Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/811/2025 du 24.07.2025 ( FPUBL ) , REFUSE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1886/2025-FPUBL ATA/811/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 24 juillet 2025 sur effet suspensif
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Razi ABDERRAHIM, avocat
contre
HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Véronique MEICHTRY, avocate
_________
Attendu, en fait, que :
1. A______, née le ______ 1988, a été engagée par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) à la fonction d'infirmière à 100%, avec effet au 1er juillet 2020.
2. Elle a fait l'objet d'évaluations en mars et décembre 2021. Celles-ci étaient bonnes, la seconde préavisant en faveur de sa nomination mais l'intéressée était invitée à « développer sa diplomatie » quand elle rencontrait des difficultés avec des collègues.
3. A______ s'est trouvée en incapacité de travailler pour cause d'accident puis de maladie notamment du 20 mai au 27 juin 2023 et du 4 octobre 2023 à ce jour.
4. Le 14 juillet 2023, la supérieure hiérarchique d'A______ lui a adressé un courriel de remise à l'ordre, après avoir reçu des doléances de collègues. Son mode de communication n'était pas acceptable et pouvait être assimilé à du harcèlement.
5. A______ a été transférée dans un autre service du département de médecine, avec effet au 1er octobre 2023. L'intéressée s'est opposée à ce transfert.
6. Un incident impliquant A______ et s'étant déroulé dans la nuit du 3 au 4 octobre 2023 a été signalé à la hiérarchie de celle-ci.
7. Un entretien a eu lieu le 9 novembre 2023. A______ y était accompagnée d'un représentant syndical. Il lui était reproché un comportement colérique et de la violence verbale voire physique à l'égard d'un collègue. L'intéressée a pour sa part dénoncé des dysfonctionnements au sein du département.
8. Par courrier du 11 novembre 2024, les HUG ont informé A______ de ce qu'elle aurait épuisé son droit aux prestations en cas de maladie et d'accident en date du 9 août 2025 et qu'elle ne percevrait plus de traitement à partir du 10 août 2025.
9. Un entretien de service a eu lieu le 10 février 2025, qui devait porter sur les conclusions du rapport du médecin-conseil des HUG et sur la capacité d'A______ à poursuivre son activité d'infirmière au sein des HUG.
10. À la suite de cet entretien, une procédure de reclassement a été ouverte, A______ ne s'étant pas opposé à des mesures de ce type.
11. Par décision du 15 avril 2025 déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont résilié les rapports de service d'A______ pour le 31 juillet 2025, en renvoyant à l'entretien de service précité et à la position de l'intéressée par rapport à la poursuite de son activité aux HUG.
12. Par acte posté le 28 mai 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à ce qu'il soit constaté que la résiliation ne reposait sur aucun motif fondé, à ce que la nullité de la décision attaquée soit constatée, au constat qu'elle était toujours employée par les HUG, à l'octroi d'une indemnité de CHF 46'651.80 pour résiliation infondée et d'une indemnité de CHF 5'000.- à titre de tort moral, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.
Le retrait de l'effet suspensif engendrait pour elle la menace d'un dommage difficile à réparer car elle se trouverait en situation précaire sur le plan économique, mais aussi personnel et professionnel. Privée de ses revenus et de son statut d'employée, elle risquait de subir un dommage grave à sa stabilité et à sa réputation sur le plan professionnel, ce d'autant plus que la décision reposait sur des faits totalement contestés. La non-restitution de l'effet suspensif anticiperait le prononcé du jugement au fond et la condamnerait provisoirement pour des motifs non prouvés à satisfaction de droit.
Aucun motif prépondérant justifiant le retrait de l'effet suspensif ne ressortait de la procédure ni de la décision attaquée.
13. Le 27 juin 2025, les HUG ont conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.
La réintégration ne pouvant pas être ordonnée par la chambre administrative, une restitution de l'effet suspensif irait au-delà des compétences de cette dernière. De plus, selon la jurisprudence, ni les inconvénients financiers, ni le risque réputationnel ne justifiait la restitution de l'effet suspensif dans un cas de résiliation des rapports de service.
14. Le 18 juillet 2025, la recourante a maintenu ses conclusions en restitution de l'effet suspensif.
15. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.
Considérant, en droit, que :
1. Le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), sous réserve de certaines conclusions, en particulier celle tendant à l'octroi d'une indemnité pour tort moral.
2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4).
Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, p. 265).
L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).
5. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
6. Selon l’art 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC – B 5 05), applicable aux HUG selon l'art. 1 al. 1 let. e LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées à l’art. 46A du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC – B 5 05.01).
Selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).
7. Aux termes de l'art. 31 al. 3 LPAC, dans sa teneur issue de la loi 12868 entrée en vigueur le 11 mai 2024, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé ou est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration.
8. En l'espèce, vu l'art. 31 al. 3 LPAC précité, même en cas d'admission du recours, la chambre de céans ne pourrait ordonner la réintégration de la recourante, mais uniquement la proposer ; partant, la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de la réintégrer pendant la durée de la procédure, irait au-delà des compétences de la chambre administrative sur le fond, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/939/2024 du 14 août 2024 consid. 8 ; ATA/1135/2022 du 8 novembre 2022 consid. 9 ; ATA/981/2021 du 21 septembre 2021).
De plus, de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées). Ce qui précède vaut d'autant plus en l'espèce que la recourante ne démontre pas que ses éventuelles indemnités de chômage la mettraient véritablement dans une situation financière très difficile.
De jurisprudence tout aussi constante, un préjudice réputationnel ne constitue en principe pas un dommage irréparable, dès lors qu'une décision finale donnant entièrement raison à la personne concernée est en principe de nature à réparer les atteintes subies (ATA/765/2025 du 11 juillet 2025 ; ATA/489/2025 du 30 avril 2025 et la référence citée). La recourante n'explique pas pour quelle raison il en irait différemment dans le cas d'espèce.
Enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif.
Au vu de ce qui précède, la requête de restitution dudit effet sera rejetée.
9. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Razi ABDERRAHIM, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Véronique MEICHTRY, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.
| La vice-présidente :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
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Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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