Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1451/2024 du 10.12.2024 sur JTAPI/865/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2466/2024-PE ATA/1451/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 10 décembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Vadim NEGRESCU, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2024 (JTAPI/865/2024)
A. a. Par décision du 25 juin 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de faire droit à la demande d’autorisation de séjour pour études de A______, né le ______ 2001, ressortissant colombien, arrivé à Genève le 20 février 2024, et a prononcé son renvoi de Suisse.
Si B______, sa marraine, se portait garante pour subvenir financièrement aux besoins de l’étudiant, il n’avait notamment pas démontré qu’il disposait d’un logement.
La décision a été adressée à l’intéressé « chez B______ », 31, chemin C______ à D______.
b. Par acte du 19 juillet 2024, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée.
Sur l’acte de recours, il a mentionné comme adresse 11, chemin E______ à F______. Il n’était pas mentionné « chez B______ ».
c. Par lettre du 25 juillet 2024, envoyée sous pli recommandé à l’adresse de F______, le TAPI lui a imparti un délai au 26 août 2024 pour procéder au versement d’une avance de frais d’un montant de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité de son recours. Il n’était pas mentionné « chez B______ ».
d. La lettre a été retournée par la poste avec la mention « le destinataire est introuvable à cette adresse ».
e. Par jugement du 30 août 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable. La demande de paiement de l’avance de frais avait été correctement acheminée, par courrier recommandé, à l’adresse du recourant laquelle correspondait à celle mentionnée dans l’acte de recours. Elle avait donc été notifiée de manière régulière. La partie recourante était réputée en avoir pris connaissance. L’avance de frais n’avait pas été effectuée, et rien ne permettait de retenir que A______ avait été victime d’un empêchement non fautif de s’en acquitter en temps utile.
B. a. Par acte du 3 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à ce que son recours au TAPI soit déclaré recevable.
Il n’avait pas reçu le courrier recommandé du 25 juillet 2024. Le jugement querellé ne précisait pas à quelle adresse le courrier avait été envoyé et ne faisait pas mention du numéro de suivi de la correspondance. Il avait déménagé de D______ à F______. Il avait fait procéder à un réacheminement de son courrier depuis son ancienne adresse et produisait des photos de sa nouvelle boîte aux lettres. Il avait été très attentif à son courrier et avait été vérifier à son ancienne adresse afin de ne rien manquer. Il détaillait ses projets notamment sa motivation pour rejoindre la Haute École d’Art et de Design. Il espérait pouvoir poursuivre ses études en Suisse.
Il produisait notamment des photographies de sa boîte aux lettres, comprenant l’inscription de son nom.
b. L’OCPM n’a pas souhaité se déterminer s’agissant d’une problématique d’avance de frais.
c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
d. Par courrier du 29 novembre 2024, un avocat a précisé, pour le compte du recourant, que le 3 juin 2024, G______ et B______ qui hébergeaient l’intéressé, avaient annoncé leur déménagement à l’adresse de F______ à la poste. Le courrier « domicilié c/o » devait en conséquence également être détourné. Le recourant avait donc pris toutes les mesures nécessaires. Il produisait l’avis de réexpédition de la poste.
Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI déclarant le recours irrecevable en l’absence du paiement de l’avance de frais dans le délai échéant le 26 août 2024.
2.1 L’exigence de l’avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d’organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).
En vertu de l’art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).
À rigueur de texte, l’art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l’al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d’appréciation à l’autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c).
2.2 Selon la jurisprudence constante, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020 ; ATA/38/2020 du 14 janvier 2020 ; ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées).
2.3 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).
Il n’y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d’une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2). La gravité des conséquences d’un retard dans le paiement de l’avance sur la situation du recourant n’est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2).
2.4 Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1re phrase). Lorsque l’adresse du destinataire est inconnue, la notification a lieu par publication (art. 46 al. 4 1re phrase).
Lorsque l’autorité de recours notifie une décision à l’adresse indiquée par un recourant, qui connaissait l’existence de la procédure pour l’avoir initiée par son recours, le délai de paiement de l’avance de frais est imparti conformément aux règles légales et principes jurisprudentiels (ATA/475/2016 du 7 juin 2016 consid. 4).
En cas de changement d’adresse durant la procédure, il appartient à l’administré d’informer l’administration ou l’autorité de recours (ATA/605/2024 du 16 mai 2024 consid. 4 ; ATA/367/2014 du 20 mai 2014 consid. 2).
Dès lors qu’un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d’avertir l’autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3).
2.5 En l’espèce, le courrier recommandé du TAPI a été adressé au recourant le 25 juillet 2024 à l’adresse qu’il avait mentionnée dans son acte de recours du 17 juillet 2024. Il invoque devant la chambre de céans une possible erreur d’adressage par le TAPI. Tel n’est toutefois pas le cas puisque ladite juridiction a tenu compte du déménagement de l’intéressé et lui a communiqué le pli à l’adresse souhaitée.
Il ressort toutefois du suivi des envois que la distribution du courrier a eu lieu le 26 juillet 2024. Le courrier étant revenu au TAPI avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse », il est établi que, conformément à ce que soutient le recourant, il n’a pas reçu le pli recommandé.
Se pose la question d’un éventuel cas de force majeure ayant empêché le recourant de s’acquitter de l’avance de frais dans le délai imparti. En l’occurrence, il ressort du dossier de l’OCPM une « attestation d’entrée du sous‑locataire » à teneur de laquelle le recourant a déménagé à F______ le 1er septembre 2024. L’importance de la véracité des déclarations y est expressément rappelée. En conséquence, l’intéressé n’était pas domicilié à F______ au moment où il a fourni au TAPI cette adresse, ni au moment où la poste a voulu lui notifier le courrier recommandé. La production d’une invitation à retirer un envoi jusqu’au 10 septembre 2024 à F______ est sans pertinence pour l’issue du litige compte tenu de la date bien postérieure aux faits pertinents, à l’instar des photos dont on ignore quand elles ont été prises. Si certes le recourant prouve que ses sous-bailleresses avaient sollicité la réexpédition de leur courrier dès le 3 juin 2024 à l’adresse de F______, il n’a pas fait mention, ni dans son recours, ni d’ailleurs sur le curriculum vitae produit à la même date, qu’il serait encore, à cette époque, domicilié chez quelqu’un, sans avoir son propre domicile, étant rappelé que cet élément était retenu en sa défaveur dans la décision querellée. L’administré n’a dès lors pas pris toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui allaient immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il ne peut se prévaloir de l’art. 16 al. 1 LPA.
L’adresse du recourant étant connue, l’art. 46 al. 4 LPA sur la notification par publication ne trouvait pas application.
En l’absence de paiement du montant de l’avance de frais dans le délai bien que le recourant en ait été averti de façon conforme aux exigences légales et jurisprudentielles, le jugement du TAPI est fondé. Le recours sera rejeté.
3. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Vadim NEGRESCU, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
E. McGREGOR |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.