Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/87/2025 du 21.01.2025 sur JTAPI/253/2024 ( LCI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1316/2023-LCI ATA/87/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 21 janvier 2025 3ème section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
et
B______
représentée par Me François BELLANGER, avocat intimés
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2024 (JTAPI/253/2024)
A. a. B______, dont le siège se trouve à Genève, a notamment pour but l'acquisition, la possession, l'exploitation, la location et la vente d'immeubles à l'affectation exclusivement commerciale.
b. Elle est propriétaire, depuis le 22 janvier 2019, de la parcelle n° 6'304 de la commune de Genève (section C______), d'une surface de 1'034 m2.
Cette parcelle se situe entre la rue D______, le passage E______ et le passage F______. Deux bâtiments de six étages (moins de 30 m) y sont érigés : le n°1______ (sis rue D______ 4), d’une surface au sol de 628 m2, destiné à des bureaux, et le n°2______ (sis Passage F______ 4), d’une surface au sol de 406 m2, accueillant des commerces.
c. A______, dont le siège se trouve à Genève, a notamment pour but l'exploitation de discothèques, cafés et restaurants. Elle est locataire, depuis le 1er novembre 2016, d’un local commercial situé dans le passage F______ (bâtiment n° 2______), portant sur les surfaces suivantes :
- sous-sol d’environ 255 m2 ;
- rez-de-chaussée d’environ 205 m2 ;
- premier étage d’environ 93 m2 + terrasse ;
- deuxième étage d’environ 95 m2.
Ces locaux accueillent un café-restaurant ainsi qu'un lounge au rez-de-chaussée et au premier étage (sud du bâtiment), ainsi qu’un cabaret-dancing au sous-sol, exploités sous les enseignes « G______ » et « H______ ». La cuisine du café‑restaurant se situe au deuxième étage et est en principe occupée par cinq employés.
d. Jusqu'à la fin de l'été 2022, l’évacuation de la cuisine se faisait via une issue située au deuxième étage donnant sur une voie d'évacuation horizontale permettant de rejoindre l'escalier du bâtiment principal (bâtiment n° 2______).
e. Depuis la fin de l'été 2022, l’évacuation de la cuisine se fait en empruntant l’escalier intérieur du restaurant, qui mène au premier étage de celui-ci, puis en empruntant une voie de fuite verticale menant au passage E______.
B. a. Le 18 octobre 2016, le département du territoire (ci-après : le département) a délivré à A______ l’autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA) n° 4______ portant notamment sur la transformation des locaux commerciaux en vue de l’exploitation du restaurant « G______ » (plus précisément : « aménagement d'un restaurant - installation de canaux de ventilation en façade »).
Les conditions figurant dans les préavis des différents services, notamment celui de la police du feu du 4 août 2016 imposant le respect des mesures définies dans le concept de sécurité incendie I______ du 14 juin 2016 (ci-après : le concept I______), devaient être respectées.
Le concept I______ prévoyait notamment que le deuxième étage abritait la cuisine ; il était desservi par une issue donnant sur une voie d'évacuation horizontale permettant de rejoindre l'escalier du bâtiment principal.
b. Le 11 janvier 2017, le département a délivré à A______ l'APA complémentaire n° 4______/2 portant sur la suppression de l’ascenseur qui figurait dans le projet initial, la transformation d’une fenêtre en porte-fenêtre, l’aménagement du sous-sol et la modification de la terrasse.
Les conditions figurant dans les préavis des différents services, notamment celui de la police du feu du 1er décembre 2016, devaient être respectées. Il en allait de même des mesures définies dans le préavis de celle-ci du 4 août 2016 émis dans le cadre de l’APA 4______/1 et des conditions supplémentaires spécifiquement prévues.
C. a. Le 16 octobre 2020, B______ a déposé une demande d’autorisation de construire (demande définitive [ci-après : DD]) portant notamment sur la transformation et l'aménagement intérieur des bâtiments sis sur la parcelle n° 6'304 (plus précisément : « démolition de la marquise existante et réfection des façades/transformation et aménagements intérieurs rez‑de-chaussée et premier étage en commerces et du deuxième au sixième en surfaces administratives (banque privée)/réfection du sous-sol »).
Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 3______/1.
b. Selon le concept de protection incendie établi par J______ (J______) le 7 mai 2021, la sortie de secours depuis le restaurant du deuxième étage se faisait en traversant un deuxième compartiment coupe-feu. Or, cette sortie était bloquée, si bien qu'elle ne répondait pas aux directives de l'Association des établissements cantonaux d’assurance incendie (ci-après : AEAI). Afin d'améliorer l'évacuation de ces locaux, la création d'un escalier extérieur métallique menant les personnes du deuxième étage au premier étage sur la terrasse extérieure était prévue.
c. Lors de l’instruction de cette requête, la police du feu a rendu un préavis favorable, sous conditions, le 21 juin 2021, notamment que les mesures définies dans le concept de protection incendie établi par J______ soient respectées.
d. L'autorisation a été délivrée le 3 août 2021. Les conditions figurant notamment dans le préavis de la police du feu du 21 juin 2021 devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation.
e. L'escalier extérieur métallique, prévu dans le concept de protection incendie établi par J______, n'a pas pu être réalisé.
D. a. Le 25 février 2022, le département, relevant qu’un ou plusieurs éléments contrevenant notamment aux prescriptions de protection incendie de l’AEAI avaient été constatés dans le cadre du chantier de la DD 3______/1, a ordonné à A______ l’interdiction immédiate d’exploiter le night-club « H______ » jusqu’à la mise en conformité des sorties de secours. L’impraticabilité de celles-ci était notamment constatée. Au surplus, il conditionnait l’exploitation du restaurant à la mise en place, sans délai, de plusieurs mesures destinées notamment à mettre en conformité les sorties de secours.
b. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.
c. À la fin de l'été 2022, la voie de fuite existante au deuxième étage depuis la cuisine a été remplacée par la voie de fuite actuelle (cf. supra A.e).
E. a. Le 22 octobre 2022, B______ a déposé une demande d’autorisation de construire complémentaire, enregistrée sous la référence DD 3______/3, ayant pour objet la modification du projet initial (DD 3______/1) et consistant notamment en une mise en conformité.
b. À la demande de la police du feu, elle a transmis un nouveau concept de protection incendie (établi par J______) mis à jour, avec en surbrillance les modifications apportées par rapport à la version du 7 mai 2021, à savoir notamment :
- pour évacuer la cuisine professionnelle du deuxième étage, il fallait emprunter l’escalier intérieur du restaurant pour rejoindre les voies de fuite et arriver au passage E______ (p. 4 : ch. 2.2) ;
- l’évacuation se faisait en transitant par le premier étage du restaurant puis en empruntant une nouvelle voie de fuite verticale pour aboutir dans le passage E______ (p. 19, ch. 8.4.1) ;
- la capacité maximale serait limitée à 300 personnes sur l’ensemble du commerce. Chaque niveau serait limité à 200 personnes. Les portes des issues de secours vers le passage E______ mesuraient 1.2 m (p. 19, ch. 8.4.2) ;
- le bâtiment rue D______ 4 subissait d’importants travaux de rénovation, sauf dans le restaurant. Une nouvelle voie de fuite verticale était créée pour l’évacuation de la cuisine du restaurant aux deuxième et premier étages du Baroque ainsi que de l’arcade commerciale (p. 29).
Selon ledit concept, la surface par niveau était inférieure à 900 m2, si bien qu'une voie d'évacuation verticale était nécessaire. La capacité d'accueil des locaux serait supérieure à 100 personnes, de sorte que deux voies d'évacuation verticales étaient requises. Le bâtiment était considéré comme de hauteur moyenne (jusqu'à 30 m) ; il était affecté à des activités administratives (locaux de bureaux) et à des activités commerciales. Enfin, les locaux recevaient un nombre de personnes inférieur à 300.
En outre, les plans de protection incendie étaient mis à jour pour refléter les changements du projet.
Le plan de protection incendie (niveaux 1 et 2) n° 002 prévoit, pour le niveau 1, une voie d'évacuation verticale (avec une sortie de secours) au centre de l'étage, une voie d'évacuation verticale accessible depuis le restaurant (avec une sortie de secours) et menant au passage E______, ainsi qu'une autre sortie de secours dans le restaurant, côté passage F______. Pour le niveau 2, il prévoit une voie d'évacuation verticale (avec plusieurs sorties de secours) au centre de l'étage et une sortie de secours, dans le restaurant, débouchant sur un escalier menant au premier étage dudit restaurant. La longueur de la voie d'évacuation depuis la cuisine est de 35 m et les voies d'évacuation ont une largeur de 1.2 m.
c. La police du feu a rendu un préavis favorable sous conditions le 1er mars 2023. Elle a exigé le respect du concept de sécurité incendie et des plans l’accompagnant ainsi que le respect des plans de sécurité des niveaux, accompagnant ledit concept.
Selon les plans déposés et les informations globales transmises, le projet était classifié en degré 2 d’assurance qualité conformément à la Directive de l’AEAI « Assurance qualité en protection incendie » 11-15fr.
d. Tous les autres préavis rendus étaient également favorables sans observations, avec souhaits et/ou conditions.
e. Le 3 mars 2023, le département a délivré la DD 3______/3. Les conditions figurant notamment dans le préavis de la police du feu du 1er mars 2023 devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation.
F. a. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision, concluant à l'octroi de mesures superprovisionnelles et provisionnelles et, principalement, à l'annulation de ladite décision. À titre préalable, elle a requis la mise en œuvre d’un rapport d’expertise indépendant analysant les voies de fuite prévues par la DD 3______/3.
Elle s'est plainte de la violation de l'art. 209 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00), des art. 14, 90 al. 1, 109 al. 1 et 121 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), des art. 2 al. 1 et 8 al. 1 du règlement concernant l'accessibilité des constructions et installations diverses du 29 janvier 2020 (RACI - L 5 05.06), de l'art. 9 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), de l’ODAIOUs et des normes HACCP.
b. Le 3 mai 2023, la responsable de l’assurance qualité en protection incendie, K______, de J______, a déposé la déclaration de conformité AEAI pour le concept de sécurité incendie avec une seule remarque concernant la porte coupe-feu du local technique présent au palier intermédiaire, qui était provisoire dans l’attente de la livraison de la porte définitive.
c. Par décision du 12 juin 2023, le TAPI a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée par A______.
d. B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, le département à son rejet.
e. Par jugement du 21 mars 2024, le TAPI, admettant la qualité pour recourir de A______, a rejeté le recours.
G. a. Par acte remis à la poste le 6 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu'à celle de de la DD 3______/3. Elle a requis l'audition de L______ (expert AEAI) ainsi que la mise en œuvre d'une expertise sur la conformité du projet aux normes AEAI.
Elle a produit un document intitulé « rapport d'expertise de la sécurité incendie AEAI des sorties de secours de l'établissement G______ », établi le 4 mai 2024 par L______. Selon ce document, l'exploitation actuelle avec le maximum de 50 personnes par niveau était légale en fonction des sorties de secours à disposition, soit une sortie de secours par niveau. Ces sorties de secours débouchaient dans des voies de fuite apparemment conformes aux normes. Il n'était pas possible, en l'état, de supprimer la sortie de secours du niveau cuisine en exploitation car cela rendrait ce niveau non conforme aux normes de sécurité incendie du point de vue des sorties de secours.
Le TAPI avait violé son droit d'être entendue en refusant de mettre en œuvre l'expertise sollicitée, au motif que le dossier était complet. Il s'agissait plutôt de déterminer si l'examen de la sécurité incendie avait été objectif et indépendant. Or, le concept de sécurité incendie sur lequel s'était fondé le département ayant été établi par un mandataire de B______, l'indépendance sur cette question était insuffisante. En outre, lorsque les parties se fondaient sur l'avis de leur propre mandataire, seule une expertise judiciaire était envisageable pour trancher la question, ce d'autant plus qu'il ressortait de l'expertise du 4 mai 2024 que la suppression de la sortie de secours au deuxième étage était contraire aux normes AEAI. La voie de fuite n'était en effet pas située sur le même étage, ce qui était contraire à l'art. 2.5.1 de la directive « voie d'évacuation et de sauvetage », ce que l'expert L______ avait relevé. En cas de départ de feu au premier étage, les employés présents dans la cuisine seraient bloqués au deuxième étage, sans chemin de fuite.
L'autorisation querellée impliquait une reconsidération, sans aucun motif. En effet, par décision du 11 janvier 2017, le département lui avait imposé la construction d'une sortie de secours par étage. Cette décision, entrée en force, avait été mise en œuvre. Or, la décision litigieuse revenait sur ce point en prévoyant la suppression d'une sortie de secours au deuxième étage. Un tel comportement était d'ailleurs contraire à la bonne foi.
Selon le rapport d'expertise, l'aménagement de l'établissement public qu'elle exploitait ne serait plus conforme aux normes anti-incendie en cas de confirmation de la décision attaquée. Une telle décision pourrait ainsi entraîner la fermeture de l'établissement ; il s'agissait d'un risque concret, comme le montrait la décision du 25 février 2022. Or, la fermeture de l'établissement constituait une atteinte inadmissible à sa liberté économique.
b. Le département et B______ ont conclu au rejet du recours.
c. Dans sa réplique, la recourante a relevé qu'en soulevant de nouveaux griefs, il n'avait pas modifié l'objet du litige ou ses conclusions. Ces griefs étaient donc recevables. En outre, en présence d'une expertise privée qui mettait en doute le préavis d'une autorité spécialisée, un refus d'expertise judiciaire n'était possible que si l'expert privé avait été entendu, ce qui ressortait de la jurisprudence récente de la chambre administrative. Il existait une contradiction entre le préavis de la police du feu et le rapport de l'expert privé, qui indiquait que l'absence d'une sortie de secours sur le même étage était contraire aux normes de sécurité. Une expertise judiciaire était donc indispensable.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
Le TAPI a admis à juste titre la qualité pour recourir de la recourante. Il a correctement analysé cette question aux consid. 3 à 6 de son jugement, de sorte qu’il peut être renvoyé expressément à son raisonnement, que la chambre de céans fera sien, comme l'admet la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_642/2022 du 7 novembre 2023 consid. 4.6.2 et les références citées). La qualité pour recourir de l'intéressée n'est d'ailleurs plus contestée.
Le recours est donc recevable, si bien qu'il convient d'entrer en matière.
2. Le litige porte sur la conformité au droit de l'autorisation de construire délivrée par le département à l'intimée, laquelle a été confirmée par le TAPI.
3. La recourante sollicite, d'une part, la mise en œuvre d'une expertise sur la conformité du projet querellé aux normes AEAI et, d'autre part, l'audition de L______, auteur du rapport d'expertise du 4 mai 2024. En outre, elle estime que son droit d’être entendue a été violé par le TAPI qui n’a pas donné suite à sa demande de mise en œuvre de ladite expertise.
Vu la connexité desdites requêtes et du grief invoqué, ces derniers seront traités conjointement.
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
3.2 Une expertise judiciaire représente un moyen de preuve (art. 38 LPA) ordonné lorsque l’établissement ou l’appréciation de faits pertinents requièrent des connaissances et compétences spécialisées – par exemple techniques, médicales, scientifiques, comptables – que l’administration ou le juge ne possèdent pas (ATA/1383/2024 du 26 novembre 2024 consid. 3.2 et l'arrêt cité).
3.3 En l'espèce, les parties se sont exprimées de façon circonstanciée sur l'objet du litige et ont produit les pièces auxquelles elles se sont référées dans leurs écritures. Le dossier contient ainsi notamment les plans de l'autorisation sollicitée, en particulier des plans de protection incendie (en couleurs, détaillés, en format original et comportant une légende) pour tous les niveaux du bâtiment concerné, le dernier concept de protection incendie établi par J______ et les différents préavis de la police du feu. Ces documents sont suffisants pour apprécier la question de savoir si le projet litigieux respecte les normes de protection incendie, étant de surcroît relevé que l'appréciation de ces faits ne requiert pas des connaissances ou compétences spécialisées que la chambre de céans ou le département, en particulier la police du feu, ne posséderaient pas, celle-ci étant l'autorité spécialisée en matière de protection contre les incendies (cf. notamment les art. 1 al. 2 et 3 et art. 6 du règlement d’application de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 juillet 1990 [RPSSP - F 4 05.01] ainsi que l'art. 6 al. 2 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 [RCI - L 5 05.01], étant précisé, compte tenu de la terminologie utilisée dans ces dispositions, que la police du feu fait partie de la direction de l’inspectorat de la construction). Par conséquent, l'expertise sollicitée n'apparaît pas utile et ne sera ainsi pas ordonnée.
Les arguments du recourant allant dans le sens de la mise en œuvre de l'expertise n'emportent pas conviction. En premier lieu, l'établissement du concept de protection incendie par un mandataire de l'intimée n'est pas en soi de nature à soulever un problème d'indépendance. En effet, d'une part, une telle manière de faire est logique et inévitable, dans la mesure où ledit concept doit être communiqué dans le cadre de la requête en autorisation de construire. D'autre part, ce concept a ensuite été vérifié par la police du feu, laquelle est l'autorité de protection incendie (art. 60 al. 1 de la norme AEAI) et a donc une approche neutre et objective.
La recourante ne peut rien tirer de l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_315/2023 qui prévoit que, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la jurisprudence impose la mise en œuvre d'une expertise (consid. 6.6). Outre que cette jurisprudence porte sur un tout autre domaine, celui des assurances sociales, ses conditions n'en sont en toute hypothèse pas remplies in casu, puisque l'expert, dont le rapport ne comporte aucune mention du concept établi par J______, n'a a fortiori mis en doute ni la fiabilité ni la pertinence de l'appréciation de ce concept, se limitant à conclure au terme d'une analyse sommaire qu'il ne serait pas possible, en l'état, de supprimer la sortie de secours du niveau cuisine en exploitation.
En second lieu, la recourante soutient qu'en présence d'une expertise privée qui met en doute un préavis d'une autorité spécialisée, un refus d'expertise judiciaire ne serait possible que si l'expert privé a été entendu et a pu exposer les problématiques du préavis. Elle fonde cette argumentation sur l'ATA/622/2024 du 21 mai 2024. Or, cet arrêt portait sur une autre problématique, celle de l'installation d'antennes 5G. En outre, contrairement à l'expert mandaté par la recourante, celui ayant été auditionné dans le cadre de la procédure visée par l'arrêt précité avait rendu une expertise privée dans laquelle il contestait explicitement les calculs effectués par l'autorité spécialisée, en l'occurrence le SABRA, et le préavis de ce dernier. Enfin, et en toute hypothèse, on ne saurait inférer de la seule audition d'un expert privé dans une cause en particulier une pratique selon laquelle, en présence d'une expertise privée qui mettrait en doute un préavis d'une autorité spécialisée, un refus d'expertise judiciaire ne serait possible que si l'expert privé a été entendu. L'arrêt ne le dit d'ailleurs pas. L'utilité d'une audition de l'expert privé mandaté par une partie doit au contraire être appréciée de cas en cas en prenant en compte les spécificités liées à chaque espèce.
3.4 La recourante a produit le rapport d'expertise du 4 mai 2024 établi par L______. Elle n'explique pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige l'expert n'aurait pas pu mettre par écrit et pourquoi, le cas échéant, ces éléments n'auraient pas pu ensuite être produits par la recourante. L'audition de L______ n'apparaît donc pas nécessaire et ne sera par conséquent pas ordonnée, étant pour le surplus rappelé que les pièces en possession de la chambre de céans suffisent pour traiter le litige en toute connaissance de cause.
3.5 Enfin, le TAPI a refusé la mise en œuvre d'une expertise judiciaire, au motif que le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires à l’établissement des faits pertinents pour traiter les griefs soulevés par la recourante et statuer sur le litige. Compte tenu de ce qui précède, cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique, si bien qu'aucune violation du droit d'être entendu de la recourante ne saurait être reprochée au TAPI.
Il ne sera donc pas procédé à d'autres actes d'instruction et le grief tiré de la violation du droit d'être entendu sera écarté.
4. La recourante se plaint de la violation des art. 14 et 120 LCI et des normes AEAI.
4.1 Selon l'art. 14 al. 1 LCI, le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 LCI notamment lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c) ou offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d).
La notion d’inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s’examiner en fonction de la nature de l’activité en cause et qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation. Celle-ci n’est limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen s’exerce dans les limites précitées, sous réserve du respect du principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et de l’intérêt public en cas d’octroi d’une autorisation (ATA/1101/2022 du 1er novembre 2022 consid. 5b et les arrêts cités).
4.2 L’art. 120 LCI prévoit que les dispositions relatives à la sécurité des constructions et installations sont applicables à toutes les constructions, quelle que soit la date de leur établissement.
Selon l’art. 121 LCI, une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la LCI, son règlement d’application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires (al. 1). Les exigences imposées pour les constructions et les installations en matière de prévention des incendies sont régies par la norme de protection incendie et les directives l'AEAI (al. 2). L’al. 3 let. a précise qu’une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit être maintenue en tel état et utilisée de telle sorte que sa présence, son exploitation ou son utilisation ne puisse, à l’égard des usagers, du voisinage ou du public ni porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité (ch. 1) ni être la cause d’inconvénients graves (ch. 2).
4.3 Les propriétaires sont responsables, dans l’application de la loi et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations (art. 122 LCI).
4.4 Selon la jurisprudence, les prescriptions AEAI sont directement applicables à titre de droit intercantonal et l'emportent sur le droit cantonal qui leur serait contraire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_666/2021 du 28 juillet 2022 consid. 2.1.1 et les arrêts cités).
4.5 Selon l'art. 4 de la norme AEAI (disponible à l'adresse Internet https://services.vkg.ch/rest/public/georg/bs/publikation/documents/BSPUB-13945
20214-55.pdf/content, page consultée le 23 décembre 2024), les prescriptions de protection incendie se composent de la norme de protection incendie (al. 1 let. a) et des directives de protection incendie (al. 1 let. b). L’AEAI publie aussi des « notes explicatives », où sont explicitées certaines questions de protection incendie, ainsi que des « aides de travail » visant à faciliter l’application des directives de protection incendie (art. 4).
La norme de protection incendie fixe le cadre de la protection incendie sur le plan des devoirs généraux, de la construction, des équipements de protection incendie et de l’organisation, ainsi que les mesures de défense incendie qui s’y rapportent. Elle définit les standards de sécurité applicables (art. 5 de la norme AEAI).
La norme de protection incendie est complétée par les directives de protection incendie, qui fixent les exigences et les mesures détaillées de sa mise en œuvre (art. 6 de la norme AEAI).
4.5.1 Selon l’art. 2 de la norme AEAI, les prescriptions de protection incendie s’appliquent aux bâtiments et aux autres ouvrages à construire ainsi que, par analogie, aux constructions mobilières (al. 1). Les bâtiments et les autres ouvrages existants seront rendus conformes aux prescriptions de protection incendie, suivant un principe de proportionnalité, en cas de transformation, d’agrandissement ou de changement d’affectation importants de la construction ou de l’exploitation (al. 2 let. a) et lorsque le danger est particulièrement important pour les personnes (al. 2 let. b).
4.5.2 L’art. 3 al. 1 norme AEAI prévoit que la prévention incendie doit en particulier être assurée par des mesures organisationnelles, telles que le dégagement des voies d’évacuation et de sauvetage (let. a) et l’ordre irréprochable sur le plan de la technique de protection incendie (let. b). Les propriétaires et les exploitants des bâtiments et des autres ouvrages doivent prendre les mesures nécessaires, sur les plans de l’organisation et du personnel, pour assurer la sécurité incendie (al. 2).
4.5.3 Les art. 35 à 37 de la norme AEAI traitent des voies d’évacuation.
Selon l’art. 35, est considéré comme voie d’évacuation le chemin le plus court qui peut être emprunté, depuis n’importe quel endroit du bâtiment ou de l’ouvrage, pour rejoindre un lieu sûr à l’air libre ou dans le bâtiment (al. 1). Est considéré comme voie de sauvetage le chemin le plus court vers n’importe quel endroit des bâtiments ou des ouvrages où les sapeurs-pompiers et les équipes de sauvetage doivent intervenir. Les voies d’évacuation peuvent servir de voie de sauvetage (al. 2). Si les voies d’évacuation et de sauvetage horizontales et verticales ne sont pas séparées par une fermeture coupe-feu, les voies d’évacuation et de sauvetage horizontales sont soumises aux mêmes exigences que les voies d’évacuation et de sauvetage verticales (al. 3).
L’art. 36 dispose que les voies d’évacuation et de sauvetage doivent être disposées, dimensionnées et réalisées de manière à ce qu’elles puissent toujours être empruntées rapidement et en toute sécurité. Sont notamment déterminants : a. l’affectation et la situation des bâtiments et des autres ouvrages ou des compartiments coupe-feu ; b. la géométrie des bâtiments ; c. le nombre d’occupants (al. 1). Dans le cadre de questions particulières liées aux exigences des voies d’évacuation, il est possible, en accord avec l’autorité de protection incendie, pour des zones spécifiques d’un bâtiment ou d’un autre ouvrage de recourir à des méthodes de calcul (al. 2).
Les voies d’évacuation et de sauvetage peuvent servir de voies de communication. Elles doivent toujours rester dégagées et utilisables en toute sécurité. À l’extérieur de l’unité d’utilisation, elles ne doivent pas servir à d’autres usages (art. 37 al. 1 de la norme AEAI).
4.6 La directive AEAI « Voies d’évacuation et de sauvetage » 16-15 du 1er janvier 2017, état au 1er août 2021, (ci-après : la directive AEAI ; disponible à l'adresse Internet suivante : https://services.vkg.ch/rest/public/georg/bs/publikation/docu
ments/BSPUB-1394520214-83.pdf/content, page consultée le 23 décembre 2024) définit les exigences auxquelles doivent répondre ces dernières sur le plan de leur disposition, de leur dimensionnement, de leur exécution, de leur équipement et leur non‑obstruction (ch. 1).
4.6.1 Les exigences générales sont posées par le ch. 2 de la directive AEAI.
Selon son ch. 2.4.1, le nombre d'issues et de voies d'évacuation verticales (escaliers, par exemple) des bâtiments et des autres ouvrages dépend de la surface des niveaux, de la longueur des voies d'évacuation ainsi que du nombre d'occupants (al. 1). Les voies d'évacuation verticales doivent mener à un lieu sûr à l'air libre (al. 2).
Pour une surface de plancher jusqu'à 900 m2, les niveaux des bâtiments et autres ouvrages dont les voies d'évacuation menant de plain-pied à l'air libre ne sont pas suffisantes doivent être desservis par au moins une voie d'évacuation verticale (ch. 2.4.2 al. 1 let. a). Les locaux recevant plus de 100 personnes doivent être desservis par deux voies d'évacuation verticales au minimum si les voies d'évacuation menant de plain-pied à l'air libre ne sont pas suffisantes pour les personnes (ch. 2.4.2 al. 2)
La longueur totale des voies d’évacuation est limitée à 35 m lorsqu’elles aboutissent à une seule voie d’évacuation verticale ou une seule issue donnant sur un lieu sûr à l’air libre (ch. 2.4.3 al. 1).
Aux termes du ch. 2.4.6, en fonction du nombre d'occupants, les locaux doivent avoir au moins les issues suivantes :
- jusqu'à 50 personnes : une issue de 0.9 m (let. a) ;
- jusqu'à 200 personnes au maximum : trois issues de 0.9 m chacune ou deux issues de 0.9 m et de 1.2 m (let. c).
4.6.2 Le ch. 3 de la directive AEAI fixe des exigences spécifiques concernant des types de bâtiments particuliers. Son ch. 3 est applicable aux bâtiments administratifs, industriels et artisanaux.
Pour ces derniers, il est admis que l'évacuation se fasse par un local voisin (zone polyvalente, par exemple), pour autant qu'il se trouve dans la même unité d'utilisation et permette de rejoindre une voie d'évacuation horizontale ou verticale (ch. 3.3.4). Un schéma de cette situation figure en page 23 de la directive.
4.7 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/1376/2024 du 26 novembre 2024 consid. 4.11 et les références citées).
Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/1376/2024 précité consid. 4.11 et l'arrêt cité).
4.8 En l'espèce, le bâtiment litigieux est affecté aux activités commerciales et sa capacité sera limitée à 300 personnes sur l’ensemble du commerce. Par conséquent, ce sont les règles relatives aux bâtiments administratifs, industriels et artisanaux (ch. 3.3 ss de la directive AEAI qui lui sont applicables), – et non celles portant sur les grands magasins et locaux recevant un grand nombre de personnes –, en sus des règles générales (ch. 2 ss).
Le concept de protection incendie établi par J______ le 7 mai 2021, mis à jour, a été avalisé par la police du feu et fait partie intégrante de l'autorisation délivrée à la recourante. Il prévoit, comme l'attestent les plans fournis, en particulier le plan de protection incendie des niveaux 1 et 2 n° 002, pour le niveau 1, une voie d'évacuation verticale (avec une sortie de secours) au centre de l'étage, une voie d'évacuation verticale accessible depuis le restaurant (avec une sortie de secours) et menant au passage E______, ainsi qu'une autre sortie de secours dans le restaurant, côté passage F______. Pour le niveau 2, il prévoit une voie d'évacuation verticale (avec plusieurs sorties de secours) au centre de l'étage et une sortie de secours, dans le restaurant, débouchant sur un escalier menant au premier étage dudit restaurant. L’évacuation de la cuisine du deuxième étage se fait en transitant par le premier étage du restaurant puis en empruntant une nouvelle voie de fuite verticale pour aboutir dans le passage E______. Enfin, la longueur de la voie d'évacuation depuis la cuisine est de 35 m et la largeur des voies d'évacuation de 1.2 m.
Dès lors, les exigences posées par la directive AEAI sont respectées. En effet, la voie d'évacuation depuis la cuisine est conforme au ch. 3.3.4, dans la mesure où l'évacuation se fera par un local voisin, en l'occurrence le premier étage du restaurant, se trouvant dans la même unité d'utilisation, puisque reliés par un escalier intérieur, et permettant de rejoindre la voie d'évacuation verticale attenante au restaurant et menant au passage E______. Ainsi, comme l'a retenu à juste titre le TAPI, la voie d’évacuation depuis la cuisine apparait adéquate dès lors qu'en cas de sinistre, l’évacuation des employés de cuisine, au nombre de cinq environ même s’ils peuvent être parfois plus nombreux sur les lieux, pourra se faire par l’escalier de liaison situé dans la même unité de liaison afin d’atteindre la voie d’évacuation prévue au premier étage menant directement vers l’extérieur. Contrairement à ce que prétend la recourante, se référant au rapport d'expertise qu'elle a produit, la « suppression » de la sortie de secours actuelle du « niveau cuisine » sur le même étage n'a aucune importance puisqu'elle est remplacée par une voie d'évacuation conforme au ch. 3.3.4.
En outre, le nombre de voies d'évacuation requises pour chaque étage est respecté (ch. 2.4.2 al. 2), puisque le deuxième étage est desservi par une voie d'évacuation verticale en sus de la voie d'évacuation que devront emprunter les occupants de la cuisine et que le premier étage est desservi par deux voies d'évacuation verticales. Il ressort également des plans qu'aucune voie d’évacuation ne dépasse 35 m (ch. 2.4.3 al. 1).
Par ailleurs, conformément au ch. 2.4.6 let. a, la cuisine, qui accueillera moins de 50 personnes, dispose d'une issue de secours de 1.2 m (supérieure à 0.9). Le restaurant dispose de deux issues de secours de 1.2 m, si bien que le ch. 2.4.6 let. c est respecté.
L'intimée a également déposé la déclaration de conformité AEAI pour le concept de sécurité incendie avec une seule remarque concernant la porte coupe-feu du local technique présent au palier intermédiaire qui était provisoire dans l’attente de la livraison de la porte définitive.
Enfin, contrairement à ce que prétend la recourante, le ch. 2.5.1, qui prévoit que les escaliers et les paliers des voies d'évacuation verticales doivent être exécutés de manière à être praticables en toute sécurité (al. 1) et que les voies d'évacuation verticales ne doivent pas être décalées d'un niveau à l'autre (al. 2), ne s'oppose pas à ce que la voie d'évacuation ne soit pas située sur le même étage pour les bâtiments administratifs, industriels et artisanaux, compte tenu de la possibilité offerte par le ch. 3.3.4 de créer une évacuation par un local voisin.
Pour le surplus, l'expert privé mandaté par la recourante n'a mis en doute ni la fiabilité ni la pertinence de l'appréciation du concept établi par J______, – qu'il n'a au demeurant même pas analysé – et n'a pas fait mention du non-respect du ch. 2.5.1.
Par conséquent, il n'y a pas lieu de s'écarter du préavis positif de la police du feu, qui a avalisé ledit concept, et dont les conditions, en particulier le respect de celui‑ci, font partie intégrante de l'autorisation délivrée. On ne saurait dès lors retenir que celle-ci pourrait être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, ne remplirait pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation ou présenterait des dangers particuliers.
Le grief sera donc écarté.
5. La recourante fait valoir trois griefs, qui seront exposés séparément ci-après (consid. 6, 7 et 8), que l'intimée estime irrecevables, dans la mesure où l'intéressée ne les a pas soulevés devant le TAPI. Il convient dès lors d'examiner la recevabilité de ces griefs.
5.1 Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 LPA). La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA).
5.2 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1461/2024 du 12 décembre 2024 consid. 4.4.1). Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/688/2024 du 10 juin 2024 consid. 2.3 et les arrêts cités).
5.3 En l'espèce, la recourante n'a pas fait valoir les trois griefs en cause devant le TAPI. Cependant, en invoquant ces griefs – pour la première fois – devant la chambre de céans, elle ne formule pas de nouvelles prétentions qui n'auraient pas été examinées par le TAPI, ni ne modifie ses conclusions prises devant celui-ci ou étend l'objet du litige, puisque la recourante ne demande pas autre chose que l'annulation de la décision attaquée, ce qu'elle sollicite depuis le début de la procédure. En outre, la chambre de céans applique le droit d'office (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/1493/2024 du 18 décembre 2024 consid. 3). Par conséquent, il convient d'entrer en matière sur les trois griefs concernés, malgré leur invocation tardive.
6. La recourante soutient que la décision querellée consacrerait une violation des conditions de la reconsidération d'une décision entrée en force.
6.1 La voie de la reconsidération est ouverte pour remettre en cause une décision d’une autorité administrative entrée en force qui n’a fait l’objet d’aucun recours (art. 48 LPA ; ATA/375/2010 du 1er juin 2010 consid. 4 et les arrêts cités).
L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/1441/2024 du 10 décembre 2024 consid. 2.1 et l'arrêt cité).
6.2 En l'espèce, la décision querellée DD 3______/3 et l'APA 4______/2 constituent deux projets de construction indépendants l'un de l'autre, si bien que, pour ce motif déjà, la DD 3______/3 ne peut être la reconsidération de l'APA 4______/2 au sens de l'art. 48 LPA.
Par surabondance, la DD 3______/3 ne porte pas sur le même objet que l'APA 4______/2. En effet, alors que la DD 3______/3 porte sur la démolition de la marquise existante, la réfection des façades, la transformation et l'aménagement intérieur du bâtiment, la modification d'installations techniques, l'installation productrice de chaleur alimentée en combustibles fossiles et l'installation de climatisation de confort, l'APA 5______ concernait l'aménagement du restaurant, l'installation de canaux de ventilation en façade, la suppression d'un ascenseur, la transformation d'une fenêtre en porte fenêtre et l'aménagement en sous-sol. En outre, les deux décisions précitées ne concernent pas les mêmes parties, la DD 3______/3 ayant été requise par l'intimée tandis que l'APA 4______/2 l'a été par la recourante. Par conséquent, faute d'identité d'objet et de parties entre les deux décisions précitées, la décision querellée ne saurait, pour ce motif également, être considérée comme la reconsidération de l'APA 4______/2.
Dans ces conditions, la question de savoir si les conditions permettant la reconsidération sont réalisées est sans pertinence et pourra donc rester indécise.
Mal fondé, le grief sera écarté.
7. La recourante fait valoir une violation du principe de la bonne foi.
7.1 Le principe de la bonne foi consacré aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale et leur commande de s'abstenir, dans leurs relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1).
7.2 Le principe de la bonne foi protège également le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger, sous certaines conditions, celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 ; ATA/691/2024 du 10 juin 2024 consid. 2.6).
7.3 En l'espèce, la recourante fonde son argumentation sur le fait que le département lui aurait imposé la construction d'une sortie de secours par étage dans le cadre de l'APA 4______/2 et aurait décidé le contraire six ans plus tard. Or, une telle condition ne ressort pas des échanges intervenus lors de l'instruction de la requête.
Le fait que la police du feu ait ensuite imposé le respect des mesures définies dans le concept de sécurité incendie I______ du 14 juin 2016 (qui prévoyait que le deuxième étage était desservi par une issue donnant sur une voie d'évacuation horizontale permettant de rejoindre l'escalier du bâtiment) ne signifie pas qu'aucune autre option conforme à la loi n'était envisageable, notamment celle prévue par le ch. 3.3.4 de la directive AEAI. La police du feu n'a fait que valider la proposition soumise par la recourante, conforme à la norme AEAI, et elle n'avait d'autre choix que d'en imposer son respect.
Par ailleurs, en prétendant que le département lui aurait imposé ladite condition alors que la proposition venait d'elle, la recourante adopte un comportement contradictoire qui ne saurait être protégé.
Le département n'a donc adopté aucun comportement contradictoire en autorisant que l’évacuation depuis la cuisine (deuxième étage) se fasse par un local voisin se trouvant dans la même unité d’utilisation et permettant de rejoindre une voie d’évacuation verticale, comme le permet le ch. 3.3.4 de la directive AEAI.
Pour le surplus, au vu de ce qui précède, aucune assurance ni renseignement erroné n'a été donné à la recourante par le département.
Aucune violation du principe de la bonne foi ne peut dès lors être relevée, si bien que le grief sera écarté.
8. Dans un dernier grief, la recourante se plaint d'une violation de sa liberté économique.
8.1 L'art. 27 Cst. garantit la liberté économique, qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique privée et son libre exercice et protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 4.1 ; 2C_32/2015 du 28 mai 2015 consid. 5.1). La fermeture définitive d'un établissement constitue une atteinte grave à la liberté économique (ATA/480/2011 du 26 juillet 2011 consid. 4c).
8.2 En l'espèce, la décision querellée a pour unique objet la délivrance de l'autorisation d'aménager les locaux, si bien qu'elle ne constitue a contrario pas un ordre de cessation d'activité ou de fermeture des locaux. La décision querellée ne porte donc aucune atteinte à la liberté économique de la recourante.
Pour le surplus, il a été vu que ladite décision était conforme au droit. Par conséquent, le risque qu'elle entraîne la fermeture de l'établissement une fois qu'elle sera mise en œuvre conformément aux conditions de l'autorisation est fort improbable, voire inexistant.
Par conséquent, le grief sera écarté.
En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.
9. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure d'un même montant sera allouée à B______, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 2'500.- à la charge de A______ ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 2'500.- à B______, à la charge de la A______ ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Stéphane GRODECKI, avocat de la recourante, au département du territoire‑OAC, à Me François BELLANGER, avocat de B______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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