Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1015/2024

ATA/807/2024 du 09.07.2024 sur JTAPI/415/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1015/2024-ICCIFD ATA/807/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______et B______ recourants

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2024 (JTAPI/415/2024)


EN FAIT

A. a. A______et B______ (ci-après : les époux A______ B______) sont contribuables dans le canton de Genève.

b. Par décision du 14 février 2024, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a rejeté la réclamation formée par les époux A______ B______ contre leurs taxations 2015 concernant l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC).

B. a. Par acte du 22 mars 2024, les époux A______ B______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation précitée.

b. Par pli recommandé du 2 avril 2024, le TAPI a imparti aux époux A______ B______ un délai au 2 mai 2024 pour procéder au paiement d'une avance de frais de CHF 700.‑, sous peine d'irrecevabilité de leur recours.

c. Ce pli a été retourné au TAPI avec la mention « non réclamé ». Selon le suivi des envois de la Poste, les époux A______ B______ ont été avisés pour retrait le 3 avril 2024.

d. Par jugement du 3 mai 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La demande d'avance de frais avait été acheminée par pli recommandé à l'adresse mentionnée dans l'acte de recours. Ce pli n'avait pas été réclamé, si bien qu'il devait être considéré comme ayant été notifié le dernier jour du délai de garde, soit le 10 avril 2024.

L'avance de frais n'avait toutefois pas été payée, et rien ne permettait de retenir que les époux A______ B______, qui devaient s'attendre à recevoir une communication du TAPI, avaient été victime d'un empêchement non fautif de s'en acquitter à temps.

C. a. Par acte posté le 11 juin 2024, les époux A______ B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à la restitution du délai pour payer l'avance de frais au TAPI, à l'annulation du jugement attaqué et à celle de leurs bordereaux de taxation 2015. À titre préalable, ils ont conclu au « maintien de l'effet suspensif » (recte : à la suspension de la procédure) jusqu'à droit connu dans la procédure prud'homale opposant B______ à son ancien employeur.

Le 26 avril 2024, B______ avait subi une opération cardiaque, avec une période de convalescence de deux semaines. Après le séjour à l'hôpital, il s'était rendu à C______, où son épouse travaillait, et du 9 au 12 mai 2024 ils s'étaient rendus en Italie. Il était également à l'étranger du 19 au 26 mai 2024.

Par conséquent, il était évident qu'il n'avait pas eu connaissance de la demande d'avance de frais et qu'il ne pouvait pas payer CHF 700.- dans la période du 26 avril au 10 mai 2024, date limite. Sur la base de l'art. 148 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), il convenait de lui permettre de procéder au paiement de l'avance de frais au TAPI.

Le jugement attaqué consacrait un formalisme excessif et violait les art. 53 et 320 let. a CPC ainsi que les art. 14 et 61 al. 1 LPA. Pour le surplus, les recourants revenaient sur le fond du litige.

b. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, sur le principe, recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Si les conclusions en annulation du jugement attaqué et en restitution du délai pour payer l'avance de frais au TAPI (dans la mesure du moins matérielle où une admission du recours aurait un effet équivalent à une restitution du délai par le TAPI lui-même) sont recevables, tel n'est pas le cas de la demande d'annulation des bordereaux de taxation litigieux.

En effet, dans la mesure où le TAPI a déclaré le recours devant lui irrecevable, le recours par-devant la chambre de céans ne peut tendre qu'à l'annulation de ce prononcé d'irrecevabilité et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure (ATA/651/2024 du 28 mai 2024 consid. 2). Seul donc doit être examiné le point de savoir si c'est à tort que le TAPI a déclaré le recours formé devant lui irrecevable pour cause de non-paiement de l'avance de frais.

3.             Les recourants concluent à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la procédure prud'homale opposant B______ à son ancien employeur.

3.1 Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/736/2024 du 18 juin 2024 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, dans la mesure où l'objet du litige porte uniquement sur le prononcé d'irrecevabilité du TAPI pour cause de non-paiement de l'avance de frais, la suspension demandée ne présente aucun intérêt pour l'issue du litige. Il n'y sera donc pas donné suite.

4.             Les recourants soutiennent que c'est à tort que le TAPI a déclaré leur recours irrecevable.

4.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

4.2 À titre liminaire, il y a lieu de préciser que le CPC ne trouve aucune application dans la présente cause. Celle-ci est exclusivement régie par le droit cantonal, en particulier la LPA.

4.3 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c).

4.4 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2 ; ATA/158/2020 du 11 février 2020).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 et ATA/916/2015 précités consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée). Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9).

4.5 Le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA).

4.6 La décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA) pour autant que celui-ci ait dû s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication de l’autorité, ce qui est le cas chaque fois qu’il est partie à la procédure (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_552/2018 du 24 octobre 2018 consid. 3 ; ATA/820/2021 du 10 août 2021 consid. 2c).

La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3).

Dès lors qu’un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d’avertir l’autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/23/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3.2).

4.7 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

4.8 En l'espèce, les recourants ont déposé un recours auprès du TAPI le 22 mars 2024, si bien qu'ils devaient s'attendre à une communication du TAPI. La demande d'avance de frais leur a été envoyée le 2 avril 2024 ; ils ont été avisés pour retrait le 3 avril 2024, et le dernier jour du délai de garde était ainsi le 10 avril 2024.

Les recourants indiquent dans leur recours que B______ a été opéré le 26 avril 2024 et qu'il est resté à l'hôpital deux semaines, après quoi il s'est rendu à C______ du 9 au 12 mai 2024. Les recourants se sont ensuite rendus à l'étranger du 19 au 26 mai 2024.

Or, seule compte la période située entre le moment où ils ont été avisés de l'envoi du TAPI et le jour où a expiré le délai de paiement de l'avance, soit entre le 3 avril et le 2 mai 2024. Le recourant n'a été hospitalisé qu'à partir du 26 avril 2024, si bien que rien n'explique pourquoi il n'a pas été chercher le pli recommandé avant l'expiration du délai de garde le 10 avril 2024. Il aurait ainsi pu, entre le 4 et le 25 avril, soit procéder au paiement de l'avance de frais, soit commettre une tierce personne à ces fins. De plus, il n'est pas question dans le recours d'une quelconque indisponibilité de la recourante ; le fait qu'elle travaille le cas échéant à C______ ne saurait lui ôter la responsabilité de relever son courrier à son domicile.

Il n'est ainsi pas possible de retenir un cas de force majeure. Dès lors que les recourants ne contestent ni l'absence de versement de l'avance de frais demandée, ni le caractère raisonnable du délai imparti, c'est à juste titre que le TAPI a déclaré leur recours irrecevable.

Le recours, manifestement mal fondé, sera ainsi rejeté sans échange d'écritures, conformément à l'art. 72 LPA.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 11 juin 2024 par A______et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2024 ;

met à la charge solidaire de A______et B______ un émolument de CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______et B______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, juge, David HOFMANN, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :