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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/148/2024

ATA/469/2024 du 16.04.2024 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.05.2024, 1C_321/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/148/2024-FPUBL ATA/469/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Noudemali ROMUALD ZANNOU, avocat

contre

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTÉGRATION (EPI) intimés



EN FAIT

A. a. Par courrier du 22 avril 2021, A______, née le ______ 1971, a été engagée par les Établissements publics pour l'intégration (ci‑après : EPI) en qualité d’assistante socio-éducative à l’appartement B______, pour une période maximale de six mois échéant le 31 octobre 2021. Son contrat a été reconduit les 25 octobre 2021, 31 mars 2022 et 27 février 2023, la dernière fois pour une durée indéterminée. Elle a travaillé au pool de renforcement du 1er avril 2022 au 28 février 2023 puis à l’appartement C______ du site de Thônex dès le lendemain. Elle travaillait alors à 80% et était rémunérée en classe 10, annuité 6, correspondant à un traitement mensuel de CHF 4'771.20.

b. Le supérieur des assistants socio-éducatifs est la cheffe de secteur. Leur cahier des charges insiste sur le respect des valeurs de l’institution, l’intégration de chaque usager et son accompagnement personnalisé et, notamment, le devoir de les assister dans l’acquisition et la gestion de leurs effets personnels et le soutien dans leurs déplacements et leur mobilité durant les transports nécessaires.

c. L’entretien d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) du 31 août 2021, pour la période probatoire des trois mois, considérait que A______ était en adéquation avec la mission et les valeurs des EPI. Elle participait activement aux colloques et était disponible, prenant les remplacements nécessaires au bon fonctionnement de l’appartement B______.

d. Son certificat de travail du 31 mars 2022 attestait notamment d’une adaptation rapide à son environnement de travail, aux horaires demandés, au stress et à l’imprévu. Elle savait répondre aux fortes sollicitations et démontrait une bonne capacité d’écoute et d’empathie.

e. Le bilan de mission de A______ pour son activité du 1er mai au 4 août 2022 au sein du pool de renforcement, très satisfaisant, reprenait les constats positifs du certificat précité.

f. Le 31 juillet 2023, A______ a demandé le report de son EEDP, prévu pour le 7 août suivant, considérant que des dénonciations de collègues, contestées et qui devaient être instruites, pouvaient lui porter préjudice, mais l’entretien a eu lieu. Il en ressort que toutes les rubriques concernant l’évaluation de ses compétences étaient considérées « à développer » et que sa nomination était reportée au 1er mai 2024. S’agissant du respect des personnes, le point à développer concernait la qualité de son écoute et l’ouverture d’esprit face aux pensées qui ne lui étaient pas familières. Elle adoptait parfois une posture fermée face aux interventions et aux propositions de ses interlocuteurs. Elle a fermement contesté ce point. La compétence liée au traitement de l’information devait être travaillée. Lorsqu’elle prenait la parole en colloque, il était difficile de comprendre ce qu’elle voulait dire et où elle voulait en venir. Questionnée, elle peinait à répondre avec clarté et synthèse et coupait court aux échanges lorsque la discussion n’était pas constructive selon elle, restant sur ses positions. Concernant les compétences liées à la résolution des problèmes, elle prétendait savoir faire preuve d’adaptation, ce qui était le cas lorsque les changements lui convenaient mais était contesté en situation contraire. Elle avait alors des difficultés à travailler en harmonie. Au sujet de l’aptitude à faire face aux situations difficiles, lors de problématiques liées aux relations interpersonnelles dans le cadre de la dynamique d’équipe, ses réactions pouvaient inquiéter sa hiérarchie au vu de l’intensité de l’implication émotionnelle qu’elle exprimait.

g. Le 21 août 2023, A______ a contesté ce compte rendu d’entretien qui, selon elle, comportait certaines contre-vérités, des contradictions et des omissions. Elle ne l’avait signé que pour attester en avoir pris connaissance. Elle demandait une révision des résultats la concernant, en particulier des appréciations négatives, injustifiées, dans lesquelles elle ne se reconnaissait pas.

B. a. Le 13 juin 2023, A______ a été convoquée à un entretien avec D______, cheffe de secteur, et E______, responsable des ressources humaines (ci-après : RH), afin de revenir sur sa communication avec ses collègues et son attitude à leur égard, qui ne facilitait pas la collaboration. Plusieurs d’entre elles avaient fait savoir à leur cheffe de secteur, séparément, qu’elle ne répondait pas aux questions et fermait la discussion. L’une d’elles avait eu une altercation avec A______, qui l’avait retenue par le bras au moment où un résident réclamait assistance. A______ a contesté ces accusations, expliquant que, selon le contexte, elle préférait ne pas répondre ou ne pas donner son point de vue afin de ne pas aggraver la situation. Il y avait certes des tensions dans l’équipe, mais elle ne voulait pas se mêler à des discussions négatives. Elle réfléchissait au choix des mots et veillait à ne pas élever le ton. Elle considérait que la situation allait s’améliorer, sans expliquer comment. Elle aimait son travail et souhaitait le poursuivre. Les intervenantes lui ont fixé pour objectif une communication non-violente et transparente et la favorisation d’échanges avec ses collègues et le réseau.

b. Le 6 juillet 2023, A______ a demandé à E______ d’organiser une confrontation « avec tous les protagonistes » à la suite de la note d’entretien du 13 juin précédent. Elle persistait à réfuter les reproches de ses collègues, dont certains développaient de l’animosité à son égard depuis que la planification des horaires lui avait été attribuée. De plus, elle avait le sentiment que d’autres collègues estimaient qu’elle était à l’origine du licenciement immédiat récent de deux collaborateurs. E______ lui a répondu qu’en raison de la période estivale, cela prendrait plus de temps. Relancée à mi-octobre 2023, la responsable RH a déclaré qu’il n’était pas opportun de tenter d’organiser de telles rencontres.

c. Lors des colloques des 10 juillet et 4 septembre 2023, il a été question de « l’usager F______ » et de l’heure à laquelle ses parents venaient la chercher le dimanche après‑midi, cette question semblant manquer de cohérence.

d. La mère de F______ a demandé un entretien à D______, en présence des référents de sa fille, dont A______ ne fait pas partie, lequel s’est déroulé le 22 août 2023. À cette occasion, elle a déclaré que la communication avec cette dernière était difficile, qu’elle s’était adressée à elle sur un ton sec qu’elle avait ressenti comme un ordre.

e. Le 11 septembre 2023, A______ a informé la directrice des services socio-éducatifs d’irrégularités persistantes dans l’administration de médicaments aux résidents, depuis le 15 juin précédent et l’adoption du nouveau cadre horaire, et souligné l’absence de réaction à la suite de ces manquements.

f. Le 13 septembre 2023 D______ et E______ ont entendu A______ au sujet des difficultés mentionnées par la famille de F______, qui a déclaré qu’il avait fallu informer sa mère de ne plus venir la chercher le dimanche en milieu d’après-midi, ce qui empêchait l’équipe éducative de proposer des activités à l’extérieur aux autres résidents, mais de venir plus tôt. Elle n’avait montré aucun excès et était restée très respectueuse envers les parents des résidents. Elle s’était adressée au père de F______, qui lui avait répondu « pas de souci ». Il a aussi été rapporté à A______ qu’elle aurait une fois ri lorsque la mère de F______ avait annoncé par téléphone un retard, ce que cette femme avait ressenti comme une moquerie. A______ a contesté ces faits, ainsi que tout autre problème de communication, et a souhaité l’organisation d’une rencontre avec les parents de F______. Un compte rendu de cet entretien lui a été adressé le 20 septembre 2023, précisant qu’un exemplaire était déposé dans son dossier personnel.

g. Le lendemain, elle a adressé un courrier recommandé à E______, auquel était joint un texte manuscrit signé des parents de F______, intitulé « témoignage », déclarant qu’ils n’avaient jamais porté d’accusation contre elle et qu’elle les avait toujours traités avec respect et professionnalisme. Ce texte comprend trois calligraphies, l’une pour son contenu et les deux autres pour les signatures des parents de F______, totalement différentes. Elle a expliqué que sa mère était une voisine et qu’elles s’étaient rencontrées par hasard le 22 août précédent. Elles avaient cheminé ensemble et la mère de F______ lui avait dit avoir eu un entretien avec D______ et G______, référent de sa fille. Elles s’étaient à nouveau revues dans un magasin, le 14 septembre, et, après de brefs échanges, elle lui avait dit qu’elle ne reconnaissait pas avoir déclaré qu’elle lui avait parlé sur un ton sec ni avoir eu l’impression de recevoir un ordre. De plus, elle ne s’était jamais opposée à sa proposition de venir chercher l’enfant à 13h30. Par conséquent, A______ soutenait que les faits évoqués le 13 septembre concernaient quelqu’un d’autre, lui avaient été imputés à tort et qu’il fallait découvrir qui s’acharnait sur elle. Elle a aussi précisé que la mère de F______ s’était proposée de rédiger le document susvisé et qu’elle était allée le chercher à son domicile privé.

h. A______ a été en arrêt de travail dès le 13 septembre 2023 et jusqu’au 3 décembre 2023.

i. Le 6 octobre 2023, les EPI ont répondu à son courrier du 21 septembre 2023, s’étonnant de la production d’un témoignage. Ils relevaient que, si elle avait effectivement rencontré la mère de F______ par hasard dans son quartier à deux reprises en dehors de ses heures de travail, c’était elle qui l'avait interpellée sur les difficultés de communication qu'elle avait rapportées à sa hiérarchie et qui avait sollicité un document écrit de sa part, et c’était elle qui l’avait rédigé avant de le faire signer par les parents de F______, en se rendant à leur domicile.

j. Le 23 novembre 2023, D______ a rencontré la mère de F______, qui a maintenu ne pas avoir rédigé le témoignage. Elle lui a expliqué que A______ était venue chez elle avec le texte déjà écrit, prêt à être signé. Avant de le faire, la mère de F______ avait souhaité avoir un entretien avec la hiérarchie, mais A______ avait insisté sur le fait qu’elle ne voulait pas perdre son travail et qu’elle s’excusait si elle avait mal pris quelque chose, tout en indiquant, en pleurant, qu’elle avait une fille à élever. C'était dans ces circonstances que la mère de F______ avait accepté de signer. D______ a informé sa hiérarchie de cette rencontre le jour même.

C. a. A______ a été convoquée à un entretien de service par courrier du 6 octobre 2023, par voie de procédure écrite, en raison de son incapacité de travail. Il lui était notamment reproché son attitude envers les parents de F______ et les circonstances de la rédaction et la signature du témoignage. Il lui était rappelé la rigueur attendue des collaborateurs dans l’accomplissement de leurs tâches et la posture professionnelle exemplaire, empreinte de bienveillance et de respect qu’ils devaient adopter envers tout interlocuteur. Il était aussi attendu de A______ le maintien d’une distance relationnelle liée à sa fonction et d’entretenir des contacts positifs et respectueux envers les personnes en situation de handicap, leurs familles et leurs répondants légaux. Les faits, s’ils étaient avérés, constituaient un manquement à ses obligations et à ses devoirs.

b. A______ a produit, le 6 novembre 2023, un mémoire d’entretien de service dans lequel, sur quinze pages, elle considérait d’abord injustifié le choix d’une procédure écrite, qui ne respectait pas son droit d’être entendue. Les faits reprochés étaient infondés et lui avaient été imputés à tort, ce qu’une procédure orale aurait permis de démontrer. Il y avait erreur sur la personne et elle n’avait jamais rédigé de faux témoignage, n’ayant aucun intérêt à le faire.

c. Le 28 novembre 2023, les EPI ont remis en mains propres à A______ une décision de résiliation des rapports de service documentée, reprenant les faits décrits ci-dessus et, le même jour et de manière identique, une lettre de résiliation de son contrat de travail au 29 février 2024 se référant aux entretiens des 7 février, 13 juin, 7 août et 13 septembre 2023 ainsi qu’aux différents échanges écrits.

Les EPI mettaient en exergue les reproches des parents de F______ concernant les difficultés de communication avec elle, ses contestations et le fait qu’elle s’était rendue à leur domicile pour obtenir un document signé de leur part, préalablement préparé par ses soins, ne respectant pas la rigueur voulue dans l'accomplissement de ses tâches, le suivi des usagers, la posture professionnelle exemplaire, empreinte de bienveillance et de respect envers tout interlocuteur et le maintien d'une distance relationnelle liée à sa fonction. Ils lui reprochaient aussi de ne s’être, à aucun moment, questionnée sur ses pratiques, que ce soit dans le cadre de ses relations avec ses collègues et/ou avec les familles et particulièrement dans le cadre de la situation précitée et de persister au contraire à affirmer n'avoir rien à se reprocher. Enfin, sa hiérarchie venait d’apprendre que, lors de l'accompagnement en transports publics d'un résident à son rendez-vous médical, elle l'avait laissé assis seul à côté de la porte du véhicule, sans surveillance, étant elle-même assise plusieurs rangées à l'avant et en pleine conversation téléphonique. Elle n’avait pas non plus remarqué que ce résident portait ses chaussures à l'envers alors qu’elle se devait d’être la garante de la sécurité et du bien-être des résidents qu’elle accompagnait au quotidien, sachant que les déplacements étaient des moments de stress importants pour eux et « p[o]uv[ai]ent induire des comportements de défis, voire imprévisibles ». A______ ne répondait pas aux exigences du poste d'assistante socio-éducative et le lien de confiance était rompu.

D. a. Par acte expédié le 15 janvier 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a interjeté recours contre la résiliation de son contrat de travail, concluant à son annulation et à sa réintégration aux EPI, subsidiairement à son annulation et à l’allocation d’une indemnité de six mois de salaire ou au renvoi du dossier aux EPI pour nouvelle décision.

Les faits étaient contestés, à l’exception d’un défaut de surveillance d’un résident dans un bus, survenu le 6 septembre 2023, dont la gravité ne justifiait pas la mesure prise, n’étant d’ailleurs pas mentionné dans les décisions en cause. Son droit d’être entendue avait été violé car elle n’avait pas pu être confrontée aux collègues, restées anonymes, qui prétendaient rencontrer des difficultés de communication avec elle. S’agissant de l’incident du bus, elle avait assis une résidente sur la seule place disponible et n’avait cessé de la surveiller, même en recevant un appel urgent. Elle n’avait pas remarqué qu’elle portait ses chaussures à l’envers, ce qui pouvait être parfois difficile à distinguer, précisant que ce n’était pas elle qui avait apporté ses chaussures à cette résidente. Quoi qu’il en soit, cet incident ne justifiait pas la résiliation des rapports de travail, mesure qui violait le principe de proportionnalité, eu égard à sa bonne capacité d’écoute et d’empathie, ses excellentes relations, empreintes de respect, avec chacun de ses interlocuteurs et au fait qu’elle avait donné pleine et entière satisfaction dans la réalisation de son travail.

b. Les EPI ont conclu au rejet du recours.

La recourante était en période probatoire lors des faits. En six mois d’activité à l’appartement C______, elle avait fait l’objet de plusieurs plaintes issues de deux familles distinctes d’usagers résidant au sein de cet espace, venant aggraver d’importants problèmes de communication tant avec l’équipe qu’avec sa hiérarchie, ce qui avait déjà été relevé lors de ses évaluations et par le service des ressources humaines. Le manque de savoir-être s’était aggravé en se manifestant auprès de familles de résidents, allant jusqu’à constituer une mauvaise prise en charge des bénéficiaires, soit de personnes en situation de handicap particulièrement vulnérables. Les allégués de la recourante étaient contestés, au regard des nombreuses interventions hiérarchiques durant plusieurs mois. Elle n’avait pas su présenter les améliorations attendues dans sa posture professionnelle. Ayant fait l’objet de plusieurs rappels à l’ordre et fixation d’objectifs, sans succès, en lien avec son savoir-être, son comportement rendait impossible la poursuite des rapports de service.

c. Dans sa réplique, la recourante a soutenu que l’autorité intimée n’avait pas répondu à ses griefs et en avait formulé de nouveaux. Pour ces motifs, elle persistait dans ses conclusions.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, l’autorité intimée n’ayant pas fait cas de ses demandes de confrontation avec les quatre collègues qui prétendaient rencontrer des difficultés avec elle et ne lui ayant pas permis de s’exprimer avant la décision entreprise au sujet de l’incident des chaussures.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, la recourante a été entendue à plusieurs reprises sur les griefs de ses collègues ou de tiers. Contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'avait, en procédure non contentieuse, pas un droit à être confrontée à ses collègues, mais bien celui de se déterminer sur les éléments recueillis par sa hiérarchie au sujet des difficultés rencontrées par celle-ci avec ses collègues. La recourante s’est longuement exprimée par écrit à ce sujet avant même l’entretien de service. À l’occasion de celui-ci, elle a pu faire valoir ses arguments par écrit, en raison de son arrêt de travail, alors qu’elle était nantie de tous les griefs, excepté l’incident qu’elle nomme « des chaussures ». Elle a pu également s’exprimer par écrit devant la chambre de céans et produire toutes pièces utiles et n’expose pas en quoi ses défaillances dans l’accompagnement d’un résident en transport public n’auraient pas pu être correctement expliquées ni quelle autre justification une connaissance antérieure de cet incident lui aurait permis d’apporter. Les parties ont eu en outre l’occasion lors des échanges d’écritures de se déterminer de manière circonstanciée sur les prises de position de leur partie adverse. Le droit d’être entendue de la recourante a ainsi été respecté. La chambre de céans considère ainsi être en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé et ce premier grief sera donc écarté.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de résiliation des rapports de service de la recourante.

3.1. Les rapports de travail entre les EPI et son personnel sont régis par la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (LPAC - B 5 05), son règlement d’application (RPAC - B 5 05.01) et la loi sur l’intégration des personnes handicapées du 16 mai 2003 (LIPH - K 1 36).

3.2. La recourante étant, au moment des faits, employée, il convient d’examiner si son licenciement est conforme aux règles applicables à la résiliation des rapports de service avec ce statut.

3.3. Est un employé le membre du personnel régulier qui accomplit une période probatoire (art. 6 al. 1 LPAC). La période probatoire, au terme de laquelle la nomination en qualité de fonctionnaire intervient, est de deux ans, sous réserve de sa prolongation (art. 45 al. 1 let. a et 47 al. 1 RPAC). L’art. 5A let. e du règlement d'application de la LTrait du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01) précise que la période probatoire de deux ans peut être prolongée exceptionnellement d’un an au maximum en cas de prestations insuffisantes.

3.4. Le but de la période probatoire est de permettre à l’employeur de jauger, au vu des prestations fournies par l’employé et du comportement adopté pendant celle-ci, les chances de succès de la collaboration future et pouvoir y mettre fin si nécessaire avant la nomination, s’il s’avère que l’engagement à long terme de l’agent public ne répondra pas aux besoins du service (ATA/1620/2017 du 19 décembre 2017 consid. 6c et les arrêts cités).

3.5. De jurisprudence constante, l’employeur public dispose dans ce cadre d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Dans sa prise de décision, il reste néanmoins tenu au respect des principes et droits constitutionnels, notamment celui de la légalité, de la proportionnalité, de l’interdiction de l’arbitraire et du droit d’être entendu (ATA/1008/2017 du 27 juin 2017 consid. 5c et les arrêts cités).

Constitue un abus du pouvoir d’appréciation le cas où l’autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 515). L’autorité doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

La loi ne prévoit pas d'autres conditions pour le licenciement d'employés. En particulier, contrairement aux fonctionnaires, elle ne requiert pas l’existence d'un motif fondé (art. 21 al. 1 LPAC ; art. 21 al. 3 et 22 a contrario LPAC), ni le respect du principe de reclassement (art. 21 al. 3 in fine LPAC et 46A RPAC ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016 consid. 4b et les références citées).

Le grief d'arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données à l'employé ou en cas de discrimination. En revanche, l'autorité de recours n'a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de l'employé ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives, ou qu'elle n'apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (arrêts du Tribunal fédéral 8C_774/2011 du 28 novembre 2012 consid. 2.4 ; 1C_341/2007 du 6 février 2008 consid. 2.2 ; ATA/259/2014 du 15 avril 2014 consid. 7c).

3.6. En l’espèce, la recourante affirme que les faits sont établis faussement, qu’ils concernent un tiers non identifié et que son licenciement viole le principe de la proportionnalité.

Il ressort toutefois du dossier que si, sur le plan technique, la recourante donnait la plupart du temps satisfaction, tel n’était pas le cas de son comportement, de son savoir-être, de sa communication et de son attitude à l’égard de ses collègues, des résidents et de leurs parents. Peu importe que les premières évaluations de la recourante aient été positives, les carences de communication et de comportement apparues courant 2023 étant déterminantes. Or, cette dernière année a été émaillée de plusieurs incidents rapportés à la hiérarchie de la recourante qui ont conduit à des entretiens de recadrage et de fixations d’objectifs. À chaque fois, la recourante n’est pratiquement pas entrée en matière sur les reproches formulés et a développé de longs arguments captieux, prétendant que sa hiérarchie se trompait de cible ou que des tiers s’acharnaient sur elle, sans en démontrer la réalité ou les raisons. Or, le dossier révèle des difficultés de communication et une attention insuffisante lors de l’accompagnement d’un résident à même de permettre à l’autorité intimée d’en inférer que les chances de succès d’une collaboration future ne pouvaient plus être considérées favorablement et qu’il y avait lieu d’y mettre fin. Plus encore et plus grave, la recourante persiste à contester avoir rédigé le témoignage des parents de F______ alors que tout l’accable, de la calligraphie de ce texte à la déposition de la mère de cette résidente. Ce seul fait était de nature à rompre le lien de confiance entre les parties et justifiait la décision de l’autorité intimée.

Au vu de ce qui précède, les reproches sont fondés et le licenciement prononcé s’imposait pour les besoins du service et sa bonne marche et a été prononcé sans arbitraire ni violation de la loi et du principe de la proportionnalité.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 janvier 2024 par A______ contre la décision des Établissements publics pour l'intégration du 28 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Noudemali ROMUALD ZANNOU, avocat de la recourante, ainsi qu'aux Etablissements publics pour l'intégration.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :