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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2662/2023

ATAS/1037/2023 du 21.12.2023 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2662/2023 ATAS/1037/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 décembre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______ SA

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. B______ SA est une société sise à Genève, inscrite au registre du commerce le 20 mai 2021, ayant pour but toutes activités dans le domaine du second œuvre, notamment en matière de pose de carrelage et de revêtements de sols, dont Madame C______ était administratrice. Le 26 avril 2022, Monsieur D______ en est devenu administrateur unique, avec signature individuelle.

b. Le 9 mai 2022, la raison sociale de B______ SA a été modifiée en A______ SA (ci-après : la société ou la recourante).

c. A______ SA était une société inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 7 février 2013, dont Monsieur D______ était administrateur, qui a été dissoute par suite de faillite prononcée le 3 novembre 2022 et radiée du registre du commerce le 30 novembre 2023, à la suite de la clôture de la procédure de faillite.

B. a. Le 27 mai 2021, la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée), entreprise de droit public assurant les risques accidents et maladies professionnelles, a sollicité que B______ SA la renseigne sur le personnel qu'elle employait, afin de déterminer s'il devait être assuré par elle-même.

b. Par réponse du 1er juin 2021, B______ SA a annoncé une masse salariale de CHF 250'000.-.

c. Par courrier du 1er juillet 2022, consécutif à de nombreux échanges de correspondances, la SUVA a informé la société qu'elle estimait, au vu des documents transmis, que cette dernière n'exerçait pas d'activité commerciale propre, de sorte qu'elle renonçait à son assujettissement ; elle considérait que les travailleurs étaient employés par l'entreprise A______ SA, à laquelle elle facturerait la masse salariale correspondante.

b. Le 8 août 2022, par l'entremise de son conseil d'alors, et faisant suite à un premier courrier de contestation du 22 juillet 2022, la société s'est opposée au refus de la SUVA de l'affilier, relevant qu'A______ SA lui avait récemment transféré l'intégralité de ses outils de production, dont certains employés, qui devaient impérativement être assurés contre le risque accidents.

c. Par courrier électronique du 25 août 2022 adressé au conseil de la société, la SUVA a indiqué que les nouveaux éléments transmis l'amenaient à revoir sa position, en ce sens que la société allait être affiliée, dès le 1er juin 2021, date du début de son activité. La SUVA a, par ailleurs, sollicité l’obtention des copies des nouveaux contrats de travail des ex-employés d'A______ SA, des copies des nouvelles fiches de salaires de ces employés, pour les mois de juin à août 2022 et des relevés bancaires démontrant le versement des salaires.

d. Le 5 septembre 2022, la SUVA a rendu trois décisions concernant le classement de la société pour les périodes courant dès le 1er juin 2021, dès le 1er janvier 2022 et dès le 1er janvier 2023, afin de calculer le taux de prime à percevoir pour l'assurance contre les accidents professionnels et non professionnels.

e. Le même jour, elle a adressé à la société deux factures de primes : l'une, définitive, pour la période du 1er juin 2021 au 31 décembre 2021, pour un montant total de CHF 34'866.- en fonction d'une base salariale de CHF 600'000.- (facture n° 1______), et l'autre, provisoire, pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022, pour un montant de CHF 80'971.-, en fonction d'une masse salariale de CHF 1'700'000.- (facture n° 3______).

f. Par décision du 15 septembre 2022, la SUVA a considéré que les courriers des 22 juillet et 8 août 2022 de la société constituaient une opposition à sa lettre du 1er juillet 2022. Compte tenu de la reconsidération à laquelle elle avait procédé dans l'intervalle et de la décision d'affiliation du 5 septembre 2022, elle a radié du rôle l'opposition, celle-ci étant devenue sans objet.

g. Le 7 octobre 2022, la société a formé opposition à l'encontre des deux factures de primes du 5 septembre 2022, dont elle a sollicité l'annulation, exposant que la masse salariale de l'année 2021 s'élevait à CHF 110'949.95, comme le démontrait le décompte annuel des salaires 2021 du 6 octobre 2022, qu'elle joignait à son opposition, de plus la masse salariale de l'année 2022 avait également été surévaluée, le décompte y relatif devant être produit dans les meilleurs délais.

h. Le 19 octobre 2022, la société a transmis un décompte des salaires pour l'année 2022, daté du 13 octobre 2022, faisant état d'un total de CHF 502'649.35.

i. Le 28 novembre 2022, la société a informé la SUVA que l'ancienne administratrice avait omis d'inclure un salarié dans le décompte de salaire pour l'année 2021, au sujet duquel elle transmettait le contrat de travail, les fiches de salaires et une attestation contresignée de l'intéressé, mentionnant qu'il avait reçu l'ensemble de ses salaires en espèces, durant sa période effective de travail, de la part de l'ancienne administratrice.

j. Le 3 décembre 2022, la SUVA a adressé à la société la facture de primes provisoires pour l'année 2023, se montant à CHF 80'225.10, calculée sur une masse salariale de CHF 1'717'000.-.

k. Par courrier du 9 décembre 2022, la SUVA a demandé que la société lui communique la masse salariale de l'entreprise pour l'année 2022, afin de calculer les primes définitives.

l. Le 25 janvier 2023, la société a transmis à la SUVA le décompte définitif de la masse salariale de l'entreprise en 2022, faisant état d'un montant de CHF 512'771.60, et a attiré son attention sur le fait qu'un employé n'avait pas été déclaré dans le précédent décompte, car il avait travaillé uniquement pendant les mois de novembre et décembre 2022.

m. Le 14 février 2023, la SUVA a émis la facture de primes définitives pour l'année 2022, dont le montant était identique à celle du 5 septembre 2022, les primes étant toujours calculées en fonction d'une masse salariale de CHF 1'700'000.- (facture n° 2______).

n. Le 1er mars 2023, la SUVA a reçu l'attestation des salaires 2021, transmise à la caisse de compensation de l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) par B______ SA, mentionnant un total des salaires à hauteur de CHF 111'046.55.

o. Par courrier électronique du 2 mars 2023, l'administrateur de la société a expliqué à la SUVA que la masse salariale pour l'année 2023 avoisinait CHF 200'000.-, de sorte qu'il fallait rectifier la facture de primes provisoires en conséquence, ainsi que celle pour l'année 2022, concernant celle-ci sur la base du décompte déjà communiqué le 25 janvier 2023, qu'il joignait à nouveau.

p. Le 15 mars 2023, la SUVA a demandé à la société de formaliser sa contestation du 2 mars 2023 concernant la facture des primes définitives 2022 et a souligné que sa décision du 3 décembre 2022, concernant les primes provisoires de l'année 2023, était entrée en force, à défaut d'opposition dans les délais, une éventuelle adaptation restant possible dans le cadre de la fixation définitive des primes 2023. Elle a, par ailleurs, requis que la société lui remette l'intégralité de sa comptabilité et des extraits de ses comptes bancaires des années 2021 et 2022.

q. Le 23 mars 2023, la SUVA a rédigé une note interne relevant les contradictions qui ressortaient, selon elle, du dossier. Elle a retenu que :

-          Les certificats de salaires des treize personnes employées par B______ SA en 2021 faisaient état d'une masse salariale de CHF 110'046.55, somme qui n'était pas en adéquation avec les contrats de travail qui stipulaient pour la plupart un engagement à 100%. Les dates de début d'activité salariée qui étaient mentionnées sur les certificats de salaires ne concordaient pas non plus avec les contrats de travail.

-          Les contrats de travail de dix personnes supplémentaires avaient été transmis en septembre 2021 à la SUVA par B______ SA dans le cadre des démarches d'affiliation, prévoyaient des dates d'engagement, entre le 1er juin et le 30 août 2021, ainsi qu'une activité à plein temps des travailleurs, qui ne figuraient cependant pas dans les documents fournis à l'OCAS.

Devant autant d'incohérences et d'oublis, elle devait procéder à une estimation des salaires pour 2021, l'expérience démontrant que les masses salariales étaient souvent minimisées, afin de payer le moins de cotisations possible, le complément de salaire étant versé de manière officieuse. Pour les treize employés annoncés auprès de l'OCAS, elle était partie de la supposition qu'ils avaient tous (sauf un) été engagés dès le 1er juin 2021, qu'ils avaient travaillé à 100% (sauf l'administratrice) et a appliqué le salaire horaire prévu par les contrats de travail. Il en résultait une masse salariale de CHF 414'166.-. Pour les dix travailleurs non annoncés à l'OCAS, elle avait retenu une date d'engagement au 1er juin 2021 et également le salaire horaire prévu par les contrats de travail, ce qui aboutissait à une masse salariale de CHF 324'989.-. Le total des deux masses s'établissait à CHF 739'155.-, arrondi à 600'000.- pour tenir compte de certaines inconnues (la SUVA ne savait pas si tous les travailleurs avaient travaillé jusqu'au 31 décembre 2021, s'ils avaient tous été engagés dès le 1er juin 2021, s'ils avaient eu des arrêts de travail pour cause de maladie ou d’accident [les indemnités journalières n'étant pas soumises] ; elle ne connaissait pas non plus la variation exacte des horaires de travail des employés, ni le tournus).

Pour l'année 2022, elle avait annualisé le montant de CHF 600'000.- sur douze mois, parvenant à un total de CHF 1'028'000.-, auquel il fallait rajouter les employés d'A______ SA repris par la société au 1er juin 2022, soit CHF 676'000.-en fonction des dernières données connues concernant la masse salariale de cette société. Le total était donc de CHF 1'704'000.-, arrondi à CHF 1'700'000.-.

r. Par courrier du 28 mars 2023, contresigné par l'administrateur, la société a requis que les corrections dans le calcul des primes soient établies au regard des montants des masses salariales déjà transmis pour les années 2022 et 2023. Elle a, à nouveau, joint son décompte annuel 2022, ainsi que deux lettres de licenciement d'employés, datées de juillet 2022 et une notifiée par A______ SA, pour fin mai 2022.

s. Le 29 mars 2023, la SUVA a indiqué qu'il manquait toujours la comptabilité et les extraits de comptes bancaires de la société des années 2021 et 2022. Elle a reçu, le même jour, trois autres lettres de licenciement, notifiées par la société pour fin août ou fin septembre 2022.

t. Le 19 avril 2023, a été versé au dossier le compte d'exploitation prévisionnel de la société pour l'année 2022, faisant état de salaires par CHF 515'000.- en 2022, et par CHF 110'000.- en 2021.

u. Par courrier du 6 juin 2023, la société a rappelé qu'elle avait transmis le décompte de l'année 2022 mentionnant une masse salariale annuelle avoisinant CHF 500'000.- et a précisé que, pour l'année 2023, plusieurs salariés avaient quitté l'entreprise, en raison d'une baisse d'activité, de sorte que la masse salariale s'élevait à CHF 200'000.-. Les primes calculées ne reflétaient pas la réalité de l'entreprise qui était une petite structure employant actuellement moins de dix salariés.

v. Le 21 juin 2023, la SUVA a reçu de la société deux autres lettres de licenciement de travailleurs qu'elle occupait, datées de juillet 2022, ainsi que la liste des cotisations pour l'année 2023, établie le 23 mai 2023, par l'institution de prévoyance professionnelle, mentionnant cinq personnes assurées et une masse salariale d'un peu plus de CHF 293'000.-.

w. Par courrier du 19 juillet 2023, la société a informé la SUVA que, selon son logiciel des salaires, les coûts salariaux du premier semestre s'étaient établis à CHF 147'998.65. Compte tenu des coûts des salaires, pour le mois de juin 2023, elle projetait une masse salariale totale d'environ CHF 400'000.- pour l'année en question et sollicitait que la facture des primes soit adaptée en conséquence, tout comme celles afférentes aux années 2021 et 2022, pour lesquelles la SUVA avait déjà reçu les décomptes de masse salariale.

x. Par décision sur opposition du 20 juillet 2023, la SUVA a joint les causes traitant des primes afférentes aux années 2021 à 2023 ; elle a déclaré les oppositions du 7 octobre 2022 et du 2 mars 2023 recevables et les a partiellement admises. Elle a retenu que la comptabilité définitive des années 2021 et 2022, les contrats de travail de tous les employés, ainsi que l'intégralité des extraits de comptes bancaires n'avaient toujours pas été produits, de sorte que la société devait supporter les conséquences de l'absence de preuve et qu'il y avait lieu de se fonder sur les pièces disponibles pour la prise de décision. En particulier, les données transmises concernant les rapports de travail et le salaire ne fournissaient pas d'informations sûres, ce qui l'avait contrainte à procéder à l'estimation des masses salariales pour les années 2021 à 2023, celles présentées par la société étant sous-évaluées. Concernant, par exemple, les contrats de travail, ceux de six employés ne lui avaient pas été transmis. D'autres employés avaient reçu un salaire sans être annoncés auprès de l'OCAS et plusieurs incohérences et contradictions existaient entre les divers documents produits. Elle déduisait de ces divers documents en sa possession que la société comptait 23 employés en 2021, à savoir treize déclarés à l'OCAS et dix dont les contrats de travail lui avaient été remis. La masse salariale totale pour l'année 2021 se montait à CHF 728'321.67 (le montant de CHF 403'332.67 afférent aux salariés déclarés à l'OCAS et celui de CHF 324'989.- afférent aux salariés non déclarés à l'OCAS, mais dont les contrats de travail avaient été remis), arrondi à CHF 600'000.- pour tenir compte de certaines incertitudes (dates d'engagement exactes inconnues, éventuelle fin des rapports de travail avant le 31 décembre 2021, éventuels arrêts maladie et accident, variation des horaires des employés, etc.). Pour l'année 2022, il convenait également de prendre en considération les anciens employés d'A______ SA qui avaient été repris par la société au 1er juin 2022, ce qui aboutissait à un total de 33 employés et à une masse salariale totale arrondie à CHF 1'700'000.- (CHF 1'028'000.- pour les 23 employés déjà engagés par la société en 2022, en fonction de la même base de calcul que celle appliquée pour l'année 2022, et CHF 676'000.- pour les anciens employés d'A______ SA, en fonction de la facture de prime provisoire 2022 au dossier client de cette société). S'agissant de l'année 2023, la SUVA acceptait de fixer, à titre provisoire, la masse salariale à CHF 200'000.-, celle effective et la facture de primes définitives devant être ultérieurement évaluées sur la base des futures déclarations de salaires de la société. En conclusion, les factures de primes définitives 2021 et 2022 étaient maintenues et celle de l'année 2023 était réduite à CHF 200'000.-.

C. a. Par acte du 25 août 2023, la société, agissant par l'entremise de son administrateur, a interjeté recours à l'encontre de la décision sur opposition du 20 juillet 2023 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle a conclu à l'annulation des primes 2021 et 2022 et à leur modification sur la base des justificatifs transmis, reflétant l'historique et l'activité réels. Plusieurs travailleurs comptabilisés n'avaient pas travaillé pour la société, d'autres avaient été licenciés, de sorte que les chiffres de l'intimée étaient abusifs et ne correspondaient pas à l'activité réelle de la société.

À l'appui de son recours, la recourante a produit les pièces suivantes :

-          Certificats de salaires de treize employés établis par la recourante en septembre 2022, concernant l'année 2021, qui font état des mêmes montants de salaires bruts versés que ceux déclarés dans le décompte annuel 2021 du 6 octobre 2021 adressé à l'intimée (hormis que le certificat de salaire d'un employé est produit deux fois et qu'il manque celui d'E______).

-          Fiches de salaires de trois employés du mois d'août 2021, portant le tampon « payé » et contresignées par les intéressés.

-          Avenant au contrat de travail d'un employé du 30 juillet 2021.

-          Liste des cotisations 2021 établie par l'institution de prévoyance professionnelle, faisant état de treize personnes employées.

-          Décompte annuel 2021 des salaires, établi le 6 octobre 2022 et contresigné par l'administrateur, faisant état de treize employés et d'une masse salariale totale de CHF 110'949.95.

-          Quatre lettres de licenciement, prenant effet à fin avril 2022 ou fin mai 2022, signifiées par A______ SA, ainsi que les contrats de travail établis dès le mois suivant par la recourante, pour les mêmes travailleurs.

-          Facture de primes provisoires 2023 du 24 juillet 2023, établie par l'intimée en fonction d'une masse salariale modifiée, de CHF 200'000.-.

-          Factures du 22 mars 2023 de la commission paritaire des métiers du bâtiment concernant les cotisations dues en 2022 pour les contributions professionnelles et la retraite anticipée, faisant toutes deux état d'une masse salariale de CHF 424'426.90.

-          Capture d'écran du compte professionnel 2022 de la recourante sur le site internet de l'OCAS, listant tous ses employés, avec leur date d'entrée en fonction, cas échéant leur date de sortie.

-          Liste des collaborateurs, établie le 13 avril 2023 par la recourante et transmise à l'OCAS, faisant état, pour l'année 2022, d'une masse salariale de CHF 524'818.10.

-          Décompte annuel 2022 des salaires établi le 31 décembre 2022 et contresigné par l'administrateur, faisant état d'une masse salariale totale de CHF 524'818.10 et de 34 employés, soit d'une employée de plus que sur le décompte transmis à l'intimée le 25 janvier 2023.

-          Compte d'exploitation prévisionnel 2022 de la recourante, mentionnant, à titre de frais généraux, des salaires de CHF 515'000.- en 2022 et de CHF 110'000.- en 2021.

-          Extrait du registre du commerce de la recourante.

-          Courrier électronique de la recourante du 17 août 2023 à l'attention de l'intimée, lui transmettant les documents listés ci-dessus, lui demandant d'en tenir rapidement compte en vue de lui épargner des démarches inutiles et précisant qu'elle était une petite structure créée en juin 2021, rachetée en mai 2022 et qui n'avait pas atteint le million de charges salariales, alors qu'A______ SA était une plus grosse structure, qui avait eu neuf ans d'activité, avec un effectif plus important. Il n'était, dès lors, pas juste de retranscrire la masse d'A______ SA sur elle-même.

b. Par mémoire de réponse du 19 septembre 2023, l'intimée a conclu au rejet du recours, rappelant qu'elle avait procédé à sa propre évaluation de la masse salariale de la recourante en raison des très nombreuses contradictions résultant des différentes pièces soumises qui permettaient de conclure à une gestion imprécise des employés et à des masses salariales sous-évaluées. La recourante ne contestait pas son défaut de collaboration et, partant, ne contestait pas le fait que l'intimée avait estimé les masses salariales sur la base des pièces au dossier. Malgré les pièces remises par la recourante, après la décision sur opposition, cette dernière se refusait toujours à produire la comptabilité définitive de la société pour les années 2021 et 2022, les contrats de travail de toutes les personnes employées durant ces deux exercices, ainsi que l'intégralité des extraits de comptes bancaires demandés par l'intimée. L'intimée a encore précisé que, s'agissant de l'exercice 2022, il était correct de tenir compte de la masse salariale d'A______ SA, qui avait été rachetée par la recourante, depuis le 1er juin 2022. Selon le décompte annuel 2022, enregistré le 7 mars 2023 au dossier d'A______ SA, sa masse salariale avait été de CHF 519'079.90 sur cinq mois, ce qui correspondait à CHF 726'711.86 sur sept mois. L'intimée avait retenu le chiffre de CHF 676'000.- dans son calcul, ce qui apparaissait favorable à la recourante.

c. Par réplique du 4 octobre 2023, la recourante a contesté le bien-fondé de la reconstitution des masses salariales, exposant qu'elle avait fourni un nombre important de documents concernant ses employés et les salaires qui leur étaient versés dans le cadre de ses oppositions. Ces documents devaient permettre à l'intimée de déterminer de manière correcte le montant définitif des primes pour les années 2021 et 2022, de sorte qu'elle-même avait déjà rempli son obligation de collaborer et supporté le fardeau de la preuve qui lui incombait. L'intimée s'était arrêtée à quelques éléments considérés comme contradictoires, qui avaient pourtant une très faible influence sur les masses salariales, se chiffrant tout au plus à quelques centaines de francs. Les raisons de ces différences de montants étaient, de plus, expliquées dans son recours (montants bruts au lieu de montants nets, formalisations d'accords tacites après coup, résiliations formelles et tacites d'employés, etc.). Dès lors qu'elle avait amené suffisamment d'éléments factuels pour établir les masses salariales 2021 et 2022, l'intimée avait agi de manière arbitraire en retenant, en lieu et place de ces éléments, des masses salariales entièrement reconstituées sur la base de suppositions. En outre, le calcul effectué par l'intimée était disproportionné, car elle avait systématiquement tenu compte des facteurs les plus élevés, aboutissant ainsi à un résultat surévalué de 555% pour l'année 2021 par rapport aux justificatifs transmis, et surévalué de 324% pour l'année 2022. La recourante a ainsi conclu, principalement, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision sur opposition du 20 juillet 2023, à ce qu'il soit constaté que la masse salariale pertinente pour l'assurance-accidents s'élevait à CHF 110'949.95 pour l'année 2021 et à CHF 512'771.60 pour l'année 2022, à ce qu'il soit ordonné à l'intimée de rendre de nouvelles décisions en ce sens et, subsidiairement, à l'annulation de la décision sur opposition du 20 juillet 2023 et au renvoi de la cause à l'intimée, pour nouvel examen sur la base des documents et informations fournies, et non sur la base d'une reconstitution totale et abstraite des masses salariales 2021 et 2022.

La recourante a, en outre, produit les documents suivants, requérant un délai supplémentaire s'il était jugé opportun qu'elle fournisse impérativement les relevés bancaires justifiant du versement des salaires pour les années 2021 et 2022, les attestations sur l'honneur signées par chaque employé prouvant les salaires versés figurant sur les certificats de salaires ou encore des attestations sur l'honneur de chaque candidat n'ayant finalement pas travaillé pour elle-même :

-          Décompte annuel 2022 des salaires du 31 décembre 2022 (déjà produit le 25 août 2023).

-          Bilan et compte d'exploitation 2021-2022 de la société établis le 22 septembre 2023, contresignés par l'administrateur, faisant état, pour le second, de charges salariales de CHF 620'668.35 pour les deux années cumulées.

d. Dupliquant le 2 novembre 2023, l'intimée a persisté dans ses conclusions et souligné que la recourante n'avait toujours pas produit les pièces requises, en particulier l'intégralité de sa comptabilité et de ses pièces bancaires permettant de justifier du montant des salaires en cause, pourtant réclamées de longue date. Le défaut de collaboration ne pouvait donc qu'être confirmé et il était nécessaire de statuer en l'état du dossier. Aucun élément objectif et vérifiable ne plaidait en défaveur des montants qu'elle avait retenus à cet égard.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront exposés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le bien-fondé des factures de primes définitives de rapportant aux années 2021 et 2022, singulièrement sur le bien-fondé du calcul de la masse salariale opéré par l'intimée, pour les deux années en question, étant relevé que la facture de primes provisoires 2023 n'est plus litigieuse.

5.              

5.1 Traitant de la violation de l'obligation de renseigner ou de collaborer à l'instruction, l'art. 43 al. 3 LPGA – qui s'applique, selon la doctrine, non seulement aux demandes de prestations mais également en matière d'assujettissement ou de cotisations (Jacques Olivier PIGUET, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 8 ad art. 43 LPGA) – énonce que si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable.

5.2 Selon l'art. 91 LAA, Les primes de l’assurance obligatoire contre les accidents et maladies professionnels sont à la charge de l’employeur (al. 1). Les primes de l’assurance obligatoire contre les accidents non professionnels sont à la charge du travailleur. Les conventions contraires en faveur du travailleur sont réservées (al. 2). L’employeur doit la totalité des primes. Il déduit la part du travailleur de son salaire (…) (al. 3).

Aux termes de l'art. 92 LAA, les assureurs fixent les primes en pour-mille du gain assuré (al. 1), en fonction du classement de l'entreprise dans l'une des classes du tarif des primes et, à l'intérieur de ces classes, dans l'un des degrés prévus (al. 2).

S'agissant de la perception des primes, l'art. 93 LAA énonce que l’employeur doit établir régulièrement un relevé de salaires donnant, pour chaque travailleur, des renseignements exacts sur le mode d’occupation, le salaire, le nombre et les dates des jours de travail. Il donne à l’assureur, sur demande, des renseignements complémentaires concernant tout ce qui intéresse l’assurance et lui permet de consulter les relevés de salaires ainsi que les pièces justificatives (al. 1). L’assureur évalue d’avance le montant des primes pour un exercice annuel entier et le porte à la connaissance de l’employeur. En cas de modification importante, les primes peuvent être adaptées en cours d’année (al. 2). Les primes pour chaque exercice annuel sont payables d’avance. Moyennant une majoration convenable, l’employeur ou l’assuré à titre facultatif peut échelonner le paiement des primes par semestres ou par trimestres (al. 3). À la fin de l’exercice annuel, le montant des primes est définitivement calculé par l’assureur d’après le total effectif des salaires. Si le relevé de salaires ne donne pas de renseignements sûrs, l’assureur a recours à d’autres moyens de renseignements et l’employeur perd le droit de contester le montant fixé. L’insuffisance ou l’excès du montant payé donne lieu à perception complémentaire, à restitution ou à compensation. Les paiements complémentaires doivent être acquittés dans le mois qui suit la notification du décompte (al. 4). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions sur les majorations en cas de paiements échelonnés ou lorsque le délai de paiement n’a pas été respecté, sur les relevés de salaires, leur révision et leur conservation, ainsi que sur le décompte des primes. Il veille à la coordination des dispositions concernant la définition du gain assuré dans l’assurance-accidents et dans les autres branches des assurances sociales (al. 5).

5.3 Dans l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), le Conseil fédéral a prévu des règles complémentaires concernant les primes.

L'art. 115 al. 1 OLAA prévoit que, sauf exceptions, les primes sont perçues sur le gain assuré au sens de l'art. 22 al. 1 et 2 OLAA. L'art. 22 OLAA définit le gain assuré, son alinéa 1 fixant un montant maximum et son alinéa 2 précisant qu'est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l'assurance-vieillesse et survivants. La notion de salaire déterminant est définie à l'art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) qui énumère les éléments de rémunération à prendre en considération.

En matière de relevés de salaires et comptes, l'art. 116 OLAA prévoit que les employeurs doivent, suivant les directives des assureurs, tenir des relevés de salaires. Le salaire des travailleurs qui ne sont assurés que contre les accidents professionnels doit être signalé comme tel (al. 1). Les employeurs doivent conserver pendant au moins cinq ans les relevés de salaires ainsi que les pièces comptables et autres documents permettant de reviser les relevés. Ce délai commence à courir à la fin de l’année civile pour laquelle les dernières données ont été consignées (al. 3).

Au terme de l’exercice comptable, l’employeur doit déclarer à l’assureur, dans un délai fixé par celui-ci, les salaires déterminants pour le calcul du montant définitif des primes (art. 120 al. 2 OLAA). Si l’employeur n’a pas fourni les données requises pour la détermination des primes, l’assureur fixe par décision les montants dus (art. 120 al. 3 OLAA).

5.4 Le commentaire du Conseil fédéral relatif au projet de loi sur l'assurance-accidents mentionne ce qui suit, au sujet de l'art. 93 LAA : « Pour l'essentiel, les dispositions concernant la perception des primes n'apportent aucune innovation par rapport aux prescriptions actuelles (art. 64, 110 à 112 LAMA [loi fédérale du 13 juin 1911 sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, RS 832.10, FF 1911 III 815, abrogée au 1er janvier 1996, RO 1995 1328]). Elles font tout d'abord obligation à l'employeur de tenir une comptabilité des salaires, qui contienne les renseignements importants pour le calcul des primes, et de la montrer à l'assureur sur réquisition. Si cette obligation n'est pas remplie, la somme des salaires sera déterminée par d'autres investigations et l'employeur ne pourra plus contester le montant des primes ainsi fixées. L'assureur évalue le montant des primes pour l'exercice comptable à venir et le communique à l'employeur. En cours d'année, les primes résultant de cette évaluation peuvent être augmentées ou réduites si des modifications importantes se produisent. En principe, les primes dues pour tout l'exercice comptable sont payables d'avance ; toutefois, il est possible de payer les primes par acomptes semestriels ou trimestriels, moyennant une majoration convenable que nous fixerons. Le calcul du montant définitif des primes n'est possible qu'à l'expiration de l'exercice comptable ; la différence par rapport au montant évalué est perçue, restituée ou compensée, le paiement complémentaire devant être fait dans le mois suivant la notification du décompte. Est réservée la rectification des comptes définitifs qui peut résulter d'une revision de la comptabilité des salaires. Nous édicterons des dispositions détaillées sur les majorations perçues lorsque le délai de paiement n'a pas été respecté ainsi que sur la tenue de la comptabilité des salaires et sa conservation, dans les limites de ce qu'on peut attendre de l'employeur. Nous veillerons en outre à la coordination des dispositions concernant la définition du salaire déterminant dans l'assurance-accidents avec celles des autres branches des assurances sociales » (Message du Conseil fédéral, FF 1976 III p. 143 ss, p. 223).

5.5 D'après la doctrine, la perte, par l'employeur, du droit de contester le montant fixé par l'assureur dans les cas où les relevés de salaires ne donnent pas de renseignements sûrs prévue à l'art. 93 al. 4 LAA n'est pas absolue. Dans la mesure où l'employeur fournit ultérieurement, dans la procédure de recours, des documents concernant les salaires, ceux-ci doivent être pris en considération (Kaspar GEHRING, in KIESER/GEHRING/BOLLINGER [éd.], KVG UVG Kommentar, 2018, n. 9 ad art. 93 LAA).

5.6 La chambre de céans a relevé, en lien avec l'art. 93 al. 4 LAA, qu'il incombait à l'assureur de constater d'office le total effectif des salaires. Étant donné qu'il était tenu de respecter le principe d'égalité, il ne pouvait pas fixer le montant des primes de manière arbitraire lorsqu'il n'existait pas de relevé de salaire ou que celui-ci ne donnait pas de renseignements sûrs, raison pour laquelle l'art. 120 al. 3 OLAA prévoyait, dans cette hypothèse, que l'employeur fixait par décision les montants dus (ATAS/34/2021 du 21 janvier 2021 consid. 8b et la référence).

Quant à la Cour des assurances sociales du canton de Vaud, elle a jugé que dans des situations particulières où l'entreprise n'avait pas été en mesure de fournir les preuves expressément prescrites par le droit fédéral pour déterminer et fixer le montant des primes de l'assurance-accidents, il fallait examiner si le mode de calcul retenu par l'assureur-accident était arbitraire, vu le large pouvoir d'appréciation qui devait lui être reconnu en l'absence de données fiables (arrêts AA 114/20 - 110/2021 du 21 octobre 2021 consid. 5b cc ; AA 30/09 - 59/2010 du 9 juin 2010 consid. 3c).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références).

7.             En l'espèce, il sied, en premier lieu, d'examiner si l'intimée était fondée, au vu des pièces remises par la recourante dans le cadre de la procédure d'affiliation et de calcul des primes, de procéder à l'évaluation des masses salariales et, dans l'affirmative, de vérifier la validité de son calcul, le tout pour les années 2021 et 2022.

7.1 L'intimée, lors de l'établissement des factures contestées, en septembre 2022 et février 2023, et lors du prononcé de la décision sur oppositions, disposait de documents partiellement contradictoires transmis, soit dans le cadre de l'examen de l'affiliation de la recourante, soit lors de l'examen de la fixation des primes, et n'avait pas reçu tous les documents qu'elle avait sollicités. Certains documents remis présentaient des divergences quant aux salaires versés (cf. à ce propos la décision querellée qui liste précisément lesdites divergences), l'intimée avait reçu des contrats de travail d'employés sans déclarations de salaires correspondantes, les dates d'engagement des travailleurs ne concordaient pas suivant la pièce analysée, certains employés non-annoncés se trouvaient en arrêt-accident et, plus globalement, face à une société qui avait déclaré verser en espèces les salaires (cf. courriel de B______ SA du 19 octobre 2021, pièce 18 du dossier de l'intimée), elle pouvait nourrir des doutes quant aux éléments communiqués par la recourante.

Dans la mesure où la recourante n'a jamais fait suite de manière complète aux demandes de renseignements de l'intimée et ne lui a pas permis de consulter toutes les pièces justificatives, en violation des prescriptions prévues aux art. 93 al. 1 LAA et 116 al. 1 et 3 OLAA, respectivement vu que celles-ci présentaient des incohérences, l'intimée était fondée à fixer elle-même le montant des primes, par voie de décision, en application des art. 93 al. 4 LAA et 120 al. 3 OLAA.

7.2 Il reste à examiner si le calcul effectué par l'intimée peut être validé, sur le vu de l'ensemble des pièces et des explications fournies par la recourante – y compris celles produites dans le cadre de la présente procédure, l'employeur n'étant pas déchu de son droit de contester le montant des primes fixé en application de l'art. 93 al. 4 LAA et pouvant amener des éléments probants jusqu'à la procédure de recours – étant souligné que l'assureur-accidents doit, dans ce cadre, respecter le principe de l'égalité et ne peut évaluer arbitrairement une masse salariale (cf. consid. 6.5 et 6.6 supra).

7.2.1 Il ressort de la note établie par l'intimée le 23 mars 2023 et des explications contenues dans la décision sur oppositions du 20 juillet 2023 que, pour l'année 2021, elle avait procédé à deux estimations : pour les treize employés déclarés à l'OCAS, elle était partie de la supposition que ces personnes avaient toutes, sauf une, été engagées au 1er juin 2021 et qu'elles travaillaient toutes à 100%, hormis l'ancienne administratrice ; concernant les dix autres personnes pour lesquelles elle avait reçu des contrats de travail, mais qui n'avaient pas été déclarées à l'OCAS, elle avait retenu que celles-ci avaient travaillé dès le 1er juin 2021, à 100% également.

De son côté, la recourante explique que seules les personnes qu'elle a annoncées à l'OCAS ont travaillé pour ses soins et que les autres n'ont pas fait suite aux contrats d'engagement. Elle soutient, en outre, que les employés déclarés ont travaillé conformément à ce qui a été annoncé à l'OCAS et dans les déclarations de salaires remises à l'intimée, soit à des taux variables, l'entreprise n'étant pas une structure suffisamment grande pour offrir une occupation à plein temps à tous ses salariés, durant toute l'année.

7.2.2 Au sujet des dix personnes qui n'auraient finalement jamais travaillé pour la recourante, la chambre de céans observe tout d'abord que, contrairement à ce qu'affirme la recourante, une d'entre elles a été occupée contre rémunération durant les mois de juin et juillet 2021 et sept autres l'ont été durant le mois de juillet 2021 (cf. fiches de salaires reçues le 13 décembre 2021 par l'intimée, pièce 30 de son dossier), alors qu'elles ne figurent dans aucun décompte adressé à l'intimée ou à l'OCAS. Selon les fiches de salaires produites, les salaires bruts versés à ces employés totalisent CHF 21'109.-. L'on constate par ailleurs qu'hormis les employés F______ et G______, engagés respectivement le 1er juin et le 1er juillet 2021, les rémunérations sont basses (moins de CHF 1'800.-). Concernant les deux personnes embauchées au mois d'août 2021, pour lesquelles un contrat de travail a été produit, mais aucune fiche de salaire (H______ et I______), il paraît illogique que B______ SA ait remis, en septembre 2021, ces contrats si les personnes concernées n'avaient finalement jamais honoré l'engagement. On constate, par ailleurs, que ces deux personnes figurent aussi sur la liste du personnel établie le 14 septembre 2021 par l'entreprise (cf. pièce 14 du dossier de l'intimée, pp. 2 et 3). Il est donc justifié de retenir que ces deux personnes ont exercé une activité rémunérée en faveur de B______ SA.

Toutefois, la chambre de céans n'est pas convaincue par l'argumentation développée par l'intimée consistant à dire que ces dix personnes auraient travaillé à 100% de juin à décembre 2021. En effet, on ne discerne pas pourquoi B______ SA aurait établi des fiches de salaires pour les mois de juin et juillet 2021, mais pas ultérieurement. Par ailleurs, si la société précitée avait voulu engager des travailleurs au noir, dans le but de diminuer sa masse salariale, il est évident qu'elle n'aurait pas fourni les références de ces employés et leurs fiches de salaires, mais aurait, dès le départ, dissimulé ces informations. Sous cet angle, le raisonnement de l'intimée peine à convaincre.

Selon le degré de la vraisemblance prépondérante applicable en matière d'assurances sociales, il faut, par conséquent, retenir que les huit employés pour lesquels des fiches de salaires ont été produites ont perçu une rémunération conforme à celles-ci et il paraît justifié, pour les deux autres, de retenir qu'ils ont travaillé durant un mois, au taux horaire et au taux d'occupation convenu contractuellement. La masse salariale de ces dix travailleurs peut donc être estimée à CHF 30'594.- (CHF 21'109.- + CHF 4'908.- en faveur de H______ + CHF 4'577.- en faveur d'I______ selon les chiffres pris en considération par l'intimée, non contestés par la recourante).

7.2.3 Concernant les treize employés de la recourante annoncés à l'OCAS, la chambre de céans n'est, à nouveau, pas convaincue par l'évaluation de l'intimée, fondée sur le postulat que les masses salariales sont souvent minimisées pour réduire la facture de cotisations sociales. Les incohérences relevées par l'intimée concernant les dates d'engagement (différentes selon les contrats de travail ou les certificats annuels de travail) et le taux d'occupation (différence entre un taux contractuellement prévu de 100% et le taux de travail effectif), peuvent s’expliquer, au degré de la vraisemblance prépondérante, par des lacunes administratives, plutôt que par une volonté de tromper sciemment l'intimée.

Au sujet des dates d'engagement, il n'y a pas de raisons de retenir, pour tous les employés (sauf un), un début d'activité au 1er juin 2021, dans les cas où le contrat de travail énonce une autre date. Ceci impliquerait, en effet, de privilégier les données figurant sur les certificats annuels de salaires – documents établis à l'échéance de l'année civile unilatéralement par l'employeur – à des documents contractuels signés par les employés. Une mise en parallèle des fiches de salaire sdisponibles avec les contrats de travail ne met, par ailleurs, pas en évidence que certains employés auraient été rémunérés avant la date d'engagement figurant dans leur contrat.

S'agissant du taux d'occupation des travailleurs, les contrats de travail prévoient, certes, qu'ils étaient tous (hormis l'ancienne administratrice) engagés à plein temps, à raison de 42 heures par semaine en moyenne. Le salaire était néanmoins fixé, non pas mensuellement, mais par heure et les fiches de salaires remises – dont plusieurs sont contresignées par les employés – indiquent des heures ouvrées inférieures à celles prévues contractuellement. Il ressort par ailleurs des explications de la recourante, que son volume d'activité n'était pas stabilisé, s'agissant d'une jeune entreprise créée en mai 2021. Dans ce contexte, à défaut d'autres indices qui permettraient de retenir un travail non déclaré (tels, par exemple, des contrôles de l'autorité cantonale compétente en matière de travail au noir qui se seraient révélés positifs), il parait insoutenable de retenir que tous les employés ont travaillé à 100% en 2021. Le point déterminant n'est pas de savoir si les travailleurs avaient un droit à être occupés, selon le taux convenu contractuellement, question qui ressortit du droit du travail, mais de savoir sur quelle base salariale les primes doivent être prélevées. En outre, retenir un tel taux effectif de travail à 100% de tous les employés revient à considérer qu'ils se seraient tous accommodés d'une part de rémunération non déclarée, ce qui, au vu du nombre de personnes concernées et au vu des risques pour ces travailleurs en matière de déficit de couverture sociale, paraît peu plausible.

Par ailleurs, même si certaines divergences quant aux montants exacts des salaires versés ressortent des divers documents produits, il existe néanmoins une cohérence globale entre les fiches de salaires, les certificats de travail et les décomptes de salaires fournis à l'intimée. De plus, le relevé annuel des salaires 2021, rempli le 6 octobre 2021 par la recourante et adressé à l'intimée, contient des chiffres légèrement plus élevés que ceux figurant sur les fiches de salaires, ce qui est à l'avantage de celle-ci. Le calcul de la masse salariale 2021 pour les employés listés dans ce décompte peut donc être effectué, à partir du montant qui y est mentionné, respectivement du montant légèrement plus élevé, qui ressort des certificats de salaires, soit de CHF 111'046.55, auquel il faut ajouter l'employé que l'administratrice de B______ SA avait omis de déclarer, qui, à teneur des fiches de salaires produites, a été rémunéré d’un montant brut de CHF 14'112.- pour la période allant d'août à octobre 2021. Le total auquel on aboutit est donc de CHF 125'158.55.

7.2.4 Les deux masses salariales calculées ci-dessus aboutissent à la somme de CHF 155'752.55 (CHF 30'594.- + CHF 125'158.55). Néanmoins, considérant que plusieurs incertitudes demeurent quant aux salaires effectifs des travailleurs, au vu de l'imprécision des divers documents produits et de leur mode de rémunération (en espèces), faisant usage de son pouvoir d'appréciation, la chambre de céans fixera la masse salariale 2021 à CHF 200'000.-. En effet, même si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'intimée paraît arbitraire, dans la mesure où elle a fictivement retenu que l'ensemble des personnes engagées avait été rémunéré à 100% durant sept mois, il sied également d'imputer à la recourante le défaut de justificatifs clairs, quant aux salaires versés.

7.2.5 S'agissant de l'année 2022, l'intimée a annualisé le montant de son estimation concernant l'année 2021 (CHF 600'000.- sur sept mois), pour aboutir à un montant (arrondi) de CHF 1'028'000.- sur douze mois (600'000 : 7 mois x 12 mois), auquel elle a ajouté les employés d'A______ SA, repris au 1er juin 2022 par la recourante. Tenant compte de la dernière masse salariale provisoire connue pour A______ SA en 2022, de CHF 1'160'000.-, elle a calculé à ce titre CHF 676'000.- (1'160'000 : 12 mois x 7 mois), le résultat total aboutissant à CHF 1'704'000.-, arrondi à CHF 1'700'000.-.

Ni dans sa note du 23 mars 2023, ni dans sa décision sur oppositions ou dans ses écritures ultérieures, l'intimée ne soulève de contradictions concernant les montants des salaires annoncés par la recourante pour l'année 2022. Elle part uniquement du présupposé qu'il faudrait reprendre l'estimation de l'année 2021 et l'annualiser, ainsi qu'y rajouter la masse salariale d'A______ SA et l'imputer en proportion (sur sept mois) à la recourante.

Concernant la masse salariale d'A______ SA, l'estimation de l'intimée se base sur des éléments factuels qui ressortent du dossier administratif de cette société, qui n'ont pas été versés à la procédure et qui ne sont pas connus de la chambre de céans. Les seuls éléments à disposition sont des lettres de licenciement de quatre employés par la société précitée et les contrats de travail ultérieurs conclus avec la recourante. On ignore ce qu'il est advenu des autres travailleurs, mais l'intimée ne semble pas contester le nombre de 34 employés annoncés par la recourante dans son dernier décompte des salaires 2022.

7.2.6 La masse salariale de la recourante estimée à CHF 1'700'000.- par l'intimée ne peut être confirmée. En premier lieu, comme vu précédemment, le montant de CHF 600'000.- servant de base à l'évaluation de la masse de l'année 2021 n'a pas été confirmé. Le reprendre tel quel, pour l'évaluation de l'année suivante, fait également fi des éventuelles fluctuations de travail, qui ont été soulignées à plusieurs occasions par la recourante, dans ses échanges avec l'intimée et dans ses écritures. En second lieu, aucun élément concret n'est avancé par l'intimée pour soutenir que la recourante aurait conservé les affaires ou le volume d'activité d'A______ SA, bien qu'elle ait repris, à teneur de la demande de reconsidération du 8 août 2022, ses « outils de production » et certains de ses employés. Il ressort, au contraire, des pièces produites que sept des anciens employés d'A______ SA ont été licenciés assez rapidement par la recourante, pour fin août ou fin septembre 2022, dates de fin d'emploi qui réapparaissent dans le décompte des salaires 2022 adressé à l'intimée et dans les documents destinés à l'OCAS (cf. pièces produites par la recourante à l'appui de son recours). La société A______ SA a, par ailleurs, été mise en faillite dès le mois de novembre 2022, ce qui laisse supposer une baisse de ses activités ne lui permettant plus de couvrir ses charges. S'il est, certes, vrai que le transfert des employés d'A______ SA auprès de la recourante s'est certainement accompagné d'une hausse concrète des activités de cette dernière, qui s'observe dans le montant de la masse salariale déclarée pour 2022 s'élevant en dernier lieu à CHF 524'818.10 et à la lecture de sa comptabilité, on ne peut, sans autre indication, reprendre le montant de la masse salariale d'A______ SA et l'imputer à la recourante.

Au vu des diverses pièces au dossier, la chambre de céans n'a pas d'indices suffisants permettant de conclure à une déclaration inexacte des salaires en 2022 par la recourante. Il existe, au contraire, à nouveau une cohérence entre les données transmises à l'intimée et à l'OCAS, de sorte que l'estimation de l'intimée ne peut être confirmée et montant de CHF 524'818.10, tel qu'il résulte du dernier décompte annuel des salaires 2022 du 31 décembre 2022, doit être avalisé.

7.2.7 En conclusion, les factures de primes définitives pour les périodes du 1er juin 2021 au 31 décembre 2021 (facture n° 1______) et du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022 (facture n° 2______) doivent être annulées et les primes pour l'assurance contre les accidents professionnels et non professionnels doivent être calculées en fonction d'une masse salariale de CHF 200'000.- pour l'année 2021 et de CHF 524'181.10 pour l'année 2022.

8.             Au vu de ce qui précède, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 469 consid. 4a ; 122 III 223 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.2 et les références), il peut être renoncé aux moyens de preuves complémentaires proposés par la recourante dans sa réplique du 4 octobre 2023. La production, telle qu'elle le suggère, des relevés bancaires justifiant des versements des salaires pour les années 2021 et 2022, d'attestations contresignées par les employés certifiant les montants figurant sur les certificats de salaires ou confirmant le non-engagement au sein de la recourante, ne serait en effet pas en mesure de modifier l'appréciation de la chambre de céans. Concernant l'année 2022, le montant de masse salariale déclaré par la recourante a été confirmé, tandis que celui de l'année 2021 a dû être estimé, au vu des contradictions existant entre les pièces au dossier. La production de nouvelles pièces ne permettrait pas de lever les incohérences relevées, étant précisé que, selon les explications mêmes de B______ SA, les salaires étaient à l'époque versés en espèce, ce qui rend inutile l'obtention de relevés bancaires. Il en va de même d'attestations contresignées par les employés, ceux-ci ne pouvant, deux ans après les faits, savoir précisément quels montants ils ont perçus et relever d'éventuelles contradictions avec les certificats de salaires remis. Enfin, la chambre de céans s'est basée sur les fiches de salaires au dossier pour calculer la masse salariale des personnes engagées par B______ SA, qui n'avaient pas été annoncées à l'OCAS et qui ont travaillé ponctuellement pour elle. La recourante avait, par ailleurs, tout loisir de produire les documents précités dans le cadre de l'instruction menée par l'intimée, ou à l'appui de son recours, si elle estimait qu'ils amenaient des éléments supplémentaires, utiles à sa démonstration.

9.             Par conséquent, le recours sera partiellement admis et la décision du 20 juillet 2023 de l’intimée sera annulée.

La cause sera renvoyée à l'intimée, afin qu'elle calcule les primes définitives dues par la recourante pour la couverture des risques accidents professionnels et non professionnels, en fonction respectivement d'une masse salariale de CHF 200'000.- pour l'année 2021 et de CHF 524'818.10 pour l'année 2022.

10.         Bien que la recourante obtienne partiellement gain de cause, elle n’est pas représentée et n'a pas fait valoir de frais engendrés par la présente procédure ; elle n'a pas droit à des dépens, suivant la pratique constante de la chambre de céans (ATAS/595/2022 [arrêt de principe] du 9 juin 2022 consid. 9 ; ATAS/1320/2021 du 16 décembre 2021 [arrêt de principe] consid. 9 ; ATAS/177/2021 [arrêt de principe] du 4 mars 2021 consid. 11 ; ATAS/1001/2022 du 11 novembre 2022 consid. 11).

11.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur oppositions de l'intimée du 20 juillet 2023.

4.        Lui renvoie la cause, pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le