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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21098/2023

ACJC/342/2024 du 18.03.2024 sur JTBL/1033/2023 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21098/2023 ACJC/342/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 18 MARS 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], et
ASSOCIATION B______, c/o Monsieur A______, ______ [GE], appelants et recourants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 23 novembre 2023, représentés par Me Maud VOLPER, avocate, boulevard Georges-Favon 14,
1204 Genève,

et

C______, sise ______ (LU), intimée, représentée par Me David BENSIMON, avocat, Rhône Avocat.e.s SA, rue du Rhône 100, 1204 Genève,
1) D______ SA, sise ______ [GE], intimée,
2) Monsieur E______, domicilié ______ [GE], autre intimé,
3) Monsieur F______, domicilié ______ [GE], autre intimé,
4) Monsieur G______, domicilié ______ [GE], autre intimé,
5) Monsieur H______, domicilié ______ [GE], autre intimé, tous représentés par
Me Imad FATAL, avocat, rue St-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4.


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/1033/2023 du 23 novembre 2023, reçu par A______ et ASSOCIATION B______ le 6 décembre suivant, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a ordonné à D______ SA, E______, H______, F______ et G______ de libérer immédiatement de tous biens et de toutes personnes, l'arcade commerciale (objet 1______) située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, [code postal] Genève, destinée à l'exploitation d'un fitness et d'une buvette, ainsi que le dépôt (objet 3______), situé au sous-sol du même immeuble (ch. 1 du dispositif), a ordonné également à l'ASSOCIATION B______ et à A______ de libérer immédiatement de tous biens et de toutes personnes, l'arcade commerciale (objet 1______) située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, [code postal] Genève, destinée à l'exploitation d'un fitness et d'une buvette, ainsi que le dépôt (objet 3______), situé au sous-sol du même immeuble (ch. 2), a autorisé la [compagnie d'assurances] C______ à faire appel à un huissier judiciaire et, en tant que besoin, à la force publique, afin de procéder à l'évacuation de D______ SA, E______, H______, F______, G______, de l'ASSOCIATION B______ et de A______, ainsi que de tout autre éventuel occupant, de l'arcade commerciale (objet 1______) située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, [code postal] Genève, destinée à l'exploitation d'un fitness et d'une buvette, ainsi que du dépôt (objet 3______), situé au sous-sol du même immeuble, dès l'entrée en force du présent jugement (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, le Tribunal a retenu que le transfert de bail, accepté par la propriétaire de l'immeuble, avait mis un terme au contrat de sous-location conclu entre les locataires transférants et leurs sous-locataires. Ainsi, tant les anciens locataires et les sous-locataires ne disposaient plus d'aucun titre les autorisant à rester dans les locaux. Leur évacuation devait par conséquent être prononcée. Aucun sursis à l'exécution de l'évacuation ne pouvait être accordé aux sous-locataires, dès lors qu'ils savaient depuis de nombreux mois qu'ils n'étaient plus au bénéfice d'un contrat de gérance et qu'ils n'avaient procédé à aucune recherche de nouveaux locaux.

B.            a. Par acte expédié le 18 décembre 2023 à la Cour de justice, A______ et ASSOCIATION B______ ont formé appel et recours contre le jugement précité, dont ils ont sollicité l'annulation. Ils ont conclu, sur appel, principalement à ce que la Cour déclare irrecevable la requête en évacuation formée par la C______ le 18 septembre 2023, et, subsidiairement, renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Sur recours, ils ont requis subsidiairement l'octroi d'un délai " de départ" de trois mois dès l'entrée en force du jugement d'évacuation.

b. Par courrier du 21 décembre 2023, D______ SA, E______, F______, G______ et H______ ont conclu au rejet de l'appel et du recours.

c. Dans sa réponse du 29 décembre 2023, la C______ a également conclu au rejet de l'appel et du recours.

d. Par réplique du 15 janvier 2024, A______ et ASSOCIATION B______ ont persisté dans leurs conclusions.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 12 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. La C______ est propriétaire de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, à Genève.

b. Le 30 août 2018, la C______ a conclu avec la société I______ SARL et E______ un contrat de bail portant sur une surface d'environ 307 m2 destinée à une salle de fitness et à l'exploitation d'une buvette au rez-de-chaussée, ainsi que sur un dépôt de 202 m2 environ, au sous-sol de l'immeuble en question.

Le bail a été conclu pour une durée déterminée de trois ans, avec droit d'option de renouvellement, pour une durée de cinq ans.

Le loyer a été fixé à 36'000 fr. par année, soit 3'000 fr. par mois jusqu'au 31 août 2019, à 48'000 fr., soit 4'000 fr. par mois jusqu'au 31 août 2020, puis à 66'000 fr., soit 5'500 fr. par mois dès le 1er septembre 2020, les acomptes de charges ayant été fixés à 4'800 fr. par année, soit 400 fr. par mois.

c. Par avenant du 18 mars 2019, il a été convenu de ce que le bail se poursuivrait avec D______ SA, E______, F______, H______ et G______. Une nouvelle garantie de loyer devait être constituée.

d. Le bail a été reconduit pour une durée de cinq ans. Le loyer a été fixé dès le 1er mai 2021 à 4'200 fr. par mois, Par avis des 20 septembre 2022 et 20 février 2023 respectivement, le loyer a été indexé à l'ISPC et porté à 4'284 fr. par mois, dès le 1er novembre 2022, et à 4'379 fr. par mois, dès le 1er avril 2023, charges en 400 fr. par mois en sus.

e. Le 31 mai 2021, D______ SA, (sous-)bailleresse, et ASSOCIATION B______, locataire-gérante représentée par A______, ont conclu un contrat de gérance-libre dès le 1er juin 2021 portant sur les locaux commerciaux en cause pour une durée déterminée de six mois jusqu'au 30 novembre 2021. Il était précisé à l'art. 2.4 dudit contrat que le contrat de gérance prendrait définitivement fin avec la résiliation définitive du bail commercial principal. La redevance convenue était de 10'000 fr. HT par mois, permettant de couvrir l'ensemble des frais de la sous-bailleresse. L'art. 6.1 prévoyait que la convention ne pouvait être interprétée comme une convention de remise de commerce. Toute modification du contrat nécessitait la forme écrite (art. 12.1).

f. Par courrier du 28 mai 2022, D______ SA a informé ASSOCIATION B______ qu'ensuite des retards de paiement et mises en demeure, le contrat de gérance ne serait pas renouvelé et qu'il se terminerait à son échéance déterminée le 30 juin 2022. Par ailleurs, la proposition de vente au 31 mai 2022 resterait valable à condition que les dettes soient soldées dans l'intervalle.

g. Une convention de sortie a été signée entre D______ SA et ASSOCIATION B______ le 30 juin 2022 mentionnant la remise des clefs par la précitée.

h. Le 30 septembre 2022, D______ SA, venderesse, ASSOCIATION B______ et A______, acheteurs, ont conclu une convention de remise de commerce pour le prix de 190'000 fr., payable en trois versements, le premier en 60'000 fr. deux jours ouvrables après la signature du contrat, le second en 30'000 fr. au plus tard le 31 janvier 2023 et le solde en 100'000 fr. en 40 mensualités de 2'500 fr., la première devant intervenir au plus tard le 10 novembre 2022. Les acheteurs reconnaissaient devoir des arriérés de loyers à hauteur de 10'000 fr. et s'engageaient à rembourser cette dette au plus tard le 20 décembre 2022. Des modalités ont été prévues permettant à la venderesse de se départir du contrat en cas de retard dans les versements convenus (art. 4.3).

i. Après relance du 14 octobre 2022 par D______ SA pour le paiement de la première tranche convenue, la venderesse s'est départie du contrat par courrier du 7 novembre 2022, impartissant à ASSOCIATION B______ un délai de 30 jours pour libérer les locaux.

j. Un rendez-vous a été fixé par D______ SA le 23 décembre 2022 pour la restitution des clefs et des locaux, ce à quoi ASSOCIATION B______ s'est opposée.

k. Par courrier du 28 décembre 2022, D______ SA a accordé un ultime délai à ASSOCIATION B______ au 30 décembre 2022 pour récupérer ses effets personnels. Passé cette date, D______ SA se réservait le droit de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer les locaux, rappelant en outre que la sous-locataire avait toujours une dette de 10'000 fr. envers elle.

l. Par courriel du 16 février 2023, le conseil de D______ SA a informé ASSOCIATION B______ et A______ de ce qu'aucune convention n'ayant été signée avec ces derniers, ni aucun versement effectué à la date butoir convenue au 15 février 2023, la société serait vendue à un tiers qui s'était manifesté pour le rachat de la société D______ SA avec une offre ferme.

m. Le 16 février 2023, le conseil de ASSOCIATION B______ a indiqué que le montant de 75'000 fr. avait été versé par la précitée sur le fonds de consignation de l'Etude et que la convention discutée devait encore être finalisée avec ses mandants.

n. Le 6 mars 2023, le conseil de ASSOCIATION B______ a informé la régie de ce que la précitée exploitait les locaux en s'acquittant directement du loyer en ses mains et que des échanges avaient lieu entre les parties s'agissant de la reprise du fonds de commerce propriété de D______ SA. En l'état, aucun accord n'avait été trouvé entre les deux protagonistes. En l'absence de réaction de la part de la régie ou du propriétaire, elle partait du principe que la sous-location était admise.

o. En mai 2023, D______ SA, E______, F______, H______ et G______ ont souhaité transférer le bail des locaux à la société J______ SA et à K______.

p. Le transfert du bail en faveur de ces derniers a été accepté par la C______.

Le 24 mai 2023, le transfert de bail a été entériné et signé par les intéressés, avec effet au 1er juin 2023.

L'art. 2 du contrat prévoit que « Le locataire transférant s'engage à libérer les locaux pour la date fixée ci-dessus » et que ce dernier « est seul responsable de l'inexécution de cet engagement, le bailleur déclinant donc toute responsabilité à ce sujet. »

q. J______ SA et K______ ont également pris à bail l'arcade adjacente, afin de relier les deux arcades.

r. Entre les mois de juin et août 2023, les conseils de J______ SA et K______, d'une part, et de A______ et ASSOCIATION B______, d'autre part, ont échangé de nombreuses correspondances, concernant notamment l'occupation par les derniers nommés des locaux en cause.

s. Par requête en protection de cas clair déposée le 18 septembre 2023 au Tribunal, la C______ a requis l'évacuation des anciens locataires des locaux (D______ SA, E______, H______, F______, G______) et des sous-locataires (A______ et ASSOCIATION B______), assortie de mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation.

t. A l'audience du Tribunal du 23 novembre 2023, la C______ a persisté dans ses conclusions, indiquant que les indemnités pour occupation illicite étaient à jour.

D______ SA, E______, H______, F______ et G______ ont appuyé les conclusions de la C______, précisant avoir déjà libéré les locaux conformément à leurs obligations. Le contrat de gérance était arrivé à terme le 30 juin 2022 et les clefs avaient été restituées. Toutefois, la sous-locataire n'était pas sortie et avait récupéré les clefs. Dans ces circonstances, une discussion avait eu lieu en vue d'un éventuel rachat du fonds de commerce, laquelle n'avait pas abouti. Des altercations étaient survenues entre deux protagonistes ayant donné lieu à des plaintes pénales et les serrures des locaux avaient été changées par les occupants.

ASSOCIATION B______ et A______ ont conclu à l'irrecevabilité de la requête, le cas n'étant à leur sens pas clair. Ils ont indiqué être toujours dans les locaux et rechercher activement des locaux de remplacement. Ils ont déclaré ne pas avoir été informés du transfert de bail et avoir été mis devant le fait accompli avec la visite, en juin 2023, de K______. Ils s'acquittaient alors des mensualités en mains de la C______. Depuis août 2023, ils versaient les mensualités en mains de J______ SA. Ils ont soutenu que le contrat de sous-location s'était transformé en contrat de durée indéterminée. Ils se sont par ailleurs prévalu d'un abus de droit de la C______ à requérir leur évacuation, dans la mesure où elle avait décliné toute responsabilité relative à la libération des locaux, dans le contrat de transfert de bail. ASSOCIATION B______ et A______ ont requis l'octroi d'un sursis de trois mois dès l'entrée en force du jugement, l'exploitation du fitness constituant l'unique moyen de subsistance de A______.

La C______ a souligné que les sous-locataires avaient admis son allégué selon lequel ils avaient refusé de quitter les lieux et les occupaient sans droit. Elle était dès lors fondée à agir contre les sous-locataires qui se maintenaient dans les locaux après la fin du contrat de bail principal. Les sous-locataires savaient en outre depuis 18 mois qu'ils devaient restituer les locaux de sorte qu'aucun délai supplémentaire ne devait être accordé.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, les appelants contestent non seulement l'expulsion en tant que telle, mais se prévalent également de la validité du contrat de sous-location, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, l'appel et le recours, formés dans le délai et la forme prescrits par la loi, sont recevables.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2. Selon la jurisprudence de la Cour (ACJC/646/2019 du 6 mai 2019 consid. 2.1.7), le Tribunal des baux et loyers est compétent à raison de la matière pour statuer sur tout litige relatif aux baux et loyers opposant un bailleur principal à un sous-locataire (restitution des locaux, évacuation, exécution de l'évacuation, demande en paiement d'une indemnité pour occupation illicite, etc.). Cette compétence ne concerne que les rapports entre un bailleur principal et un sous-locataire, à l'exclusion d'un squatteur, d'un occupant non titulaire d'un contrat de bail de sous-location ou d'un occupant à titre gratuit titulaire d'un contrat de prêt à usage, cas où la compétence de la juridiction ordinaire demeure.

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir retenu que le cas était clair.

3.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque
(ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3.2; 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2, 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).

3.1.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5.2.3 et 5.3).

3.1.2 La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

3.1.2.1 Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée: le demandeur doit apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig) qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

3.1.2.2 Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2023 précité consid. 3.2.2.2; 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Cela ne signifie toutefois pas que l'existence d'un cas clair doit être d'emblée exclue sous l'angle juridique lorsqu'un abus de droit est invoqué. En effet, l'interdiction de l'abus de droit ne présuppose pas la prise en compte de toutes les circonstances du cas d'espèce au sens de la jurisprudence précitée si le comportement considéré est manifestement abusif, ce qui est notamment le cas s'il appartient aux cas typiquement reconnus comme tels par la jurisprudence et la doctrine (arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 4.3; 4A_550/2020 du 29 avril 2021 consid. 5.1; 4A_25/2019 du 15 avril 2019 consid. 3; 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4; 4A_2/2016 du 18 février 2016 consid. 2.1; 4A_350/2015 du 25 août 2015 consid. 4.2 et la référence).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

  3.2.1 Aux termes de l'art. 263 al. 1 et 2 CO, le locataire d'un local commercial peut transférer son bail à un tiers avec le consentement écrit du bailleur. Le bailleur ne peut refuser son consentement que pour de justes motifs.

Le transfert de bail se présente comme un contrat conclu entre le locataire initial et le locataire reprenant à l'effet d'opérer un changement de locataire. Le transfert du bail opérant une substitution de locataire, il a pour résultat de modifier fondamentalement le rapport contractuel initial, de sorte qu'on ne saurait concevoir qu'il intervienne à l'insu du bailleur; le consentement du bailleur, qui doit être donné sous la forme écrite, est une condition suspensive du transfert (ATF 139 III 353 consid. 2.1.1; 125 III 226 consid. 2b).

Si le bailleur donne son consentement, le tiers est subrogé au locataire (art. 263 al. 3 CO).

En cas de transfert de bail valable, le locataire reprenant prend la place du locataire précédent dans le rapport contractuel (ATF 139 III 353 ibid; Weber, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 7e éd. 2020, n. 6 ad art. 263 CO; Higi, Zürcher Kommentar, 4e éd. 1994, n. 44 ad art. 263 CO).

L'art. 263 CO n'exige pas, pour que le transfert de bail soit valable, l'accord d'un éventuel sous-locataire. D'ailleurs, le transfert de bail n'opère ses effets qu'entre les parties au contrat de bail et n'a en principe pas d'effet sur les obligations que celles-ci ont pu contracter à l'égard de tiers (ATF 139 III 353 ibid; Barbey, Le transfert du bail commercial, SJ 1992 p. 48).

3.2.2 Selon l'art. 275 CO, le bail à ferme est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder au fermier, moyennant un fermage, l'usage d'un bien ou d'un droit productif et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits.

3.2.3 La sous-location est un contrat par lequel le locataire cède, moyennant le paiement d'un loyer, l'usage de la chose louée à un tiers (le sous-locataire) avec le consentement du bailleur (art. 262 al. 1 CO; art. 291 al. 1 CO pour le sous-affermage). Le bailleur ne peut refuser son consentement que dans les hypothèses visées par l'art. 262 al. 2 CO, respectivement 291 al. 2 CO.

La sous-location, respectivement le sous-affermage, est un contrat de bail à part entière, distinct du bail principal, soumis en principe aux règles des art. 253 ss CO (ATF 139 III 353 consid. 2.1.2; Weber, op. cit., n. 9 ad art. 262 CO; Higi, op. cit., n. 9 ad art. 262 CO).

S'il est vrai que la sous-location constitue un bail en soi distinct du bail principal, il n'en est pas totalement indépendant. Dans un contrat de bail, le bailleur s'engage à céder l'usage de la chose (art. 253 CO), et, dans le contrat de bail à ferme, un bien ou un droit productif (art. 275 CO) ce qui suppose qu'il soit lui-même titulaire de ce droit d'usage. Dans le cas d'une sous-location, il est évident que le sous-bailleur ne peut pas transférer plus de droits qu'il n'en a lui-même. Si le bail principal s'éteint, le sous-bailleur se trouve dans l'impossibilité de fournir sa prestation au sous-locataire. Dès lors que le droit d'usage ne lui est plus valablement cédé, le sous-locataire doit restituer la chose. Il peut, sinon, faire l'objet d'une demande d'expulsion (ATF 139 III 353 ibid). L'art. 273b al. 1 CO précise d'ailleurs que la sous-location ne peut pas être prolongée au-delà du bail principal. Si le sous-locataire doit ainsi restituer la chose avant l'expiration du contrat de sous-location, il peut, le cas échéant, demander des dommages-intérêts au sous-bailleur pour inexécution partielle du contrat (art. 97 CO)
(ATF 139 III 353 ibid; Higi, op. cit., nos 19 et 27 ad art. 262 CO).

3.2.4 Le Tribunal fédéral a retenu qu'à la suite du transfert du bail principal, l'ancien locataire principal avait perdu tout droit d'usage sur le local en cause, dès la date dudit transfert. Il n'était donc plus en mesure de céder de droit d'usage à ses précédents sous-locataires et n'était dès lors plus sou-bailleur. Dès le transfert de bail, seul le repreneur, qui a juridiquement le droit d'usage sur la chose, peut le céder à un tiers (ATF 139 III 353 consid. 2.1.3 à 2.1.5).

3.2.5 Selon la jurisprudence et la doctrine, le bailleur principal est fondé à exiger du sous-locataire la restitution de la chose louée, sans que cette démarche ne puisse être qualifiée d'abusive. En effet le contrat de sous-location n'est pas opposable au bailleur principal (arrêt du Tribunal fédéral 4A_468/2022 du 10 novembre 2022 consid. 2.5; 4A_345/2020, 4A_349/2020 du 25 août 2020 consid. 6; Lachat et al., Le bail à loyer, 2019, ch. 7.2 p. 1024; Burkhalter et al., Le droit suisse du bail à loyer, 2011, n. 7 ad art. 273b CO).

3.3 Dans le présent cas, il est constant que l'intimée D______ SA a conclu le 31 mai 2021 avec les appelants un contrat d'affermage, soit un contrat de sous-location. Les appelants soutiennent que, nonobstant la signature le 30 juin 2022 de la convention de sortie, ils sont demeurés depuis lors sous-locataires des locaux par actes concluants, le montant du loyer principal ayant été versé directement en mains de la propriétaire de l'immeuble.

Le 24 mai 2023, un transfert de bail a été signé entre d'une part la propriétaire de l'immeuble et les locataires principaux (D______ SA, E______, H______, F______, G______) d'autre part, prenant effet le 1er juin 2023. Dès cette date, J______ et K______ sont devenus locataires principaux des locaux en cause.

Comme l'a retenu le Tribunal fédéral, l'art. 263 CO n'exige nullement, pour que le transfert de bail soit valable, l'accord d'un éventuel sous-locataire. D'ailleurs, le transfert de bail n'opère ses effets qu'entre les parties au contrat de bail et n'a en principe pas d'effet sur les obligations que celles-ci ont pu contracter à l'égard de tiers. Il importe dès lors peu que les appelants n'aient pas été informés de ce transfert de bail.

A la suite du transfert du bail principal, l'intimée D______ SA a perdu tout droit d'usage sur les locaux, dès le 1er juin 2023. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, aucun nouveau rapport n'a pu les lier directement à la propriétaire de l'immeuble, de par le règlement direct des loyers auprès d'elle dès le mois de septembre 2022, qui ne dispose d'aucun droit d'usage. Il en va de même en ce qui concerne les repreneurs, lesquels se sont opposés à la présence des appelants dans les locaux. C'est par conséquent à bon droit que le Tribunal a retenu que les appelants n'étaient, depuis le transfert de bail et donc la fin du bail principal, plus au bénéfice d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux.

Les appelants soutiennent encore que dans la mesure où le contrat de transfert prévoyait que le locataire transférant était seul responsable de l'inexécution de la libération des locaux, l'intimée C______, en requérant leur évacuation, aurait agi de manière contraire aux règles de la bonne foi et commis un abus de droit. Elle aurait par ailleurs adopté un comportement contradictoire et exercé son droit de propriétaire sans ménagement, en acceptant un transfert de bail alors qu'elle connaissait l'existence du contrat de sous-location. Ces questions nécessiteraient l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation, excluant l'application du cas clair.

Ce grief est infondé. Selon la jurisprudence et la doctrine rappelées ci-avant, l'action en restitution intentée par le bailleur principal contre le sous-locataire n'est pas constitutive d'une démarche abusive. Par ailleurs, si le bailleur principal doit donner son accord à la sous-location, il n'est pas partie au contrat de sous-location. Aucun comportement contradictoire du bailleur principal ne peut de plus être retenu en raison du transfert de bail. En effet, le locataire est en droit de transférer son contrat de bail et le bailleur principal ne peut refuser son consentement qu'à des conditions restrictives. Par conséquent, ces points ne nécessitent aucun pouvoir d'appréciation commandant de prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal a à bon droit considéré que le cas était clair et prononcé l'évacuation des appelants des locaux litigieux.

3.4 L'appel se révèle ainsi infondé. Le jugement entrepris sera donc confirmé.

4. Les recourants contestent l'appréciation du Tribunal s'agissant des mesures d'exécution. Ils soutiennent que l'évacuation telle qu'ordonnée ne respecterait pas le principe de proportionnalité.

4.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2019 considl 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier. Cette disposition s'applique, selon ses propres termes, aux logements, c'est-à-dire aux habitations (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 précité consid. 3.1). Cette protection ne s'applique pas aux locaux commerciaux. Le fait qu'une évacuation immédiate entraînerait une cessation immédiate des activités professionnelles du locataire et des répercussions sur sa situation financière n'est pas pertinent et ne peut faire obstacle à l'exécution immédiate du jugement d'évacuation (ACJC/1624/2022 du 12 décembre 2022 consid. 5.1; ACJC/317/2021 du 15 mars 2021 consid. 2.1; ACJC/154/2021 du 8 février 2021 consid. 2.1; ACJC/937/2018 du 12 juillet 2018 consid. 4.1; ACJC/671/2013 du 27 mai 2013 consid. 7.2).

4.2 En l'espèce, aucun motif humanitaire au sens de l'art. 30 LaCC n'entre en considération, puisque les locaux litigieux sont des locaux commerciaux. En outre, les éventuelles répercussions sur la situation financière des appelants ne font pas obstacle à l'exécution immédiate du jugement d'évacuation. Même sous l'angle de la proportionnalité, la fin du bail n'a pas été brutale, ni n'a été décidée après une procédure expéditive. Les appelants ont été informés par leur sous-bailleresse le 28 mai 2022 de ce que le contrat de gérance ne serait pas renouvelé et qu'il se terminerait à son échéance déterminée au 30 juin 2022. Une convention de sortie a d'ailleurs été signée par les intéressés le 30 juin 2022, mentionnant la remise des clés. Les appelants ont toutefois ensuite repris possession des locaux. Ils ont par ailleurs admis avoir appris, au début du mois de juin 2023, qu'un contrat de transfert de bail avait été signé. Dès cette date, ils savaient qu'ils ne pouvaient continuer à occuper les locaux. Ils ont ainsi, de fait, bénéficié de temps pour planifier leur déménagement et n'ont pas dû faire face à un départ précipité.

Le grief est ainsi infondé, de sorte que le recours sera rejeté.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel et le recours interjetés le 18 décembre 2023 par ASSOCIATION B______ et A______ contre le jugement JTBL/1033/2023 rendu le 23 novembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21098/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.