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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1734/2024

ATA/60/2025 du 14.01.2025 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : INSTRUCTION ET FORMATION PROFESSIONNELLE;BOURSE D'ÉTUDES;REJET DE LA DEMANDE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DEVOIR DE COLLABORER;FARDEAU DE LA PREUVE;DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PROTECTION DE LA BONNE FOI;RENSEIGNEMENT ERRONÉ;PROPORTIONNALITÉ;AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL)
Normes : Cst; CC.8; Cst; Cst; Cst; LPA.19; LPA.22; LBPE.1; LBPE.3.al1; LBPE.4.al3; LBPE.10; LBPE.11; LBPE.12; LBPE.23; LBPE.28; RBPE.16
Résumé : Rejet du recours contre un refus du service des bourses et prêts d'études d'accorder au recourant une bourse ou un prêt d'études pour l'année scolaire 2023-2024. L'intéressé ne remplit pas toutes les conditions cumulatives nécessaires à l'octroi d'une bourse, sa formation ne correspondant à aucune formation reconnue au sens de l'art. 11 al. 1 LBPE et l'établissement concerné n'étant pas reconnu au sens de l'art. 12 LBPE. L'octroi d'une bourse pour « cas de rigueur » n'entre pas non plus en considération, dès lors que le recourant n'est pas une personne en formation au sens de la LBPE, quelle que soit sa situation personnelle.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1734/2024-FORMA ATA/60/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1977, est domicilié à Genève.

b. Il n'a pas de diplôme professionnel et est sans emploi. Il bénéficie de l'aide sociale.

c. Il est inscrit, depuis le 20 septembre 2023, au sein de l'école B______ SA (ci‑après : B______) pour la session 2023-2026 afin de préparer un bachelor « polycom en marketing management ».

La B______ n'est pas un établissement reconnu au niveau cantonal ou fédéral.

d. Depuis le 20 mars 2024 à tout le moins, il est suspendu de cours de la B______ pour non-paiement des frais de scolarité.

B. a. Le 27 octobre 2023, A______ a déposé une demande de bourse auprès du service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE) pour l'année scolaire 2023-2024, afin de suivre son bachelor auprès de la B______.

Il y a notamment joint une lettre de motivation, dont le contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

b. Par décision du 5 février 2024, le SBPE a refusé d'accorder à A______ une bourse ou un prêt d'études pour l'année scolaire 2023-2024, l'intéressé suivant une formation auprès d'une école privée qui ne disposait pas de la reconnaissance du canton ou de la Confédération.

C. a. Le 21 février 2024, A______ a formé réclamation contre cette décision, se prévalant notamment d'une situation financière précaire de longue date et d'une santé physique et psychique très fragile en raison de sa situation professionnelle.

b. Après plusieurs échanges de courriels avec le directeur du SBPE, A______ a indiqué à ce dernier, le 25 mars 2024, qu'un collaborateur du SBPE lui avait assuré, à propos de son éligibilité à une bourse pour un bachelor de la B______, que « oui, si c'est un bachelor que délivre le B______, vous pouvez avoir droit à une bourse ». Dès lors, compte tenu de ce renseignement, sa situation pouvait correspondre à un cas de rigueur. En outre, il regrettait que, dans son dernier courriel, le directeur du SBPE ne se soit pas prononcé sur son recours et il invitait l'administration à statuer avant le 12 avril 2024.

c. Le 22 avril 2024, le SBPE a rejeté la réclamation.

Le raisonnement financier d'A______ était compréhensible, mais le service était tenu de respecter la loi pour les formations éligibles à l'aide financière. Le requérant suivait une formation dans une école privée qui ne bénéficiait pas de la reconnaissance officielle. Les cas de rigueur ne pouvaient pas être appliqués dans les situations où les conditions de formation n'étaient pas remplies.

D. a. Par acte remis à la poste le 22 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une bourse. Sans y conclure formellement, il a requis l'audition du directeur du SBPE.

Le SBPE n'avait pas statué sur sa réclamation dans le délai imparti, ce qui avait aggravé son préjudice en l'empêchant d'étudier dans des conditions raisonnables.

Son droit d'être entendu avait été violé, le SBPE n'ayant pas répondu à tous les arguments qu'il avait soulevés dans son courriel du 25 mars 2024 et dans sa réclamation. L'autorité n'avait en particulier pas traité celui portant sur le renseignement erroné concernant l'éligibilité de la formation B______, ce qui l'empêchait de comprendre entièrement les motifs de la décision.

Le refus semblait disproportionné, dans la mesure où il ne tenait pas compte de son potentiel de réintégration dans le marché du travail grâce à la formation proposée et des coûts à long terme pour l'État de son maintien dans la précarité.

Le SBPE avait violé le principe de la bonne foi. Avant son inscription au bachelor proposé par la B______, un employé du SBPE lui avait confirmé l'éligibilité de cette formation à une bourse. Ce renseignement avait été le fondement de son inscription et de sa décision d'engager des frais considérables de CHF 20'000.- pour la première année d'études. Il avait ainsi pris des dispositions importantes, auxquelles il ne pouvait renoncer sans subir un préjudice important, à savoir l'endettement et le sacrifice d'autres opportunités éligibles à un soutien financier.

Il se trouvait dans la précarité. Selon la jurisprudence, si un étudiant se trouvait dans un cas de rigueur, la loi permettait de déroger aux dispositions légales d'octroi de prestation. Si, comme le soutenait le SBPE, les cas particuliers étaient tenus de répondre à toutes les conditions de formation requises, la notion de « cas particuliers » perdrait tout son sens. La nature de son diplôme était reconnue ; c'était la B______ qui ne l'était pas. La loi visait à prévenir les situations de précarité parmi les étudiants reprenant des études. Une interprétation stricte des situations évoquées dans les travaux préparatoires limiterait l'accès à l'aide nécessaire à ceux qui, comme lui, se retrouvaient dans des circonstances imprévues et préjudiciables.

b. Le SBPE a conclu au rejet du recours, persistant dans les termes de sa décision.

 

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que le fait qu'une profession se trouve ou non dans la liste du secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (ci-après : SEFRI) des formations règlementées ne permettait pas de déterminer si une profession et sa formation étaient reconnues. La B______ était un établissement reconnu au niveau fédéral pour sa formation au brevet fédéral de spécialiste en communication. Il était en revanche possible que le bachelor en digital marketing ne soit pas une formation reconnue. C'était pour cette raison qu'il invoquait un cas de rigueur. Pour le surplus, le SBPE avait déjà accordé des bourses à des personnes qu'il avait considérées comme des cas particuliers et qui étudiaient dans le privé.

Le recourant a produit un courriel du 20 juin 2024 d'un collaborateur du SEFRI, selon lequel le fait qu'une profession ne soit pas réglementée ne signifie pas que la profession n'est pas « reconnue », dans le sens où « elle n'existerait pas » ; il n'était simplement pas obligatoire, de par loi, d'avoir un diplôme spécifique pour l'exercer.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 28 al. 3 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 - LBPE - C 1 20).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de refus du SBPE d'accorder au recourant une bourse d'études.

3.             Sans y conclure formellement, le recourant sollicite l'audition du directeur du SBPE.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, le recourant estime que l'audition du directeur du SBPE serait nécessaire afin que ce dernier confirme que lors d'une conversation téléphonique du 5 mars 2024, il lui avait indiqué que dans l'attente d'un document de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), le SBPE avait pour habitude de verser la bourse à l'étudiant, en retenant toutefois le montant maximum que l'OCLPF pourrait verser à titre d'allocation de logement.

Or, le recourant ne tire aucun argument de cet allégué, et ce à juste titre. En effet, même à considérer que les déclarations du directeur du SBPE soient établies, il ne s'agirait que de déclarations générales sur une pratique du SBPE n'ayant, à défaut d'une promesse de l'autorité faite au recourant, aucun effet sur la situation de ce dernier. Dès lors, lesdites déclarations ne constituent pas un élément pertinent pour l’issue du litige. L'audition du directeur du SBPE n'apparaît donc pas nécessaire.

Par ailleurs, le recourant s'est vu offrir la possibilité de faire valoir ses arguments devant la chambre de céans. Il s'est ainsi exprimé de manière circonstanciée sur l'objet du litige et a produit les pièces auxquelles il s’est référé dans ses écritures. La chambre de céans dispose ainsi d'un dossier complet qui lui permet de statuer en connaissance de cause.

L'audition du directeur du SBPE ne sera donc pas ordonnée.

4.             Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu pour défaut de motivation de la décision querellée, le SBPE n'ayant pas répondu à son argument portant sur la fausseté des informations communiquées par le SBPE concernant l'éligibilité de la formation B______.

4.1 La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 6.5). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 4.1). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2).

4.2 La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2). Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d’un libre pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 61 LPA). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/915/2024 du 6 août 2024 consid. 5.4 et l'arrêt cité).

4.3 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

La question de l'opportunité ne se pose que lorsque l'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation. L'opportunité a en effet trait au choix entre plusieurs solutions offertes à l'autorité, toutes valables du point de vue juridique. Une erreur relative à l'opportunité d'une décision est donc de type politique : la décision est conforme au droit, mais ce n'est pas la plus pertinente. Lorsque l'autorité disposant d'un pouvoir d'appréciation choisit une solution s'écartant de la palette offerte par la loi ou ne respecte pas les principes constitutionnels, elle excède son pouvoir d'appréciation ou en abuse. Dans les deux cas, elle viole le droit. La question de l'excès ou de l'abus du pouvoir d'appréciation n'est donc pas une question d'opportunité, mais une question de droit (ATA/1168/2024 du 8 octobre 2024 consid. 3.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 316 n. 892 s.).

4.4 La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA).

Selon l'art. 18A LPA, la communication électronique entre les parties, les tiers et les autorités est admise (al. 1). Lorsque les parties et l’autorité utilisent la communication électronique, les exigences de la forme écrite et de la signature manuscrite posées par le droit cantonal ne s’appliquent pas (al. 5).

4.5 En l'espèce, le recourant a soulevé au stade de l'instruction de son opposition, dans un courriel adressé au SBPE, un grief portant sur la fausseté des informations communiquées par le SBPE concernant l'éligibilité de la formation B______. Il apparaît que, dans la décision querellée, le SBPE n'a pas pris position sur ce grief.

La question de savoir si l'autorité aurait dû le traiter, s'agissant d'un grief allégué tardivement et par courriel, et celle de savoir si celle-ci a violé le droit d'être entendu du recourant en l'ignorant pourront souffrir de demeurer indécises. En effet, même à retenir une violation du droit d'être entendu, celle-ci serait réparée devant la chambre de céans, celle-ci disposant du même pouvoir d’examen – portant sur les faits et le droit, à l’exclusion de l’opportunité (art. 61 al. 1 et 2 LPA) – que le SBPE, étant précisé que celui-ci ne statue pas en opportunité dans l'octroi des bourses. En outre, le recourant a pu faire valoir ses arguments devant la chambre de céans aussi efficacement que devant le SBPE et un renvoi à cette autorité aboutirait à un allongement inutile de la procédure. Pour le surplus, la décision indique de façon suffisamment claire les motifs au fond ayant conduit au rejet de la demande, si bien que le recourant ne saurait se plaindre de ne pas pouvoir se rendre compte de sa portée à son égard et de n'avoir pu recourir contre elle en connaissance de cause.

Par conséquent, le grief sera écarté.

5.             Le recourant se plaint de la violation du principe de célérité, le SBPE n'ayant pas statué sur son opposition dans le délai légal.

5.1 Selon l'art. 28 LBPE, les décisions prises en application de la LBPE peuvent faire l’objet d’une réclamation écrite auprès du SBPE (al. 1). Ce dernier statue sur la réclamation dans les 30 jours dès son dépôt (al. 2).

5.2 Dans sa jurisprudence en matière d'aide sociale, en particulier en lien avec l'art. 51 al. 2 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), qui prévoit que les décisions sur opposition doivent être rendues dans un délai de 60 jours, la chambre de céans considère que ce délai est un délai d'ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence, en particulier pas l'admission de l'opposition au fond, en cas de non‑respect de ce délai (ATA/1263/2024 du 29 octobre 2024 consid. 3.1 et l'arrêt cité).

5.3 Le principe de la bonne foi impose au justiciable d’entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l’autorité fasse diligence, que ce soit en l’invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié, car il serait contraire audit principe qu’il puisse valablement soulever ce grief devant l’autorité de recours alors qu’il n’a entrepris aucune démarche devant l’autorité afin de remédier à un manque de célérité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_477/2020 du 17 juillet 2020 consid. 3.1 ; ATA/762/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.1). En principe, lorsque l’autorité a rendu une décision, l’administré perd tout intérêt juridique à faire constater un éventuel retard à statuer (arrêts du Tribunal fédéral 2C_477/2020 du 17 juillet 2020 consid. 3.2 ; 2C_401/2018 du 17 septembre 2018 consid. 8.1).

5.4 En l'espèce, en statuant le 22 avril 2024 sur l'opposition formée par le recourant le 21 février 2024, le SBPE a tardé à rendre la décision attaquée au regard de l'art. 28 al. 2 LBPE, bien que l'intéressé l'ait invité à accélérer la procédure en lui demandant de rendre une décision avant le 12 avril 2024.

Toutefois, au même titre que le délai de 60 jours de l'art. 51 al. 2 LIASI, celui de 30 jours de l'art. 28 al. 2 LBPE est un délai d'ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence, en particulier pas l'admission de la réclamation au fond, en cas de non‑respect de ce délai. De plus, dès lors que le SBPE a rendu une décision, le recourant n’a plus d’intérêt à faire constater le retard à statuer, ce d'autant plus qu'il n'a pris aucune conclusion en ce sens et que la chambre de céans est liée par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 LPA).

La décision sur réclamation ne saurait ainsi être annulée en raison de la violation par le SBPE du principe de célérité.

6.             Le recourant allègue que le SBPE aurait abusé de son pouvoir d'appréciation et violé le principe de la proportionnalité en refusant de lui octroyer une bourse.

6.1 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

6.2 Le principe de la proportionnalité (art. 5 et 36 al. 3 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 146 I 157 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_92/2023 du 12 février 2024 consid. 4.3).

Cela étant, lorsqu'elle ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation, l'administration doit respecter les injonctions du législateur et la violation du principe de proportionnalité ne peut être invoquée (ATF 136 II 405 consid. 4.7 ; ATA/81/2020 du 28 janvier 2020 consid. 8b ; Thierry TANQUEREL, op.cit., n. 558).

6.3 Selon son art. 1, la LPBE règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation (al. 1). Le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus (al. 2 let. a) et aux personnes en formation elles-mêmes (al. 2 let. b).

La LPBE s’applique aux personnes en formation au sens de l'art. 4 al. 3 LBPE (art. 3 al. 1 LPBE), soit une personne qui suit une formation reconnue au sens de l’art. 11 et est régulièrement inscrite dans l'un des établissements de formation reconnus selon l’art. 12 LBPE (art. 4 al. 3 LBPE).

Des bourses et prêts peuvent être octroyés aux personnes qui remplissent les conditions des art. 11 à 17 LBPE (art. 10 LBPE).

6.4 L'art. 11 al. 1 LBPE dresse la liste des formations pouvant donner droit à des bourses.

Les travaux préparatoires relatifs au projet de loi 10’524 ayant conduit à l’adoption de la LBPE (exposé des motifs - MGC 2008-2009 XI/2, p. 14'907 ss, en particulier pp. 14'933-14'934) précisent à propos de l'art. 11 al. 1 LBPE que sont financées par des bourses les formations sanctionnées par les examens professionnels et professionnels supérieurs fédéraux, les écoles supérieures, les hautes écoles spécialisées et les universités jusqu'à l'obtention du baccalauréat universitaire, ainsi que les formations du secteur secondaire II qui permettent d'obtenir un diplôme de fin d'études gymnasiales ou un diplôme de fin d'études des écoles de culture générale. Sont également financés par une bourse la formation professionnelle initiale, le certificat fédéral de capacité et la maturité professionnelle.

6.5 L'art. 12 LBPE dresse la liste des établissements de formation reconnus. Parmi eux figurent les établissements de formation privés en Suisse et à l’étranger qui offrent des cours dans le cadre de professions ou de formations reconnues au plan fédéral, intercantonal ou cantonal, s’ils sont au bénéfice d’une autorisation (art. 12 al. 1 let. c LBPE). Les établissements de formation ne sont reconnus que s'ils délivrent un diplôme reconnu par le canton ou la Confédération (art. 12 al. 2 LBPE).

Les établissements privés de formation ne font pas partie des établissements de formation reconnus, à l'exception de ceux visés à l'al. 1 let. c et à l'al. 3 (MGC 2008‑2009 XI A).

6.6 En l’espèce, le recourant suit un bachelor « polycom en marketing management » au sein de la B______.

Cette formation ne correspond à aucune formation reconnue au sens de l'art. 11 al. 1 LBPE, ce que le recourant ne conteste plus. En outre, le diplôme professionnel délivré par l’établissement ne concerne pas une profession réglementée en Suisse, selon la liste établie par le SEFRI (https://www.becc.admin.ch/becc/public/bvz/
beruf/showAllActive, page consultée le 8 janvier 2025), ce qui empêche la reconnaissance de l'établissement au sens de l'art. 12 LBPE. Contrairement du reste à ce que prétend le recourant, le fait qu'une profession se trouve ou non dans la liste du SEFRI des formations réglementées permet de déterminer si une profession et sa formation sont reconnues au sens de la loi. Le courriel du 20 juin 2024 du SEFRI, dont se prévaut l'intéressé, n'exprime pas autre chose, le SEFRI indiquant seulement, d'une part que ce n'est pas parce qu'une profession n'est pas réglementée, et donc pas reconnue au sens de la loi, qu'elle n'existe pas et, d'autre part, que l'exercice de cette profession ne nécessite pas la possession d'un diplôme spécifique.

Par conséquent, le recourant ne remplissant pas toutes les conditions cumulatives nécessaires à l'octroi d'une bourse, le SBPE était fondé à refuser de lui en octroyer une.

Pour le surplus, aucun pouvoir d'appréciation n'est laissé à l'administration dans l'application des art. 11 et 12 LBPE. Dès lors, et dans la mesure où celle-ci doit respecter les injonctions du législateur en pareil cas, l'invocation du principe de proportionnalité ne permet pas, quel que soit l'argument soulevé, de pallier le non‑respect des conditions prévues par ces articles, en l'occurrence la nécessité que la formation suivie par le recourant fasse partie de celles prévues à l'art. 11 LBPE et que l'établissement de formation en cause soit reconnu. Il n'est ainsi pas nécessaire de prendre en compte les développements du recourant liés à la prétendue violation du principe de la proportionnalité.

Le grief sera en conséquence écarté.

7.             Le recourant se plaint d'une violation du principe de la bonne foi.

7.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1 ; 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 5.1).

7.2 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/1168/2024 du 8 octobre 2024 consid. 4.8 et l'arrêt cité).

Ainsi, lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Ainsi, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2).

7.3 En l'espèce, le recourant allègue qu'un membre du SBPE lui aurait confirmé oralement l'éligibilité de sa formation à une bourse, raison pour laquelle il se serait inscrit à cette formation. Le SBPE n'a ni confirmé ni contesté cette affirmation.

La preuve de celle-ci n'est pas aisée à apporter, puisque l'on ne saurait raisonnablement exiger du recourant qu'il soit en possession du nom de la personne qui lui aurait donné cette information, ce qui lui permettrait de solliciter son audition. Toutefois, sans connaître l'identité de cette dernière, la chambre de céans ne peut pas non plus requérir des renseignements auprès d'elle ou l'entendre. Dès lors, et dans la mesure où le recourant entend déduire un droit du renseignement qu'il dit avoir reçu, le fardeau de la preuve lui incombe.

Or, la chambre de céans ne saurait se fonder sur les seules déclarations du recourant pour tenir cette information pour établie, ce d'autant que celle-ci n'est confirmée par aucune autre pièce du dossier et que l'intéressé ne fournit aucune précision sur les circonstances dans lesquelles les assurances alléguées auraient été données. En outre, son affirmation paraît peu crédible, dès lors qu'il n'en a pas fait mention dans sa lettre de motivation jointe à sa requête ni dans son opposition et qu'il a soulevé cet argument tardivement, soit dans un courriel adressé au directeur du SBPE alors que son opposition était en cours de traitement. Dès lors, il doit supporter l'absence de preuve de son allégation et la chambre de céans considérera le fait allégué comme non établi.

Aucune violation du principe de la bonne foi ne peut ainsi être reprochée au SBPE.

Le grief sera donc écarté.

8.             Le recourant sollicite l'octroi d'une bourse pour « cas de rigueur ».

8.1 Selon l'art. 23 LBPE, intitulé « cas particuliers », lors de l'octroi des bourses et des prêts d'études, il est tenu compte des particularités que comportent les filières d'études en matière d'organisation dans le temps ou de contenu (al. 1). La bourse peut être complétée par un prêt lorsqu'une formation fortement structurée rend plus difficile l'exercice d'une activité professionnelle en parallèle. Il en va de même lorsque les frais de formation dépassent largement les frais reconnus (al. 2). Des bourses pour des cas de rigueur peuvent être octroyées dans les limites des disponibilités budgétaires (al. 3).

L'art. 16 RBPE précise que le service peut octroyer des bourses pour des cas de rigueur, en particulier pour les personnes en formation qui, pour des raisons familiales, personnelles ou de santé, se trouveraient dans une situation de précarité.

8.2 Selon les travaux préparatoires, s'agissant des cas particuliers relatifs à l'art. 23 al. 3 LBPE, il est nécessaire de prévoir un régime particulier pour les personnes en formation qui se trouvent dans des situations difficiles, notamment en raison du refus des parents de prendre en charge les frais de formation ou en cas de reprise d'une formation après des années consacrées à l'entretien de personnes à charge (MGC 2008-2009 XI/2, p. 14'941 ; ATA/610/2020 du 23 juin 2020 consid. 7b).

8.3 Dans un arrêt de 2024, la chambre de céans a précisé que l'art. 23 al. 3 LBPE ne visait pas les personnes en dehors du cercle des bénéficiaires, mais avait uniquement trait aux circonstances exceptionnelles subjectives aux bénéficiaires. (ATA/1355/2024 du 19 novembre 2024 consid. 3.9).

8.4 En l'espèce, le SBPE a refusé d'octroyer au recourant une bourse pour « cas de rigueur », celui-ci n'étant pas une personne en formation selon le cadre légal.

Le recourant soutient, pour sa part, que lorsqu'un étudiant se trouve comme lui dans un cas de rigueur, la loi permettrait de déroger aux dispositions légales d'octroi de prestations, quand bien même l'étudiant ne répondrait pas à toutes les conditions de formation requises.

Or, comme l'a déjà retenu la chambre de céans, l'art. 23 al. 3 LBPE ne vise pas les personnes en dehors du cercle des bénéficiaires, mais a uniquement trait aux circonstances exceptionnelles subjectives relatives aux bénéficiaires. Dès lors, pour bénéficier d'une bourse pour cas de rigueur, le requérant doit impérativement et avant tout être une personne en formation au sens de la LPBE, ce qui ressort d'ailleurs des art. 3 al. 1 LPBE et 16 RBPE. Or, en l'occurrence, le recourant ne remplit ni la condition de l'art. 11 LBPE, ni celle de l'art. 12 LBPE. Par conséquent, il n'est pas une personne en formation au sens de la LBPE et ne saurait ainsi bénéficier d'une bourse pour « cas de rigueur », quelle que soit sa situation financière.

Ce qui précède rend sans objet la question de savoir si d'autres situations personnelles que celles mentionnées dans les travaux préparatoires peuvent conduire à l'octroi d'une bourse pour cas de rigueur, puisque le recourant n'est de toute façon pas une personne en formation au sens de la LBPE. En outre, le fait que le SBPE ait déjà accordé des bourses à des personnes qu'il avait considérées comme des cas particuliers et qui étudiaient dans le privé est sans pertinence, puisqu'il n'est pas contesté que l'art. 12 LBPE n'exclut pas la reconnaissance d'établissements de formation privés, sous réserve toutefois du respect par l'établissement privé de certaines conditions qui ne sont, comme exposé, en l'occurrence pas remplies.

Le grief sera donc écarté, ce qui conduit au rejet du recours.

9.             Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument, la procédure étant gratuite (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 mai 2024 par A______ contre la décision du service des bourses et prets d'etudes du 22 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :