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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2649/2024

ATA/359/2025 du 01.04.2025 sur JTAPI/961/2024 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2649/2024-PE ATA/359/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er avril 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Yann ARNOLD, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2024 (JTAPI/961/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1987, est ressortissant d’Albanie.

b. Le 15 avril 2013, il a été prévenu d’infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) dans le cadre d’un trafic d’héroïne.

c. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 22 avril 2013, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de l’intéressé de Suisse.

d. Par jugement du 31 octobre 2013, le Tribunal correctionnel a déclaré l’intéressé coupable d’infraction à l’art. 19 al. 1 et 2 let. a LStup, l’a condamné à une peine privative de liberté de deux ans et demi, sous déduction de 200 jours de détention avant jugement, et l’a mis au bénéfice d’un sursis partiel de quinze mois avec délai d’épreuve de trois ans.

e. Par ordonnance provisoire du 27 novembre 2013, l’Office fédéral de la justice (ci-après : OFJ) a ordonné la détention extraditionnelle de l’intéressé.

Un avis de recherche avait émis par INTERPOL le 2 janvier 2013 sous l’impulsion des autorités albanaises pour « vol conduisant à la mort » à l’encontre d’A______. Un mandat d’arrêt avait été délivré le 21 novembre 2013 par un tribunal albanais. L’Albanie préparait une demande d’extradition formelle.

f. Entendu le 16 décembre 2013 par le Ministère Public, A______ a contesté être impliqué dans l’affaire de meurtre en Albanie.

g. Le 17 décembre 2013, l’ambassade d'Albanie a formellement demandé à la Suisse l’extradition de l’intéressé.

h. Le 17 janvier 2014, l’OFJ a émis un mandat d’arrêt en vue de l’extradition d’A______.

i. Le 26 mars 2014, l’OFJ a sollicité des autorités albanaises la transmission de la garantie formelle qu’une fois extradé, A______ pourrait rencontrer les représentants de la Suisse en Albanie sans que ces rencontres ne fassent l’objet d’un contrôle, même visuel.

j. Le 1er mai et le 4 juin 2014, l’OFJ a rappelé sa requête du 26 mars 2014 et demandé si les empreintes retrouvées sur les lieux des faits correspondaient à celles d’A______ et si le rôle, de même que le mobile, de ce dernier, avaient été déterminés.

k. Le 11 juillet 2014, les autorités albanaises ont indiqué que les empreintes trouvées sur les lieux de l’infraction ne correspondaient pas à celles d’A______.

l. Le 14 juillet 2014, l’OFJ a révoqué son mandat d’arrêt extraditionnel et ordonné la libération immédiate de l’intéressé, « les autorités albanaises n’ayant pas été en mesure de fournir les compléments d’information requis nécessaires à la continuation de la procédure d’extradition ».

m. A______ a été remis en liberté le 14 juillet 2014, puis immédiatement remis entre les mains des services de police en vue de l’exécution de son renvoi. Le même jour, un ordre de détention administrative a été émis à son encontre pour une durée de 21 jours.

Cet ordre de mise en détention a été confirmé par la Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) par jugement du 18 juillet 2014, puis prolongé, la dernière fois jusqu’au 14 janvier 2016.

n. Le 21 juillet 2014, A______ a refusé de monter dans l’avion devant le reconduire en Albanie.

B. a. Le lendemain, il a adressé une demande de reconsidération à l’OCPM, lui demandant de suspendre l’exécution de sa décision du 22 avril 2013, de l’annuler, de constater l’illicéité de son renvoi et de le mettre au bénéfice d’une admission provisoire.

b. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 30 juillet 2014, l’OCPM a rejeté la demande de reconsidération, confirmé le renvoi et suspendu son exécution jusqu’à examen de sa licéité.

c. Le 7 août 2014, l’OFJ a indiqué aux autorités albanaises ne pas donner suite à leur demande d’extradition, des doutes existant quant à l’implication d’A______ dans les faits lui étant reprochés.

d. Le 25 août 2014, l’office fédéral des migrations, devenu depuis le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a indiqué estimer le renvoi de l’intéressé licite.

e. Le 1er septembre 2014, l’OCPM a indiqué à A______, se référant à sa décision du 30 juillet 2014 et aux informations reçues du SEM, qu’il considérait son renvoi licite.

f. Le 5 septembre 2014, A______ a recouru auprès du TAPI contre les décisions de l’OCPM du 30 juillet et 1er septembre 2014, concluant à leur annulation, subsidiairement à la constatation de l’illicéité du renvoi (cause A/2649/2014).

g. En date du 16 février 2015, le TAPI a rejeté le recours d’A______ (JTAPI/185/2015).

Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) et par le Tribunal fédéral (ATA/731/2015 du 14 juillet 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016).

En substance, l’intéressé n’avait pas démontré l'existence du prétendu complot qui aurait été monté à son encontre. Les autorités albanaises avaient par ailleurs fourni des garanties à la Suisse dans le cadre de la procédure d'extradition et, depuis l'été 2014, avaient finalement renoncé à poursuivre cette procédure. Dans ces conditions, il ne saurait être question de motifs sérieux et avérés permettant de retenir l'existence d'un risque réel de mauvais traitement du recourant en cas de retour en Albanie. Son état de santé (diabète) n'était pas non plus un obstacle à l'exécution de son renvoi.

C. a. Le 29 avril 2015, A______ a déposé une demande d’asile en Suisse, laquelle a fait l’objet d’une décision négative assortie d’une décision de renvoi, en date du 13 novembre 2015.

b. Par arrêt du 19 avril 2016, la Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours déposé contre cette décision, si bien qu’elle est entrée en force.

c. Par décision du 19 octobre 2016, le SEM a rejeté la demande de réexamen du 11 août 2016. À cette occasion aucun recours n’a été déposé.

d. Le 27 octobre 2020, A______ a déposé une demande de reconsidération auprès du SEM. L’autorité a conclu qu’il n’existait aucun motif propre à annuler la décision du 13 novembre 2015 et a rejeté sa demande.

e. Le 17 mars 2021, A______ a déposé une demande de regroupement familial auprès de sa compagne, B______, au bénéfice d'un permis B et mère de ses enfants, C______, né le ______ 2017, et D______, née le ______ 2019, tous trois ressortissants italiens. Il a notamment exposé que le couple entretenait un troisième enfant, né d'une précédente union de sa compagne, E______, née le ______ 2010. B______ travaillait et générait un salaire mensuel brut de CHF 2'314.-. Elle était également partiellement aidée par l'Hospice général.

f. À teneur du casier judiciaire albanais d'A______, daté du 10 octobre 2023, ce dernier, en date du 12 octobre 2016, a été condamné par le Tribunal du district judiciaire de Tirana de manière définitive en Albanie à une peine privative de liberté de 25 ans au motif de meurtre avec préméditation et de production et détention sans permis d'armes à feu et de munition. Ses appels ont été rejetés par jugement du 21  uin 2017 par la Cour d'appel de Tirana et par jugement du 27 juin 2018 par la Cour suprême d’Albanie.

g. Par courrier du 6 novembre 2023, l’OCPM a informé A______ de son intention de ne pas accéder favorablement à sa requête de regroupement familial.

h. Le 4 décembre 2023, A______ a exposé que sa condamnation ne respectait pas l’ordre juridique suisse. Pour le surplus, l’OJF avait refusé de l'extrader en raison du manque de garanties de la part de l'Albanie, en lien avec les conventions internationales signées par la Suisse concernant l'extradition des criminels étrangers. L’atteinte au respect de sa vie privée, voire familiale, que pourrait constituer le refus de lui octroyer une autorisation de séjour était incompatible avec l'art. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Sa condamnation albanaise était enfin « farfelue ».

i. Le 30 mai 2024, faisant suite à une requête de l’OCPM, l’intéressé a transmis un rapport médical du Dr F______ daté du 19 février 2024.

À teneur de ce dernier, le pronostic avec traitement était bon et d’un point de vue médical, l’auteur du rapport ignorait ce qui irait à l’encontre d’un traitement médical dans le pays d’origine. A______ était apte à voyager.

j. Par décision du 17 juin 2024, l’OCPM a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur d’A______. Il devait quitter le territoire suisse sans délai dans la mesure où il faisait l’objet d’une décision de renvoi actuelle et exécutoire.

A______ ne pouvait se prévaloir d’un comportement irréprochable d’un point de vue pénal, de la sécurité et de l’ordre public au sens de l’art. 8 CEDH. Il remplissait les conditions de révocation au sens de l'art. 62 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) en tant qu'il avait été condamné de manière définitive en Albanie à une peine privative de liberté de 25 ans. L’intérêt public primait son intérêt privé à pouvoir demeurer en Suisse auprès de sa concubine et de ses deux enfants.

L'éventuelle atteinte au respect de sa vie privée, voire familiale, que pourrait constituer le refus de lui octroyer une autorisation de séjour était compatible avec l’art. 8 § 2 CEDH en tant que cette ingérence était nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. À cet égard, l'examen du principe de proportionnalité applicable dans le cadre de l'Accord sur la libre circulation, du droit conventionnel (art. 8 § 2 CEDH) et du droit interne (art. 5 al. 2 Cst. et art. 96 LEI) se confondait. L’intéressé faisait de surcroît toujours l'objet d'un renvoi exécutoire suite à l'entrée en force de la décision de rejet d'asile et de renvoi prononcée par le SEM.

k. Le 18 août 2024, A______ a formé recours par-devant le TAPI, concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur, et, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif au recours et à son admission provisoire.

Vu le manque de moyens financiers (le traitement de son diabète n'était pas remboursé en Albanie) et une procédure judiciaire corrompue dans ce pays, il avait décidé de s'établir en Suisse en 2013. Il ne bénéficiait pas de l'aide sociale et occupait plusieurs petits boulots pour financer son traitement vital. Sa compagne l'aidait également financièrement. Une vendetta familiale opposait sa famille à une autre en Albanie et il contestait le meurtre que les autorités albanaises lui reprochaient. D'ailleurs, l'OFJ avait refusé son extradition. Les autorités albanaises l'avaient condamné in abstentia à 25 ans d'emprisonnement, malgré les appels de son avocat sur place.

Il pouvait invoquer l'art. 8 CEDH dès lors que sa compagne et ses enfants, ressortissants italiens, étaient au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse. Pour le surplus, l’OCPM avait erré en prenant pour acquise sa condamnation en Albanie, cette condamnation ne respectant pas l'ordre juridique suisse ni les droits les plus basiques des prévenus au sens du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0) ou même de la CEDH. Ainsi, eu égard aux conventions internationales signées par la Suisse concernant l'extradition des criminels étrangers, l'OFJ avait refusé de l'extrader en raison du manque de garanties de la part de l'Albanie. Un retour en Albanie le condamnerait à vivre sans sa famille et à mourir derrière les barreaux en raison du manque de médicaments vitaux. Ne pas tenir compte du refus de l’OJF, qui était au même niveau administratif que le SEM, revenait à tomber dans l'arbitraire. Dans ces conditions, en application de l'art. 96 LEI, l'intérêt public à son éloignement ne pouvait en aucun cas prévaloir sur son intérêt privé à pouvoir demeurer en Suisse auprès des siens. Pour ces mêmes motifs, l'atteinte au respect de sa vie privée, voire familiale, que pourrait constituer le refus de lui octroyer une autorisation de séjour était également incompatible avec l'art. 8 § 2 CEDH, en tant que la condamnation albanaise était « farfelue ».

l. Par jugement du 26 septembre 2024, le TAPI a rejeté le recours.

En tant qu’il n’avait pas eu un comportement irréprochable du fait des condamnations pénales dont il avait fait l’objet en Suisse et à l’étranger, qui démontraient que celui-ci n’avait que peu d’égard pour l’ordre juridique et public, les intérêts privés évoqués par l’intéressé sous l'angle de l'art. 8 CEDH n’étaient pas suffisants pour contrebalancer l’intérêt public à son éloignement.

Il avait fondé une famille en Suisse alors qu’il savait n’y disposer d’aucun droit de séjour. Il en allait de même pour sa compagne, qui avait pris le risque que la mesure d’éloignement soit exécutée et la famille séparée. La durée de séjour en Suisse devait en outre être relativisée, s’étant en majeure partie déroulée dans l’illégalité. A______ ne pouvait par ailleurs pas se prévaloir d’une réussite professionnelle particulière ni d’une intégration sociale particulièrement réussie. Son comportement apparaissait comme suffisamment grave pour réunir les conditions permettant de retenir l’existence d’une menace actuelle pour l’ordre public, justifiant une limitation à son droit de séjour.

Les deux condamnations de l’intéressé en Suisse et à l’étranger faisaient obstacle à son admission provisoire, notamment pour motifs de santé. En tout état, sa prise en charge médicale en Albanie pourrait être préparée à l’avance, de concert avec ses médecins.

L’OCPM n’avait ni abusé ni excédé de son pouvoir d’appréciation en considérant que l’exécution de son renvoi étaient raisonnablement exigible, licite et possible.

D. a. Par acte posté le 30 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI précité, concluant à son annulation. Il a demandé préalablement la restitution de l’effet suspensif au recours, respectivement l'octroi de mesures provisionnelles.

Il ne représentait aucune menace actuelle pour l’ordre et la sécurité publique en Suisse. Il n’avait pas récidivé depuis sa condamnation qui datait de presque 12 ans. Sa situation avait évolué positivement et pourrait connaître une évolution plus pérenne encore si un titre de séjour lui était octroyé.

Sa condamnation en Albanie devait être appréciée avec retenue et réserve au vu du déroulement de la procédure albanaise et du système judiciaire albanais. Ni l’OCPM ni le TAPI n’avaient procédé à une appréciation des circonstances entourant sa condamnation afin d’évaluer s’il représentait une menace réelle et actuelle.

En cas de renvoi, il n'aurait aucune assurance de pouvoir solliciter, encore moins obtenir, le relief de sa condamnation pénale par les autorités albanaises. En tout état, rien ne garantissait qu'il puisse disposer d'un procès équitable et d'une présomption d'innocence efficiente. Ses traitements et soins n'étaient pas pris en charge par une quelconque assurance en Albanie. En outre, il ne disposait d'aucun soutien, ni social ni économique dans ce pays. Il convenait enfin de tenir compte de l'impact que constituerait une séparation d'avec leur père pour les enfants, en particulier D______ qui souffrait d’autisme, trouble diagnostiqué en février 2023. Pour ces motifs, le renvoi n'était pas raisonnablement exigible, licite ni possible.

b. Le 8 novembre 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours, de même qu’au rejet de la restitution de l’effet suspensif et de l’octroi de mesures provisionnelles.

Concernant la prise en charge de la maladie d'A______ (diabète de type 1 notamment), cette question avait déjà été tranchée tant par le SEM que par le TAF. Il pourrait par ailleurs lui être donné la possibilité de requérir une assistance (notamment par la fourniture d'une réserve de médicaments) et une coordination médicale au moment de l'exécution de son renvoi. L'Albanie disposait par ailleurs des médicaments nécessaires dans l'établissement des soins de santé primaires du diabète. S'agissant de son suivi psychologique, il existait en Albanie sept centres de traitements ambulatoires pour les maladies psychiques, ainsi que des services de neuropsychiatrie.

c. Les 12 décembre 2024 et 13 janvier 2025, A______ a répliqué.

D______ fréquentait une classe de l'enseignement spécialisé dans un établissement éloigné de son domicile et avait besoin de stabilité et d'un cadre de référence familial sécurisant. Partant, la présence de son père et sa participation active à ses suivis étaient importantes dans sa prise en charge globale, comme cela ressortait des attestations qu'il produisait. Sa fille se trouvait dans une situation assimilable à une dépendance vis-à-vis de son père. Il a produit à cet égard :

-          une attestation de psychologues de l'office médico-pédagogique du 25 novembre 2024 certifiant que les deux parents de D______ étaient très sollicités dans l'accompagnement et les transports et tous deux participaient de façon active aux différents suivis de leur fille. Elle avait besoin d'une stabilité, d'un cadre familial de référence sécurisant, aux repères clairs et stables afin de bien pouvoir se développer. Dans ce contexte, les deux parents étaient importants dans la prise en charge globale ;

-          une attestation de G______, logopédiste et psychologue, du 25 novembre 2024 certifiant que D______ présentait un trouble neurodéveloppemental du langage oral sévère tant du point de vue réceptif qu'expressif associé au trouble envahissant du développement mis en évidence par la guidance infantile en 2022. Vu son trouble et les difficultés qui s'y associaient, il était très important pour elle d'être dans un environnement stable et soutenant. A______ s'occupait d'elle quotidiennement, participait régulièrement aux séances de logopédie, entreprenait des activités avec elle à la maison et représentait donc un des piliers centraux pour le bon développement de sa fille. Il serait réellement préjudiciable pour la bonne évolution de D______ qu'il doive quitter le domicile conjugal.

A______ s'était par ailleurs constitué un réseau social solide, comme en témoignaient les nombreuses personnes – amis ou voisins – ayant signé une « pétition » en sa faveur.

L'accès aux soins dont il avait nécessairement besoin n'était aucunement garanti dans un cadre carcéral.

Le rapport médical du docteur H______, psychiatre et psychothérapeute FMH, du 19 décembre 2024 ne relevait aucun élément (anamnestique ou clinique) en faveur d'un risque de comportement violent ou menaçant pour la société et relevait que l'intéressé regrettait d'avoir été impliqué dans le passé dans des activités illicites à Genève.

L'Albanie était encore en proie à la corruption, qui touchait également huit des onze magistrats qui s'étaient penchés sur son dossier pénal, de sorte qu'il convenait de prendre un certain recul quant à sa condamnation albanaise. Il a produit à cet égard un article paru dans le journal « Le Monde » publié le 24 décembre 2024, titré « En Albanie, de spectaculaires purges anticorruption dans la magistrature », rappelant la réputation de ce pays pour l'ampleur de sa corruption et son crime organisé et expliquant qu'une commission indépendante avait passé au crible le patrimoine des magistrats pour vérifier s'ils pouvaient en expliquer l'origine ("Vetting") et que la moitié d'entre eux avait été limogée. Il a produit également des documents démontrant que huit magistrats qui étaient intervenus à un stade ou à un autre dans la procédure pénale, soit avaient été révoqués, soit avaient fait l'objet d'une interdiction de nomination en qualité de juge ou de procureur ou avaient démissionné.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant propose la mise en oeuvre d'une évaluation criminologique afin de démontrer qu'il ne présentait plus une menace actuelle et réelle pour la Suisse.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, et comme on le verra ci-après, le litige peut être résolu en l'état du dossier. Aussi, procédant à une appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans ne donnera pas suite à la proposition d'acte d’instruction.

3.             Le litige porte sur la décision de refus d’octroi de l’autorisation de séjour au titre de regroupement familial en faveur du recourant.

3.1 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

3.2 En vertu des art. 7 let. d ALCP et 3 § 1 et 2 annexe I ALCP, le conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne ayant un droit de séjour en Suisse dispose d'un droit à une autorisation de séjour en Suisse pendant la durée formelle de son mariage et ce quelle que soit sa nationalité.Les droits octroyés par les dispositions de l’ALCP ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (art. 5 al. 1 annexe I ALCP).

Le régime de l’ALCP en matière de regroupement familial a un champ d’application personnel moins étendu que l’art. 8 CEDH, car le concubin n’est pas un membre de la famille au sens de l’art. 3 annexe I ALCP (Cesla AMARELLE, Nathalie CHRISTEN, Minh Son NGUYEN, Migrations et regroupement familial, 2012, p. 150).

3.3 L’autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l’exception de l’autorisation d’établissement, notamment si l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou s’il attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 62 al. 1 let. b et c LEI).

3.4 Selon la jurisprudence, constitue une peine privative de liberté de longue durée au sens de cette disposition toute peine - pourvu qu'il s'agisse d'une seule peine (ATF 137 II 297 consid. 2.3.4) - dépassant un an d'emprisonnement, indépendamment du fait qu'elle soit ou non assortie, en tout ou en partie, du sursis (ATF 139 I 145 consid. 2.1 ; 139 II 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_459/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1). La jurisprudence fait aussi référence à une limite indicative d'une peine de deux ans à partir de laquelle on admet qu'un étranger qui n'a séjourné en Suisse que peu de temps ne peut en principe plus y bénéficier d'un titre de séjour, même si l'on ne peut que difficilement exiger de son épouse qu'elle quitte le pays (ATF 135 II 377 consid. 4.3 s.).

3.5 Selon l'art. 77a al. 1 OASA, il y a notamment non-respect de la sécurité et de l’ordre publics lorsque la personne concernée viole des prescriptions légales ou des décisions d’une autorité (let. a). Selon son al. 2, la sécurité et l’ordre publics sont mis en danger lorsque des éléments concrets indiquent que le séjour de la personne concernée en Suisse conduira selon toute vraisemblance au non-respect de la sécurité et de l’ordre publics.

3.6 En règle générale, une personne attente de manière grave à l'ordre public au sens de l'art. 62 al. 1 let. c LEI, lorsque ses actes lèsent ou compromettent des biens juridiques particulièrement importants comme l'intégrité corporelle, physique ou sexuelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_107/2021 du 1er juin 2021 consid. 4).

3.7 L'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266).

3.8 Un étranger peut également se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3).

Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2).

3.9 Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. La mise en œuvre d'une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constitue un but légitime au regard de cette disposition conventionnelle (ATF 137 I 284 consid. 2.1; 135 I 153 consid. 2.2.1).

Il n'y a pas d'atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des membres de la famille qu'ils réalisent leur vie de famille à l'étranger, l'art. 8 CEDH n'étant pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel une autorisation de séjour a été refusée (ATF 144 I 91 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1009/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.1). En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 § 2 CEDH, en tenant compte de l'ensemble des circonstances, et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus (ATF 140 I 145 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_797/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, la prévention des infractions pénales et la mise en œuvre d'une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constituent des buts légitimes au regard de l'art. 8 § 2 CEDH (ATF 135 I 153 consid. 2.2.1 ; arrêts 2C_933/2014 du 29 janvier 2015 consid. 4.3.1 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 6.3).

3.10 Le refus d'octroyer une autorisation de séjour (ou d'établissement) fondé sur l'art. 8 § 2 CEDH ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). Cette condition correspond aux exigences de l'art. 96 LEI (ATF 137 I 284 consid. 2.1).

3.11 Dans la pesée des intérêts, il doit également être tenu compte de l'art. 3 § 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), qui impose d'accorder une importance primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant (arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.3 ; 2C_247/2012 du 2 août 2012 consid. 3.2).

Sous l'angle de la proportionnalité, l'autorité doit notamment tenir compte de la gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de l'expulsion, respectivement du refus d'accorder ou de prolonger une autorisation de séjour. Normalement, en cas de peine d'au moins deux ans de détention, l'intérêt public à l'éloignement l'emporte sur l'intérêt privé de l'étranger - et celui de sa famille - à pouvoir rester en Suisse quand il s'agit d'une première demande d'autorisation ou d'une requête de prolongation d'autorisation déposée après un séjour de courte durée (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.3 ; 135 II 377 consid. 4.3 et 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 5.1).

Le fait que l'étranger ait adopté un comportement illégal est à prendre en compte dans les motifs d'intérêt public (ATF 135 I 153 consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_697/2008 du 2 juin 2009 consid. 4.1). Pour évaluer la menace que représente un étranger condamné pénalement, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux - suivant en cela la pratique de la Cour Européenne des Droits de l'homme (ci-après : CourEDH ) - en présence d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, d'actes de violence criminelle et d'infractions contre l'intégrité sexuelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_238/2012 du 30 juillet 2012 consid. 2.3; 2C_221/2012 du 19 juin 2012 consid. 3.3.2; 2C_492/2011 du 6 décembre 2011 consid. 4.1).

3.12 Selon la CourEDH (ACEDH P.J et R.J c/ Suisse du 17 septembre 2024, req. n°52'232/20), les juridictions nationales n'avaient pas minutieusement mis en balance les intérêts privés et publics violant ainsi l'art. 8 CEDH. Elles ne s'étaient attachées qu’à la nature et à la gravité de l’infraction à la loi sur les stupéfiants, sans tenir compte du fait que le requérant ne représentait plus une menace pour la sécurité publique compte tenu de sa bonne conduite après sa condamnation et de l’absence d’un casier judiciaire à sa charge, qu'il résidait depuis sept ans en Suisse et qu'il avait obtenu un emploi stable après sa condamnation. Partant, il ne présentait plus un comportement menaçant pour la sécurité publique. Il convenait également de tenir compte des conséquences négatives de l'expulsion sur les membres de sa famille, dont des enfants en bas âge, de nationalité suisse (ch. 43-56).

3.13 En l'espèce, le recourant a été condamné, par jugement du 31 octobre 2013 du Tribunal correctionnel, pour infractions à l’art. 19 al. 1 et 2 let. a LStup, à une peine privative de liberté de deux ans et demi et, le 12 octobre 2016, par le Tribunal du district judiciaire de Tirana (Albanie), à une peine privative de liberté de 25 ans au motif de meurtre prémédité et de production et détention sans permis d'armes à feu et de munition. Ses appels contre cette dernière condamnation ont été rejetés par jugement du 21 juin 2017 de la Cour d'appel de Tirana et par jugement du 27 juin 2018 de la Haute-Cour. Il n'est pas contesté que la durée des peines infligées au recourant est largement supérieure au jalon de deux ans posé par la jurisprudence.

Toutefois, le recourant a toujours contesté les faits reprochés par les autorités albanaises, étant encore relevé que la procédure pénale ayant mené à sa condamnation a été effectuée en son absence, constituant probablement une entorse au droit à un procès équitable. Par ailleurs, l’OFJ avait refusé de donner suite à la demande d'extradition des autorités albanaises au vu des doutes existant quant à son implication dans les faits reprochés. Il convient donc d'apprécier cette condamnation avec retenue, celle-ci ne permettant à elle seule de conclure que le recourant constituerait une menace suffisamment grave pour l'ordre et la sécurité publics.

S'agissant des faits reprochés en Suisse, ceux-ci remontent à plus de douze ans aujourd'hui. Le recourant n'a pas commis d'infraction depuis lors, ce qui démontre sa volonté de se conformer à la loi. Il convient de retenir, avec le recourant, que sa situation a évolué et qu'il se trouve aujourd'hui dans une relation familiale stable et effectivement vécue, étant un père impliqué de trois enfants, dont un de cœur, âgés entre 6 et 14 ans. Cet élément plaide également en faveur de l'absence d'un risque de récidive.

Certes, comme le TAPI l'a relevé, le recourant a fondé une famille alors qu’il savait ne disposer d’aucun droit de séjour en Suisse et faire l’objet d’une décision de renvoi en force. Toutefois, contrairement à ce qu'il a considéré, on ne saurait retenir un risque de récidive ni l'existence d'une menace actuelle pour l'ordre public, permettant de justifier une limitation de son droit de séjour découlant de l'ALCP et de l'art. 8 § 2 CEDH.

Il ressort des pièces versées à la procédure que sa fille D______, âgée de 6 ans et souffrant d'autisme, a besoin d'une routine et d'un cadre familial stable et sécurisant. Il ne saurait être contesté qu'un changement, et plus particulièrement une séparation d'avec son père, occasionnerait des conséquences préjudiciables sur son état. Les thérapeutes qui suivent D______ attestent de l'importance pour elle d'être dans un environnement stable et soutenant, que la prise en charge par ses deux parents est importante et que le recourant représente un des piliers centraux pour le bon développement de sa fille. Or comme le TAPI l'a relevé, il peut difficilement être exigé de sa famille qu'elle le suive dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il existe dans le cas d’espèce des raisons familiales majeures pour un regroupement familial en faveur du recourant.

Ainsi, en procédant à la mise en balance des intérêts en présence et tenant compte de l'ensemble de ces éléments, en particulier du temps écoulé depuis l'atteinte que le recourant a portée à l'ordre public suisse, qu'il ne présente plus un « comportement menaçant pour la sécurité publique » et des conséquences négatives de son renvoi sur les membres de sa famille, plus particulièrement sur D______, force est d'admettre que les intérêts privés invoqués par le recourant sont suffisants pour contrebalancer l'intérêt public à son éloignement.

4.             Il sera également retenu à titre subsidiaire que l’exécution du renvoi du recourant ne saurait être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI, ce qui conduirait de toute manière à son admission provisoire en Suisse.

4.1 Selon l’art. 83 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4). L’admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales (al. 6).

Selon l'art. 83 al. 7 LEI, l’admission provisoire visée aux al. 2 et 4 n’est pas ordonnée dans les cas suivants : l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée en Suisse ou à l’étranger ou a fait l’objet d’une mesure pénale au sens des art. 64 ou 61 du code pénal (let. a) ; l’étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (let. b) ; l’impossibilité d’exécuter le renvoi ou l’expulsion est due au comportement de l’étranger (let. c).

4.2 En l’occurrence, le 17 janvier 2014, l’OFJ a émis un mandat d’arrêt le concernant, en vue de son extradition, mandat qu’il a révoqué le 14 juillet 2014, « les autorités albanaises n’ayant pas été en mesure de fournir les compléments d’information requis nécessaires à la continuation de la procédure d’extradition ». Le 7 août 2014, l’OFJ a indiqué aux autorités albanaises ne pas donner suite à leur demande d’extradition, des doutes existant quant à l’implication du recourant dans les faits lui étant reprochés.

Le recourant a exposé à cet égard qu'il ne peut rentrer en Albanie au risque de se faire incarcérer injustement. En cas de renvoi, il n'aurait aucune assurance de pouvoir obtenir le relief de sa condamnation pénale par les autorités albanaises et à supposer que tel puisse être le cas, qu'il puisse disposer d'un procès équitable et d'une présomption d'innocence efficiente.

En effet, son extradition ayant été refusée par l'OFJ en raison des doutes quant à l’implication du recourant dans les faits lui étant reprochés et du manque de garanties de la part de ce pays, on ne voit pas comment il pourrait être décidé à posteriori de le renvoyer en Albanie pour qu'il y purge 25 ans de prison.

4.3 Certes, comme le TAPI l'a relevé, la licéité du renvoi de l’intéressé en Albanie a été confirmée, la dernière fois par décision du 30 mars 2021 du SEM, rejetant sa demande de reconsidération de son refus de réexamen de sa demande d’asile, cette autorité ayant tenu compte dans ce cadre de sa condamnation en Albanie. Or elle avait exposé à cet égard ne pas être compétente pour commenter ou évaluer les décisions des autorités judiciaires tierces, à savoir les autorités albanaises, le Tribunal fédéral ainsi que l'OFJ, pour conclure que l'argumentaire du recourant y relatif n'était pas déterminant (décision du 31 mars 2021, p. 5).

Pour le surplus, contrairement à ce qu'a retenu le TAPI en application de l’art. 83 al. 7 let. a LEI, les deux condamnations du recourant en Suisse et à l’étranger ne font pas obstacle à ce que l’admission provisoire lui soit accordée au vu des éléments retenus ci-devant sous consid. 3.12.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement querellé, de même que la décision de l'OCPM du 17 juin 2024 seront annulés et le dossier sera renvoyé à l’autorité cantonale pour qu'elle procède dans le sens des considérants.

5.             Le présent jugement rend sans objet la demande de mesures provisionnelles formulée par le recourant à l’appui de son recours.

6.             Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2024 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement précité ainsi que la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 17 juin 2024 ;

renvoie le dossier à l’office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A_____ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann ARNOLD, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.