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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2653/2023

ATA/1437/2024 du 10.12.2024 sur JTAPI/2/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2653/2023-PE ATA/1437/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Butrint Ajredini, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 janvier 2024 (JTAPI/2/2024)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissant turc né le ______ 1982, est arrivé en Suisse le 30 novembre 2001.

Son frère, B______, ainsi que les deux enfants de ce dernier, nés en 2013 et 2008, vivent à Genève.

b. Le 11 janvier 2002, il a obtenu une autorisation de séjour pour études, régulièrement renouvelée jusqu’en juillet 2004.

Par décision du 6 juillet 2005, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de renouveler son autorisation de séjour pour études et a prononcé son renvoi de Suisse.

c. Le 22 janvier 2007, il a épousé à Genève une ressortissante française, C______, titulaire d'une autorisation de séjour en Suisse. Il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, renouvelée jusqu'au 31 août 2010.

Les époux se sont séparés le 1er janvier 2010. C______ est décédée le 13 mai 2013.

d. Le 3 octobre 2014, il a été condamné à une peine pécuniaire de soixante jours‑amende, avec sursis pendant trois ans, et une amende de CHF 500.- pour conduite d'un véhicule non couvert par l'assurance-responsabilité civile et non‑restitution de permis ou de plaques, ainsi qu'à une amende de CHF 200.- pour infraction à l'art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

e. Par décision du 9 mars 2016, l'OCPM a refusé de renouveler son autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 26 avril 2016 pour quitter le territoire.

Au vu des éléments au dossier, l’intéressé abusait de son droit d'obtenir une autorisation de séjour. Il était séparé de son épouse depuis le mois de janvier 2010. Cette dernière avait quitté la Suisse à une date indéterminée pour s’établir en France et était depuis lors décédée. L’union conjugale avait duré moins de trois ans et son retour en Turquie était envisageable. Dans la mesure où il était retourné trois années consécutives dans son pays d’origine pour une durée de quatre semaines complètes, il y avait lieu de supposer qu'il entretenait des rapports étroits avec certaines personnes de son entourage turc. L’exécution de son renvoi paraissait possible, licite et raisonnablement exigible.

Par jugement du 7 novembre 2016 (JTAPI/1141/2016), entré en force, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a rejeté le recours interjeté par A______ contre la décision précitée, considérant qu'aucune raison personnelle majeure ne justifiait le maintien de son autorisation de séjour.

Par courrier du 31 janvier 2017, l’OCPM lui a imparti un nouveau délai au 7 mars 2017 pour quitter la Suisse.

B. a. Le 29 mars 2017, A______ a sollicité la régularisation de ses conditions de séjour sous l’angle de l’opération « Papyrus ».

b. Le 15 mai 2017, l’OCPM lui a fait savoir qu’il n’était pas éligible à ladite opération.

c. Le 30 janvier 2018, la police a procédé à l'exécution du renvoi de A______ en Turquie.

d. Le 7 novembre 2019, ce dernier a saisi l’OCPM d’une nouvelle demande d’autorisation de séjour en application des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

e. Par décision du 12 août 2021, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 12 octobre 2021 pour quitter la Suisse.

f. Par jugement du 2 mai 2022 (JTAPI/443/2022), le TAPI a rejeté le recours interjeté par A______ contre la décision précitée. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) du 23 août 2022 (ATA/844/2022).

g. Par courrier du 10 novembre 2022, l’OCPM lui a imparti un nouveau délai au 31 janvier 2023 pour quitter la Suisse.

C. a. Le 30 janvier 2023, A______ a demandé la reconsidération de la décision du 12 août 2021. Il vivait auprès de son père, D______, ressortissant suisse, et s’occupait de lui en qualité de proche-aidant en effectuant ses courses, son ménage et en l’accompagnant à ses divers rendez-vous médicaux. Son frère, B______, résidait également à Genève au bénéfice d’un permis d’établissement.

À l’appui de sa demande, il a produit un contrat de travail, des fiches de salaire, une attestation de l’Hospice général et un extrait de casier judiciaire.

b. Par courrier du 21 mars 2023, l’OCPM lui a fait part de son intention de refuser d’accéder à sa requête de reconsidération, lui impartissant un délai de trente jours pour exercer son droit d’être entendu.

Les éléments invoqués constituaient des faits nouveaux au sens de l’art. 48 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) devant être pris en considération dans l’examen de sa situation actuelle, de sorte qu’il acceptait d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

Au fond, A______ ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. L’identité de son père, telle qu’indiquée, était inconnue du registre de la population. En conséquence, ni le statut ni le lien de parenté n’avaient été justifiés. Par ailleurs, quand bien même ces éléments seraient démontrés, soit que son père vivait effectivement à Genève et qu’il serait de nationalité suisse, ce dernier pourrait bénéficier de toutes les aides médicales et d’accompagnement nécessaires dans sa prise en charge quotidienne. De plus, le frère allégué, dont le lien de parenté n’avait pas non plus été justifié, étant déjà domicilié à Genève et au bénéfice d’une autorisation d’établissement valable, serait à même d’apporter le soutien nécessaire à son père.

c. Le 24 avril 2023, A______ a exercé son droit d’être entendu. Son frère travaillait à temps plein, comme l’épouse de ce dernier, et avait deux enfants à charge, scolarisés à Genève. Il n’était donc pas en mesure de s’occuper de leur père, âgé de 70 ans et qui ne parlait que très peu le français.

Il a produit des lettres de soutien de connaissances.

d. Par décision du 21 juin 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM est entré en matière sur la demande de reconsidération, mais a refusé de reconsidérer la décision du 12 août 2021. A______ devait par conséquent se conformer sans délai à la décision de renvoi entrée en force.

L’état de santé de son père n’avait jamais été invoqué tout au long de son séjour en Suisse lors de ses diverses demandes et aucun certificat médical n’avait été fourni. De plus, le lien de filiation n’était pas établi à satisfaction, l’acte de naissance ne comportant pas l’apostille de la convention de La Haye. Par ailleurs, quand bien même ces éléments seraient démontrés, le père de l’intéressé pouvait bénéficier de toutes les aides médicales et mesures d’accompagnement nécessaires dans sa prise en charge quotidienne par les différents organismes genevois ainsi que par son autre fils, même si ce n’était que de manière sporadique. A______ avait également la possibilité d’obtenir des visas pour visite familiale. Enfin, la question de son retour et de sa réintégration dans son pays d’origine avait déjà été débattue à maintes reprises lors des différentes décisions et systématiquement confirmée par les différentes instances judiciaires. L’intéressé ne remplissait ainsi pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité.

D. a. Par acte du 24 août 2023, A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision précitée.

En cas d’expulsion, il risquait de perdre son emploi et de se retrouver seul en Turquie, pays dans lequel il ne vivait plus depuis son arrivée en Suisse en 2002. Il était ainsi manifeste que ses intérêts privés devaient primer l’intérêt public lié à son expulsion immédiate de Suisse. Cela était d’autant plus vrai qu’il s’occupait de son père gravement atteint dans sa santé et qu’il ne pouvait, du jour au lendemain, mettre en place les aides médicales et mesures d’accompagnement nécessaires dans sa prise en charge.

Sur le fond, il remplissait les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, vu notamment sa très longue durée de séjour en Suisse.

b. Par jugement du 3 janvier 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Le seul fait nouveau ayant justifié l'entrée en matière de l'OCPM était que le recourant vivait chez son père, ressortissant suisse, et qu'il s'occupait de lui en qualité de proche aidant en effectuant ses courses, son ménage et en l'accompagnant à ses rendez-vous médicaux. Les conditions restrictives de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) n'étaient toutefois pas réunies. Il n’avait pas produit de pièces probantes, telles qu'un certificat médical, confirmant le mauvais état de santé de son père, dont le statut et la présence en Suisse n’étaient aucunement établis. De la même manière, il n’avait pas démontré que celui-ci ne pourrait plus vivre de manière indépendante et nécessiterait une assistance constante dans ses tâches quotidiennes qu'il serait seul en mesure de lui prodiguer. En effet, se limitant à alléguer que son frère, vivant à Genève, était en incapacité d'apporter toute aide à leur père, le recourant ne fournissait, une nouvelle fois, aucun élément pour corroborer cela. Partant, il n'avait pas démontré que son père se trouvait dans un état de dépendance à son égard, tel que défini par la jurisprudence relative à l'art. 8 CEDH.

E. a. Par acte du 5 février 2024, A______ a formé recours devant la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation. À titre préalable, il a sollicité l’octroi de l’effet suspensif, ainsi que son audition et celle de son frère et de son père.

Le TAPI avait violé son droit d’être entendu en écartant ses demandes d’audition de témoins. Son frère et son père auraient pu témoigner sur le rapport de dépendance qui le liait à son père.

Son père, de nationalité suisse âgé de 70 ans, était gravement atteint dans sa santé. Il ne parlait que très peu le français et sollicitait constamment la présence de son fils pour lui venir en aide pour préparer à manger, lui faire des courses et l’accompagner à ses rendez-vous. De nature pudique, il ne souhaitait pas que quelqu’un d’autre lui vienne en aide. Son frère, B______, travaillait à plein temps, comme son épouse, et avait deux enfants en bas âge.

La juridiction précédente avait violé le droit en n’entrant pas en matière sur les critères d’un cas individuel d’extrême gravité. Bien qu’il ait rencontré des difficultés passagères, les dettes figurant sur son extrait des poursuites devaient être relativisées puisqu’il s’agissait en réalité d’une seule et même dette de CHF 23'996.20. Il n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale et ne faisait l’objet d’aucune condamnation pénale. Il avait des attaches familiales en Suisse, où vivaient son père et son frère. Il avait également tissé un important réseau de connaissances et d’amitiés.

b. Par réponse du 13 février 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Par décision du 16 février 2024, la chambre administrative a rejeté la demande de mesures provisionnelles.

d. Le 17 juin 2024, A______ a produit des nouvelles pièces, soit un contrat de travail du 30 avril 2024 pour un emploi à plein temps dans un restaurant à compter du 1er mai 2024, un accord de paiement avec un créancier et une proposition d’assurance maladie.

e. Le 22 août 2024, il a produit les preuves de versements en faveur du créancier.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le recourant sollicite à titre préalable la comparution personnelle des parties et l’audition de deux témoins. Il se plaint par ailleurs que le TAPI n’a pas donné suite à ses demandes d’audition.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; 2C_236/2019 du 4 juillet 2019 consid. 5.2 ; ATA/484/2020 du 19 mai 2020 consid. 2a et les arrêts cités).

Le droit d’être entendu n’implique pas le droit d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant, qui ne dispose pas du droit à être entendu oralement, a pu exposer son point de vue par écrit dans le cadre de la procédure de recours, tant devant le TAPI que devant la chambre administrative. Il a par ailleurs pu produire les pièces à l’appui de sa position. Comme on le verra, le litige porte uniquement sur la question de savoir si le père du recourant se trouve dans un état de dépendance à l’égard du recourant. Or, la preuve de cet élément, en particulier l’état de santé de l’intéressé, doit reposer sur des pièces médicales écrites. Les déclarations orales du recourant et l’audition des deux membres de sa famille – qui ne pourraient être entendus qu’à titre de renseignement au vu des liens de parenté avec le recourant – ne permettraient pas de démontrer à satisfaction la véracité de ses allégations quant à l’état de santé de son père, en l’absence de pièce écrite.

Par conséquent, il ne sera pas fait droit aux demandes d’actes d’instruction. Pour les mêmes motifs, le TAPI n’a pas violé le droit d’être entendu du recourant en rejetant ses offres de preuve.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l’OCPM, confirmé par le TAPI, de reconsidérer la décision du 12 août 2021 par laquelle il a refusé de préaviser favorablement son dossier auprès du SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour.

3.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr – F 2 10, a contrarioATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

3.2 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

3.3 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a).

3.4 Lorsque l'autorité saisie d'une demande de réexamen entre en matière et rend une nouvelle décision au fond, cette dernière peut faire l'objet d'un recours pour des motifs de fond. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non pas la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_555/2015 du 21 décembre 2015 ; 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 ; 2C_1/2015 du 13 février 2015 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1 et les références citées).  

3.5 En l'occurrence, l’OCPM est entré en matière sur la demande de reconsidération, considérant que les éléments invoqués par le recourant, soit le fait qu’il vivait auprès de son père, ressortissant suisse, et qu’il s’occupait de lui en qualité de proche aidant en effectuant ses courses, son ménage et en l’accompagnant à ses rendez-vous médicaux, constituaient des faits nouveaux. Dans une telle situation, le recourant doit se limiter à critiquer l'acte attaqué, en l'occurrence le jugement du TAPI du 3 janvier 2024, confirmant la décision de l’OCPM du 21 juin 2023, et ne peut pas remettre en cause la décision initiale, à savoir celle de l’OCPM du 12 août 2021. La chambre de céans n’examinera donc pas les critiques du recourant se rapportant à cette décision, confirmée par le TAPI et la chambre administrative, en particulier lorsqu’il cherche à démontrer qu’il remplit les critères d’un cas individuel d’extrême gravité, compte tenu de la durée de sa présence en Suisse et de son intégration. Le litige consiste ainsi uniquement à examiner si l’éventuel état de dépendance de son père envers lui est susceptible de conduire à un résultat juridique différent de celui résultant des décisions précédentes.

4.             La question se pose donc de savoir si le recourant peut se prévaloir d’un droit au regroupement familial déduit de l’art. 8 CEDH en raison de la dépendance de son père à son égard.

4.1 Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1).

Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 144 II 1 consid. 6.1 ; 140 I 77 consid. 5.2 ; 139 II 393 consid. 5.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut exceptionnellement se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 144 II 1 consid. 6.1 ; 129 II 11 consid. 2).

Lorsque ce n'est pas la personne qui demande le regroupement familial, mais le proche parent au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse qui est atteint d'une maladie ou d'un handicap important le rendant dépendant d'une aide extérieure, le Tribunal fédéral a admis exceptionnellement que l'étranger pouvait également se prévaloir de l'art. 8 CEDH, à condition qu'il existe un lien de dépendance particulier entre lui et ledit proche atteint dans cet état de santé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1; 2C_477/2017 du 2 juin 2017 consid. 3.2; 2C_253/2010 du 18 juillet 2011 consid. 1.5). Dans ces situations, l'élément déterminant tient dans l'absolue nécessité pour l'étranger de demeurer en Suisse, afin d'assister son proche parent qui, à défaut d'un tel soutien, ne pourrait pas faire face autrement aux problèmes imputables à son état de santé (ATF 129 II 11 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_471/2019 du 25 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 4.1; 2C_369/215 du 22 novembre 2015 consid. 4.1).

La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'existence d'un rapport de dépendance entre parents et enfants majeurs dépend étroitement des circonstances. Un rapport de dépendance psychologique a par exemple été admis dans un cas où l'assistance d'un père étranger envers sa fille de nationalité suisse, devenue majeure en cours de procédure et souffrant de troubles graves du comportement, avait été considérée comme particulièrement bénéfique et ne pouvait être fournie que par l'intéressé, en l'absence d'autre soutien familial (arrêt du Tribunal fédéral 2C_942/2010 du 27 avril 2011 consid. 2.4). En revanche, des difficultés économiques ou d'autres problèmes d'organisation ne rendent en principe pas irremplaçable l'assistance de proches parents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_817/2010 du 24 mars 2011 et les références citées).

4.2 En l’occurrence, le recourant se contente d’alléguer qu’il assume le rôle de proche aidant envers son père, lequel serait « gravement atteint dans sa santé ». Il n’a toutefois étayé cet allégué par aucune pièce médicale, ni même expliqué la nature de son atteinte à la santé. C’est le lieu de rappeler, comme l’a fait la juridiction précédente, que le statut et la présence en Suisse de son père ne sont aucunement établis. S’ajoute à cela qu’il n’est nullement démontré que le recourant serait la seule personne en mesure d’assumer un soutien, soit en particulier une présence et un accompagnement pour les besoins quotidiens. Le fait que son père soit de nature « pudique » et qu’il préfère le soutien de son fils ne suffit à l’évidence pas pour retenir que la présence du recourant revêt le caractère d’une absolue nécessité au sens de la jurisprudence citée. Il sera d’ailleurs rappelé que les membres de sa famille vivant à Genève, en particulier son frère et le fils aîné de ce dernier, âgé de 16 ans, peuvent également lui apporter du soutien. La chambre de céans relève, enfin, que le recourant a indiqué qu’il exerçait une activité lucrative à Genève, ce qui signifie que son père ne semble pas requérir une surveillance de tous les instants que seul ce dernier serait à même de lui fournir.

Les conditions restrictives de l’art. 8 CEDH n’étant pas réunies, le recourant ne peut en déduire aucun droit à une autorisation de séjour.

5.             Enfin, étant dénué d’un titre de séjour, le prononcé de son renvoi n’en est que la conséquence légale. Son renvoi ne parait pas illicite, impossible ou raisonnablement inexigible (art. 83 al. 1 LEI), ce que le recourant ne soutient d’ailleurs pas.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge de
A______ qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

*******

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 février 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Butrint Ajredini, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Joanna JODRY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.