Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/118/2025 du 28.01.2025 ( AIDSO ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3555/2024-AIDSO ATA/118/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 28 janvier 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ recourante
contre
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS intimé
A. a. A______ est la mère de B______ et C______, nés respectivement les ______ 2009 et ______ 2012 de son mariage avec D______, dissous par divorce le 27 juin 2017.
b. Par décision du 20 juin 2023, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) a entre autres ordonné le placement de B______ et C______ dans un foyer.
c. Par décision du 25 octobre 2023, le service de protection des mineurs (ci‑après : SPMi) a fixé à CHF 30.40 par jour la participation financière d' A______ aux frais de placement de C______.
d. Par acte du 27 novembre 2023, cette dernière a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.
Elle contestait vivement le placement. Il n’avait pas été demandé au père de participer aux frais alors qu’il était également titulaire de l’autorité parentale.
e. Par arrêt du 5 mars 2024, la chambre administrative a rejeté le recours.
L’obligation légale imposée à A______ de participer aux frais de placement de son fils trouvait son fondement dans les dispositions précitées, notamment les art. 276 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), 81 al. 2 de la loi d'application du Code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC - E 1 05) et 36 de la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 (LEJ ‑ J 6 01).
Elle avait la garde de fait de son fils C______ avant son placement et à la suite du divorce intervenu avec le père de celui-ci, un accord prévoyait que celui-ci verse une participation aux frais de repas des enfants. C’est dès lors à juste titre que le SPMi lui avait adressé à elle sa décision, car elle était tenue légalement de participer aux frais de placement de son fils. Il lui appartiendrait, le cas échéant, d’obtenir une participation du père dans le cadre d’une procédure civile.
Cet arrêt est entré en force.
f. Par décision du 3 septembre 2024, le SPMi a fixé à CHF 31.55 par jour (soit CHF 39.45 moins une réduction de 20%) dès le 1er janvier 2024 la participation d’A______ au placement de B______ et C______.
Les factures récapitulatives pour la période du 1er janvier au 31 août 2024, de CHF 7’698.20 par enfant, étaient jointes.
Les factures concernant la période du 5 octobre au 31 décembre 2023, basées sur une participation de CHF 30.40 par jour et par enfant, restaient par ailleurs dues. Elle pouvait demander un arrangement de paiement.
g. Le 30 septembre 2024, le SPMi a adressé à A______ les factures pour le mois de septembre 2024, d’un montant de CHF 946.50 pour chacun des deux enfants.
B. a. Par acte remis à la poste le 24 octobre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre « les factures du SPMi qui s’élèvent à 946,50 Frs par enfant pour participation parents placement […] », concluant à ce que soit ordonnée « l’annulation du contrat passé en force par le SPMi […] et d’acter qu[‘elle] ne paiera pas lesdites prestations non réalisées du contrat qu’elle n’a pas contracté » et à ce qu’il soit constaté que les volontés des enfants n’avaient pas été respectées, de constater le désaccord des parents face au contrat de placement, de constater que le placement était passé en force contre la volonté de B______ et de C______ ainsi que de leur mère, de constater l’inégalité de traitement entre le père et la mère des enfants, de constater la non réalisation des prestations relatives au contrat.
Ni elle ni les enfants n’avaient participé et adhéré au préalable à la mesure de placement. Les enfants étaient « sous le coup » de la mesure depuis un an et personne n’avait réussi à obtenir leur placement. Elle avait saisi le comité de l’enfance (recte : le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU) le 6 août 2024. Elle avait des preuves incontestables (enregistrements audio et vidéo, bilan de situation d’un psychiatre, rapports des urgences, etc.) qui établissaient que les deux mineurs étaient dans le cadre de leur placement victimes de violence, de maltraitance et de négligence. Elle avait saisi la juridiction compétente. Il semblait cependant que le Ministère public et le TPAE avaient une certaine difficulté à interpréter la notion d’urgence et de rapidité et comprendre que leur office était de concourir à la manifestation de la vérité et non d’y faire obstruction.
La situation de ses enfants s’était aggravée depuis leur placement en foyer. Les enregistrements effectués par B______ de son propre chef montraient la cruauté mentale et la torture psychologique auxquelles étaient confrontés les mineurs quotidiennement.
Même avec une offre promotionnelle de 20% elle refusait de se voir facturer la destruction psychologique programmée de ses enfants.
Il lui demeurait incompréhensible qu’elle doive supporter seule la charge et que le SPMi ne réclame rien au père. Celui-ci qui avait détruit psychologiquement ses enfants et son ex-épouse, devait être le seul destinataire des factures.
b. Le 20 novembre 2024, le SPMi a conclu à la confirmation de sa décision du 3 septembre 2024.
Les factures avaient été émises après le rejet par la chambre administrative du recours d’A______ le 5 mars 2024.
La décision de facturation reposait sur un calcul établi sur la base du revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) selon la dernière taxation fiscale.
c. A______ n’a pas répliqué dans le délai qui lui a été imparti au 3 janvier 2025.
d. Le 7 janvier 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. La chambre de céans examine d’office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/91/2023 du 31 janvier 2023 consid. 1 ; ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2).
1.1 Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05).
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 17 al. 1 et art. 62 al. 3 LPA). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA). Les délais sont réputés observés lorsque l’acte de recours est parvenu à l’autorité ou a été remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).
Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1re phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 consid. 2 p. 24 ; ATA/974/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 453).
1.3 La notification d’un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, n. 2.2.8.3 p. 302 s). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b).
La preuve de la notification de sa date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé.
1.4 En l’espèce, malgré sa formulation peu claire, on comprend que la recourante conclut à l’annulation tant de la décision du SPMi arrêtant à CHF 31.55 par jour de la participation au placement de chaque enfant depuis le 1er janvier 2024 que des factures émises par celui-ci, en dernier lieu celles de CHF 946.50 chacune pour le mois de septembre 2024.
Or, la décision de fixation de la participation journalière porte la date du 3 septembre 2024. Toutefois, le SPMi n’indique pas à quelle date elle aurait été notifiée. Il ne soutient pas qu’elle aurait été expédiée par recommandé, par courrier A+ ni même par courrier A. Il est ainsi impossible de déterminer quand la recourante l’a reçue.
Il n’est ainsi pas invraisemblable en l’espèce que la recourante ait recouru à temps, de sorte que le recours devrait être déclaré recevable sous cet angle également et que l’intimé, qui se réfère à sa décision du 3 septembre 2024 et ne soutient d’ailleurs pas que le recours serait tardif, devrait supporter cette conséquence du fait qu’il n’a produit aucune preuve de la réception de sa décision.
La question de la recevabilité du recours pourra toutefois demeurer indécise, dès lors qu’il doit quoi qu’il en soit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, ainsi qu’il sera vu plus loin.
2. On comprend des écrits de la recourante qu’elle conteste le principe de la participation financière aux frais de placement de ses fils.
2.1 Les père et mère doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant et assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 1 CC). L'entretien est assuré par les soins et l'éducation ou, lorsque l'enfant n'est pas sous la garde de ses père et mère, par des prestations pécuniaires (art. 276 al. 2 CC). Cette obligation dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère ; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant et de la participation de celui des parents qui n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce dernier (art. 285 al. 1 CC).
2.2 Lorsque l'enfant est placé, l'office de l'enfance et de la jeunesse perçoit une contribution financière aux frais de pension et d'entretien personnel auprès des père et mère du mineur (art. 81 al. 2 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05 ; art. 36 al. 1 de la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 - LEJ - J 6 01). Le type de prestations pour lesquelles une participation financière peut être demandée ainsi que le montant des contributions y relatives sont fixés par voie réglementaire (art. 36 al. 2 LEJ).
2.3 Les frais de placement résidentiel ainsi que les repas en structures d'enseignement spécialisé ou à caractère résidentiel et les autres frais mentionnés par le règlement fixant la participation financière des père et mère aux frais de placement ainsi qu'aux mesures de soutien et de protection du mineur du 2 décembre 2020 (RPFFPM - J 6 26.04) sont à la charge de l'État, dans la mesure où ils ne sont pas couverts par la participation financière des père et mère (art. 1 RPFFPM).
2.4 Le RPFFPM fixe la participation financière des père et mère lors de placements résidentiels (art. 2 let. a). Lors de placements résidentiels, la participation financière aux frais de placement et d'entretien est de CHF 38.- par jour et par mineur (art. 5 al. 1 RPFFPM). Un rabais, fondé sur le RDU est accordé aux père et mère, en fonction du montant de leur RDU et du nombre d’enfants à charge, rabais que l’art. 8 al. 2 RPFFPM détaille.
Lorsque les père et mère ne font pas ménage commun, la participation financière est perçue auprès du dernier parent qui avait la garde de fait du mineur et qui, le cas échéant, perçoit les contributions d'entretien fixées judiciairement, les rentes et les éventuels droits pécuniaires auxquels le mineur a droit (art. 7 al. 2 RPFFPM).
2.5 Selon l’art. 9 al. 1 LRDU, le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. Il n’est, en principe, pas procédé à sa réactualisation. Ce procédé permet, en matière des prestations tarifaires – comme le sont les frais de placement –, de répondre aux buts de la LRDU visant la simplification de l’accès aux prestations sociales cantonales et l’allègement des procédures (art. 1 al. 2 LRDU). Cela garantit aussi l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de prestations tarifaires du SPMi (ATA/397/2023 du 18 avril 2023 consid. 3.3).
L’art. 8 al. 2 RPFFPM prévoit un rabais fondé sur le RDU accordé aux parents selon le barème y figurant. Un rabais de 20% est applicable pour un revenu familial compris entre CHF 95'001.- et CHF 150'000.- comprenant un enfant, étant précisé que, dès le deuxième enfant à charge, il faut ajouter CHF 7'500.- par enfant au revenu pour déterminer la limite du revenu familial (art. 8 al. 2 RPFFPM). En vertu de l’art. 8 al. 3 RPFFPM, ces limites de revenu sont calculées en application de la LRDU.
2.6 Le SPMi est compétent pour les aides financières apportées aux mineurs qui font l’objet d’une mesure de protection ou d’une décision de placement ordonnée par le pouvoir judiciaire (art. 3 al. 3 RPFFPM)
3. En l’espèce, l’obligation légale imposée à la recourante de participer aux frais de placement de ses fils trouve son fondement notamment dans les art. 276 al. 2 CC, 81 al. 2 LaCC et 36 LEJ.
3.1 La recourante se plaint d’une inégalité de traitement avec le père de ses enfants, auquel aucune participation ne serait réclamée par le SPMi.
Comme la chambre de céans l’avait exposé dans son précédent arrêt du 5 mars 2024, la recourante ne conteste pas qu’elle avait la garde de fait sur ses enfants avant leur placement et qu’à la suite du divorce intervenu avec leur père, un accord prévoyait que celui-ci verserait une participation à leurs frais de repas.
C’est dès lors toujours à juste titre que le SPMi a adressé sa décision à la recourante, tenue légalement de participer aux frais de placement de ses fils.
Cela étant la chambre de céans n’est pas compétente pour connaître de la répartition des frais d’éducation des enfants entre les parents divorcés.
Le grief doit être écarté.
3.2 La recourante se plaint que ni ses enfants ni elle-même n’auraient jamais adhéré au contrat de placement, ce qui priverait de fondement la participation aux frais de celui-ci et la rendrait inexigible.
Or, le placement lui-même est réglé par le CC et est de la compétence exclusive du TPAE. La fixation de la participation n’est qu’une conséquence de celui-ci.
Le grief est irrecevable, de même que les conclusions portant sur la constatation du défaut de consentement.
3.3 Le même sort doit être réservé aux griefs de la recourante portant sur les mauvais traitements que subiraient ses fils dans le foyer dans lequel ils sont placés.
Des soupçons de maltraitance doivent être communiqués à la police ou au Ministère public s’ils ont une connotation pénale et au SPMi et au TPAE s’ils peuvent entraîner une modification de la mesure de protection. On comprend de ses écritures que la recourante a saisi ces autorités. Il n’appartient pas pour le surplus à la chambre de céans d’annuler les factures objet du litige au motif que la contre‑prestation n’aurait pas été fournie.
Le grief est irrecevable, de même que les conclusions en constatation de « la non‑réalisation des prestations relatives au contrat »,
3.4 Enfin, la recourante ne conteste pas le calcul des participations.
Elle ne conteste pas qu’elle a deux enfants à charge ni que le RDU retenu pour effectuer le calcul de sa participation se situe dans la fourchette de l’art. 8 RPFFPM.
C’est à juste titre que le SPMi lui a réclamé le montant de CHF 31.55 par jour – soit 80% de CHF 39.45 compte tenu de la réduction – dès le 1er janvier 2024, à titre de participation financière aux frais de placement de chacun de ses fils.
Comme le SPMi l’a indiqué dans la décision et rappelé dans ses observations, la recourante peut s’adresser à lui pour solliciter un arrangement de paiement.
Mal fondé, le recours sera rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
4. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument. Compte tenu de son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 24 octobre 2024 par A______ contre la décision du service de protection des mineurs du 3 septembre 2024 ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de protection des mineurs.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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