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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2638/2022

ATA/9/2023 du 10.01.2023 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.02.2023, rendu le 24.02.2023, IRRECEVABLE, 2C_120/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2638/2022-PROF ATA/9/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 janvier 2023

 

dans la cause

 

M. A______

contre

COMMISSION DU BARREAU

et

M. B______




EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1974, a été hospitalisé aux hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 25 juillet 2014 puis transféré au centre des grands brûlés du centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : CHUV) pour une nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Stevens-Johnson/Lyell ; ci-après : SSJ) avec atteinte de 25 à 30 % de la surface corporelle, suite à la prise d’allopurinol. Il a passé quinze jours aux soins intensifs sous respiration artificielle puis a dû recevoir des soins en milieu hospitalier durant six mois.

2) Le 20 octobre 2021, M. A______ a dénoncé M. B______, avocat, à la commission du barreau (ci-après : la commission).

Il avait consulté M. B______ et lui avait confié pour mandat de déposer une plainte pénale contre son médecin traitant, le Dr C______.

En l’absence de ce dernier, il s’était rendu à la permanence médicale de D______ (ci-après : la permanence) pour une crise de goutte, et le Dr E______ lui avait notamment prescrit la prise de comprimés d’allopurinol en violation des règles de l’art.

Lors de la première audience au Ministère public, dans la salle d’attente, M. B______ lui avait indiqué que si le Dr E______ devait être cité, il se dessaisirait du dossier. M. B______ avait détourné la tête lorsque la procureure avait demandé pourquoi il n’avait déposé plainte que contre le Dr C______. À la fin de l’audition, M. B______ lui avait dit de signer le procès-verbal. En sortant, il lui avait indiqué que la permanence allait être vendue et qu’il ne valait pas la peine d’engager des poursuites pénales ou civiles contre le Dr E______. M. B______ avait été l’avocat de la permanence et protégeait celle-ci et le Dr E______. Il savait et avait indiqué dans la plainte que c’était l’allopurinol prescrit qui avait provoqué son syndrome. M. B______ n’avait pas jugé utile de produire l’ordonnance du Dr E______ dans la plainte pénale, et il l’avait lui-même remise à la procureure lorsque celle-ci lui avait demandé pourquoi il ne poursuivait pas d’autres médecins. Son avocat n’avait pas déposé plainte contre le Dr E______. Il recherchait le classement de sa plainte. Lorsqu’il avait compris cela, il avait rompu ses relations avec lui et formé tout seul une nouvelle plainte pénale contre le Dr E______.

3) Le 29 novembre 2021, M. B______ a indiqué à la commission n’avoir rien à se reprocher.

Il avait été chargé de déposer plainte contre le Dr C______. M. A______ avait signé la plainte, datée du 9 mars 2017. Il n’avait pas mis en cause le Dr E______, pas même dans le recours qu’il avait formé tout seul contre l’ordonnance de classement de sa plainte, et qui avait d’ailleurs été rejeté. Si une quelconque responsabilité du Dr E______ avait été mise en évidence, la procédure pénale se serait étendue à ce dernier.

Il n’avait jamais été l’avocat du Dr E______, qu’il ne connaissait pas et qui pratiquait à l’époque des faits comme indépendant au sein de la permanence, et n’avait donc pas de conflit d’intérêts.

4) Le 20 janvier 2022, M. A______ a complété sa dénonciation.

Il ressortait du registre du commerce que la permanence avait changé de mains, comme le lui avait annoncé son avocat.

Une évaluation du centre régional de pharmacovigilance du CHUV du 30 novembre 2021, qu’il produisait, concluait que le traitement par allopurinol n’était pas indiqué dans son cas, avait été prescrit avec une posologie non conforme aux recommandations pour une prescription initiale, ce qui avait augmenté le risque de survenue du syndrome de Stevens-Johnson.

5) Le 4 février 2022, la commission a demandé à M. B______ d’indiquer s’il était intervenu en qualité de conseil de la permanence ou du Dr E______.

6) Le 22 février 2022, M. B______ a conclu au classement de la procédure.

Il avait assuré la défense des intérêts de M. A______ du 2 février au 20 septembre 2017. Celui-ci l’avait instruit de déposer plainte contre le Dr C______ pour avoir par sa négligence retardé le diagnostic et sa prise en charge alors qu’il connaissait la prescription d’allopurinol.

La responsabilité de la permanence n’était clairement pas envisageable dès lors que le Dr E______ y pratiquait en indépendant et sous sa propre responsabilité, comme tous les médecins de la permanence. La responsabilité du Dr E______ ne paraissait pas engagée, car le médicament était prescrit en cas de goutte et selon M. A______ les premiers symptômes avaient été constatés par le Dr C______.

Les prétentions de M. A______ n’étaient pas prescrites ni au plan civil ni au plan pénal, et il pouvait requérir la reprise de la procédure pénale ou déposer une nouvelle plainte au vu de l’élément nouveau que constituait le rapport du CHUV du 30 septembre 2021.

Une partie de sa réponse ne devait pas être transmise à M. A______, car couverte par le secret professionnel. Il n’avait jamais défendu les intérêts de la permanence en rapport avec l’activité du Dr E______.

7) Par décision du 13 juin 2022, la commission a classé la procédure.

Il n’était pas question pour M. A______ à l’époque des faits, en 2017, de déposer plainte contre la permanence ou le Dr E______.

Les propos que M. B______ aurait selon M. A______ tenus dans la salle d’attente du MP n’étaient pas établis. Il n’était pas établi que le Dr E______ avait travaillé comme auxiliaire pour la permanence, ni que M. B______ avait été l’avocat du Dr E______. Vu les circonstances, il était douteux qu’une responsabilité de la permanence eût pu être engagée. Aucun conflit d’intérêts ne pouvait être retenu.

M. A______ ne démontrait pas qu’il aurait donné instruction à M. B______ de déposer plainte contre la permanence ou contre le Dr E______. Si l’instruction avait abouti à une mise en cause de ces derniers, il aurait été possible d’étendre la procédure à leur encontre. M. B______ avait averti M. A______ que sa plainte pourrait être classée, ce qui s’était finalement produit. Le rapport du CHUV avait été rendu le 30 septembre 2021 et au vu de ses conclusions une erreur et/ou une négligence du Dr E______ pourrait éventuellement être envisagée. À la date du rapport, M. B______ n’était plus l’avocat de M. A______. Il résultait de l’arrêt de la chambre pénale des recours (ci-après : CPR) rejetant le recours de M. A______ contre le classement de sa plainte contre le Dr C______ que ce n’était pas en raison d’un manque de diligence de M. B______ que la plainte avait été classée. Aucun manque de diligence ne pouvait ainsi être reproché à M. B______.

8) Par acte remis à la poste le 22 août 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à M. B______ de produire les pièces attestant qu’il l’aurait chargé de porter plainte contre le Dr C______ et à la commission de remettre l’intégralité de la détermination de M. B______ ainsi qu’à « analyse et réservation de [s]es prétentions civiles et pénales ».

Le centre d’aide aux victimes (ci-après : centre LAVI) avait payé ses frais d’avocat. M. B______ aurait pu avoir l’élégance de convoquer son ex-épouse témoin des faits dans son cabinet pour l’entendre. Il lui avait recommandé de ne pas porter plainte contre la permanence en l’informant qu’elle serait de toute façon vendue et qu’il ne valait pas la peine d’engager des poursuites pénales et civiles. Un mois plus tard, la permanence avait changé de raison sociale. M. B______ n’avait pas inclus le Dr E______ dans le formulaire de levée du secret médical. Même s’il lui avait fait signer la plainte, il avait l’obligation d’analyser les documents et d’y apporter les arguments juridiques.

Avant de monter en salle d’audience, M. B______ lui avait bien dit que si le procureur citait le Dr E______, il se dessaisirait. Il lui avait dit de signer le procès-verbal alors qu’il souhaitait y apporter des amendements.

Les arguments de M. B______ sur le classement de la procédure pénale étaient infondés car son recours était partiellement admis dans le cadre de la nouvelle procédure P/1______/2019 dirigée contre le Dr E______.

Le logo de la permanence apparaissait dans l’attestation du Dr E______.

Il était étonnant que le Dr E______ n’ait pas produit de pièces dans la première procédure pénale P/2______/2017, alors que le procureur le lui avait demandé. Le jugement de cette procédure était arbitraire.

La commission avait considéré le rapport du CHUV comme un élément nouveau permettant d’envisager la réouverture de la procédure.

L’avis de M. B______ selon lequel la permanence n’avait pas de responsabilité était erroné. Au moment de sa prise en charge, celle-ci n’avait pas d’assurance responsabilité civile.

La commission devait lui révéler la réponse de M. B______ qui avait été caviardée. Celui-ci ne pouvait se prévaloir du secret professionnel, étant lui-même défendeur face à son client. Il avait été dans le passé en relation professionnelle avec la permanence.

9) Le 15 septembre 2022, M. B______ a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

La dénonciation relevait du droit disciplinaire et non du contrôle du pouvoir de postuler de l’avocat. Le dénonciateur n’avait pas de droit à ce que l’autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation. Faute de disposer d’un intérêt digne de protection, son recours était irrecevable.

Au fond, M. A______ l’avait instruit de préparer une plainte contre son seul médecin traitant, le Dr C______, ce qu’il avait confirmé devant le Ministère public. Il n’était pas question à l’époque de déposer plainte contre le Dr E______, et le rapport du CHUV n’avait pas encore été rendu. Il avait été établi que le médicament était prescrit contre la goutte et rien ne permettait de supputer une quelconque responsabilité du Dr E______. Il n’était pas établi que le Dr E______ aurait travaillé comme auxiliaire de la permanence. À sa connaissance, le Dr E______ était indépendant de la permanence. Il n’avait jamais été l’avocat du Dr E______. Il était très douteux que la responsabilité de la permanence aurait pu être engagée. Ce n’était pas en raison de son manque de diligence que la plainte de M. A______ avait été classée.

10) Le 20 septembre 2022, la commission a indiqué que le dénonciateur n’avait pas qualité pour recourir contre le refus de donner suite à sa dénonciation.

Le paragraphe caviardé était couvert par le secret professionnel de l’avocat.

11) Le 22 octobre 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions, ajoutant qu’il fallait « prouver un courrier officiel envoyer à Mr A______ avec signature pour la fin de son mandat ».

Il devait être entendu « sur le fond ».

Au moment de le prendre en charge, le Dr E______ était ostéopathe. Il n’avait jamais été entendu par les experts. Il n’avait pas les compétences pour lui prescrire des doses aussi fortes.

Dans la seconde procédure pénale, plusieurs de ses médecins avaient demandé à être entendus, sans succès.

M. B______ avait déclaré avoir été ponctuellement conseil de la permanence à diverses occasions depuis environ 2006. Le Dr E______ avait travaillé à la permanence comme auxiliaire, ainsi qu’il ressortait d’un courrier de son avocat du 24 novembre 2021 dans le cadre d’une procédure civile intentée contre lui depuis presque trois ans, sans résultat. Il constatait une violation flagrante du code de déontologie, sous forme de conflit d’intérêts.

L’assurance responsabilité civile de la permanence devait être engagée s’il était constaté la violation du devoir de diligence du Dr E______.

La qualité pour recourir devait lui être reconnue.

12) Le 31 octobre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

13) Le 2 décembre 2022, M. A______ a transmis un courrier de la permanence de mai 2021 renonçant à invoquer la prescription jusqu’au 31 décembre 2022.

14) Le 9 décembre 2022, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

Il sera revenu en tant que de besoin sur les arguments et les pièces produits par les parties.

 

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant demande dans sa réplique à être entendu.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer par écrit et de produire toute pièce utile tant devant la commission que la chambre de céans. Il n’expose pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige sa comparution personnelle pourrait apporter. Le dossier apparaît complet et en état d’être jugé. Il ne sera pas donné suite à sa demande d’actes d’instruction.

3) La chambre de céans examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/1021/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2).

a. Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/1123/2020 du 10 novembre 2020 consid. 3b et les références citées). L'exemple le plus évident concerne la partie à la procédure qui a obtenu le plein de ses conclusions au stade antérieur de la procédure, et n'est dès lors pas lésée par la décision ou le jugement de première instance (ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3b).

c. L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/1352/2020 précité consid. 3d ; ATA/1123/2020 précité consid. 3c).

L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1 ; ATA/1352/2020 précité consid. 3c).

d. La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n'importe quel administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'État dans l'intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l'autorité pourrait intervenir d'office. En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d'effets, car l'autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n'a même pas de droit à ce que l'autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468 consid. 2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/1123/2020 précité consid. 4c et les références citées).

La jurisprudence fédérale considère en lien avec l'art. 89 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) que la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne en principe pas le droit de recourir contre la décision prise à la suite de la dénonciation et ne confère donc pas la qualité de partie dans cette procédure (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 II 468 consid. 2 ; arrêts 2C_214/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.5 ; 2C_519/2017 du 28 novembre 2017 consid. 4.3). En effet, la procédure disciplinaire a pour but d'assurer l'exercice correct de l'activité soumise à surveillance dans l'intérêt public et non de défendre des intérêts privés des particuliers (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 132 II 250 consid. 4.4, à propos de la profession d'avocat ; ATF 133 II 468 consid. 2, concernant la profession de notaire ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_79/2021 du 17 juin 2021 consid. 3.4, s'agissant de la surveillance des marchés financiers).

Pour jouir de la qualité pour recourir, le dénonciateur doit non seulement se trouver dans un rapport étroit et spécial avec la situation litigieuse, mais aussi pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 II 468 consid. 2 ; arrêts 2C_214/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.5 ; 2C_519/2017 du 28 novembre 2017 consid. 4.3). Savoir si un dénonciateur remplit les conditions précitées et donc jouit de la qualité de partie doit être résolue différemment selon les matières et les circonstances d'espèce. Afin d'opérer une délimitation raisonnable avec le « recours populaire », la jurisprudence reconnaît restrictivement la qualité de partie au dénonciateur, lorsque celui-ci pourrait sauvegarder ses intérêts d'une autre manière, notamment par le biais d'une procédure pénale ou civile (ATF 139 II 279 consid. 2.3 et références citées ; arrêts 2C_214/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.5 et 2C_444/2021 du 19 octobre 2021 consid. 3.4 et références citées).

La jurisprudence a ainsi dénié la qualité pour recourir au plaignant dans le cadre d'une procédure disciplinaire dirigée contre un avocat, considérant que celui-là n'avait pas un intérêt propre et digne de protection à demander une sanction disciplinaire pour une éventuelle violation de ses obligations professionnelles. (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/1123/2020 précité consid. 4a ; ATA/413/2020 du 30 avril 2020 consid. 4a).

Dans les procédures disciplinaires engagées contre des personnes exerçant une profession réglementée, le dénonciateur ou le plaignant n'est donc pas partie à la procédure, de sorte que son recours est irrecevable. La chambre de céans en a jugé ainsi dans plusieurs causes récentes concernant des avocats (ATA/139/2021 du 9 février 2021 ; ATA/1123/2020 du 10 novembre 2020 ; ATA/841/2019 du 30 avril 2019).

e. Aux termes de l'art. 48 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10), si la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l'auteur de cette dernière est avisé de la suite qui y a été donnée. Il n'a pas accès au dossier ; la commission lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants.

4) La cause a pour objet le classement par la commission de la dénonciation par laquelle le recourant faisait grief à son ancien avocat de l’avoir défendu alors qu’il se serait trouvé dans un conflit d’intérêts, car il conseillait également ou avait conseillé la permanence, et d’avoir manqué de diligence dans l’exécution de son mandat.

La conclusion du recourant en « analyse et réservation de [s]es prétentions civiles et pénales » est exorbitante à l’objet du litige. Elle excède par ailleurs les compétences de la commission et celles de la chambre de céans. Elle est partant irrecevable.

a. Aux termes de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont toutefois pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

b. Selon l'art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), afférent aux règles professionnelles, l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence.

En vertu de l'art. 12 let. c LLCA, l'avocat évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé.

5) Selon le recourant, c’est à tort que la commission aurait exclu un conflit d’intérêts, et retenu en particulier qu’il n’avait pas établi avoir donné mandat à son ancien avocat de déposer plainte contre le Dr E______ ou la permanence.

a. La commission a retenu que la plainte pénale du recourant contre le Dr C______ avait été classée, ainsi que l’avait prévu son avocat. L’arrêt de la CPR produit par la commission et rejetant le recours contre le classement retient que le Dr C______ ne disposait pas des éléments nécessaires pour diagnostiquer le SSJ lorsqu’il avait ausculté le recourant et que rien ne lui permettait d’envisager sa survenue, de sorte qu’il avait agi de façon adéquate. Le recourant ne soutient pas avoir obtenu par la suite l’annulation du classement.

b. La commission a estimé que le recourant n’avait pas prouvé les propos, tenus notamment en salle d’attente, qu’il prêtait à M. B______, et le recourant, qui réitère ses reproches, n’en apporte pas la preuve devant la chambre de céans. Le recourant n’a pas non plus établi qu’il aurait chargé M. B______ de poursuivre le Dr E______ ou la permanence. À cet égard, c’est au recourant qu’il appartient d’établir l’existence du mandat qu’il allègue et que M. B______ conteste. Le mandat de préparer une plainte contre le Dr C______ est établi par l’ensemble des circonstances, et il n’y a pas lieu d’ordonner à M. B______ de produire, comme le demande le recourant, d’autres pièces pour le prouver. Cela étant, il ressort du procès-verbal de son audition au Ministère public du 20 septembre 2017, versé à la procédure par la commission, que le recourant n’a à aucun moment mis en cause le Dr E______, se limitant à indiquer que celui-ci l’avait traité pour une crise de goutte, et qu’il ne s’est plaint que de son médecin traitant, le Dr C______. La commission a observé à juste titre que le Ministère public n’avait pas étendu son instruction au Dr E______ alors qu’il aurait pu le faire si celle-ci avait fait apparaître des soupçons de commission d’une infraction.

c. La lettre de transfert du 9 septembre 2014 des HUG produite par le recourant désignait déjà l’allopurinol comme médicament responsable en premier lieu. Le recourant fait valoir l’évaluation du centre régional de pharmacovigilance du CHUV établie le 30 novembre 2021, concluant que le traitement par allopurinol n’était pas indiqué dans son cas, avait été prescrit avec une posologie non conforme aux recommandations pour une prescription initiale et avait augmenté le risque de survenue du syndrome de Stevens-Johnson. Celle-ci est toutefois postérieure à la procédure pénale contre le Dr C______, comme l’a observé la commission, et ne pouvait partant être connue de M. B______. Aucun élément de la procédure ne permet donc de penser que la responsabilité du Dr E______ avait été envisagée par le recourant et son conseil à l’époque, ou encore par le Ministère public.

d. Il suit de là que la question d’un éventuel conflit de mandats ne pouvait se poser à cette même période et qu’un tel conflit ne peut donc être reproché à M. B______.

La question de savoir si M. B______ avait pu avoir comme client le Dr E______ – une affirmation que M. B______ conteste et que le recourant semble ne pas maintenir – ou encore si M. B______ avait eu pour cliente la permanence, n’est pas décisive pour l’issue du litige et pourra souffrir de rester indécise. Il n’y a ainsi pas lieu de donner suite à la demande du recourant que la commission produise la détermination non caviardée de M. B______.

6) Le recourant, qui conclut que soient réservées ses prétentions civiles et pénales, laisse entendre qu’il poursuivrait un intérêt personnel à être indemnisé.

Il fait valoir qu’il aurait entrepris depuis la première procédure pénale des poursuites pénales contre le Dr E______ et civiles contre la permanence. Il n’indique toutefois ni ne documente le sort réservé à sa plainte pénale et à son action civile. Le sort de l’action disciplinaire contre son ancien avocat serait quoi qu’il en soit sans effet sur celles-ci.

Le recourant ne soutient pas pour le surplus qu’il aurait agi civilement ou pénalement contre M. B______.

Il parait douteux dans ces circonstances que le recourant dispose d’un intérêt personnel à faire constater dans la procédure disciplinaire l’existence passée d’un conflit d’intérêts au sens de l’art. 12 let. c LLCA ou encore d’un défaut de diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA, de sorte que son recours devrait en principe être déclaré irrecevable faute pour lui de disposer de la qualité pour recourir.

Cette question pourra toutefois être laissée indécise, dès lors que même s’il était recevable, son recours devrait être rejeté, aucun conflit d’intérêts ni aucun manque de diligence n’ayant, comme il a été vu plus haut, pu être mis en évidence.

Le recours sera ainsi rejeté en tant qu’il est recevable.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 22 août 2022 par M. A______ contre la décision de la commission du barreau du 13 juin 2022 ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ; 

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, à la commission du barreau, ainsi qu’à M. B______.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :