire ait entrepris ce que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour remédier aux conséquences pénibles du congé, et cela même lorsqu'il sollicite une première prolongation de son bail, le juge se montrant toutefois moins rigoureux à ce stade qu'à celui de la seconde prolongation (ATF 116 II 448 consid. 1; 110 II 254 consid. 4, JT 1985 I 265;
102 II 254, JT 1977 I 558).
4.2 En l'espèce, le Tribunal a octroyé à l’appelant une prolongation de bail de deux ans. Il s’est fondé pour ceci sur l’absence de démarche pour se reloger. Il a également considéré que sa situation médicale ne justifiait pas en soi une prolongation, sa santé allant s’aggravant, de sorte qu’une prolongation ne permettait pas d’alléger la pénibilité du déménagement. En plus de ces éléments, il a tenu compte de la situation de pénurie à Genève, de la durée du bail et de la situation personnelle et financière du locataire.
L’appelant conteste l’appréciation du Tribunal du fait de la longue durée du bail, de son état de santé et de l’absence d’urgence pour l’intimée de récupérer son bien.
Or, comme vu supra, ces éléments ont été pris en considération par le Tribunal et, en vertu du pouvoir d’appréciation dont elle dispose, la Cour conclut avec le Tribunal qu’une prolongation de deux ans apparaît appropriée eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. En tout état, l'appelant a bénéficié, du fait de la procédure, d'une prolongation de plus de deux ans.
5. Au vu des considérations qui précèdent, le jugement attaqué sera confirmé en tous points.
6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
* * * * *
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 1er juillet 2024 par A______ contre le jugement JTBL/566/2024 rendu le 24 mai 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/6771/2021.
Au fond :
Confirme le jugement querellé.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.