Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/185/2024 du 20.03.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3618/2022 ATAS/185/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 20 mars 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après l’intéressé ou le recourant), est né le ______ 1961, originaire du Portugal et au bénéfice d’un permis C. Il est marié à Madame B______, née le ______ 1971. Ils sont tous deux parents de C______, né le ______ 2005.
b. L’intéressé a demandé le 11 octobre 2018 les prestations complémentaires au service de prestations complémentaires (ci-après le SPC ou l’intimé) étant au bénéfice d’un trois quarts de rente d’invalidité depuis le 1er septembre 2015 par décision du 18 mai 2018.
c. Une demande de pièces lui a été adressée par le SPC le 22 novembre 2018, puis un premier rappel le 23 décembre 2018 et un second le 22 janvier 2019. Le 31 mai 2019, le SPC lui a encore réclamé certaines pièces.
d. Par décision du 22 avril 2020, le SPC a calculé le droit aux prestations de l’intéressé et constaté que les revenus déterminants étaient plus élevés que les dépenses et que celui-ci n’avait donc pas droit aux prestations.
B. a. Le 7 avril 2022, l’intéressé a demandé à nouveau au SPC le versement de prestations complémentaires, indiquant que son épouse touchait des indemnités pour perte de gain maladie depuis novembre 2021 et que la fortune de la famille avait changé.
b. Le 25 avril 2022, le SPC a demandé à l’intéressé de produire des pièces.
c. Par décision du 10 juin 2022, le SPC a informé l’intéressé que son droit aux prestations complémentaires était calculé dès le 1er avril 2022, dès lors qu’il en avait fait la demande le 7 avril 2022. Des revenus hypothétiques avaient été pris en compte à hauteur de CHF 13'073.- pour lui et de CHF 39'012.35 pour son épouse, étant précisé que ce dernier montant correspondait à la différence entre le revenu net déclaré et le revenu réalisable pour une activité à plein temps déterminé par l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Il résultait de son calcul que les revenus étaient plus élevés que les dépenses, ce qui n’ouvrait pas à l’intéressé le droit aux prestations complémentaires.
d. L’intéressée a formé opposition à la décision précitée le 18 juillet 2022, contestant le gain hypothétique retenu pour son épouse, au motif qu’il était impossible à réaliser par celle-ci en sa qualité de proche aidant. En effet, leur fils avait besoin d’un accompagnement pour ses rendez-vous médicaux. Il contestait également le gain hypothétique le concernant, car son état psychologique s’était grandement péjoré, au point qu’il avait fait une demande de révision de sa rente.
e. Le 5 août 2022, SPC a demandé à l’intéressé de lui transmettre d’ici au 31 août 2022 sa demande de révision ainsi que l’éventuelle décision de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l’OAI).
f. Par décision sur opposition du 5 octobre 2022, le SPC a rejeté l’opposition de l’intéressé. Celui-ci n’avait pas fourni dans le délai imparti les preuves requises relatives à son état de santé et aux rendez-vous auxquels son épouse devait se rendre pour accompagner leur enfant, de sorte que le SPC devait se prononcer en l’état du dossier. Dans la mesure où ces éléments n’avaient pas été établis, le SPC confirmait sa décision précédente.
C. a. Le 2 novembre 2022, l’intéressé a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, demandant un délai pour réunir les documents nécessaires à l’examen du montant du gain potentiel de son épouse, en lien avec les troubles du développement et les traits autistiques de leur fils et les charges qui découlaient de l’état de santé de celui-ci.
b. Le 25 novembre 2022, le recourant a indiqué à l’intimé qu’il contestait ses décisions du 7 novembre, reçues le 11 suivant. Son état de santé s’était péjoré depuis 2020 et une demande de révision de sa rente d’invalidité était en cours d’examen. Il concluait au réexamen de la décision sur les gains potentiels retenus pour son épouse et lui-même.
Leur fils était autiste et avait besoin d’accompagnement pour ses rendez-vous médicaux et activités de développement. Il ne pouvait pas gérer son quotidien seul. Il était impératif qu’il bénéficie de l’aide de sa mère pour assumer son hygiène quotidienne et ses rendez-vous médicaux, s’habiller, préparer ses affaires pour l’école, et l’accompagner chez le pédopsychologue ou le neuropédiatre. Il était âgé de 17 ans, mais pour certains gestes de la vie quotidienne, il avait moins de 10 ans.
Le recourant indiquait encore que son propre état psychologique s’était grandement péjoré et qu’il avait demandé une révision de sa rente d’invalidité.
c. Le 23 décembre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours. Le fait que l’épouse du recourant aidait leur fils dans ses tâches administratives n’était pas incompatible avec un emploi, même à temps partiel, ce d’autant plus que leur fils se rendait à l’école. Cela signifiait que durant plusieurs heures par jour, il ne nécessitait pas une prise en charge par sa mère.
L’intimé relevait avoir demandé au recourant de lui remettre les pièces concernant la demande de révision de sa rente ainsi que des preuves des rendez-vous auxquels son épouse devait accompagner leur fils. Il n’avait rien reçu malgré une prolongation de délai.
d. Le 19 janvier 2023, l’épouse du recourant a transmis à la chambre de céans des pièces complémentaires, notamment des rapports médicaux concernant celui-ci.
e. Le 15 mars 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions, relevant que l’OAI n’avait été saisi que très récemment par le recourant et que la situation ne semblait pas concerner la période litigieuse. Il allait de soi que si l’OAI revoyait sa position et lui octroyait une rente plus importante, l’intimé devrait en tenir compte et modifier ses calculs en conséquence.
f. Le 21 mars 2023, le recourant a transmis à la chambre de céans un projet de décision du 15 mars 2023 par lequel l’OAI augmentait le trois quarts de rente du recourant qu’il touchait depuis le 1er octobre 2016, à une rente entière dès le 1er mars 2023. L’OAI constatait que son état de santé s’était aggravé depuis le 1er décembre 2022.
g. Lors d’une audience du 19 avril 2023, la chambre de céans a entendu l’épouse du recourant qui représentait ce dernier.
h. Le 20 avril 2023, la chambre de céans a ordonné l’apport du dossier de l’assurance-invalidité de l’épouse du recourant, qu’elle a reçu le 17 mai 2023.
i. Le 9 juin 2023, l’intimé a admis qu’un gain hypothétique de 50% devait être pris en compte pour l’épouse du recourant au lieu d’un 100%, sur la base du dossier de l’assurance-invalidité, dont il ressortait qu’elle avait reçu des indemnités perte de gain de la Zurich, qui n’avaient pas été annoncées à l’intimé. Ces montants devraient être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires. En conclusion, l’intimé concluait à l’admission partielle du recours dans le sens que le gain hypothétique devrait être réduit à 50% depuis le 1er juillet 2022 et au recalcul des revenus de l’épouse du recourant selon les nouvelles pièces qu’elle devrait remettre à cet effet.
Le 4 septembre 2023, l’intimé a transmis à la chambre de céans une correspondance de l’Hospice général du 16 août 2023 ainsi qu’un projet de décision de l’OAI du 11 juillet 2023 concernant l’épouse du recourant, faisant état d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée dès le 19 novembre 2021 avec ouverture d’un droit à une rente de 56% dès novembre 2022. En conséquence l’intimé concluait à l’admission partielle du recours dans le sens que le revenu hypothétique devait être réduit en tenant compte de la rente d’assurance-invalidité accordée rétroactivement et des indemnités perte de gain.
j. Le 17 janvier 2024, le recourant a produit une décision de l’OAI du 16 janvier 2024 octroyant à son épouse une rente de 56% du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 et de 61% dès le 1er janvier 2024. Il ressortait de l’instruction médicale que son incapacité de travail était de 100% dans son activité habituelle dès le 19 novembre 2021, début du délai d’attente d’un an, et qu’elle était capable de travailler à 50% dans une activité adaptée dès cette date.
k. Le 19 février 2024, l’intimé a persisté dans ses dernières conclusions.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC -RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC)
3. Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249; RO 2020 585).
Dans la mesure où le recours porte sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er avril 2022, soit une période postérieure au 1er janvier 2021, le présent litige est soumis au nouveau droit. Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur dès le 1er janvier 2021.
Toutefois, dans la mesure où le recourant était, au 1er janvier 2021, déjà bénéficiaire de prestations complémentaires, le nouveau droit est applicable pour autant qu’il n’entraîne pas, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à celle-ci (cf. Dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 – Réforme des PC).
4. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision querellée en tant qu’elle tient compte de revenus hypothétiques pour le recourant et son épouse du 1er avril 2022 au 5 octobre 2022.
5.
5.1 Selon l’art. 11a LPC, entré en vigueur le 1er janvier 2021, si une personne renonce volontairement à exercer une activité lucrative que l’on pourrait raisonnablement exiger d’elle, le revenu hypothétique correspondant est pris en compte comme revenu déterminant. La prise en compte de ce revenu est réglée par l’art. 11 al. 1 let. a LPC (al. 1).
Hormis la prise en compte, à hauteur de 80%, du revenu hypothétique d’une activité lucrative du conjoint sans droit aux prestations complémentaires (cf. art. 11 al. 1 let. a LPC), l’art. 11a al. 1 LPC reprend sur le fond la pratique actuelle en matière de prise en compte du revenu hypothétique (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, FF 2016 7249 p. 7322).
Il y a dessaisissement lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du code civil (CC; RS 210). Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références). En ce qui concerne, en particulier, le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail et examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_30/2009 du 6 octobre 2009 consid. 4.2 et la référence). L'impossibilité de mettre à profit une capacité résiduelle de travail ne peut être admise que si elle est établie avec une vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_376/2021 du 19 janvier 2022 consid. 2.2.1 et la référence).
Selon le ch. 3424.07 des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC – état au 1er janvier 2022), aucun revenu hypothétique n’est pris en compte chez le bénéficiaire de PC à l’une ou l’autre des conditions suivantes: (i) si, malgré tous ses efforts, sa bonne volonté et les démarches entreprises, l’intéressé ne trouve aucun emploi. Cette hypothèse peut être considérée comme réalisée lorsqu’il s’est adressé à un office régional de placement (ORP) et prouve que ses recherches d’emploi sont suffisantes qualitativement et quantitativement; (ii) lorsqu’il touche des allocations de chômage; (iii) s’il est établi que sans la présence continue de l’intéressé à ses côtés, l’autre conjoint devrait être placé dans un home ou un établissement hospitalier; (iv) si l’intéressé a atteint sa 60ème année.
L'obligation faite à la femme d'exercer une activité lucrative s'impose en particulier lorsque l'époux n'est pas en mesure de le faire en raison de son invalidité parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Dès lors que l'épouse y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2).
S’agissant du montant du revenu hypothétique à prendre en compte, il y a lieu de se référer aux tables de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après ESS), dont il convient de déduire les cotisations sociales obligatoires dues aux assurances sociales, et le cas échéant, les frais de garde des enfants (DPC, état au 1er janvier 2021 et 2022, ch. 3521.04). Le revenu net ainsi obtenu est pris en compte à hauteur de 80 % (art. 11 al. 1 let. a LPC).
5.1.1 S’agissant du critère ayant trait à l'état de santé de l’assuré, il faut rappeler que les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides au sens de l'art. 14a OPC AVS/AI (ATF 117 V 202 consid. 2b). Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3; ATAS/377/2022 consid. 4.2; ATAS/312/2018 consid. 6b).
Aussi, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne sont-ils pas fondés à se prévaloir d'un manque de connaissances spécialisées pour écarter d'emblée toute mesure d'instruction au sujet de l'état de santé d'une personne (arrêt 8C_172/2007 du 6 février 2008, consid. 7.2).
Dans l'arrêt 8C_172/2007 précité, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la valeur probante d'un rapport établi par le médecin traitant de l'épouse d'un bénéficiaire de prestations complémentaires et produit par celui-ci à l'appui de son opposition à une décision par laquelle des prestations avaient été calculées compte tenu d'un revenu hypothétique annuel. Il a jugé que ce rapport médical contenait tous les renseignements nécessaires pour se prononcer au sujet de la capacité de travail de l'intéressée, dès lors qu’il indiquait les différentes affections, en particulier celles qui avaient une incidence sur la capacité de travail, précisait la durée de travail exigible et contenait un pronostic sur l'évolution des affections, ainsi que les facteurs personnels susceptibles d'influencer les possibilités de l'intéressée de retrouver un emploi (arrêt 8C_172/2007 précité, consid. 8).
Dans son arrêt 8C_68/2007 du 14 mars 2008 (consid. 5.3), le Tribunal fédéral a considéré que la recourante ne pouvait nier d'emblée l'existence de toute incapacité de travail au seul motif que le certificat médical produit n'établissait pas de manière probante la présence d'une telle incapacité. Saisie d'une opposition, elle devait au moins, dans le cadre de son devoir d'instruire le cas (cf. art. 43 al. 1 LPGA), informer l'intimé que le certificat en cause était dénué de force probante et l'inviter à requérir du médecin prénommé un rapport qui contînt les renseignements ci-dessus mentionnés.
S'agissant de la casuistique, le Tribunal fédéral a jugé que l'on pouvait exiger d'une épouse âgée de 39 ans atteinte de fibromyalgie et mère de trois enfants de 6, 9 et 12 ans qu'elle exerce une activité lucrative au moins à mi-temps, compte tenu de l’aide que pouvait lui amener son conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 8C_470/2008 du 29 janvier 2009 consid. 5.3). Il a également confirmé que l'on pouvait raisonnablement exiger d'une femme de 40 ans, en bonne santé et mère de sept enfants, dont le dernier était âgé de 2 ans, qu'elle augmentât son temps de travail à concurrence de 50% (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/04 du 9 novembre 2004 consid. 4.4).
La chambre de céans a, quant à elle, exclu tout gain potentiel pour une épouse n'ayant aucune formation, ne parlant pratiquement pas le français et ayant quatre enfants dont deux en bas âge (ATAS/750/2004 du 28 septembre 2004 consid. 4). En revanche, un taux d'activité de 50% a été admis pour une épouse ayant à charge quatre enfants, dont les aînés étaient âgés de 12 à 14 ans, et ce jusqu’à la scolarisation de son dernier né (ATAS/468/2004 du 17 juin 2004 consid. 5). Une capacité de travail de 50% a été admise dans le cas d'une femme de 40 ans, sans enfant, dont la fibromyalgie n'était pas invalidante du point de vue de l'assurance-invalidité (ATAS/1445/2007). Dans une affaire concernant l'épouse d'un bénéficiaire de prestations complémentaires, âgée de 39 ans, avec trois enfants, dont un seul encore mineur, qui n'avait pratiquement jamais travaillé depuis son arrivée en Suisse en 1992 et qui était atteinte de fibromyalgie et de fatigue chronique, la chambre de céans a considéré que même si cette affection n'était pas encore invalidante pour l'assurance-invalidité, la prise en compte d'un gain potentiel pour les mois précédant l'octroi de la rente d'invalidité, n'était pas envisageable (ATAS/1021/2007). Une capacité de travail de 50% a été admise dans le cas d'une femme de 40 ans, sans enfant, dont la fibromyalgie n'était pas invalidante du point de vue de l'assurance-invalidité (ATAS/1445/2007). La prise en compte d'un gain hypothétique de l'épouse correspondant à une activité à 80% a été confirmée dans le cas d'une épouse, âgée de 48 ans au moment de la décision litigieuse, qui s'exprimait aisément en français au bénéfice d'une formation de coiffeuse, qui avait travaillé à plusieurs reprises depuis son arrivée en Suisse et n'avait été que provisoirement éloignée de la vie professionnelle. Sa capacité de travail était entière dans une activité respectant certaines restrictions bien définies, mais une réduction de la capacité de travail exigible de l'ordre de 20% était admise, compte tenu notamment des problèmes de santé (ATAS/1285/2013). Enfin, elle a jugé qu'il était raisonnablement exigible de la part d'une épouse âgée de 48 ans au moment de la décision litigieuse, en bonne santé et sans formation professionnelle spécialisée, ne parlant pas le français, qui avait choisi de travailler à 20% au cours des dix dernières années pour s'occuper de son fils, qu'elle reprenne une activité à 100% (ATAS/837/2013).
Selon l’art. 14a al. 1 OPC-AVS/AI, le revenu de l’activité lucrative des invalides est pris en compte sur la base du montant effectivement obtenu par l’assuré dans la période déterminante.
Selon l’art. 14a al. 2 let. b OPC-AVS/AI, pour les invalides âgés de moins de 60 ans, le revenu de l’activité lucrative à prendre en compte correspond au montant maximum destiné à la couverture des besoins selon la let. a, pour un taux d’invalidité de 50 à moins de 60%.
5.2 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).
6.
6.1 En l’espèce, dans sa décision de prestations complémentaires du 10 juin 2022, l’intimé a retenu un revenu hypothétique de CHF 13'073.- dès le 1er avril 2022 pour le recourant, qui était alors au bénéfice d’un trois quarts de rente d’invalidité.
Dans la mesure où le recourant s’est prévalu d’une aggravation de son état de santé dans son opposition du 18 juillet 2022 et du fait qu’il avait demandé la révision de sa rente, l’intimé a correctement instruit la cause en requérant de sa part des pièces à ce sujet. Le recourant ne les ayant pas produites dans le délai imparti, l’intimé a rendu sa décision sur opposition le 5 octobre 2022. La question de savoir s’il aurait dû instruire davantage le cas avant de rendre sa décision sur opposition peut rester ouverte, car entre temps, l’OAI a, le 15 mars 2023, retenu que l’aggravation de l’état de santé du recourant était survenue 1er décembre 2022, soit après la période concernée par la présente procédure, qui porte sur le droit aux prestations complémentaires du recourant du 1er avril au 5 octobre 2022. En conséquence, la décision de l’intimé était bien fondée en ce qu’elle prenait en compte un revenu hypothétique pour le recourant et elle doit être confirmée sur ce point.
6.2
6.2.1 S’agissant de l’épouse du recourant, la chambre de céans constate que l’intimé a correctement conclu à l’admission partielle du recours et à la prise en compte d’un revenu hypothétique de 50%, dès lors que la décision de l’OAI du 16 janvier 2024 retenait pour celle-ci une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée dès le 19 novembre 2021. Cela vaut pour toute la période en cause, qui court du 1er avril au 5 octobre 2022.
6.2.2 Reste à déterminer si un dessaisissement doit être retenu pour le taux de capacité de travail résiduelle de l’épouse du recourant, qui a déclaré avoir repris un travail à 27.5% correspondant à ses limitations fonctionnelles et qui lui convenait.
En procédant, à l’analyse globale de sa situation, il apparaît que l’on se trouve dans un cas où une activité lucrative ne pouvait être exigée d’elle en sus de son activité de 27.5% et à concurrence de 50%.
En effet, elle était âgée 50 ans pendant la période en cause, ce qui ne favorise pas un engagement professionnel, d’autant moins pour une personne n’ayant pas de formation et ayant travaillé de nombreuses années comme femme de ménage et ayant des limitations fonctionnelles l’empêchant de travailler dans ce domaine.
Elle devait en outre s’occuper de son fils, qui souffre d’autisme et nécessite une prise en charge importante au domicile familial. Cela est attesté par le rapport établi le 12 novembre 2022 par le docteur D______, spécialiste FMH en pédiatrie et neuropédiatrie, selon lequel l’état du fils du recourant nécessitait un important investissement personnel et une présence qui étaient assumés par sa mère. Celui-ci était difficile, car il ne voulait en faire qu’à sa tête et il devait être constamment stimulé pour que sa journée soit organisée. Il était souvent agité et ne respectait pas les règles.
L’épouse du recourant a de plus déclaré à la chambre de céans qu’en 2022, si son fils pouvait aller seul à l'école, où il restait de 8h00 à 16h00, parfois il ne voulait pas s’y rendre et restait à la maison. Elle ne pouvait pas le forcer et elle devait alors rester avec lui pour le calmer. Souvent, elle devait aller le chercher à l’école en raison de ses migraines ophtalmiques. Lorsqu’il allait bien, elle pouvait le laisser à la maison et s'absenter pour faire quelques heures de travail. Son état était variable. Elle avait pu assumer en 2022 son activité à 27.5%, car c'était le soir et son fils restait avec une voisine ou son mari, même si les rapports avec ce dernier étaient conflictuels. En 2022, elle accompagnait son fils très régulièrement à ses rendez-vous de médecins, car il avait peu d'autonomie. Lorsqu’elle avait séjourné à l'hôpital, il avait été totalement déstabilisé pendant son absence. Son mari était tout le temps énervé, ce n'était pas bon pour leur fils.
Il faut également tenir compte du fait que le recourant est invalide et qu’à teneur du courrier de son épouse du 20 décembre 2022, il devenait depuis 2018 de plus en plus irritable, violent et insultant envers elle et leur fils, qu’il avait des crises de paranoïa, que son alcoolisme s’était gravement amplifié avec des crises de deux à trois semaines par mois et qu’il perdait de plus en plus la notion de la réalité. Cette situation avait manifestement un impact sur la disponibilité de son épouse à travailler.
Les déclarations de l’épouse du recourant sur l’état du recourant sont corroborées par le rapport établi le 14 février 2023 par la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui indiquait que celui-ci était connu pour un trouble dépressif récurrent et une dépendance OH, qu’il ne gérait rien à la maison, que la dernière consultation remontait au 6 décembre 2022 et qu’il avait une baisse de la tolérance au stress et des signes neuropsychologiques de dépression, un déni de la consommation OH, une anxiété, un retrait social, une tristesse, une anhédonie, une perte de désir sexuel et des idées noires sans projet suicidaire ni élément psychotique.
En conclusion, il n’y avait pas lieu de prendre en compte un revenu hypothétique pour l’épouse du recourant.
7. Le recours est ainsi partiellement admis. La décision querellée sera en conséquence annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour nouveaux calculs, au sens de considérants.
Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant, qui n'est pas assisté d'un conseil et qui n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 5 octobre 2022.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Isabelle CASTILLO |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le