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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2284/2024

ATA/1225/2024 du 17.10.2024 ( ANIM ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2284/2024-ANIM ATA/1225/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 17 octobre 2024

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourantes
représentées par Me Barnabas DENES, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET
DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé

C______ appelée en cause
représentée par Me Raphaëlle NICOLET, avocate



Vu, en fait, la décision du 24 mai 2024 adressée par le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) à D______, responsable du C______ (ci-après : C______), l’informant qu’il remettait la jument nommée E______, pur-sang arabe, née le ______ 2017, au C______, qu’il procédait à la notification du transfert de propriété auprès du gestionnaire de la banque de données sur le trafic des animaux et que la décision était immédiatement exécutoire ; que la décision expose que l’équidé a été retiré à sa propriétaire pour abandon passif ;

vu le recours interjeté le 3 juillet 2024 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice par A______ (ci-après : A______) et B______, associée gérante de A______, contre cette décision, dont elles ont demandé l’annulation ; qu’elles ont conclu, principalement, à la restitution de l’équidé à A______ et d’ordonner à D______, respectivement au C______, d’annuler le transfert de propriété auprès du gestionnaire de la banque de données précité ; préalablement, elles ont requis une audience de conciliation et la production de l’intégralité du dossier ;

qu’elles ont également requis la restitution de l’effet suspensif, l’appel en cause de D______ et du C______, l’interdiction de vendre, mettre en gage, transférer ou aliéner le cheval en question et qu’il soit dit que celui-ci sera détenu, durant la procédure, par l’écurie de G______, sous la responsabilité des recourantes ;

que F______ avait acquis la jument en 2018 et confié le travail de la débourrer à B______ ; que par contrat du 11 mai 2020, l’animal avait été placé en pension auprès de A______, pour un montant mensuel de CHF 1'300.-, le contrat prévoyant un droit de rétention pour toute créance impayée ; qu’à compter de début 2023, la propriétaire avait accumulé du retard dans le paiement de la pension et n’avait finalement plus acquitté aucune facture depuis décembre 2023 et avait coupé tout contact avec A______ ; que B______ avait pris contact avec la présidente de l’association exploitant le C______ en vue de savoir comment procéder ; que celle-ci lui avait conseillé de signaler la situation au SCAV ; que par la suite, elle avait appris l’intention du SCAV de prononcer un séquestre du cheval, mais n’avait pas pu obtenir plus d’information, le SCAV lui opposant le secret de fonction ; que, malgré l’opposition de B______ à l’enlèvement du cheval, le SCAV y avait procédé ;

que les recourantes disposaient d’un intérêt juridique au recours, dès lors qu’elles étaient titulaires d’un droit de rétention et d’un intérêt de fait, vu la relation fusionnelle développée par B______ avec la jument ; qu’elles avaient la responsabilité de l’animal à l’égard de la propriétaire ; que le C______ étant destinataire de la décision, il convenait de l’appeler en cause ; qu’il n’y avait aucune urgence justifiant le retrait de l’effet suspensif, l’animal étant correctement pris en charge par les recourantes ; qu’au contraire, le bien-être de celui-ci justifiait de le replacer au manège de G______ ;

que le droit d’être entendues des recourantes avait été violé ; qu’aucune base légale n’autorisait le retrait de l’animal et sa remise au C______, étant rappelé qu’il était détenu par les recourantes dans des conditions irréprochables ; que l’animal ne pouvait être vendu avant de faire l’objet d’un séquestre définitif ; que la décision violait le droit de rétention des recourantes, les principes de la proportionnalité, de l’interdiction de l’abus de droit et de la bonne foi ainsi que leur liberté économique ;

que le SCAV a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles ; que le transfert de propriété avait été exécuté le 24 mai 2024 et inscrit dans la banque de données le 3 juin 2024, de sorte que l’effet suspensif ne pouvait être restitué ;

que dans leur réplique sur effet suspensif, les recourantes ont relevé que la décision avait été déclarée exécutoire sans aucune motivation, et qu’aucun motif n’était avancé par le SCAV dans sa réponse ; qu’en revanche, il était urgent que l’animal soit replacé dans son milieu habituel ; qu’aucun intérêt public ne justifiait le caractère exécutoire de la décision ;

que, par décision du 19 août 2024, la chambre administrative a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif et celle visant à ordonner, sur mesures provisionnelles, le transfert de la jument à A______ et a ordonné l’appel en cause du C______ afin qu’il se détermine sur les mesures provisionnelles requises ; qu’elle a retenu que les recourantes qui bénéficiaient d’un droit de rétention sur le cheval, semblaient, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, disposer d’un intérêt juridiquement protégé à contester la décision ordonnant le transfert du cheval ; que celui-ci ayant déjà eu lieu, leur requête devait être interprétée comme une requête en mesures provisionnelles ; que les mesures provisionnelles ne pouvaient, en principe, anticiper le jugement à venir, de sorte qu’a priori les recourantes ne pouvaient, sur mesures provisionnelles, se voir octroyer ce qu’elles réclamaient au fond, notamment se voir confier la détention de la jument ; qu’il ressortait de la décision querellée que le cheval avait été retiré à sa propriétaire pour abandon passif, par décision séparée rendue le même jour ; que la décision attaquée se limitait à prendre les dispositions nécessaires pour la sauvegarde du cheval à la suite de son séquestre ; que l’intérêt de l’animal à être confié à un organisme, dont le but est en particulier la protection des équidés et l’accueil des chevaux séquestrés (https://www.G______) était important ; que le C______, contrairement aux recourantes, ne poursuivait pas un but lucratif, mais de nature idéale ; qu’il ne paraissait pas dans l’intérêt de l’animal, qui séjournait depuis le 24 mai 2024 au C______, de lui imposer un nouveau changement de lieu, pendant la durée de la présente procédure, en l’exposant au risque, en cas d’issue défavorable du recours, de devoir à nouveau subir un changement de lieu de villégiature ; qu’ainsi, le requête, en tant qu’elle tend au changement de lieu de détention de l’animal, sera rejetée ;

que se posait encore la question de savoir s’il pouvait à titre provisionnel être fait interdiction au C______ de disposer de la propriété du cheval ; que le transfert de propriété en faveur du C______ avait eu lieu le 3 juin 2024, date à laquelle il avait été inscrit dans la banque de données sur le trafic des animaux (ci-après : BDTA), en application de l’ordonnance relative à IDENTITAS SA et à la BDTA du 3 novembre 2021 (OId-BDTA ; 916.404.1) ; que cette banque de données était gérée par IDENTITAS SA, organisme avec lequel l’Office fédéral de l’agriculture avait conclu une convention de prestations pour les tâches concernant la BDTA (art. 6 OId-BDTA) ; qu’il appartenait au propriétaire d’informer IDENTITAS SA d’un changement de propriétaire (art. 19 al. 1 OId-BDTA ; art. 15e al. 1 let. e Ordonnance sur les épizooties du 27 juin 1995 - RS 916.401) ; qu’au vu de ces éléments, seul le C______, propriétaire de l’équidé en question, pouvait en disposer ; qu’il convenait ainsi, avant de statuer sur le fondement d’une éventuelle restriction du droit de propriété du C______ pendant la durée de la procédure, de l’interpeller sur ce point, de sorte qu’il convenait de l’appeler en cause ;

que se déterminant sur les mesures provisionnelles visant à restreindre le droit du C______ de disposer de l’animal, celui-ci a souligné que le but de l’association visait, notamment le bien-être des chevaux ; que ses statuts prévoyaient qu’en cas de litige, l’animal restait au C______ ; qu’il n’avait ainsi entamé aucune démarche pour trouver à celui-ci une « famille d’accueil » ; qu’il n’existait ainsi aucun péril en la demeure, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de limiter son droit de propriété sur le cheval ; que, pour le surplus, les autres mesures provisionnelles requises devaient également être rejetées ;

que les recourantes ont répliqué à cette écriture, relevant que le C______ acquiesçait de fait à leurs conclusions dès lors qu’il indiquait expressément n’avoir aucune intention de vendre, céder, déplacer ou transférer l’équidé avant l’issue de la procédure ; qu’elles ont, par ailleurs, demandé qu’il soit revenu sur la décision du 19 août 2024 rejetant sa requête visant le retour de l’animal à l’A______ ; que le fait que le C______ expliquait qu’à terme, la jument serait de toute manière transférée à une « famille d’accueil » constituait un fait nouveau, justifiant de revoir la décision précitée ;

Considérant, en droit, l’art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux‑ci, par une juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4) ;

qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, p. 265) ;

que l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

qu’aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b) ; que les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle (ATA/300/2016 du 12 avril 2016 ; ATA/1308/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/1067/2015 du 6 octobre 2015) ;

que l’intérêt peut être un intérêt juridiquement protégé ou un intérêt de fait ; qu’il doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3) ; qu’il faut donc que l’admission du recours soit propre à procurer au recourant un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2), le tiers devant lui-même être atteint de manière particulière par le prononcé litigieux (ATF 139 II 279 consid. 2.2 ; 137 III 67 consid. 3.5) ;

que les animaux doivent être traités avec dignité et leur bien-être doit être assuré (art. 1 et 3 de la loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 - LPA-CH - RS 455) ; que toute personne qui s’occupe d’animaux doit tenir compte au mieux de leurs besoins et veiller à leur bien-être dans la mesure où le but de leur utilisation le permet (art. 4 al. 1 LPA‑CH) ; que toute personne qui détient des animaux ou en assume la garde doit, d’une manière appropriée, les nourrir, en prendre soin, leur garantir l’activité et la liberté de mouvement nécessaire à leur bien-être et, s’il le faut, leur fournir un gîte (art. 6 LPA-CH) ;

que l’autorité doit intervenir immédiatement lorsqu’il est constaté que des animaux sont négligés ou que leurs conditions de détention sont totalement inappropriées (art. 24 al. 1 LPA-CH) ; qu’elle peut notamment les séquestrer préventivement (art. 24 al. 1 LPA‑CH) et interdire temporairement la détention, le commerce ou l’élevage d’animaux (art. 23 al. 1 let. a LPA-CH) ;

qu’à Genève, le SCAV est chargé de l’exécution de la législation sur la protection des animaux (art. 1 et 2 let. b et 3 al. 3 RaLPA) ;

qu’en l’espèce et comme déjà indiqué dans la décision du 19 août 2024, se pose la question de savoir si les recourantes ont qualité pour agir ;

qu’il apparaît, prima facie, que tel est le cas, compte tenu du droit de rétention qu’elles ont sur le cheval objet du litige ;

qu’en tant que les recourantes font valoir un fait nouveau, à savoir que le C______ expliquait qu’à terme, la jument serait de toute manière transférée vers un autre lieu, ce qui justifierait de réexaminer leurs conclusions sur mesures provisionnelles visant au retour de l’animal à A______, il doit être relevé que cet élément n’est pas de nature à modifier l’appréciation portée dans la décision du 19 août 2024 ;

qu’en effet, si, certes, la jument se verra, en principe, à terme transférée vers une « famille d’accueil » si le recours était rejeté, ce qui implique un nouveau changement de lieu de détention pour l’animal, l’octroi des mesures provisionnelles exposerait celui-ci, dans l’hypothèse du rejet du recours, à un changement de lieu de vie supplémentaire ;

qu’il apparaît ainsi que le maintien de la situation actuelle, qui prévaut depuis plusieurs mois et jusqu’à l’issue du recours, évite à la jument de nouveaux changements de lieu de villégiature, ce qui semble dans son intérêt ;

qu’il ne sera donc pas revenu sur la décision du 19 août 2024 ;

qu’il ressort de l’art. 3.3 let. f des statuts de l’appelée en cause qu’en cas de litige « l’équidé devra vivre au C______ le temps que le litige soit résolu » ;

que l’appelée en cause a indiqué qu’elle restait propriétaire à vie de la jument, n’entendait nullement s’en séparer avant la fin de la procédure et n’avait d’ailleurs entamé aucune démarche en vue de trouver une « famille d’accueil » ;

qu’il lui sera donc donné acte de son engagement à conserver la pleine et entière propriété de la jument durant la procédure ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec le jugement au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

donne acte à C______ de son engagement à conserver la pleine et entière propriété de la jument nommée « E______ », née le ______ 2017, jusqu’à l’issue de la présente procédure ;

rejette la requête de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession des recourantes, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Barnabas DENES, avocat des recourantes, à Me Raphaëlle NICOLET, avocate de l'appelée en cause, au service de la consommation et des affaires vétérinaires, ainsi qu’à l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

 

 

Le juge :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :