Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1276/2025 du 18.11.2025 ( ICC ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/740/2025-ICC ATA/1276/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 18 novembre 2025 |
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dans la cause
VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT,
DES CONSTRUCTIONS ET DE LA MOBILITÉ recourante
représentée par Mes Julien WITZIG et Sarah BUSCA BONVIN, avocats
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée
A. a. Les parcelles nos 1’723, 1’725 et 1’726 de la commune de Genève (section A______) se trouvent au lieu-dit B______ et sont actuellement la propriété de la Ville de Genève (ci-après : la ville). Elles sont situées en zone de développement 3 depuis le 25 janvier 2008.
b. Les parcelles nos 1’723 et 1’726 accueillent respectivement une villa et une maison individuelle.
B. a. Par courrier du 16 avril 2012, le Conseiller d’État en charge de l’ancien département des constructions et des technologies de l’information, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT) a informé la ville que, sur le principe, l’État de Genève était prêt à lui vendre les parcelles nos 1’723 et 1’726, afin que la ville y implante un nouvel équipement scolaire.
b. Le 6 novembre 2013, le conseil administratif de la ville a proposé au conseil municipal d’ouvrir un crédit de CHF 6'450'000.- pour l’acquisition desdites parcelles, en vue d’y construire un groupe scolaire.
c. Lors de sa délibération du 21 mai 2014, le conseil municipal a autorisé son conseil administratif à acquérir les parcelles nos 1’723 et 1’726 et leur dépendance, soit la moitié de la parcelle n° 1’725, en vue de la construction du groupe scolaire.
La dépense prévue devait être comptabilisée à l’actif du bilan dans le patrimoine financier et, vu l’utilité publique de la transaction, la ville demandait au Conseil d’État l’exonération des droits d’enregistrement et émoluments du registre foncier (ci-après : RF) portant sur l’acquisition.
d. Par décision 29 juillet 2014, le département présidentiel de l’État de Genève a approuvé la délibération municipale du 21 mai 2014.
La décision indiquait, d’une part, que la délibération précisait que l’acquisition serait comptabilisée au patrimoine financier de la ville, ce qui excluait à ce moment‑là une affectation d’utilité publique s’agissant d’une réserve de terrain, et, d’autre part, que ces réserves n’étaient pas considérées comme d’utilité publique selon une pratique constante. Toutefois, l’administration fiscale cantonale (ci‑après : AFC-GE) s’engageait à rembourser les droits perçus dans un délai de dix ans dès l’enregistrement de l’acte d’acquisition, en cas d’affectation justifiée à des fins d’utilité publique des parcelles, au prorata des m2 utiles. Référence était notamment faite à l’arrêté du Conseil d’État du 25 juin 1997 relatif au remboursement des droits d’enregistrement lors de l’affectation effective de réserves de terrains acquises par les communes dans un but d’utilité publique (ci‑après également : l’arrêté du 25 juin 1997), dont la teneur sera reprise dans la partie en droit du présent arrêt.
e. La vente des parcelles a eu lieu les 17 septembre et 30 octobre 2014 et l’acte de vente a été enregistré au RF le 4 novembre 2014.
f. Un avis de taxation des droits d’enregistrement a été établi le même jour, fixant ceux-ci à CHF 186'856.50. L’avis de taxation n’a pas été contesté.
C. a. Par contrat du 14 octobre 2014, la ville a loué la parcelle n° 1’726 à l’Hospice général. Le contrat prévoyait que la maison individuelle sise sur la parcelle devait être démolie à terme pour permettre la construction d’un immeuble de logements.
b. Par avenant du 5 mai 2022, le bail a été transféré à la Fondation C______ (ci-après : C______) dès le 1er juin 2022. Par avenant du 11 novembre 2022, les parties ont convenu que le bail prendrait fin trois mois après l’entrée en force de l’autorisation de transformation de la maison pour des activités parascolaires.
c. Par contrat du prêt du 13 octobre 2014, la ville a mis la villa sise sur la parcelle n° 1’723 à disposition, à titre gratuit, de la Fondation D______, afin de servir de relais pour les femmes victimes de violences.
d. Par contrat de prêt du 4 mars 2024, la ville a mis cette parcelle à disposition, toujours à titre gratuit, de l’association E______, afin de servir de dispositif d’hébergement d’urgence intercommunal. Le contrat prendrait fin le 31 mars 2026.
e. Le 11 octobre 2024, la ville a demandé à l’AFC-GE d’être exonérée des droits d’enregistrement de CHF 186'856.50 qu’elle lui avait payés ainsi que des émoluments du RF de CHF 15'575.-.
f. Par décision du 30 janvier 2025, l’AFC-GE a rejeté la demande de la ville.
Pour qu’une commune bénéficie d’une exonération des droits d’enregistrement, l’immeuble acquis devait être affecté effectivement et directement à un but d’utilité publique ou cultuel. Une affectation future ou indirecte n’était pas suffisante.
En outre, ce n’était que dans le cas où l’opération visée poursuivait effectivement et directement un but d’utilité publique et où l’acquisition était comptabilisée au patrimoine administratif qu’une exonération des droits d’enregistrement était possible.
Bien que le but final de l’acquisition des parcelles consiste en la construction d’un groupe scolaire, les parcelles concernées n’avaient pas été directement et effectivement affectées à un but d’utilité publique ou de service public. D’après la délibération du conseil municipal de la ville du 29 juillet 2014, l’acquisition des parcelles avait été comptabilisée au patrimoine financier et avait été qualifiée de « réserves de terrain ».
L’arrêté du Conseil d’État du 25 juin 1997 permettait le remboursement des droits d’enregistrement lorsque, dans un délai de dix ans non prolongeable dès la date de l’enregistrement de l’acte d’acquisition du bien immobilier, l’affectation effective irrévocable était démontrée. Or, en l’occurrence, les travaux de construction du groupe scolaire étaient prévus pour le printemps 2026. La ville n’avait ainsi pas démontré que ces parcelles avaient fait l’objet d’une affectation directe et effective à un but d’utilité publique ou de service public dans les dix ans à compter de l’enregistrement de l’acte d’acquisition.
D. a. Par acte remis à la poste le 3 mars 2025, la ville a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, à ce qu’il soit constaté que l’acquisition des parcelles nos 1’723, 1’725 (par moitié) et 1’726 avait été faite dans un but d’utilité publique et qu’elle avait le droit au remboursement des droits d’enregistrement prélevés lors de l’acquisition de la propriété desdites parcelles. Préalablement, elle a conclu à ce que la chambre administrative constate sa compétence pour traiter le recours.
L’affectation irrévocable des parcelles au but d’utilité publique avait été démontrée. Cela découlait déjà du motif pour lequel la parcelle avait été acquise et qui avait permis la validation de l’acquisition par le Conseil d’État. Les parcelles avaient ensuite été administrées dans le but d’y construire un groupe scolaire devant être opérationnel lors de l’arrivée des nouveaux habitants du quartier. Cette administration avait conduit à mettre les parcelles à disposition gratuitement d’entités d’utilité publique ou en les louant à l’Hospice général et à la C______. Elle avait également effectué des démarches en vue de la construction de l’école pour une mise en service concomitante à l’arrivée des nouveaux habitants. Ces démarches avaient été concrétisées par le vote d’un budget activé à son patrimoine administratif.
b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
c. Le 23 juin 2025, la recourante a déposé auprès du DT une demande d’autorisation de construire, enregistrée sous le n° DD1______/1, en vue de la construction d'une nouvelle école et de la transformation des deux maisons existantes sur les parcelles nos 1’723 et 1'726.
d. Dans sa réplique, la recourante a persisté dans son argumentation et ses conclusions, précisant que la construction de l’école avait été retardée en raison notamment du fait que l’État de Genève avait voulu prioriser la construction du projet urbain Praille Acacias Vernets (PAV).
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/1130/2025 du 14 octobre 2025 consid. 1 ; ATA/480/2024 du 16 avril 2024 consid. 2).
1.1 La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières (art. 132 al. 6 LOJ).
Le Tribunal administratif de première instance est l’autorité inférieure de recours dans les domaines relevant du droit public, pour lesquels la loi le prévoit (art. 116 al. 1 LOJ).
1.2 En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). L'art. 4 LPA définit la notion de décision de la même manière que l'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), de sorte que l'on peut s'inspirer de la jurisprudence rendue en lien avec la PA (arrêt du Tribunal fédéral 2C_39/2025 du 25 mars 2025 consid. 4.2).
On entend par décision une manifestation de volonté contraignante de l’autorité, unilatérale, individuelle et concrète, adoptée en application du droit administratif et destinée à produire des effets juridiques, ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1) et susceptible d’exécution forcée (ATF 150 I 183 consid. 3.4.1 = JdT 2024 I p. 150, 151 s. ; ATF 141 II 233 consid. 3.1 ; 135 II 38 consid. 4.3). Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de la loi et conformément à celle-ci. La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels (ATA/649/2023 du 20 juin 2023 consid. 1.3 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 339 ss). Les décisions sont donc des actes de l'autorité qui règlent de manière unilatérale et contraignante un rapport juridique dans un cas particulier (ATF 135 II 30 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_534/2024 du 3 juin 2025 consid. 4.1). La notion de décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2).
1.3 Selon l’art. 50 LPA, la réclamation a pour effet d'obliger l'autorité qui a rendu la décision administrative attaquée à se prononcer à nouveau sur l'affaire. L'opposition est assimilée à la réclamation (al. 1). L’autorité statue avec libre pouvoir d’examen sur la réclamation. Elle peut confirmer ou au contraire modifier la première décision (al. 2). La loi définit les cas où une réclamation doit être présentée avant que les juridictions administratives ne puissent être saisies par la voie d’un recours (al. 3).
1.4 Dans le canton de Genève, les droits de mutation sont régis par la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30) et dénommés droits d'enregistrement. Les droits de mutation sont des impôts perçus par les cantons sur les transferts de propriété immobilière. Il s'agit d'impôts indirects qui n'entrent pas dans le mandat d'harmonisation fiscale de la Confédération de l'art. 129 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et qui relèvent exclusivement du droit cantonal (ATF 138 II 557 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1242/2012 du 12 août 2013 consid. 1.2 ; ATA/163/2021 du 9 février 2021 consid. 2d).
Les droits d’enregistrement sont un impôt qui frappe toute pièce, constatation, déclaration, condamnation, convention, transmission, cession et en général toute opération ayant un caractère civil ou judiciaire, dénommées dans la LDE : « actes et opérations », soumises soit obligatoirement soit facultativement à la formalité de l’enregistrement ; ils sont perçus par l’administration de l’enregistrement et des droits de succession du canton de Genève (ci-après : administration de l’enregistrement ; art. 1 al. 1 LDE).
1.5 Aux termes de l’art. 42 LDE, les acquisitions d’immeubles faites dans un but d’utilité publique ou cultuel par les entités visées à l’art. 28 LDE (notamment les communes comme la recourante) sont exemptées des droits prévus au titre V de la LDE (al. 1). L’entité bénéficiaire de l’exonération doit, dans tous les cas, deux ans au maximum après l’enregistrement de l’acte d’acquisition, ou l’achèvement des travaux en cas de construction, remettre à l’administration la preuve de l’affectation de l’immeuble à un but d’utilité publique ou cultuel. Elle doit, en outre, dès ce moment, affecter l’immeuble à un but d’utilité publique ou cultuel pendant une période continue de trois ans. À défaut, le droit d’enregistrement est dû (al. 2). Le Conseil d’État constate, dans chaque cas, par un arrêté spécial, si l’acquisition poursuit un but d’utilité publique ou cultuel et remplit les conditions exigées (al. 3).
1.6 L’art. 178 LDE dispose que tout débiteur de droits d’enregistrement peut réclamer contre la taxation de l’administration de l’enregistrement (al. 1). Le délai de réclamation est de 30 jours à compter de l’enregistrement de l’acte ou de l’opération, ou de la notification du bordereau dans les cas prévus à l’art. 165 LDE (al. 2) La réclamation motivée est adressée au département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (al. 3).
Le débiteur, dont la réclamation n'a pas été intégralement admise, peut recourir contre la décision du département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures au Tribunal administratif de première instance (art. 179 al. 1 LDE).
1.7 La procédure de réclamation appartient formellement à la procédure de taxation. Ainsi, les autorités compétentes en matière de traitement des réclamations ont les mêmes attributions ou compétences qu'en matière de procédure de taxation (FF 1983 III 1, 222 ; MGC 2001 28/VI 5169). La procédure de réclamation a pour but de décharger la justice fiscale. La réclamation fiscale doit permettre au contribuable d’attirer l’attention de l’autorité de taxation – sans restriction quant aux griefs recevables – sur d’éventuelles inexactitudes ou erreurs de la décision de taxation et de provoquer la reconsidération de celle-ci. Le système de la réclamation s’impose dans un domaine où l’administration doit rendre des décisions en masse (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [édit.], Commentaire romand de la LIFD, 2e éd., 2017, n. 1 ad art. 132 et les références citées).
La procédure de réclamation est une voie rapide et efficace qui permet de régler de nombreuses questions essentiellement techniques (erreur de calcul, application erronée des règles applicables). Elle n’offre en revanche pas de solutions lorsqu’il s’agit de trancher des questions de principe (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, § 23 p. 647).
1.8 En matière d’impôt fédéral direct, l’art. 132 al. 1 LIFD mentionne comme objet de la réclamation « la décision de taxation », c’est-à-dire la décision fixant (notamment) les éléments imposables, le taux et le montant de l’impôt. Cette indication porte certes sur l’objet principal et usuel de la réclamation, mais elle ne saurait être considérée comme exhaustive (Hugo CASANOVA/Claude‑Emmanuel DUBEY, op. cit., n. 4 ad art. 132 et les références citées). Comme la taxation elle‑même, une décision préjudicielle sur l’assujettissement (Arch. 30, 196 ; ATF 115 Ia 73 = JdT 1991 I 115, consid. 3) ou sur l’exonération fiscale (Arch. 58, 39 = RDAF 1991, 113, consid. 3a) peut faire l’objet d’une réclamation. Une réclamation peut notamment aussi être formulée contre une décision par laquelle l’autorité de taxation met à la charge du contribuable des frais entraînés par des mesures d’instruction. Il n’y a pas de réclamation contre la décision de sûretés. En effet, le contribuable peut s’opposer à la demande de sûretés en formant un recours directement devant la commission cantonale de recours (art. 169 al. 3 ; Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, op. cit., n. 2 et 9 ad art. 132 et les références citées).
1.9 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 150 V 12 consid. 4.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_383/2023 du 20 février 2025 consid. 5.2). La chambre de céans suit la même approche (ATA/298/2025 du 25 mars 2025 consid. 6.3 ; ATA/1394/2024 du 28 novembre 2024 consid. 3.8 et l'arrêt cité).
2. En l’espèce, l’acte querellé porte sur le refus de l’AFC-GE de rembourser à la recourante le montant des droits d’enregistrement que celle-là a perçus à la suite de l’acte d’enregistrement du 4 novembre 2014. Il a donc pour objet de rejeter une demande portant sur un droit de la recourante, soit celui d’obtenir la restitution des droits d’enregistrement. Il constitue donc une décision au sens de l’art. 4 LPA.
La chambre de céans ne s’est jamais déterminée sur sa compétence de connaître du recours dirigé, comme en l’espèce, contre un refus de l’AFC-GE de rembourser à une commune le montant des droits d’enregistrement payés par celle-ci à la suite d’un acte d’enregistrement en application de la LDE. La question qui se pose ainsi est celle de savoir si une telle décision doit faire l’objet d’une réclamation (art. 178 LDE) ou doit être directement attaquée devant une autre autorité, étant précisé que la compétence de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice et de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (art. 6 al. 1 let. b et d LPA) n’entre pas en ligne de compte.
La LDE ne prévoit pas de voie de recours spécifique en cas de refus de remboursement, ce qui exclut une compétence directe du TAPI (art. 116 al. 1 LOJ a contrario). L’art. 178 LDE dispose que tout débiteur de droits d’enregistrement peut réclamer contre la taxation de l’administration de l’enregistrement (al. 1), la réclamation étant adressée au département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (al. 3 ; art. 3 al. 1 du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2023 - ROAC - B 4 05.10). Il y a donc lieu d’examiner si le refus de remboursement entre dans la catérogie des décisions sujettes à réclamation au sens de l’art. 178 LDE. À défaut, c’est la compétence résiduelle de la chambre administrative (art. 132 LOJ) qui trouve application.
2.1 Le terme « taxation » peut être interprété de manière large ; il est potentiellement de nature à englober une décision de refus de remboursement et donc de refus d’exemption des droits d’enregistrement au regard du système prévu par l’art. 42 LDE et de l’arrêté du 25 juin 1997, mais cela ne s’impose pas d’emblée. Par conséquent, dans la mesure où plusieurs interprétations de l’art. 178 LDE semblent possibles, il convient de rechercher la véritable portée de cette norme selon les méthodes d’interprétation pertinentes.
2.1.1 Comme exposé ci-avant, la procédure de réclamation appartient formellement à la procédure de taxation. Elle a pour but de décharger la justice fiscale et doit permettre au contribuable d’attirer l’attention de l’autorité sur d’éventuelles inexactitudes ou erreurs de la décision de taxation. Elle s’impose dans un domaine où l’administration doit rendre des décisions en masse. En l’occurrence, ce n’est pas le montant des droits d’enregistrement découlant de la vente immobilière qui est en soi contesté, celui-ci ayant été fixé dans la décision de taxation du 4 novembre 2014 entrée en force, mais le principe de la perception des droits d’enregistrement, puisque la recourante demande le remboursement des montants versés pour ceux‑ci. Il ne s’agit ainsi pas pour elle d’attirer l’attention de l’autorité de taxation sur d’éventuelles inexactitudes ou erreurs de la décision de taxation, – les éléments imposables, le taux et le montant de l’impôt ayant déjà été fixés dans la décision de taxation du 4 novembre 2014 –, ou de demander un réexamen portant sur des questions essentiellement techniques, mais bien d’obtenir le remboursement des impôts payés, en prouvant le but d’utilité publique poursuivi par l’acquisition. La demande de remboursement ne nécessite dès lors aucun calcul ni examen des éléments imposables et est circonscrite à l’analyse du but poursuivi par l’acquisition, qui constitue davantage une question de principe. Par ailleurs, la demande de remboursement est in casu fondée sur l’arrêté du 25 juin 1997, qui ne s’adresse qu’aux communes, si bien que peu de décisions semblent devoir être rendues en application de cet arrêté. Par conséquent, une procédure de réclamation ne semble pas s’imposer en cas de refus de l’AFC de rembourser aux communes le montant des droits d’enregistrement versés lors de l’acquisition d’un immeuble. Une interprétation téléologique de la loi commande dès lors de retenir qu’une telle décision n’est pas soumise à la procédure de réclamation.
2.1.2 Les arts. 181 et 182 LDE fixent expressément la procédure de contestation à suivre dans les cas particuliers qu’ils traitent. L’art. 181 LDE prévoit en effet que le refus d’une demande de remise partielle peut faire l’objet d’une réclamation (al. 4) et l’art. 182 LDE dispose que les décisions du département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures rendues à la suite d’une demande du débiteur des droits, refusant la restitution des ceux-ci dans les situations particulières décrites à l’art. 182 al. 1 let. a à c LDE, peuvent faire l’objet d’un recours au TAPI (art. 179) puis à la chambre administrative (art. 180 ; al. 3). La LDE semble ainsi règlementer de manière expresse la procédure à suivre en lien avec les situations dans lesquelles des demandes de remise ou de restitution des droits sont refusées. Une telle règlementation fait défaut pour les demandes de remboursement fondées sur l’arrêté du 25 juin 1997. Il peut ainsi en être inféré qu’aucune procédure spéciale n’est prévue pour ces dernières demandes, qui resteraient ainsi soumises à la procédure ordinaire de réclamation de l’art. 178 al. 1 LIFD.
Dans le système de la LIFD, l’art. 132 al. 1 LIFD mentionne comme objet de la réclamation « la décision de taxation », c’est-à-dire la décision fixant (notamment) les éléments imposables, le taux et le montant de l’impôt. Cette indication porte certes sur l’objet principal et usuel de la réclamation, mais la doctrine retient qu’elle ne saurait être considérée comme exhaustive. Néanmoins, à Genève, la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) est plus précise et dispose que le contribuable peut adresser au département non seulement une réclamation contre la décision d’assujettissement ou de taxation mais aussi contre la décision fixant le montant des réserves latentes et de la plus-value, prévue à l’art. 45B al. 2 de loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM ‑ D 3 15). Le libellé de ces dispositions suggère ainsi que le législateur genevois a choisi d’énoncer de manière exhaustive les décisions sujettes à réclamation. Cette interprétation plaide davantage en faveur d’une exclusion de la procédure de réclamation pour les décisions de refus de remboursement rendues à la suite d’une demande fondée sur l’arrêté du 25 juin 1997, puisque l’art. 178 LDE ne mentionne que « la taxation » comme objet de la réclamation.
Finalement, l’art. 178 al. 2 LDE prévoit que le délai de réclamation est de 30 jours à compter de l’enregistrement de l’acte ou de l’opération, ou de la notification du bordereau dans les cas prévus à l’art. 165 LDE, situation qui n’est pas pertinente en l’espèce. Il n’envisage pas l’hypothèse du refus d’une demande de remboursement des droits d’enregistrement fondée sur l’arrêté du 25 juin 1997. Il ne semble pas s’agir d’une lacune, puisque la LDE prévoit expressément que d’autres décisions que celles de taxation, en particulier le refus de remise partielle (art. 181), peuvent faire l’objet d’une réclamation (art. 181 al. 4). Par conséquent, il apparaît possible d’en déduire qu’un refus de remboursement des droits d’enregistrement en lien avec l’application de l’arrêté du 25 juin 1997 est exclu de la procédure de réclamation.
Dès lors, une interprétation systématique de la loi commande davantage de retenir qu’une telle décision n’est pas soumise à la procédure de réclamation.
Les conclusions tirées des interprétations téléologique et systématique de la loi suffisent ainsi pour apporter une réponse à la question posée et rendent superflue une interprétation historique de la loi, étant relevé qu’une telle interprétation paraît difficile au vu l’ancienneté de la LDE, adoptée le 9 octobre 1969.
2.2 Au vu de ce qui précède, la décision attaquée ne peut pas faire l’objet d’une réclamation et doit être contestée directement devant la chambre de céans, dont la compétence repose sur l’art. 132 al. 1 et 2 LOJ. Le recours a donc été déposé devant la juridiction compétente.
Pour le surplus, il a été interjeté en temps utile (art. 62 al. 1 LPA) et satisfait aux exigences de contenu de l’art. 65 LPA. Il est donc recevable, si bien qu’il convient d’entrer en matière.
3. Le litige consiste à déterminer si l’AFC-GE était fondée à refuser de rembourser à la recourante le montant des droits d’enregistrement que celle-là a perçus à la suite de l’acte d’enregistrement du 4 novembre 2014.
3.1 Selon l’art. 3 LDE, sont soumis obligatoirement à l’enregistrement, sous réserve des exceptions prévues par la LDE, notamment les actes authentiques dressés dans le canton de Genève par les notaires et par toute autre autorité compétente, ainsi que les vidimus (let. a) ; les actes, écrits et pièces portant réquisition au registre foncier du canton de Genève (let. b).
3.2 Sont soumis obligatoirement au droit de 3%, sous réserve des exceptions prévues par la LDE, tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, de la nue-propriété ou de l’usufruit de biens immobiliers sis dans le canton de Genève, notamment les ventes, substitutions d’acquéreur, adjudications, apports et reprises de biens (art. 33 al. 1 LDE).
3.3 Le libellé de l'art. 42 al. 2 LDE ne précise pas expressément dans quelle mesure l’immeuble concerné doit être affecté à un but d’utilité publique ou cultuel, dans un délai de deux ans après l’enregistrement de l’acte d’acquisition, ni ne règle le sort des immeubles faisant l’objet de baux au moment de leur acquisition (ATA/1442/2024 du 10 décembre 2024 consid. 2.2).
Dans sa jurisprudence relative à l’art. 8A al. 3 LDE sur lequel est calqué l’art. 42 al. 2 LDE, la chambre administrative a, à plusieurs reprises, jugé qu’il ne pouvait pas s'écouler plus de deux ans après l'enregistrement de l'acte d'acquisition pour que l'acquéreur ait effectivement établi son domicile au lieu de l'immeuble acquis et qu’avant l'échéance de ce délai, le propriétaire devait démontrer à l'administration avoir rempli cette condition. Il devait impérativement lui faire parvenir ses moyens de preuve, au plus tard le dernier jour du délai de deux ans. Ces exigences n’étaient pas constitutives d’un formalisme excessif et avaient un caractère impératif (ATA/1442/2024 précité consid. 2.3 ; ATA/325/2019 du 26 mars 2019 ; ATA/326/2019 du 26 mars 2019 ; ATA/481/2012 du 31 juillet 2012).
Par ailleurs, dans un cas d’un immeuble acquis par une commune, entité également visée par l’art. 28 LDE, la chambre administrative a jugé que celle-ci devait suivre la procédure prévue par l'art. 42 LDE, qui laissait un délai de deux ans « au plus » pour fournir la preuve de l'affectation de l'immeuble à un but d'utilité publique. Si ladite affectation n'était pas effective, une décision de refus d'exonération devait être rendue (ATA/1442/2024 précité consid. 2.3 ; ATA/163/2021 précité consid. 3).
3.4 Par arrêté du 25 juin 1997 adressé à l'Association des communes genevoises (ACG) et au département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (ci-après : département des finances) le Conseil d'État a prolongé à dix ans (à compter de la date de l'enregistrement de l'acte afférent à l'acquisition du bien immobilier concerné et pour autant que les communes apportent la preuve que cette acquisition est irrévocablement affectée au but d'utilité publique) la possibilité des communes de demander la restitution des droits d'enregistrement. L'arrêté précise toutefois que l'exonération des droits doit avoir été sollicitée lors de l'acquisition immobilière, que cette exonération a été refusée au motif que l'affectation à un but d'utilité publique n'était alors pas définitive ou prouvée et que ce refus a été assorti de l'engagement du département des finances de rembourser lesdits droits en cas de réalisation ultérieure de l'affectation à l'utilité publique (ATA/163/2021 précité consid. 2e).
3.5 Les communes peuvent ainsi requérir l'exonération des droits d'enregistrement au moment de l'acquisition d'un immeuble dont l'affectation envisagée est d'utilité publique. Elles doivent alors suivre la procédure prévue par l'art. 42 LDE, qui laisse un délai de deux ans au plus pour fournir la preuve de l'affectation de l'immeuble à un but d'utilité publique. Si ladite affectation n'est pas effective, une décision de refus d'exonération est rendue. Dans son arrêté du 25 juin 1997, le Conseil d'État a prolongé à dix ans le délai précité, si l'affectation à un but d'utilité publique survient dans ce délai (ATA/163/2021 précité consid. 3).
3.6 La durée de deux ans fixée par le législateur aux fondations souhaitant bénéficier de l’exonération fiscale liée à l’acquisition de biens immobiliers destinés à une affectation (prépondérante) d’utilité publique a précisément pour but de laisser aux contribuables le temps de se conformer aux exigences d’exonération. L’art. 42 al. 2 LDE prévoit d’ailleurs expressément que cette exigence doit « dans tous les cas » être remplie à l’échéance du délai de deux ans après l’enregistrement de l’acte d’acquisition (ATA/1442/2024 précité consid. 3).
3.7 Selon l’exposé des motifs relatifs au projet de loi (ci-après : PL) 9863, la clause prévue par le nouvel art. 42 al. 2 LDE était inspirée de l'art. 8A LDE (Casatax ; MGC 2005-2006/X A 8347), lequel posait les mêmes conditions que celles de l’art. 42 al. 2 LDE, à savoir que « le bénéficiaire de la réduction doit, dans tous les cas, deux ans au maximum après l’enregistrement de l’acte d’acquisition, remettre à l’administration la preuve de l’affectation de l’immeuble à sa résidence principale. Il doit, en outre, dès ce moment, occuper ce dernier à titre de résidence principale durant une période continue de trois ans. À défaut, le solde non perçu des droits est immédiatement exigible » (al. 3).
Le PL prévoyait des garde‑fous en matière d'affectation de l'immeuble : celle-ci devait avoir un caractère d'utilité publique pour une durée de cinq ans (ramenée à trois ans dans la loi) et être prouvée par le propriétaire. C'était en plus le Conseil d'État qui constatait, par arrêté spécial, si l'acquisition poursuivait ce but d'utilité publique. Quant à la durée de cinq ans, il s'agissait déjà d'une période relativement longue et qui devrait permettre d'éviter des montages financiers douteux (MGC 2007-2008/I A 641).
3.8 Le caractère formaliste de l'enregistrement implique une interprétation restrictive des dispositions contenues dans la loi sur les droits d'enregistrement. Ceux-ci étant ainsi normalement prélevés à chaque fois qu'un acte translatif de propriété à titre onéreux est soumis à l'enregistrement, il faut déterminer pour chaque acte, pris séparément, s'il donne lieu à une exonération. L'exonération constituant l'exception à la perception des droits d'enregistrement, il convient d'interpréter les conditions de celle-ci de manière stricte (ATA/1204/2025 du 28 octobre 2025 consid. 2.4 ; ATA/163/2021 du précité consid. 2g).
3.9 Le principe de la légalité gouverne l'ensemble de l'activité de l'État (art. 5 al. 1 et 36 al. 1 Cst.) et revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 Cst., lequel prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 135 I 130 consid. 7.2 ; ATA/1442/2024 précité consid. 2.5).
3.10 La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/132/2025 du 4 février 2025 consid. 8.1 ; ATA/1199/2023 du 7 novembre 2023 consid. 2.5).
3.11 Le contrôle des décisions administratives en force est en principe exclu, que ce soit par un tribunal ou par une autorité administrative, notamment à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute la décision de base (ATA/391/2024 du 19 mars 2024 consid. 1.3). Font exception les cas de violation d'un droit fondamental inaliénable et imprescriptible, les cas de nullité et les cas de révocation par l'autorité qui a pris la décision ou l'autorité hiérarchiquement supérieure (ATF 119 Ib 492 consid. 3c/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_622/2015 du 24 février 2016 consid. 4.1.1 ; ATA/956/2024 du 20 août 2024 et la référence citée).
4. En l’espèce, l’AFC-GE a refusé d’exonérer la recourante des droits d’enregistrement liés à l’acte de vente des parcelles nos 1’723, 1’725 et 1’726, enregistré le 4 novembre 2014 au RF, et, partant, de lui rembourser le montant qu’elle a payé à ce titre.
Par décision du 29 juillet 2014, le département présidentiel de l’État de Genève a approuvé la délibération municipale de la ville du 21 mai 2014, par laquelle le Conseil municipal avait autorisé son Conseil administratif à acquérir lesdites parcelles en vue de la construction d’un groupe scolaire. Ladite décision précisait que dans la mesure où l’acquisition était comptabilisée au patrimoine financier, une affectation d’utilité publique était à ce moment-là exclue.
La recourante soutient que le Conseil d’État aurait toutefois dû exonérer l’acquisition des parcelles concernées et lui imposer la preuve, dans un délai de deux ans après la fin des travaux de construction de l’école, d’une affectation à un but d’utilité publique, conformément à l’art. 42 al. 2 LDE.
Or, ni la décision du 29 juillet 2014 du président du Conseil d’État approuvant la délibération du Conseil municipal du 21 mai 2014 et précisant qu’une affectation d’utilité publique était à ce moment-là exclue, ni la décision de taxation du 4 novembre 2014 n’ont été contestées. Elles sont donc entrées en force. Aucun cas de nullité n’entrant en ligne de compte, ce qui n’est du reste pas plaidé par la recourante, leur contrôle est exclu. Aussi, aucune demande de reconsidération (art. 48 LPA) n’a été déposée, à teneur du dossier. Ainsi, il doit être confirmé qu’au moment de l’enregistrement de l’acte d’acquisition, celle-ci n’était pas considérée comme ayant été faite dans un but d’utilité publique au sens de l’art. 42 al. 1 LDE. La question soulevée par la recourante de savoir quelle est l’incidence de la comptabilisation d’une acquisition au patrimoine financier d’une commune sur l’appréciation de l’utilité publique de l’acquisition n’a donc pas à être tranchée.
L’art. 42 al. 2 LDE, et en particulier les délais qu’il prévoit, ne sont applicables qu’aux entités bénéficiaires de l’exonération, soit celles qui ont prouvé, au moment de l’enregistrement de l’acte d’acquisition, que celle-ci visait un but d’utilité publique (art. 42 al. 1 LDE). Tel n’est pas le cas de la recourante. Par conséquent, l’art. 42 al. 2 LDE ne trouve pas application. Le cas doit être résolu à l’aune des conditions prévues par l’arrêté du 25 juin 1997.
4.1 Se pose donc la question de savoir si la recourante, qui a sollicité l’exonération des droits dans sa délibération du 21 mai 2014, a apporté la preuve, dans un délai de dix ans dès la date de l’enregistrement de l’acte afférent à l’acquisition des parcelles, que cette acquisition a été irrévocablement affectée au but d’utilité publique poursuivi.
L’intéressée relève à juste titre que la condition du caractère irrévocable de l’affectation à un but d’utilité publique ne figure pas à l’art. 42 al. 2 LDE. Toutefois, bien que cette condition instaure une règle nouvelle qui rend plus difficile l’apport de la preuve de l’affectation à un but d’utilité publique au sens de l’art. 42 al. 2 LDE, cela n’emporte pas violation du droit ni ne rend la condition inopérante. En effet, la condition du caractère irrévocable de l’affectation à un but d’utilité publique est prévue dans l’arrêté du 25 juin 1997. Celui-ci ne constitue certes pas un règlement du Conseil d’État ni ne repose sur une base légale ou règlementaire expresse, qui permettrait au Conseil d’État, par délégation de compétence, de prévoir des exceptions au régime de l’art. 42 LDE. Il s’agit ainsi bien plus d’une pratique administrative écrite, qui n’a donc pas force de loi, mais qui permet de déroger au système légal de l’art. 42 LDE en faveur (et non pas en défaveur) des communes, sans aucune distinction entre elles. Dès lors, dans la mesure où cette pratique, dont la légalité paraît du reste douteuse, leur offre une possibilité d’obtenir le remboursement des droits d’enregistrement que la loi ne prévoit pas lorsque la preuve de l’affectation d’un immeuble à un but d’utilité publique ou cultuel n’a pas été apportée au moment de l’enregistrement de l’acte d’acquisition, une grande liberté d’appréciation doit être laissée au Conseil d’État dans la fixation des conditions permettant le remboursement de ces droits. La chambre de céans ne saurait intervenir dans ce large pouvoir d’appréciation.
Aussi, si l’arrêté devait être considéré comme illégal et donc ne pas trouver à s’appliquer, la recourante ne pourrait pas prétendre au remboursement, la condition de l’art. 42 al. 1 LDE n’étant pas remplie.
Au moment du dépôt de la demande de remboursement, les parcelles concernées étaient affectées à la location temporaire des maisons qui s’y trouvent. La villa située sur la parcelle n° 1’726 était louée par la C______ et le bail prendrait fin trois mois après l’entrée en force de l’autorisation de transformation de la villa pour des activités parascolaires. La villa sise sur la parcelle n° 1’723 était prêtée à l’association E______, et le contrat de prêt prendrait fin le 31 mars 2026. Ainsi, quel qu’eût été le but poursuivi par ses locations, il ne s’agissait que d’une situation provisoire, ce qui exclut d’admettre une affectation irrévocable à un but d’intérêt public.
Dans sa requête du 11 octobre 2024 visant l’exonération des droits d’enregistrement, la ville s’est prévalue de l’utilité publique de la construction d’un groupe scolaire sur les parcelles concernées. Dans la décision querellée, l’AFC-GE a indiqué qu’une affectation future ou indirecte à un but d’utilité publique n’était pas suffisante et que les travaux de construction du groupe scolaire n’étaient prévus que pour le printemps 2026.
Le raisonnement de l’AFC-GE doit être suivi. En effet, la requête en autorisation de construire visant la construction de la nouvelle école a été déposée le 23 juin 2025. Ainsi, au moment du dépôt de la demande d’exonération le 11 octobre 2024, les travaux n’avaient pas encore commencé et les parcelles accueillaient encore deux villas mises temporairement à la disposition d’une fondation et d’une association. Elles n’avaient pas (encore) été affectées à l’établissement du groupe scolaire. Ainsi, bien que la ville ait entrepris les démarches pour la construction de celui-ci, notamment en votant un crédit de CHF 4'400'000.- destiné au concours et à l’étude pour la construction de l’école et en ayant procédé audit concours, elle n’a pas prouvé, dans le délai non prolongeable de dix ans imparti par l’arrêté, que l’acquisition était irrévocablement affectée au but d’utilité publique poursuivi. Le dépôt d’une demande d’autorisation de construire ne suffit par ailleurs pas à établir le caractère irrévocable de l’affectation à un but d’utilité publique, puisqu’une telle demande n’implique pas nécessairement la délivrance de l’autorisation.
Enfin, dans la mesure où le délai de dix ans imparti par l’arrêté du 25 juin 1997 n’est pas prolongeable, les raisons pour lesquelles le début des travaux de construction de l’école a été repoussé ou retardé est sans pertinence.
4.2 Pour le surplus, la recourante estime qu’il appartient à la chambre de céans de se prononcer sur la possibilité, pour elle, d’apporter la preuve d’une affectation des parcelles concernées à un but d’utilité publique dans le délai de deux ans après l’achèvement des travaux de construction, tel que prévu par l’art. 42 al. 2 LDE. Or, il n’y a pas lieu d’examiner cette question, puisqu’il a été vu que l’art. 42 al. 2 LDE ne trouvait pas application et que le cas devait être résolu à l’aune des conditions prévues par l’arrêté du 25 juin 1997, dont il ressort que le seul délai entrant en ligne de compte est celui de dix ans dès la date de l’enregistrement de l’acte afférent à l’acquisition des parcelles, soit 2024 in casu.
Au demeurant, même à considérer que l’art. 42 al. 2 LDE doive trouver à s’appliquer, la solution serait identique. En effet, l’arrêté du 25 juin 1997 est sans équivoque en tant qu’il prévoit que les communes disposent d’un délai de dix ans dès l’enregistrement de l’acte afférent à l’acquisition du bien immobilier concerné pour apporter la preuve que cette acquisition est irrévocablement affectée au but d’utilité publique. Pour des questions de prévisibilité et de sécurité du droit notamment, mais également dans la mesure où il convient d'interpréter les conditions d’une exonération de manière stricte, ce délai de dix ans ne saurait être prolongé, y compris pour tenir compte de l’exécution de travaux nécessaires à l’affectation au but d’utilité publique poursuivi (art. 42 al. 2 LDE). Comme le relève l’AFC-GE, une solution contraire aurait pour effet de proroger de manière indéterminée ledit délai pour des travaux débutés longtemps après l’acquisition, alors même que la fixation des délais prévus à l’art. 42 al. 2 LDE est une volonté du législateur ressortant clairement des travaux préparatoires relatifs à l’art. 42 al. 2 LDE.
Ainsi, le délai de deux ans prévu par l’art. 42 al. 2 LDE et courant depuis la fin des travaux en cas de construction ne peut pas venir étendre le délai de dix ans prévu par l’arrêté du 25 juin 1997.
Par conséquent, l’AFC-GE n’a pas violé le droit en refusant d’exonérer la recourante des droits d’enregistrement et, partant, de lui restituer le montant qu’elle a payé à ce titre. Par ailleurs, l’opération n’étant pas reconnue d’utilité publique au sens de la LDE, les émoluments du RF payés par la recourante sur l’opération de vente (CHF 15'575.-) sont dus et ne peuvent pas lui être remboursés (art. 9 al. 1 let. b a contrario du règlement sur le tarif des émoluments de l’office du registre foncier et de la direction de l’information du territoire du 22 juin 2011 ‑ REmORFDIT - E 1 50.06).
Le grief sera donc écarté, ce qui conduit au rejet du recours.
5. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 3 mars 2025 par la Ville de Genève – Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité contre la décision de l’administration fiscale cantonale du 30 janvier 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la Ville de Genève ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Mes Julien WITZIG et Sarah BUSCA BONVIN, avocats de la recourante, ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
|
| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
|