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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4800/2024

ACJC/1081/2024 du 09.09.2024 sur JTBL/472/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4800/2024 ACJC/1081/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 9 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 mai 2024, représentés par ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

C______, sise ______, intimée, représentée par Me Mark MULLER, avocat, Muller & Fabjan, rue Ferdinand-Hodler 13, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/472/2024 du 2 mai 2024, reçu le 8 mai 2024 par les parties, le Tribunal des baux et loyers statuant par voie de procédure sommaire en protection des cas clairs, a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 4 pièces au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (chiffre 1 du dispositif), accordé aux locataires un délai humanitaire jusqu'au 31 août 2024 (ch. 2), autorisé [l'association] C______ à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès le 1er septembre 2024 (ch. 3), déclaré irrecevables les conclusions en paiement de la bailleresse (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte déposé le 15 mai 2024 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé "appel" contre ce jugement. Ils ont conclu, principalement à son annulation et à l'irrecevabilité de la requête en évacuation et, subsidiairement, à l'annulation des chiffres 2 et 3 de son dispositif et à l'octroi d'un sursis à l'évacuation de 12 mois à compter de l'entrée en force de l'arrêt à rendre.

Ils ont produit une pièce nouvelle, soit l'autorisation de procéder qui leur avait été délivrée par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans le cadre de la procédure C/2______/2024 les opposant à la bailleresse (pièce 4).

b. Par réponse du 30 mai 2024, la bailleresse a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Elle a produit deux pièces nouvelles, soit un extrait au 29 mai 2024 du compte relatif au logement en question et un acte de défaut de biens qui lui avait été délivré le 23 mai 2024 à l'encontre de B______ (pièces A et B).

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 30 juillet 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat du 16 juin 2017, C______, bailleresse, a remis à bail à A______ et B______, locataires "solidairement responsables", un logement N° 3______ de 4 pièces au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, destiné à l'habitation privée exclusivement, pour une durée d'un an du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 renouvelable tacitement d'année en année, moyennant un loyer mensuel, payable par mois et d'avance, de 1'312 fr., plus une provision chauffage/eau chaude de 160 fr., soit 1'472 fr. au total.

Les locataires occupent le logement avec leurs deux enfants, nés le ______ 2017 et le ______ 2020.

En janvier 2020 et en mars 2023, la bailleresse a accordé des arrangements de paiement aux locataires.

b. Entre août et octobre 2022, les parties ont échangé des messages électroniques au sujet d'infiltrations d'eau dont il fallait trouver l'origine, ainsi que d'une fenêtre fissurée qu'il fallait remplacer.

Le 26 juin 2023, les locataires ont écrit à la bailleresse que les fuites d'eau persistaient, ce qui les obligeait à procéder à des nettoyages fréquents. Sans réponse dans les 15 jours, ils allaient "bloquer" le loyer.

c. Par avis comminatoires séparés du 31 août 2023, reçus le lendemain, la bailleresse a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 30 jours le montant de 2'190 fr. 35 à titre d'arriéré de loyers et de charges et les a informés de son intention, à défaut de paiement de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

d. Par courrier du 6 septembre 2023, les locataires ont signalé à la bailleresse que les problèmes d'infiltration d'eau n'avaient pas été réglés; l'eau s'infiltrait par les fenêtres du salon et de la cuisine et des moisissures subsistaient dans la chambre à coucher et dans le corridor. Un délai au 30 septembre 2023 lui était imparti pour remédier auxdits problèmes, à défaut de quoi ils consigneraient le loyer.

Le 15 septembre 2023, la bailleresse a répondu aux locataires que l'entreprise mandatée avait constatée le 6 septembre 2023 qu'après la remise en place le 16 août 2023 des accessoires dans la salle de bains, les taux d'humidité étaient redescendus à un niveau normal. La réparation du plâtre et la pose d'un nouveau papier peint étaient prévues pour le 25 septembre 2023.

e. Par courrier recommandé du 27 septembre 2023 à la bailleresse, les locataires ont déclaré compenser le montant réclamé par avis comminatoire du 31 août 2023, soit 2'190 fr. 35, avec la réduction de loyer à laquelle ils prétendaient avoir droit pour les défauts dans leur logement au cours des derniers mois, soit depuis qu'ils l'avaient informée de ceux-ci.

f. Le 29 septembre 2023, les locataires ont versé 1'672 fr. à la bailleresse.

Ils n'ont consigné aucun loyer.

g. Par courriers recommandés du 11 octobre 2023, reçus le lendemain, la bailleresse a contesté la compensation. Elle a remis aux locataires des avis de résiliation officiels pour le 30 novembre 2023, faisant référence aux avis comminatoires du 31 août 2023.

h. Par requête du 10 novembre 2023, les locataires ont agi en constatation de l'inefficacité du congé devant la Commission de conciliation en matière des baux et loyers (procédure C/4______/2023). La procédure a été portée le 7 février 2024 devant le Tribunal, qui a fixé à la bailleresse un délai au 19 août 2024 pour dupliquer. Dans ce cadre, les locataires allèguent une créance compensatoire de 7'084 fr. 80 en février 2024 (réduction du loyer de 30 % durant 18 mois).

Le 7 février 2024, les locataires ont également déposé en conciliation une requête en exécution de travaux et réduction de loyer (C/2______/2024), qu'ils ont portée le 6 juin 2024 devant le Tribunal, qui a fixé à la bailleresse un délai au 19 août 2024 pour répondre. Les locataires concluent à la suppression de tous les défauts liés aux problèmes d'infiltration et d'écoulement d'eau dans l'appartement, au nettoyage complet du balcon et des fenêtres du salon et de la cuisine, à l'identification et la suppression de toutes les sources d'humidité et de moisissure dans l'appartement, à l'intervention sur les portes-fenêtres et les fenêtres pour supprimer les problèmes d'infiltrations d'eau et à la réparation du parquet aux abords des fenêtres du salon et de la cuisine. Ils réclament une réduction de loyer moyenne de 30 % du 1er août 2022 jusqu'à la complète et parfaite exécution des travaux.

i.  Par requête en protection du cas clair du 28 février 2024, la bailleresse a sollicité du Tribunal l'évacuation des locataires et l'exécution directe de l'évacuation. Elle a également pris des conclusions pécuniaires, dont l'irrecevabilité (cf. chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué) n'est pas litigieuse devant la Cour.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 2 mai 2024, la bailleresse a persisté dans ses conclusions. Elle ne connaissait pas l'arriéré dû, n'étant pas en possession d'un décompte actualisé. A sa connaissance, aucun montant n'avait été versé depuis janvier 2024.

Les locataires ont contesté les allégués de la requête et conclu à l'irrecevabilité de celle-ci. Ils ont invoqué l'inefficacité du congé, une procédure en contestation du congé étant pendante, et relevé que la compensation avait été soulevée durant le délai comminatoire. Par ailleurs, ils ont déposé les justificatifs des paiements pour mars et avril 2024, indiquant que les versements pour janvier et février 2024 apparaissaient déjà sur le décompte de la bailleresse. Ils ont invoqué le droit au logement et sollicité, à titre subsidiaire, un délai humanitaire de douze mois, n'ayant pas de solution de relogement. Ils étaient parents de deux enfants en bas âge, scolarisés à proximité du domicile. Ils étaient au bénéfice des prestations du Service cantonal des prestations complémentaires et avaient utilisé le montant reçu pour le loyer à d'autres fins, en raison du fait que la locataire avait perdu son travail et le locataire mis au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité. [L'association] D______ était intervenue auprès de la bailleresse pour proposer de verser l'arriéré mais aucune réponse ne leur était parvenue.

Ils ont produit des pièces relatives à leurs recherches de logement, soit une inscription d'avril 2024 à la Fondation immobilière de la Commune de E______, des confirmations des 27 février 2023 et 4 mars 2024 de reconduction de demandes de logement à la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève, des confirmations des 7 février 2023 et 9 janvier 2024 d'enregistrement au Secrétariat des Fondations immobilières de droit public et un contrat de mandat conclu le 29 janvier 2024 avec le Service immobilier F______.

   Les parties ont plaidé, en persistant dans leurs conclusions, et le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

k. Les premiers juges ont considéré que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1er CO étaient manifestement réunies et que les locataires n'avaient nullement rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles faisait défaut.

Ces derniers ne s'étaient pas acquittés de l'intégralité du montant réclamé durant le délai comminatoire. Les arguments développés dans la procédure en constatation de l'inefficacité du congé ainsi que dans la présente procédure quant à la compensation invoquée ne pouvaient faire obstacle au cas clair. En effet, au vu de la jurisprudence applicable, le congé était efficace quand bien même la compensation avait été invoquée durant le délai comminatoire, vu l'absence de consignation du loyer, alors que les locataires avaient avisé la bailleresse de leur intention d'y procéder, et l'impossibilité de prouver la contre-créance sans délai.

La bailleresse était ainsi fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO.

Depuis l'expiration du terme fixé, les locataires ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux litigieux. En continuant à occuper les locaux, ils violaient l'art. 267 al. 1 CO qui prévoit l'obligation de restituer la chose à la fin du bail. Leur évacuation devait donc être prononcée.

Au vu de la présence d'enfants en bas âge et des revenus limités des locataires, mais compte tenu également du fait que la bailleresse avait déjà fait preuve de souplesse dans le passé en accordant des arrangements de paiement, le Tribunal a accordé aux locataires un sursis humanitaire au 31 août 2024, la bailleresse étant autorisée à recourir à la force publique dès le 1er septembre 2024.

Le droit au logement invoqué par les locataires (art. 38 Cst/GE) ne leur conférait pas de droit directement invocable dans un litige de droit privé (ATF 107 Ia 277 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5) et sa seule invocation ne pouvait donc pas justifier de surseoir à l'exécution de leur évacuation.


 

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans
(ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, les locataires contestent la validité de la résiliation, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, l'acte du 15 mai 2024 respecte le délai et la forme prescrits par la loi, de sorte qu'il est recevable en tant qu'appel contre le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué et en tant que recours contre les chiffres 2 et 3 du même dispositif. Les locataires seront désignés ci-après comme les appelants.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2.  Les parties produisent des pièces nouvelles.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions: (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard.

En ce qui concerne les vrais nova, le Tribunal fédéral a jugé que le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. En effet, dans les procédures en protection des cas clairs, les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2).

A teneur de l'art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du tribunal ne doivent pas être prouvés. Sont notamment assimilés à des faits notoires ceux ressortant d'une autre procédure entre les mêmes parties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_610/2016 du 3 mai 2017 consid. 3.1).

2.2 Conformément aux principes qui précèdent, la pièce 4 des appelants est recevable, alors que les pièces nouvelles A et B de l'intimée ne le sont pas. Ces pièces ne sont de toute façon pas déterminantes pour la solution du litige.

3. Les appelants font grief au Tribunal d'avoir violé les art. 257 CPC et 257d CO en déclarant recevable la requête en protection du cas clair et en prononçant leur évacuation. Ils font valoir qu'ils ont excipé de compensation dans le délai comminatoire et que leur exception serait motivée et concluante. Celle-ci ne pourrait pas être écartée immédiatement, dans la mesure où deux actions, en contestation du congé, d'une part, et en exécution de travaux et réduction de loyer, d'autre part, sont pendantes devant le Tribunal.

3.1 Lorsque le bailleur introduit une requête d'expulsion pour le retard dans le paiement du loyer, selon la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, la cause est soumise tant aux conditions de droit matériel de l'art. 257d CO qu'aux règles procédurales de l'art. 257 CPC.

La réglementation de droit matériel mise en place par le législateur à l'art. 257d CO signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l'objet loué dans les plus brefs délais s'il ne paie pas le loyer en retard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2).

3.2. La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque
(ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2; 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).

3.2.1. Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1 p. 465; 140 III 315 consid. 5.2.3 et 5.3).

3.2.2. La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée: le demandeur doit apporter la preuve certaine ("voller Beweis") des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes ("substanziiert und schlüssig") qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes
(ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

3.2.3. Si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner sa validité à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. En effet, l'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine; sur la notification de l'avis comminatoire et de la résiliation, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 4.1).

L’introduction, par un locataire, d’une procédure en contestation du loyer initial et/ou d’une procédure en contestation du congé ne fait pas obstacle à l’action postérieure en expulsion intentée par le bailleur selon l’art. 257 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 4.1).

3.2.4. Il appartient au bailleur d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit; "rechtsbegründende Tatsachen"), conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En effet, si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner la question de la validité de celle-ci à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_574/2022 du 23 mai 2023 consid. 3.3).

3.2.5 La possibilité d'opposer en compensation une contre-créance contestée existe aussi pour le locataire mis en demeure de payer un arriéré de loyer (art. 257d CO); la déclaration de compensation doit toutefois intervenir avant l'échéance du délai de grâce (ATF 119 II 241 consid. 6b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 4C_212/2006 du 28 septembre 2006 consid. 3.1.1, in CdB 2007 22; cf. toutefois arrêt du Tribunal fédéral 4A_472/2008 du 26 janvier 2009 consid. 4.2.3, in RtiD 2009 II 681, qui exclut une telle possibilité dans une situation où la loi permet de consigner le loyer). Si le bailleur donne néanmoins le congé et si le locataire en conteste la validité en soutenant avoir payé son dû par compensation, le juge devra à titre préjudiciel se prononcer sur l'existence et le montant de la contre-créance, et partant instruire sur ce point. Cela étant, il y a lieu de tenir compte des spécificités de la cause.

La loi prévoit que si le paiement du loyer n'intervient pas durant le délai de grâce, le congé peut être donné avec un délai de trente jours pour la fin d'un mois (art. 257d al. 2 CO); une prolongation de bail est exclue (art. 272a al. 1 let. a CO). Cette réglementation légale signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l'objet loué dans les plus brefs délais s'il ne paie pas le loyer en retard.

L'obligation du juge de se prononcer sur la contre-créance invoquée en compensation ne saurait prolonger la procédure en contestation du congé de façon à contrecarrer la volonté du législateur de permettre au bailleur de mettre fin au bail et d'obtenir l'évacuation du locataire dans les plus brefs délais; cette volonté découle des règles de droit matériel évoquées ci-dessus, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir si la contestation de l'efficacité du congé relève de la procédure ordinaire ou simplifiée (cf. ATF 139 III 457 consid. 5.3 in fine, qui laisse la question indécise). Invoquer la compensation avec une contre-créance contestée ne doit pas être un moyen susceptible de conduire à une prolongation du séjour indu du locataire dans l'objet loué. La contre-créance invoquée en compensation doit dès lors pouvoir être prouvée sans délai; si une procédure relative à la contre-créance est pendante devant une autre instance, il ne saurait être question de suspendre la procédure en contestation du congé jusqu'à droit connu dans l'autre procédure, sauf si une décision définitive est imminente.

Cette restriction se justifie d'autant plus que le locataire qui prétend avoir une créance en réduction de loyer ou en dommages-intérêts pour cause de défauts de l'objet loué n'est pas en droit de retenir toute ou partie du loyer échu; il n'a en principe que la possibilité de consigner le loyer, l'art. 259g CO étant une lex specialis par rapport à l'art. 82 CO. Il est donc dans son tort s'il retient le loyer, ce qui a même conduit une fois le Tribunal fédéral à exclure la possibilité d'opposer en compensation une créance fondée sur les défauts de la chose louée (arrêt précité 4A_472/2008 du 26 janvier 2009 consid. 4.2.3, in RtiD 2009 II 681). Si le locataire passe outre, il peut toujours, à réception de l'avis comminatoire, éviter la résiliation du bail en payant le montant dû ou en le consignant et ainsi éviter le congé et la procédure judiciaire en contestation de ce congé. S'il se décide néanmoins à compenser avec une contre-créance contestée, il fait ce choix à ses risques et périls (arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2 et les références citées).

LACHAT relève dans ce sens que le locataire qui prétend compenser avec le loyer une prétendue créance contre son bailleur court le risque de voir son bail résilié en application de l'art. 257d al. 2 CO (retard dans le paiement du loyer) s'il n'était pas fondé à invoquer la compensation. Par conséquent, il n'opérera une telle compensation que si sa créance est incontestée ou incontestable, en particulier si elle résulte d'une reconnaissance de dette ou d'une décision judiciaire. Le locataire n'excipera de compensation que si sa créance est certaine et chiffrée (LACHAT, Le bail à loyer, 2019, pp. 382-383).

Pour que soit respectée la volonté du législateur lors de l'adoption de l'art. 257d CO, le juge doit pouvoir se prononcer sur l'existence et le montant de la contre-créance rapidement. Il doit en aller de même lorsque le locataire prétend seulement à une réduction de son loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_574/2022 précité consid 3.4).

Il ne suffit pas que la contre-créance ne soit pas sans fondement ("nicht haltlos"). Il ne suffit pas non plus que le locataire tente d'éviter une résiliation pour demeure de paiement, à laquelle ferait suite une expulsion par la voie du cas clair (art. 257 CPC), en prétextant des défauts de l'objet loué et sur la base de ceux-ci, invoque en compensation des créances non chiffrées et non établies ("unbezifferte, nicht feststehende Forderungen"; cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_333/2022 du 9 novembre 2022 destiné à la publication, consid. 5.2, arrêt résumé et analysé par ECKLIN, Newsletter bail.ch janvier 2023).

3.3 En l'espèce, lorsque les avis comminatoires ont été envoyés le 31 août 2023, les locataires accusaient un retard de 2'190 fr. 35 dans le paiement du loyer. Dans le délai comminatoire, qui est venu à échéance le 1er octobre 2023, ils ont déclaré à la bailleresse qu'ils entendaient compenser ledit montant avec une prétendue créance fondée sur les défauts de la chose louée. Dans le même délai, ils ont néanmoins ensuite versé à l'intimée 1'672 fr., de sorte qu'à l'échéance du délai de grâce, ils restaient lui devoir 518 fr. 35 sur le montant réclamé.

Le Tribunal a considéré que les arguments développés par les locataires dans la procédure en constatation de l'inefficacité du congé ainsi que dans la présente procédure quant à la compensation invoquée ne pouvaient faire obstacle au cas clair. En effet, au vu de la jurisprudence applicable, le congé était efficace quand bien même la compensation avait été invoquée durant le délai comminatoire, vu l'absence de consignation du loyer, alors que les locataires avaient avisé la bailleresse de leur intention d'y procéder, et l'impossibilité de prouver la contre-créance sans délai. Les appelants ne critiquent pas cette motivation, se bornant à des considérations générales au sujet des objections et exceptions motivées et concluantes qui ne peuvent pas être écartées immédiatement, en ignorant la jurisprudence topique relative à la contre-créance (contestée) invoquée en compensation durant le délai comminatoire. Cela suffit à sceller le sort de l'appel.

A toutes fins utiles, il sera relevé que ladite contre-créance doit être certaine et chiffrée et donc pouvoir être prouvée sans délai. Les appelants auraient dû, à réception des avis comminatoires, payer la totalité du montant dû ou le consigner, en évitant ainsi le congé et la procédure judiciaire en contestation du congé. A leurs risques et périls, ils ont fait le choix de compenser avec une contre-créance contestée, sur l'existence et le montant de laquelle le juge du cas clair n'est pas en mesure de statuer immédiatement. Le fait que deux procédures relatives à la contre-créance soient pendantes ne change rien à ce qui précède, vu la jurisprudence restrictive du Tribunal fédéral. Les appelants ne prétendent pas, à juste titre, qu'une décision définitive serait imminente dans l'une ou l'autre de ces procédures et qu'il se justifierait ainsi de suspendre la présente cause jusqu'à droit connu.

En conclusion, le jugement attaqué sera confirmé en tant qu'il prononce l'évacuation des locataires (chiffre 1 du dispositif).

4.  Le grief des locataires relatif au droit au logement n'est pas motivé, de sorte qu'il n'est pas recevable. A toutes fins utiles, l'argumentation du Tribunal, conforme à la jurisprudence constante de la Cour (par exemple ACJC/316/2024 du 11 mars 2024 consid. 2.2), ne peut qu'être suivie.

5. Les appelants sollicitent l'octroi d'un sursis humanitaire de 12 mois à compter de l'entrée en force du présent arrêt. En tant que cette conclusion dépasse la durée sollicitée lors de l'audience du Tribunal du 2 mai 2024, elle est irrecevable en vertu de l'art. 326 al. 1 CPC.

5.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2019 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier. Cette disposition s'applique, selon ses propres termes, aux logements, c'est-à-dire aux habitations (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 précité consid. 3.1).

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité"; sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé; en revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; ACJC/187/2014 du 10 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1990 p. 30 et réf. cit.).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

5.2 En l'espèce, en accordant aux appelants un sursis humanitaire de 9 mois à compter de l'échéance du bail, les premiers juges ont respecté les principes susmentionnés. Cette durée tient compte équitablement de la situation familiale et financière des appelants. Le délai fixé a également l'avantage d'éviter un déménagement des enfants des locataires, âgés de 4 et 7 ans, durant l'année scolaire 2024/2025. Un sursis plus étendu reviendrait à remplacer une prolongation du bail, qui est exclue en cas de demeure du locataire, ce qui n'est pas admissible.

Les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué seront ainsi également confirmés.

5.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel et le recours interjetés le 15 mai 2024 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/472/2024 rendu le 2 mai 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4800/2024.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président ; Mesdames Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges ; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Damien TOURNAIRE, juges assesseurs ; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.