Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/120/2025 du 28.01.2025 sur JTAPI/600/2024 ( LCI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3784/2023-LCI ATA/120/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 28 janvier 2025 3ème section |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Me Mark MÜLLER, avocat
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2024 (JTAPI/600/2024)
A. a. A______ SA (ci-après : A______) a pour but l'achat, la vente, la détention, la gestion et l'administration de tous biens immobiliers. B______ en est l’administrateur unique.
b. A______ SA est copropriétaire depuis 1987 de plusieurs lots au sein de la propriété par étage (ci-après : PPE) de l’immeuble sis sur la parcelle n° 2’575 de la commune de C______ à l'adresse ______, rue D______.
c. Ses parties privatives sont situées entre les troisième et huitième étages, inclus. Elles sont gérées par la régie E______ SA (ci-après : la régie).
d. Les sous-sols, le rez-de-chaussée et le premier étage (dont l'élévation englobe un second étage) de l’immeuble sont les parties privatives d'F______ GmbH (ci-après : F______).
e. L'immeuble accueille les locaux du magasin G______ aux sous-sols, rez‑de‑chaussée et 1er étage et des locaux destinés à l'habitation aux étages supérieurs. Le 8e étage est un attique, dont les portes fenêtres permettent d'accéder à la terrasse située sur le toit.
f. Par courrier recommandé du 29 septembre 2023, faisant suite à un contrôle effectué sur la parcelle n° 2’575 le 21 septembre 2023, le département du territoire (ci-après : le département) a informé A______ avoir constaté que plusieurs éléments soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) avaient été réalisés sans autorisation.
Seize points étaient relevés, soit notamment :
6 les garde-corps de la terrasse du 8e étage accessible n’étaient pas conformes aux art. 50 et ss du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) ;
7 une cabane de jardin conséquente avait été posée, sans autorisation, sur la terrasse du 8e étage, contrevenant à l'art. 1 LCI ;
8 les façades de l'attique (8e étage) n’étaient pas conformes à l'autorisation DD 1______, en raison des ouvertures largement agrandies y compris la création de portes-fenêtres contrevenant à l'art. 1 LCI ;
9 l'utilisation non conforme du local principal du 8e étage telle que validée par la DD 1______, l’espace devant être un séchoir ; le constat était corroboré par le fait qu'un panneau était posé sur la porte annonçant « H______ » et que l'état locatif définissait l’étage comme étant deux bureaux alors qu'une seule porte d'entrée existait ; au surplus, la BTPI [Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite] avait indiqué qu'un salon de massage était enregistré à cet emplacement ;
10 en raison de la modification de l'espace buanderie de l'immeuble du 8e étage par une autre utilisation, la buanderie de l'immeuble était manquante, contrevenant à l'art. 57 LCI.
Il manquait également des systèmes de fermeture coupe-feu au sous-sol, point qui faisait partie de l'infraction 1-8564 en cours d’instruction.
En outre, compte tenu de la mise en danger du public et des utilisations/habitants, créée par l'absence de garde-corps conformes sur la terrasse située en attique (8e étage), accessible tant par le local « séchoir » que par la cage d'escaliers de l'immeuble, le département ordonnait l'interdiction d'utiliser le 8e étage du bâtiment avec effet immédiat.
Un dossier d'infraction 1-8088 a été ouvert à la suite de ce constat.
g. Par acte du 6 octobre 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'interdiction d'utiliser le 8e étage.
Le recours, qui a donné lieu à l’ouverture de la procédure A/3247/2023, a été retiré le 17 octobre 2023, ce que le TAPI a constaté par décision du 18 octobre 2023.
h. Le12 octobre 2023, A______ s'est déterminée sur le courrier du 29 septembre 2023.
En raison de la constitution de l’immeuble en PPE, tous les locaux visés n’étaient pas sous sa responsabilité. Elle avait toutefois demandé à l’autre propriétaire d’intervenir auprès de sa locataire, s’agissant des points 2 à 5, 13 et 15.
S’agissant du point 6, les travaux avaient été effectués et une attestation de conformité serait transmise à brève échéance au département. La cabane de jardin (point 7) avait été installée par un locataire, lequel avait été sommé de l'enlever. Les façades de l'attique (point 8) étaient dans cet état au moment de l'achat de l'immeuble, il y avait trente-cinq ans. Le 8e étage accueillait des activités commerciales (point 9) depuis plus de trente ans, ce qui était confirmé par l'attestation de l'ancien locataire et le cahier de répartition des locaux de 1987. La situation de l'espace buanderie (point 10) perdurait également depuis plus de trente ans. Aucune demande dans ce sens n'ayant été faite par les locataires, une dérogation était demandée. Les autres points étaient en cours d’examen et/ou régularisation.
Elle joignait des pièces, dont un ordre de travail du 4 octobre 2023 en vue du débarrassage urgent du cabanon sur la terrasse du 8e, le cahier de répartition des locaux de 1987, une attestation de I______ du 4 octobre 2023 confirmant avoir exercé son activité d’avocat dès 1983 et pendant plusieurs années dans les bureaux se trouvant au 8e étage et que ces derniers disposaient de portes offrant un accès direct sur la terrasse.
i. Le 27 octobre 2023, le département a informé A______ qu’au vu des explications données concernant les points 2, 3, 4, 5, 13 et 15, il se tournerait vers les perturbateurs par comportement pour qu'ils exercent leur droit d'être entendu et reviendrait vers elle en fonction de leurs déterminations.
Les points 11, 14 et 16 seraient traités directement par les services compétents en la matière de loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi du 25 janvier 1996 - LDTR - L 5 20) et l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN).
Les travaux de remplacement des colonnes de l'immeuble (point 12) ainsi que de sécurisation des garde-corps de la terrasse (point 6) avaient été engagés sans lui avoir été annoncés, contrevenant à l'art. 33 al. 1 RCI, ce qui ne pouvait être toléré et devait être sanctionné. Par conséquent, une amende de CHF 1'000.-, montant tenant compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise, lui était infligée en vertu de l’art. 137 LCI.
Compte tenu de la dangerosité due aux amas d'encombrants divers stockés au sous‑sol (point 1) et en application des art. 121, 122 et 129 ss LCI, leur évacuation immédiate était ordonnée, un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devant lui être transmis.
Concernant les points 7 à 10, leur réalisation/modification était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire conformément à l'art. 1 LCI. Selon les photographies aériennes historiques, la cabane de jardin (point 7) avait été réalisée entre 2016 et 2018, la modification des façades de l'attique (point 8) n'était pas conforme à la seule autorisation les concernant (DD 1______) et l’attestation de l’ancien locataire des lieux ne permettait pas de savoir si la situation actuelle était inchangée depuis 30 ans. S’agissant du point 9, les documents transmis permettaient de faire valoir une prescription trentenaire pour l’existence de bureaux en lieu et place du local « séchoir ». La suppression de la buanderie (point 10) violait l’art. 57 LCI.
En application des art. 129 et ss LCI, il lui était ordonné de requérir jusqu’au 15 décembre 2023, une autorisation de construire en procédure définitive (DD) complète et en bonne et due forme par le biais d'un mandataire professionnellement qualifié, sous réserve de l'art. 2 al 3 LCI, en précisant dans la description du projet « Demande de régularisation 1-880811 suivi du détail ». À défaut, elle s’exposait à toutes autres mesures et sanctions justifiées par la situation. À l’issue de l’instruction d’une éventuelle requête, il serait statué par décision séparée sur d’éventuelles nouvelles mesures visant au rétablissement d’une situation conforme au droit. La sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit demeurait réservée.
En application de l'art. 41 LPA, si elle estimait que son droit d'être entendu n'avait pas été totalement respecté, malgré son courriel du 12 octobre 2023, s'agissant des manquements à l'art. 33 al. 1 RCI, il lui était loisible de faire part par écrit et dans un délai de 10 jours, de tout complément d'explications et/ou d'observations quant aux faits retranscrits.
Concernant sa demande de transmission de l'état locatif (point 16), elle était invitée à le demander directement à sa gérance d’immeuble.
Un recours auprès du TAPI contre cette décision était possible, dans un délai de dix jours, pour ce qui était de l'ordre de requérir une autorisation de construire, respectivement 30 jours pour le surplus, dès sa notification, étant précisé que l'ordre d’évacuation immédiate des encombrants divers stockés au sous-sol était déclaré exécutoire nonobstant recours.
B. a. Par acte daté du 9 novembre 2023, A______ a recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant à ce qu’il lui soit donné acte que la cabane située sur la terrasse du 8e étage (point 7) avait été démolie et de ce qu’elle s'engageait à déposer une demande de changement d'affectation du local du 8e étage en « salon de massage » (point 9) et à l’annulation de ladite décision en tant qu'elle concernait l'ordre de requérir une autorisation de construire pour régulariser la modification des façades de l'attique du 8e étage (point 8), respectivement la suppression de la buanderie de l'immeuble (point 10).
Dès lors qu’elle avait mis en demeure sa locataire de procéder à l'évacuation de la cabane (point 7) et soumettrait prochainement au département une demande de changement d'affectation du local du 8e (point 9), afin de régulariser l'affectation de salon érotique de ce dernier, seuls les points 8 et 10 demeuraient litigieux. Les travaux ayant conduit à la modification des façades de l'attique ainsi qu'à la suppression de la buanderie étaient au bénéfice de la prescription trentenaire et ne pouvaient faire l'objet d'un ordre du département visant à rétablir une situation conforme au droit.
L’ancien locataire avait certifié que les façades de l'attique n'avaient subi aucune transformation depuis plus de trente-cinq ans et les plans annexés au cahier de répartition des locaux établis en 1987 permettaient de distinguer les grandes ouvertures donnant sur la terrasse. B______ était déjà copropriétaire de l'immeuble lors de l'établissement du cahier de répartition des locaux et ni lui ni la A______ n'avaient procédé à aucune modification des façades de l'attique depuis lors.
La suppression de la buanderie avait eu lieu plus de trente ans auparavant. Si les plans originaux de la DD 1______/1 mentionnaient bien la présence d'un « séchoir » dans l'attique du 8e étage, dans lequel se trouvait la buanderie, il ressortait de l'examen du cahier de répartition de 1987 que les locaux étaient destinés à une affectation de « bureau » à cette date déjà. Le local principal de l'attique était affecté à des activités commerciales dès 1983 au moins, ce que l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) admettait. Il fallait en déduire que la buanderie avait été supprimée entre 1963 et 1983.
b. Le 15 janvier 2024, le département a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
A______ contestait uniquement les points 7 à 10 de la décision du 27 octobre 2023, soit l'ordre de déposer une requête en autorisation de construire pour ces éléments. Une telle décision, qui ne mettait pas fin à la procédure et revêtait un caractère incident, n’était susceptible de recours que si elle pouvait causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale qui permettait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.
La prescription trentenaire alléguée n'excluait pas la nécessité de requérir une autorisation de construire spécifiquement pour le salon de massage, cette activité étant soumise à autorisation, même si les locaux avaient préalablement une affectation commerciale générale.
c. Par jugement du 20 juin 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.
La décision du 27 octobre 2023 était incidente. Elle n'avait pas d'autres effets juridiques que d’ordonner à A______ de déposer une demande d'autorisation de construire afin de régulariser les différents éléments dont elle faisait la description. En se limitant à l’inviter à déposer une DD, elle constituait une étape qui devrait conduire le département à analyser le dossier au fond. Elle ne mettait donc pas fin à la procédure mais en ouvrait une nouvelle phase. La procédure que serait amené à instruire le département prendrait fin par une décision qui pourrait soit constater, sur la base du dossier complet, que les changements d'affectation voire les éventuelles transformations n’étaient finalement pas soumises à autorisation, soit dire qu'elles étaient bel et bien soumises à autorisation et accorder ou refuser cette autorisation.
L'admission du recours ne pourrait conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. La procédure ne permettait pas de trancher la question de fond, la prescription trentenaire étant contestée par le département concernant la modification des façades de l'attique du 8e étage (point 8) et n'excluant en tout état pas la nécessité de requérir une autorisation de construire spécifiquement pour le salon de massage, dont la présence depuis plus de trente ans n’était au demeurant ni alléguée ni démontrée. Il n’en allait pas différemment concernant les points 7 et 9, dont la régularisation n’avait toujours pas été valablement démontrée, que ce soit par une photographie des lieux attestant du démontage ou le dépôt d’une demande d’autorisation (régularisation ou changement d’affectation). À défaut du dépôt d’une requête formelle et de l’instruction du dossier par le département, aucune autorité ne pouvait se prononcer valablement.
C. a. Par acte remis à la poste le 26 août 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit que son recours était recevable ; cela fait à ce qu’il lui soit donné acte que la cabane avait été démolie (point 7), à l’annulation de la décision du département en tant qu’elle lui ordonnait de demander une autorisation pour régulariser les façades de l’attique (point 8), à ce qu’il lui soit donné acte qu’elle s’engageait à déposer une demande d’autorisation de changement d’affectation du local du 8e étage en salon de massage en tant qu’elle lui ordonnait de demander une autorisation de construire pour régulariser la suppression de la buanderie (point 10). Subsidiairement, le jugement devait être annulé, il devait être dit que le recours était recevable et la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La décision était devenue partiellement sans objet dans la mesure où elle avait évacué la cabane et allait prochainement soumettre au département une demande de changement d’affectation. Seules les questions de la modification des façades et de la suppression de la buanderie demeuraient litigieuses.
C’était à tort que le TAPI avait retenu que la question de fond de la prescription ne pouvait être tranchée à ce stade. Celle-ci était atteinte, sans ambiguïté, ce qui pouvait être constaté sans instruire de requête d’autorisation de construire. Dans l’hypothèse où la demande de régularisation serait rejetée, le département ne pourrait exiger la remise en état vu la prescription. L’admission du recours permettait donc de conduire immédiatement à une décision finale propre à éviter une procédure longue et coûteuse – imposant de fastidieuses recherches sur des événements s’étant produits plus de trente ans auparavant.
Sur le fond, les façades de l’attique n’avaient subi aucune transformation depuis plus de 35 ans, ainsi qu’il ressortait de l’attestation de I______ selon laquelle elles avaient été modifiées en 1983. Les plans de géomètres annexés au plan de répartition de 1987 permettaient déjà de distinguer les grandes ouvertures donnant sur la terrasse. Depuis lors, l’attique était demeuré inchangé. Le département ne prétendait pas le contraire. Il admettait que l’affectation commerciale de l’attique existait depuis plus de 30 ans. Il tombait sous le sens que les travaux avaient lieu à l’époque pour transformer les locaux affectés à un séchoir en bureaux. Ainsi les travaux de modification s’étaient déroulés sans nul doute plus de 30 ans auparavant.
b. Le 27 septembre 2024, le département a conclu au rejet du recours.
L’acquisition de la prescription trentenaire était contestée, et celle-ci n’excluait en tout cas pas la nécessité d’obtenir une autorisation pour un salon de massage. La régularisation (points 7 et 9) n’avait pas été démontrée valablement, de sorte qu’aucune autorité ne pouvait se prononcer.
c. Le 31 octobre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et son argumentation.
Le département ne se déterminait que sur la recevabilité du recours devant le TAPI.
Seuls les points 9 et 10 étaient litigieux, et elle avait établi que la prescription trentenaire était atteinte, le département n’apportant aucun élément concret propre à démontrer que les façades auraient été modifiées depuis 1983.
d. Le 1er novembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige a pour objet la conformité au droit du jugement par lequel le TAPI a prononcé l’irrecevabilité du recours contre la décision du département du 27 octobre 2023. Le TAPI n’a pas statué sur le fond du litige et les conclusions de la recourante y tendant à titre principal sont irrecevables.
2.1 Il n’est pas contesté que la décision du département du 27 octobre 2023 est une décision incidente.
2.2 Selon l'art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.
L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées).
La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités). Cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss). Elle a néanmoins été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 4.3).
2.3 En principe, en droit de la construction, l’ordre de déposer une autorisation de construire est qualifié de décision incidente. Un tel ordre, faisant suite à un constat fait de travaux non autorisés, ouvre une procédure administrative qui prend fin par une décision qui peut soit constater, sur la base du dossier complet, que les travaux ne sont pas soumis à une autorisation, soit dire que ceux-ci sont soumis à autorisation puis accorder ou refuser dite autorisation. L’ordre donné ne met ainsi pas fin à la procédure mais constitue une simple étape dans le cours de celle-ci, et ne cause aucun préjudice irréparable aux recourants (arrêt du Tribunal fédéral 1C_66/2023 du 23 février 2023 consid. 2.5 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 4 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020 ; ATA/360/2017 du 28 mars 2017 confirmé un arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.2 et 2.3).
La légalité de l’ordre litigieux doit donc en principe, sous réserve notamment de la démonstration de l’existence d’un préjudice irréparable, être examinée avec la décision finale portant sur l’autorisation de construire. L’obligation de constituer un dossier en vue du dépôt d’une requête en autorisation, si elle impose différentes démarches aux propriétaires concernés, ne leur cause pas un préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 précité consid. 2.3.2).
Toutefois, lorsque le non-respect de l’ordre de déposer une autorisation donne lieu à une sanction, la chambre de céans a admis que la légalité de l’ordre litigieux pouvait être examinée sans attendre la décision finale, afin de contrôler la légalité de la sanction prononcée (ATA/1399/2019 précité consid. 3).
2.4 En l’espèce, la recourante a contesté devant le TAPI les points 7, 8, 9 et 10 de la décision du département du 27 octobre 2023.
Le département avait décidé, concernant ces points, que leur réalisation/modification était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire et avait ordonné à la recourante de requérir une telle autorisation.
Le TAPI a jugé que la procédure ouverte par le recours ne permettait pas de trancher la question de fond, la prescription trentenaire étant contestée par le département concernant la modification des façades de l'attique du 8e étage (point 8) et n'excluant en tout état pas la nécessité de requérir une autorisation de construire spécifiquement pour le salon de massage, dont la présence depuis plus de trente ans n’était au demeurant ni alléguée ni démontrée. Il n’en allait pas différemment concernant les points 7 et 9, dont la régularisation n’avait toujours pas été valablement démontrée, que ce soit par une photographie des lieux attestant du démontage ou le dépôt d’une demande d’autorisation (régularisation ou changement d’affectation). À défaut du dépôt d’une requête formelle et de l’instruction du dossier par le département, aucune autorité ne pouvait se prononcer valablement.
La recourante fait valoir en premier lieu que la décision serait devenue partiellement sans objet dans la mesure où elle avait évacué la cabane et allait prochainement soumettre au département une demande de changement d’affectation.
Le fait d’obtempérer à une décision ne constitue pas un motif pour en contester le bien-fondé dans un recours. Cela étant, c’est en obtempérant aux exigences de preuve et en donnant ainsi au département l’occasion de procéder si nécessaire à des vérifications que la recourante pourra cas échéant établir qu’elle a exécuté la décision incidente sur ces points.
La recourante fait ensuite valoir que l’acquisition de la prescription trentenaire serait incontestablement établie.
Or, le département conteste que tel soit le cas, ce qui suffit à justifier qu’il exige de la recourante qu’elle dépose une demande documentée qui pourra faire l’objet d’une instruction complète.
La recourante se prévaut de la déclaration d’un ancien locataire de l’attique, qui a certifié que les façades de celui-ci n'avaient subi aucune transformation depuis plus de 35 ans. Cette affirmation écrite ne suffit cependant pas à établir l’absence de tous travaux. Elle ne remplace pas l’examen de la façade et la production de pièces tels par exemple des plans, des devis et factures ainsi que la comptabilité.
La recourante fait valoir que les plans annexés au cahier de répartition des locaux établis en 1987 permettraient de distinguer les grandes ouvertures donnant sur la terrasse. Cette circonstance serait-elle avérée qu’elle ne permettrait pas de remplacer une instruction complète pour s’assurer que d’autres travaux n’ont pas été accomplis.
Enfin, le fait que B______ était déjà copropriétaire de l'immeuble lors de l'établissement du cahier de répartition des locaux et qu’il affirme que ni lui ni A______ n'auraient procédé à aucune modification des façades de l'attique depuis lors ne suffit pas, s’agissant de l’allégation d’une partie, à exclure que des travaux ont été accomplis.
La recourante n’établit ainsi pas que l’admission de son recours par le TAPI conduirait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.
Il sera enfin rappelé que le travail de documentation que requiert la présentation d’une demande, et que la recourante qualifie de disproportionné et coûteux, ne constitue pas selon la jurisprudence constante citée plus haut un préjudice irréparable. L’argument avancé par la recourante à propos de la difficulté à réunir des preuves pourrait en outre paraître contradictoire avec l’évidence qui devrait selon elle être admise à propos de l’acquisition de la prescription, ainsi que le relève l’intimé.
C’est ainsi de manière conforme au droit que le TAPI a déclaré le recours formé devant lui irrecevable.
Mal fondé, le recours devra être rejeté.
3. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne lui sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 26 août 2024 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Mark MÜLLER, avocat de la recourante, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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