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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/168/2023

ATAS/425/2023 du 12.06.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/168/2023 ATAS/425/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 juin 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

 

recourante

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après: la bénéficiaire), célibataire et mère de quatre enfants mineurs, a, par décision du 11 juin 2014 du service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC), été mise au bénéfice de prestations complémentaires familiales (ci-après: PCFam) et de subsides d'assurance-maladie (ci-après : subside) depuis le 1er avril 2014.

b. La bénéficiaire a quitté le canton de Genève en date du 31 octobre 2020 où elle était domiciliée 3, avenue B______, à Genève, pour s’installer dans le canton de Vaud.

B. a. En réponse à une demande de pièces formulée par le SPC le 13 janvier 2021, la bénéficiaire lui a notamment adressé le 3 mars 2021 le contrat de bail de l’appartement sis 3, avenue B______, débutant le 1er décembre 2013 ainsi qu’un courrier de la gérance immobilière municipale de la Ville de Genève du 19 juillet 2018 adaptant le loyer. Ce courrier mentionne comme adresse de la bénéficiaire « Avenue B______ 3, à Genève ».

b. Le 9 août 2021, le SPC a édité les séjours de la bénéficiaire issus du fichier de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), lequel mentionnait un départ de la bénéficiaire pour Gland (VD) le 31 octobre 2020.

c. Par décision du 9 août 2021, le SPC a requis de la bénéficiaire la restitution des PCFam ainsi que des subsides versés du 1er novembre 2020 au 31 août 2021 à concurrence de CHF 20'856.- (soit CHF 14'802.- de PCFam et CHF 6'054.- de subsides), en raison de son départ du canton de Genève.

d. Le 27 août 2021, la bénéficiaire a déposé une demande de remise suite à la décision précitée ; elle avait informé le SAM de son départ de Genève et pensait que celui-ci travaillait avec le SPC. Elle avait accouché le 25 juin 2021 d’un quatrième enfant et élevait seule ses quatre enfants. Elle avait cru que les PCFam continueraient d’être versées, vu qu’elle avait averti le SAM. Une assistante sociale lui avait dit qu’elle n’avait pas droit au PCFam et en avait informé le SPC, tout en la dirigeant vers l’aide sociale. Elle ne pouvait rembourser la somme demandée et, si la remise n’était pas accordée, elle souhaitait un plan de remboursement.

e. Par décision du 20 janvier 2022, le SPC a refusé la remise, au motif que c’était suite à la consultation de la banque de données de l’OCPM que le SPC avait découvert, le 9 août 2021, que la bénéficiaire avait quitté le canton de Genève pour s’installer dans le canton de Vaud, de sorte que celle-ci avait violé son devoir de renseigner, excluant sa bonne foi. Une demande d’échelonnement de la dette pouvait lui être adressée.

f. Le 4 février 2022, la bénéficiaire a formé opposition à la décision précitée, en sollicitant la remise ou un plan de remboursement.

g. Par décision du 14 décembre 2022, le SPC a rejeté l’opposition de la bénéficiaire, au motif que cette dernière ne pouvait ignorer que le droit aux prestations complémentaires découlait de son lieu de domicile, alors que, suite à l’annonce envoyée au SAM, elle avait continué de recevoir des PCFam. Par ailleurs, toutes les décisions du SPC avaient continué à lui être envoyées à son adresse genevoise sans qu’elle ne corrige le SPC ni vérifie que son changement d’adresse était connu.

h. Le 11 janvier 2023, la bénéficiaire a demandé au SPC de réétudier son dossier et indiqué qu’elle restait favorable à toute résolution. Elle a également repris l’argument qu’elle croyait de bonne foi que le SPC et le SAM communiquaient entre eux.

C. a. Le 17 janvier 2023, le SPC a transmis le courrier précité à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, comme objet de compétence.

b. Le 10 février 2023, le SPC a conclu au rejet du recours et a persisté intégralement dans les termes de sa décision sur opposition du 14 décembre 2022.

c. Le 13 février 2023, la chambre de céans a invité la recourante à préciser si elle contestait la décision de refus de remise ou si elle demandait un arrangement de paiement.

d. Le 27 mars 2023, la recourante a écrit à la chambre de céans qu’elle souhaitait savoir si tous les documents demandés étaient au complet.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les PCFam au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

1.2 Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Selon l’art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC (let. a), les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État (let. b) et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830) ainsi que ses dispositions d’exécution (let. c).

Interjeté dans les formes et les délais légaux, le recours est recevable (art. 56ss LPGA ; art. 43 LPCC).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé d’octroyer à la recourante la remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 20'856.- reçue à titre de PCFam et de subsides.

3.1 C’est un principe général que les prestations indûment touchées doivent être restituées. La LPGA l’ancre dans son domaine d’application à son art. 25, complété par les art. 2 à 5 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), qui doivent aussi s’appliquer par analogie en vertu de l’art. 33 al. 1 de la loi genevoise d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) (ATAS/174/2016 du 8 mars 2016 consid. 2a). Ladite procédure et la réalisation des deux conditions considérées obéissent aux mêmes règles, qu’il s’agisse des prestations complémentaires fédérales, des prestations complémentaires cantonales (ci-après : CPP), des PCFam ou encore de subside. Ainsi, l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision, qui doit indiquer la possibilité d’une remise (art. 3 al. 1 et 2 OPGA), et la demande de remise doit être présentée par écrit, être motivée, être accompagnée des pièces nécessaires et être déposée au plus tard trente jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution, et elle doit faire l’objet d’une décision (art. 4 al. 4 et 5 OPGA ; ATAS/82/2016 du 2 février 2016 consid. 2). La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (art. 25 al. 1 phr. 2 LPGA). La teneur de ces dispositions est reprise ou répétée pour diverses prestations sociales, dont à l’art. 24 LPCC pour les PCC, applicable en matière de PCFam (art. 1A al. 2 let. c LPCC) et pour le subside (cf. art. 33 al. 1 LaLAMal).

3.2 La procédure de restitution comporte trois étapes (la deuxième étant cependant souvent simultanée à la première), à savoir une première décision sur le caractère indu des prestations, une seconde décision sur la restitution en tant que telle des prestations (comportant l’examen de la réalisation des conditions d’une révision ou d’une reconsidération, au sens de l’art. 53 al. 1 et 2 LPGA dans la mesure où les prestations fournies à tort l’ont été en exécution d’une décision en force), et, le cas échéant, une troisième décision sur la remise de l'obligation de restituer, subordonnée aux deux conditions que l'intéressé était de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation difficile (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 5.1.1 et 5.2 ; ATAS/587/2016 du 19 juillet 2016 consid. 3 ; ATAS/365/2016 du 10 mai 2016 consid. 7a ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar : Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts, 4ème éd., 2020, n. 17 à 20 ad art. 25 LPGA). C’est une fois qu’est entrée en force la décision portant sur la restitution elle-même des prestations perçues indûment que sont examinées les deux conditions de la bonne foi et de l’exposition à une situation financière difficile devant amener le cas échéant à renoncer à l’obligation de restitution, à moins qu’il soit manifeste que ces deux conditions sont remplies, auquel cas il doit être renoncé à la restitution déjà au stade de la prise de la décision sur la restitution (art. 3 al. 3 OPGA ; Ueli KIESER, op. cit., n. 75 ad art. 25 LPGA).

3.3 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

3.3.1 La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

3.3.2 On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA], 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaitre dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

3.3.3 En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, op. cit., n. 65 ad art. 25 LPGA).

4.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.             En l’espèce, on comprend des écritures de la recourante qu’elle estime être de bonne foi dès lors qu’elle avait averti le SAM de son changement de domicile. Or, cette annonce ne ressort pas du dossier et n’a pas été prise en compte par le SAM. En tout hypothèse, comme relevé par l’intimé, la recourante, en continuant de recevoir des PCFam après son changement de domicile, aurait dû réaliser que l’intimé n’était pas au courant de ce dernier. Il lui incombait, dans le doute sur son droit aux prestations, d’avertir l’intimé de ce changement, ce qu’elle n’a pas fait ; de surcroit, elle a conforté l’intimé dans son ignorance en mentionnant dans son courrier du 3 mars 2021 son ancienne adresse de Genève, alors qu’elle avait changé de domicile depuis novembre 2020 déjà, ainsi qu’en transmettant une copie du bail à loyer de l’appartement genevois.

Compte tenu par ailleurs des informations transmises régulièrement par l’intimé à la recourante concernant son obligation de communiquer tout changement dans sa situation personnelle, il convient de qualifier l’omission par la recourante de communiquer son changement d’adresse à l’intimé de négligence grave. Celle-ci exclut la bonne foi, de sorte que le refus de remise de l’obligation de restituer ne peut qu’être confirmé.

6.             Partant, le recours est rejeté. Il sera transmis à l’intimé, vu les termes du recours, à titre de demande d’un arrangement de paiement.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Le transmet à l’intimé, dans le sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le