Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/533/2025 du 16.04.2025 sur JTBL/244/2025 ( SBL )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/22123/2024 ACJC/533/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MERCREDI 16 AVRIL 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 7 mars 2025,
et
B______ SA, sise c/o C______ SA, ______ [GE], intimée, représentée par Me Maud VOLPER, avocate, boulevard Georges-Favon 14, 1204 Genève.
Vu, EN FAIT, le contrat de bail conclu par les parties, portant sur la location d'une surface commerciale d'environ 248,5m2 située au 1er étage de l'immeuble sis rue 1______, à Genève;
Attendu que le loyer, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 12'466 fr. 10 fr. par mois;
Que par courrier recommandé du 13 février 2024, la bailleresse a mis en demeure le locataire de régler, sous trente jours, les loyers des mois de janvier et février 2024;
Que par courrier du 14 mars 2024, le conseil du locataire a informé la bailleresse de ce qu'il excipait de compensation avec un solde de 35'000 fr. dû à titre de participation par la précitée aux coûts de travaux en cours et d'une créance en remboursement des loyers versés du 1er jour du bail au 19 décembre, les locaux ayant été inaccessibles;
Qu'à la suite d'une vaine mise en demeure du 4 juin 2024, la bailleresse a, par avis officiel du 16 juillet 2024, résilié le bail pour le 30 août 2024;
Que les locaux n'ont pas été restitués;
Que, par requête déposée le 25 septembre 2024 au Tribunal des baux et loyers, la bailleresse a requis l'évacuation du locataire, demande assortie de mesures d'exécution directes du jugement d'évacuation;
Qu'à l'audience du Tribunal du 13 janvier 2025, la bailleresse a persisté dans ses conclusions; que les conseils des parties ont plaidé, répliqué respectivement dupliqué; que la bailleresse a contesté la possibilité d'exciper de compensation fondée sur des travaux; que la compensation n'avait pas été invoquée dans le délai comminatoire;
Que le locataire a contesté que le cas soit clair; qu'il a réaffirmé disposer d'une créance envers la bailleresse résultant de travaux effectués sur l'immeuble;
Que le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience;
Que, par jugement JTBL/244/2025 rendu le 7 mars 2025, le Tribunal a condamné le locataire à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout tiers la surface commerciale en cause (ch. 1 du dispositif), a autorisé la bailleresse à requérir l'évacuation du locataire par la force publique dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4);
Vu l'appel formé le 24 mars 2025 par le locataire contre ce jugement;
Attendu qu'il a conclu à son annulation et à ce que la Cour reconnaisse la compensation de créance et constate l'abus de droit de la bailleresse et lui ordonne de respecter ses obligations contractuelles;
Qu'il a également, préalablement, conclu à la suspension du caractère exécutoire des effets du jugement JTBL/244/2025;
Qu'interpellée, la bailleresse a, par écritures du 28 mars 2025, conclu à ce que la Cour constate que la demande d'effet suspensif était sans objet; qu'elle a également conclu à ce que la Cour ordonne l'exécution anticipée du jugement, se prévalant notamment de son dommage financier, de plus de 150'000 fr.;
Que le locataire ne s'est pas déterminé sur la requête d'exécution anticipée;
Que les parties ont été avisées le 15 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur requête d'exécution anticipée;
Considérant, EN DROIT, que la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation, pour autant que la valeur litigieuse soit supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC);
Qu'elle l'est également si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC);
Que selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_479/2013 du 20 novembre 2013 consid. 1);
Que si les conditions pour ordonner une expulsion selon la procédure sommaire en protection des cas clairs sont contestées, la valeur litigieuse équivaut au dommage présumé, si les conditions d'une expulsion selon l'art. 257 CPC ne sont pas remplies, correspondant à la valeur locative ou la valeur d'usage hypothétiquement perdue pendant la durée prévisible d'un procès en procédure ordinaire permettant d'obtenir une décision d'expulsion, laquelle a été estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_565/2017 du 11 juillet 2018 consid. 1.2.1);
Que lorsque la contestation porte sur la validité d'une résiliation de bail, ou que le locataire requiert la constatation de la nullité ou de l'inefficacité du congé, la valeur litigieuse est égale au loyer, provisions pour frais accessoires incluses, dû pour la période pendant laquelle le bail subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, c'est-à-dire jusqu'au jour où un nouveau congé pourra être donné. En pratique, il convient de prendre en considération le loyer et les frais accessoires pour la période de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 111 II 384 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 1.1);
Que l'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions d'appel (art. 315 al. 1 CPC);
Que si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable, l'instance d'appel peut, sur demande, autoriser l'exécution anticipée et ordonner au besoin des mesures conservatoires ou la fourniture de sûretés (art. 315 al. 4 let. a CPC);
Qu'en la matière, l'instance d'appel dispose d'un large pouvoir d'appréciation
(ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5; 5A_419/2014 du 9 octobre 2014 consid. 7.1.2);
Que, selon les principes généraux, l'autorité procède à une pesée des intérêts en présence et doit se demander, en particulier, si la décision est de nature à provoquer une situation irréversible; qu'elle prend également en considération les chances de succès du recours (arrêts du Tribunal fédéral 4A_337/2014 du 14 juillet 2014 consid. 3.1; 4D_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);
Qu'en l'espèce, le Tribunal a prononcé l'évacuation de l'appelant et a ordonné les mesures d'exécution directes du jugement d'évacuation, que l'appelant remet en cause;
Que la valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte;
Que l'appel suspend les effets de la décision entreprise dans cette mesure;
Qu'ainsi, la requête de restitution de l'effet suspensif est sans objet;
Qu'il ne sera pas fait droit aux conclusions de l'intimée en exécution anticipée du jugement entrepris; qu'en effet, d'une part, cela rendrait la procédure d'appel sans objet, et, d'autre part, l'intimée n'a pas rendu vraisemblable qu'elle risquerait de subir un préjudice difficilement réparable, la dette du recourant n'étant à cet égard pas suffisante à elle seule;
Qu'il convient également de tenir compte de la courte durée présumable de la présente procédure, jugée selon la procédure sommaire (art. 257 al. 1 CPC);
Que cette requête sera par conséquent rejetée.
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La Présidente de la Chambre des baux et loyers :
Constate la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement JTBL/244/2025 rendu le 7 mars 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22123/2024-3-SE.
Dit que la requête d'effet suspensif est sans objet.
Rejette la requête de B______ SA tendant à l'exécution anticipée du jugement.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.
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Indications des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.