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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/766/2023

ATA/1067/2024 du 10.09.2024 sur JTAPI/999/2023 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/766/2023-PE ATA/1067/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2024

1re section

 

dans la cause

 

A______, B______ et C______ recourants
représentés par Me Frédéric Hensler, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


 

 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 septembre 2023 (JTAPI/999/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le requérant), ressortissant kosovar né le ______ 1974, déclare être arrivé en Suisse en 2011.

b. Son épouse, B______, ressortissante kosovare née le ______ 1976, et leur fils, C______, né le ______ 2004, sont arrivés en Suisse en février 2019.

Dès son arrivée, C______ a intégré la classe d’accueil de 11e année du cycle d’orientation. Il a commencé un apprentissage en école de métiers le 30 août 2021. Son contrat a été conclu pour une période de quatre ans, soit jusqu’au 30 juin 2025.

B. a. Le 8 juin 2022, le requérant a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur, celle de son épouse et de leur fils.

Il était venu en Suisse en 2011, pour des raisons économiques. Depuis son arrivée, il travaillait dans le domaine du bâtiment, dans lequel il œuvrait au Kosovo. Il séjournait en Suisse depuis plus de dix ans et pouvait se prévaloir d’une bonne intégration socio-professionnelle. Il était au bénéfice d’une attestation de langue française de niveau A2. Son épouse et son fils l’avaient rejoint en février 2019. Son épouse suivait des cours de français afin d’obtenir elle aussi une attestation de niveau A2. Leur fils était scolarisé au D______ (ci‑après : D______). Il effectuait un apprentissage en construction métallique. Ils n’avaient jamais émargé à l’assistance publique, leurs casiers judiciaires étaient vierges et ils n’avaient pas de dettes. Ils faisaient partie intégrante de la population genevoise et on ne pouvait pas exiger d’eux qu’ils se réinstallent dans leur pays d’origine.

Il a notamment joint les pièces suivantes :

Le concernant :

-          un formulaire M à teneur duquel il travaillait à plein temps, depuis le 22 mai 2017, auprès de E______ SA, pour un salaire mensuel brut de CHF 4'708.-, ainsi que ses décomptes de salaire de février et avril 2022 ;

-          son certificat de prévoyance daté du 31 décembre 2021, indiquant son entrée le 17 mai 2017 ;

-          une attestation établie par les Transports publics genevois (ci-après : TPG) le 7 décembre 2022, indiquant qu’il avait bénéficié d’abonnements mensuels de février à décembre 2011, de mi-février à décembre 2014, de janvier à décembre 2015, de janvier au 18 décembre 2016, du 20 février au 15 décembre 2017, du 19 janvier à décembre 2018, de janvier au 31 décembre 2019 ;

-          un extrait de compte individuel AVS établi par la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC), faisant état de revenus auprès de
F______ SA, de mars à avril (CHF 2'112.-) et de juin à décembre 2014 (CHF 8'226.- , de janvier à juillet 2015 ; auprès de G______ SA, de septembre à décembre 2015 (8'789.-) ; auprès de F______ SA en septembre 2015 (CHF 1'077.-) ; auprès de G______ SA, de janvier à septembre 2016 (CHF 18'418.-) ; auprès de H______ Sàrl d’octobre à décembre 2016 (CHF 6'714.-) et de janvier à avril 2017 (CHF 9'308.-) ; auprès de E______ SA, de mai à décembre 2017 (CHF 40'181.-), en 2018 (CHF  60'693.- ), en 2019 (CHF 68'401.-) et en 2020 (CHF 64'986.-) ;

-          des décomptes de salaire de septembre à décembre 2015, de janvier à août et d’octobre à décembre 2016, de février, puis d’avril à décembre 2017 ;

-          un extrait de son casier judiciaire vierge daté du 27 mai 2022 ;

-          un extrait du registre des poursuites vierge daté du 13 mai 2022 ;

-          une attestation de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 12 mai 2022 indiquant qu’il n’était pas aidé financièrement ;

-          un document daté du 8 avril 2022 attestant de son niveau de français A2 ;

Concernant son épouse :

-          le formulaire M, précisant sous la rubrique « type de demande » : « cas de rigueur (critère Papyrus) » ;

-          un extrait de son casier judiciaire vierge daté du 27 mai 2022 ;

-          un extrait du registre des poursuites vierge daté du 13 mai 2022 ;

-          une attestation d’inscription à un cours de français, niveau pré-élémentaire, datée du 14 septembre 2021 (actualisé par une attestation de participation au cours datée du 4 juillet 2022) ;

-          un reçu d’un montant de CHF 900.- pour des heures de ménage effectuées en juillet 2021 ;

Concernant son fils :

-          le formulaire M, précisant sous la rubrique « type de demande » : « cas de rigueur (critère Papyrus) » ;

-          une attestation établie le 11 avril 2019 par le cycle d’orientation I______(ci-après : CO), indiquant qu’il était scolarisé en filière accueil, pour l’année scolaire 2018-2019 ;

-          des attestations établies par le service de l’accueil de l’enseignement secondaire II (ci-après : ACCES), indiquant qu’il était inscrit en filière accueil, pour l’année scolaire 2019-2020 et en filière classe d’insertion professionnelle, pour l’année scolaire 2020-2021 ;

-          des rapports de stages effectués du 19 au 20 novembre 2020 à l’école J______, du 19 au 23 octobre 2020 dans un salon de coiffure et du 27 au 29 janvier 2021 auprès d’un constructeur métallique ;

-          une attestation de participation en qualité de bénévole au « Samedi du partage » le 27 novembre 2020 ;

-          un certificat délivré par ACCES le 24 juin 2021 ;

-          des attestations établies par le D______, indiquant qu’il était inscrit en classe CMET‑P1A, filière constructeur métallique, en école (CFC) pour l’année scolaire 2021-2022 et en classe CMET-P2A, dans la même filière pour l’année scolaire 2022-2023 ;

-          son bulletin scolaire, établi le 16 novembre 2021 indiquant une moyenne générale de 5.3, les branches étudiées étant notamment « Langue et communication », société, mathématiques, informatique connaissances matériaux, connaissances professionnelles, dessin construction, dessin professionnel, calcul professionnel (actualisé le 28 juin 2022 avec une moyenne générale de 5.3).

b. Par courriel du 14 septembre 2022, l’OCPM a sollicité divers renseignements et justificatifs, prouvant notamment la présence du requérant à Genève en 2012 et 2013.

c. Par courriel du 6 novembre 2022, l’intéressé a indiqué que son fils suivait une formation de constructeur métallique à plein temps à l’école et a notamment transmis les justificatifs suivants :

-          une facture établie le 18 septembre 2012 par K______ SA, un bon de livraison établi le 17 septembre 2013 par L______ SA et un bulletin de décharge établi le 28 octobre 2013 par M______ ;

-          une lettre de recommandation établie le 14 octobre 2022 par N______, indiquant qu’il connaissait le requérant sur le plan privé et professionnel. Ce dernier faisait partie de la famille de son ancien employeur. Il avait travaillé avec lui durant les années 2012 à 2013 sur divers chantiers ;

-          une lettre de recommandation établie le 26 octobre 2022 par son cousin, O______, indiquant qu’il « croisait » le requérant à Genève en 2012, qu’ils sortaient ensemble et qu’il l’invitait chez lui ;

-          une lettre de recommandation établie le 26 octobre 2022 par sa cousine, P______, indiquant qu’elle lui téléphonait en 2012 pour sortir, qu’elle tentait de lui trouver un travail et qu’elle l’avait invité en 2013 à l’occasion des 18 ans de son fils ;

-          un extrait du registre des poursuites vierge daté du 20 septembre 2022 au nom de son fils ;

-          une attestation de l’hospice du 20 septembre 2022 indiquant que son fils n’était pas aidé financièrement.

d. Par courrier du 29 novembre 2022, l’OCPM a fait part au requérant de son intention de refuser de préaviser favorablement son dossier et celui de son épouse auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de l’octroi d’autorisations de séjour en leur faveur et de prononcer leur renvoi de Suisse.

À teneur des pièces produites, le requérant était arrivé en Suisse en 2014 et, selon ses indications, son épouse et son fils étaient arrivés en février 2019. Ils ne remplissaient ainsi pas la condition du séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève.

En outre, il n’avait pas fait preuve d’une intégration socio-culturelle particulièrement remarquable. Son intégration correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas non plus démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Il n’avait enfin pas établi qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

S’agissant de son fils, désormais majeur, une lettre d’intention de refus séparée lui avait été adressée, quand bien même il était mineur au moment du dépôt de la demande et qu’il était toujours financièrement dépendant.

Un délai de 30 jours, dont il n’a pas usé, lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu par écrit.

e. Par courrier du 29 novembre 2022, l’OCPM a fait part à C______ de son intention de refuser de préaviser favorablement son dossier auprès du SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

Il était arrivé en Suisse en février 2019, si bien qu’il ne remplissait pas la condition du séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève.

En outre, il suivait une formation à plein temps à l’école et était soutenu financièrement par son père. Il n’avait pas fait preuve d’une intégration socio‑culturelle particulièrement remarquable. Son intégration correspondait en effet au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas non plus démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. De plus, il n’avait pas établi qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

Enfin, ses parents étaient démunis de titres de séjour et une lettre d’intention de refus d’autorisations de séjour leur avait également été adressée.

Un délai de 30 jours, dont il n’a pas usé, lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu par écrit.

f. Par deux décisions du 27 janvier 2023, l’OCPM a refusé, pour les motifs qui ressortaient de ses lettres d’intention du 29 novembre 2022, de préaviser favorablement le dossier des époux AB______ et de leur fils auprès du SEM, en vue de l’octroi d’autorisations de séjour, et a prononcé leur renvoi, leur impartissant un délai au 27 mars 2023 pour quitter la Suisse, ajoutant que le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de cette mesure ne serait pas possible, serait illicite ou qu’elle ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

C. a. Par acte du 27 février 2023, C______ a recouru contre la décision du 27 janvier 2023 le concernant, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour « sur la base du regroupement familial ». Il a préalablement conclu à la jonction de la procédure avec le recours interjeté par ses parents, ainsi qu’à son audition et à celle de sept témoins.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/766/2023.

b. Par acte du 27 février 2023, les époux AB______ ont recouru contre la décision de l’OCPM du 27 janvier 2023 les concernant devant le TAPI concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur du requérant et d’une autorisation de séjour « sur la base du regroupement familial » en faveur de son épouse. Ils ont préalablement conclu à la jonction de la procédure avec la cause A/766/2023, à l’audition du requérant et à celle de sept témoins.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/767/2023.

c. Le TAPI a joint les procédures A/766/2023 et A/767/2023 sous le numéro de cause A/766/2023.

d. Par jugement du 15 septembre 2023, le TAPI a rejeté les recours.

A______ ne pouvait pas se prévaloir de l’« Opération Papyrus » qui avait pris fin depuis plusieurs années déjà au moment du dépôt, le 8 juin 2022, de la demande d’autorisation de séjour.

Sous l’angle du cas de rigueur, il alléguait séjourner de manière continue à Genève depuis 2011, mais il n’en avait pas apporté la preuve. Si l’attestation établie par les TPG prouvait sa présence à Genève de février à décembre 2011, elle indiquait également qu’il n’avait acheté aucun abonnement de 2012 à mi-février 2014. Quant à l’extrait de compte individuel établi par la CCGC, il ne faisait état d’aucun revenu avant mars 2014. S’agissant de la facture, du bon de livraison et du bulletin de décharge datés, respectivement, du 18 septembre 2012, et des 17 septembre et 28 octobre 2013, ils ne suffisaient pas à démontrer sa présence continue en 2012 et 2013. Il en allait de même des attestations produites, dont la force probante ne pouvait être admise sans réserve, les documents établis par des sources qui n’étaient pas indépendantes étant sujets à caution, dès lors qu’ils auraient pu être rédigés pour les besoins de la cause. Or, ni « M. Q______ », qui était employé par la famille des recourants depuis son arrivée en Suisse, ni N______, qui avait été employé par cette dernière et qui indiquait connaître l’intéressé sur le plan privé également, n’étaient des sources indépendantes. On ne pouvait pas non plus accorder une forte valeur probante aux attestations établies par P______ et O______, compte tenu de leurs liens de parenté avec les intéressés. À cela s’ajoutait que ces attestations avaient été rédigées à la suite d’une demande de renseignements de l’OCPM, ce qui atténuait également leur valeur probante. Dans l’hypothèse qui lui serait la plus favorable, il y avait lieu de retenir qu’il séjournait en Suisse de manière continue depuis février 2014, ce qui constituait une longue durée de séjour. Elle devait néanmoins être fortement relativisée, dès lors qu’elle avait été effectuée illégalement dans sa quasi-totalité et à la faveur d’une tolérance des autorités depuis le dépôt de la demande le 8 juin 2022. Ce constat valait a fortiori s’agissant de son fils et de son épouse qui ne séjournaient en Suisse que depuis février 2019.

Il ne pouvait se prévaloir ni d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle, ni d’un comportement irréprochable. Il avait non seulement séjourné et travaillé illégalement en Suisse durant plusieurs années, mais avait fait venir sa femme et son fils, sans l'aval des autorités helvétiques. Sur le plan social, il avait certes appris le français (niveau A2), mais il ne ressortait pas du dossier qu’il aurait noué avec la Suisse des liens dépassant en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu d’un étranger ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays.

Les époux étaient nés au Kosovo, où ils avaient passé leur enfance et adolescence, soit les périodes cruciales pour l’intégration socio-culturelle, et la majeure partie de leur vie d’adulte. Ils avaient très certainement conservé des attaches avec leur patrie.

Ni son âge, ni celui de son épouse, ni la durée de leur séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients pratiques auxquels ils pourraient éventuellement se heurter en cas de retour dans leur pays ne constituaient des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'ils se trouveraient dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation.

S’agissant du fils, désormais âgé de 19 ans, il était arrivé en Suisse en février 2019, alors qu’il avait 14 ans et 8 mois. Il était ainsi né au Kosovo, où il avait passé son enfance et la majeure partie de son adolescence, soit les périodes cruciales pour la formation de la personnalité et l’intégration socio-culturelle. À son arrivée en Suisse, il avait été scolarisé en classe d’accueil, d’abord au CO durant l’année scolaire 2018-2019, puis auprès d’ACCES durant l’année scolaire 2020-2021. Il avait ensuite entamé une formation auprès du D______, filière construction métallique. Il ressortait de son bulletin scolaire du 28 juin 2022, qu’il étudiait notamment les branches suivantes : « Langue et communication », société, mathématiques, informatique, connaissances matériaux, connaissances professionnelles, dessin construction, dessin professionnel, calcul professionnel, et que sa moyenne générale était de 5.3, ce qui était louable. Même s’il avait passé la fin de son adolescence et les toutes premières années de sa vie d’adulte en Suisse, la durée de son séjour était relativement brève et le processus d'intégration au milieu socio‑culturel suisse qu’il avait entamé n’était pas à ce point profond et irréversible qu'un retour dans son pays d'origine, où il avait vécu la majeure partie de sa vie, ne puisse être envisagé. Sa situation ne pouvait être assimilée à celle d'un adolescent ayant suivi et achevé toute sa scolarité obligatoire en Suisse et entrepris une formation professionnelle nécessitant l'acquisition de qualifications et de connaissances spécifiques qu’il ne pourrait mettre en pratique qu’en Suisse. Il ressortait du courrier du 6 novembre 2022 qu’il suivait une formation de constructeur métallique à plein temps. Il avait acquis des connaissances avant tout générales qui lui seraient profitables pour la suite de sa formation ailleurs qu’en Suisse, et il n’avait ni démontré ni même allégué qu’il n’en irait pas de même s’agissant des connaissances plus spécifiques au domaine choisi. Un changement de lieu de vie dans sa patrie, où il avait vécu jusqu’à l’âge de 15 ans environ, serait également facilité par le fait qu’il avait suivi la quasi-totalité de sa scolarité au Kosovo et qu’il ne serait pas confronté à la barrière de la langue. Plus important encore, il pourrait compter sur la présence et le soutien de ses parents au Kosovo et très certainement d’autres membres de sa famille et des amis avec lesquels il pourrait renouer. Quand bien même il avait atteint sa majorité, son sort restait lié à celui de ses parents, avec lesquels il vivait et dont il dépendait financièrement. Dans cette mesure, il devait supporter les conséquences du comportement adopté par ces derniers et les actes qu’ils avaient accomplis en lien avec sa présence en Suisse.

D. a. Par acte posté le 19 octobre 2023, A______, B______ et C______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’autorisations de séjour en leur faveur. À titre préalable, ils ont sollicité leur audition ainsi que celle de sept témoins.

En renonçant à donner suite à leur requête d’audition, alors qu’il avait préalablement écarté les attestations produites au motif qu’elles étaient non pertinentes, le TAPI avait violé leur droit d’être entendus.

Le TAPI avait procédé à une constatation inexacte des faits en retenant qu’ils n’avaient pas suffisamment apporté la preuve d’un séjour continu durant la période de 2011 à 2013.

En relativisant l’importance de la durée du séjour au motif qu’il s’était déroulé dans l’illégalité, le TAPI avait procédé à une application erronée de l’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), lequel visait précisément à octroyer des permis de séjour à des personnes sans papiers. La durée du séjour de A______ – de douze ans – était ainsi déterminante. Ayant toujours travaillé depuis son arrivée en Suisse et disposant d’un emploi stable, il remplissait le critère de l’intégration professionnelle. Il possédait un niveau de français A2, présentait un casier judiciaire vierge, n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale et disposait d’un cercle familial et amical en Suisse.

S’agissant de son fils, il était parfaitement intégré. Arrivé à l’âge de 14 ans, il avait tout de suite été scolarisé et avait des notes excellentes. Il suivait actuellement une formation professionnelle qui devait s’achever en juin 2025. Ses professeurs le qualifiaient d’élève modèle. Il n’était du reste pas retourné au Kosovo depuis 2019 et n’entretenait plus de liens avec sa famille restée dans ce pays.

Le jugement entrepris violait enfin l’égalité de traitement. L’OCPM n’avait pas traité leur dossier comme celui d’autres sans papiers en régularisation et avait écarté sept témoignages pertinents. Ils avaient pourtant transmis au TAPI la preuve de la violation de l’égalité de traitement par courrier du 22 mai 2023.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Le 21 juin 2024 s’est tenue une audience de comparution personnelle, lors de laquelle C______ a indiqué qu’il venait de terminer un stage de deux mois auprès de « R______». Il avait obtenu la note de 5 sur 6. Il souhaitait terminer son apprentissage et passer le brevet ainsi que la maîtrise fédérale. Son projet était d’ouvrir une entreprise dans le domaine de la métallurgie à Genève. Il voyait régulièrement sa famille à Genève, en particulier son grand-oncle, sa grand‑tante et son cousin. Il avait participé au « Samedi du partage » en 2020. De manière générale, il aidait beaucoup les gens et ses voisins. Il jouait au football avec ses amis et fréquentait les salles de gymnastique. Il faisait de la musique avec des amis ; il écrivait des textes, surtout du rap. Depuis son arrivée en Suisse en 2019, il n’était plus retourné au Kosovo. L’essentiel de sa famille était à Genève. Les parents de son père étaient décédés et il entretenait peu de liens avec sa grand-mère maternelle. Elle lui rendait visite de temps en temps et se rendait également en Allemagne. Tous ses amis étaient à Genève et il n’entretenait plus de contacts avec ses amis au Kosovo. Cela faisait cinq ans qu’ils ne se voyaient plus.

Il a produit une attestation du 19 juin 2024 du D______, confirmant que sa formation d’apprenti constructeur métallique prendrait fin en juin 2025 et qu’il était « poli, motivé, appliqué et professionnel », ainsi que son bulletin scolaire pour le premier semestre de l’année 2023-2024.

e. Le 4 juillet 2024, les recourants ont produit une lettre de recommandation de ses enseignants établie le 25 juin 2024 confirmant que le comportement de C______ était « exemplaire », son bulletin scolaire pour l’année 2023-2024 ainsi qu’une attestation de stage de l’entreprise R______, confirmant son « bon esprit d’équipe, son intégration et sa participation à des projets de groupe ».

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Les recourants invoquent une violation de leur droit d’être entendus et sollicitent leur audition, ainsi que celle de sept témoins.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins
(ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.1 En l’espèce, les recourants ont apporté plusieurs attestations de tiers et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI et la chambre de céans. En tant qu’ils cherchent à démontrer que A______ est arrivé en Suisse en 2011, ils perdent de vue que, comme l’a relevé la juridiction précédente, cet élément n’a pas de portée décisive sur l’issue de la procédure. Dans ces conditions, procédant à une appréciation anticipée des preuves, la juridiction précédente n'a pas violé leur droit d'être entendus en écartant leur requête d’audition de témoins. Pour les mêmes motifs, la chambre de céans ne procédera pas à ces actes d’instruction. Enfin, les recourants ont été entendus par la chambre de céans, si bien que leur requête en comparution personnelle a perdu son objet.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de transmettre le dossier des recourants au SEM avec un préavis favorable et de leur renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

3.3 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.4 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.5 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du TAF C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

3.6 L'« Opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« Opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

3.7 En l’espèce, les recourants soutiennent qu’ils remplissent les conditions pour bénéficier de l’« Opération Papyrus ». Leur demande de régularisation a toutefois été formée le 8 juin 2022, alors que l’opération avait pris fin le 31 décembre 2018. Il suit de là que, contrairement à ce qu’ils soutiennent, leur situation ne peut être examinée que sous l’angle du cas de rigueur.

Le recourant peut certes se prévaloir d’un séjour de longue durée. Son arrivée en Suisse en 2011 semble être corroborée par les pièces au dossier, en particulier les abonnements mensuels aux TPG. L’absence d’abonnements entre fin 2011 et début 2014 laisse toutefois penser que son séjour en Suisse a été interrompu durant cette période. Son extrait de compte individuel AVS ne mentionne par ailleurs aucune activité lucrative avant 2014. Quoi qu’il en soit, et même à retenir qu’il réside en Suisse depuis 2011, l’intégralité de ce séjour s’est déroulée dans l’illégalité, et, depuis sa demande de régularisation du 8 juin 2022, au bénéfice d’une simple tolérance. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte. Il y a donc lieu d’examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait l'intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

Tel n’est toutefois pas le cas. Si le recourant a exercé plusieurs activités professionnelles durant son séjour, son intégration professionnelle ne saurait être considérée comme exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. Il n’allègue pas disposer de compétences professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser au Kosovo. Il a certes appris le français et ne fait l’objet d’aucune poursuite. Toutefois, l'absence de dettes est un aspect en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en sa faveur. Quant à son intégration sociale, elle ne saurait être qualifiée de remarquable. Il ne prétend du reste pas qu'il se serait particulièrement investi dans la vie associative et culturelle du canton ou de sa commune de résidence, en participant activement à des sociétés locales, par exemple. Les seules relations qu’il entretient avec sa famille résidant à Genève ne suffisent pas pour lui reconnaître des liens d’une certaine intensité avec la Suisse.

Quant à la recourante, qui ne parle pas le français, son intégration
socio-professionnelle est très faible. Elle n’a jamais exercé d’activité professionnelle et n'allègue pas avoir noué des relations fortes avec des personnes locales ni s'être engagée dans la vie culturelle ou associative du canton. Comme son époux, les seules relations qu’elle entretient avec sa famille résidant à Genève ne suffisent pas pour lui reconnaître des liens d’une certaine intensité avec la Suisse.

S’agissant des possibilités de réintégration des époux dans leur pays d’origine, ils y ont passé toute leur enfance, leur adolescence, ainsi que la majeure partie de leur vie d'adulte. Il n'est ainsi pas concevable que leur pays d'origine leur soit devenu à ce point étranger qu'ils ne seraient plus en mesure, après une période de réadaptation, d'y retrouver leurs repères.

La situation de leur fils, également recourant, est plus délicate. Il a en effet passé une partie de son adolescence en Suisse et y est encore scolarisé. Or, selon la jurisprudence précitée, l’adolescence est une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé. Il convient donc de déterminer si un retour au Kosovo représenterait, pour lui, une rigueur excessive. Pour ce faire, il y a lieu de tenir compte d’un ensemble de circonstances, soit en particulier son âge lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse.

C______ est arrivé en Suisse en février 2019, soit à l’âge de 14 ans. Il a tout de suite intégré la classe d’accueil du cycle d’orientation. Il ressort de son bulletin scolaire 2018-2019 qu’il était « motivé », « progressait bien », avait des « compétences avérées en mathématiques », et était un « excellent élève, investi et travailleur ». À l’issue de sa scolarité obligatoire au cycle d’orientation, il a été scolarisé en « accueil de l’enseignement secondaire II » pour l’année
2019-2020. Selon l’évaluation de son maître titulaire, il faisait preuve d’une « très bonne progression ». Il était « brillant, réfléchi et logique ». Il affichait une « bonne attitude face au travail et participait volontiers en cours ». Il était un « élève modèle par toute son attitude scolaire et un exemple très positif pour toute sa classe ». Durant l’année 2020-2021, il a intégré la classe d’insertion professionnelle en « accueil de l’enseignement secondaire II ». Durant cette période, il a effectué différents stages d’observation et de découverte de « coiffure », « poly‑mécanicien » et « constructeur métallique », pour lesquels il a obtenu des évaluations positives. Le 30 mai 2021, il a conclu un contrat d’apprentissage en école de métiers en vue d’obtenir un CFC en constructeur métallique du 30 août 2021 au 30 juin 2025. Il a obtenu une moyenne générale de 5.3 durant l’année
2021-2022, une moyenne de 4.9 durant le premier semestre 2022-2023 et une moyenne de 4.8 en 2023-2024. Durant cette dernière année, il a effectué un stage en entreprise d’avril à juin 2024. Son employeur a notamment souligné son « bon esprit d’équipe », sa ponctualité exemplaire, sa participation aux projets de groupe et son intégration, même si une « plus grande proactivité et une anticipation des tâches seraient bénéfiques pour son développement professionnel ». Il était considéré comme un « élément positif au sein de l’équipe ».

Ainsi, aujourd’hui âgé de 20 ans, C______ présente un bon cursus scolaire et professionnel, ayant effectué son stage à l’entière satisfaction de son employeur. Il bénéficie de plusieurs attestations qui vantent sa bonne intégration et ses qualités scolaires et professionnelles. Il a rapidement appris le français et fait preuve d’une forte volonté d’acquérir une formation pour s’intégrer dans le milieu professionnel genevois. Il a formé un réseau d’amis à Genève et n’a plus de liens sociaux au Kosovo. Il entretient une relation occasionnelle uniquement avec sa grand-mère maternelle et n’y est jamais retourné. Sa formation n’est pas terminée et le renvoyer ne lui permettrait pas de garantir la poursuite de celle-ci au Kosovo, étant précisé qu’il a d’ores et déjà des projets professionnels. Ces circonstances, prises dans leur ensemble, sont de nature à faire admettre qu’un retour au Kosovo présenterait pour lui une rigueur excessive. Partant, il remplit les conditions d’un cas d’extrême gravité au sens de l’art. 30 LEI et 31 OASA.

Il convient encore de déterminer ce que cela implique quant au sort de ses parents, étant précisé que lorsqu’une famille sollicite la reconnaissance d’un cas de rigueur, la situation de chacun de ses membres ne doit en principe pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global, car le sort de la famille forme en général un tout.

Dans le cas particulier, C______ a atteint sa majorité, si bien que son sort n’est plus nécessairement lié à celui de ses parents, dont l'intégration n'est, comme on l’a vu, pas exceptionnelle. Il ressort par ailleurs du dossier, en particulier des déclarations des recourants en audience, que l’intéressé a des proches parents à Genève. Il devrait ainsi bénéficier du soutien moral de la famille, malgré l’éloignement de ses parents. S’ajoute à cela que son apprentissage en vue d’obtenir un CFC de constructeur métallique devrait se terminer prochainement, soit en juin 2025. Il n’est ainsi pas exclu qu’il puisse compter sur le soutien financier de ses parents, à tout le moins jusqu’au terme de ses études. Son sort doit partant être dissocié de celui de ses parents.

Il suit des éléments qui précèdent que l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que les époux AB______ ne remplissaient pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Ces conditions apparaissent en revanche remplies s’agissant de leur fils.

4.             Reste à examiner la question du renvoi des parents.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre de l’étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/822/2021 du 10 août 2021 consid. 4a ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6).

4.2 Le renvoi d'un étranger en application de l'art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). L'exécution du renvoi n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

4.3 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé de préaviser favorablement la délivrance d’autorisations de séjour, l'OCPM devait prononcer le renvoi des époux. Ils ne font pas valoir de circonstances propres à considérer que l’exécution de leur renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible, et de telles circonstances ne ressortent pas non plus du dossier.

Il s’ensuit que le recours sera rejeté en tant qu’il concerne A______ et B______ et sera admis en tant qu’il concerne C______. Le jugement du TAPI sera annulé en tant qu’il confirme le refus de préaviser favorablement le dossier de C______ auprès du SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour. La décision de l’OCPM du 27 janvier 2023 concernant C______ sera également annulée.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire de A______ et B______ (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à C______, à la charge de l’OCPM
(art. 87 al. 2 LPA).

 

******

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 octobre 2023 par A______, B______ et C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 septembre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du TAPI du 15 septembre 2023 en tant qu’il confirme le refus de préaviser favorablement le dossier de C______ auprès du SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour ;

le confirme pour le surplus ;

annule la décision de l’OCPM du 27 janvier 2023 en tant qu’elle refuse de préaviser favorablement le dossier de C______ auprès du SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour ;

renvoie le dossier à l’OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à C______ à la charge de l’État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Frédéric Hensler, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.