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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3442/2019

ATA/490/2021 du 11.05.2021 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3442/2019-FPUBL ATA/490/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 mai 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1961, a été engagé en qualité d'enseignant d'éducation physique au collège B______ le 1er septembre 1994. Il a été nommé fonctionnaire le 1er septembre 1999.

2) Dès 1997, M. A______ a travaillé en qualité de maître d'éducation physique pour l'école de culture générale C______, le centre de formation professionnelle (CPF) arts, le cycle d'orientation de D______, ainsi qu'à la direction générale de l'enseignement secondaire II. Il a également exercé des activités extra-professionnelles en relation avec le sport, comme entraîneur responsable jeunesse et sport au C______ et arbitre de la fédération suisse de M______ entre autres.

3) Le 28 janvier 2004, M. A______ a fait l'objet d'un blâme pour violation de son devoir d'enseignant ayant, tenu des propos à caractère discriminatoire envers la religion. Le 18 mai 2007, il a été sanctionné par une diminution de quatre annuités pour propos à caractère sexuel inadéquats. Il lui avait été précisé à cette occasion que tout nouveau comportement professionnel inadéquat amènerait le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) à proposer la résiliation des rapports de service.

4) Le 28 novembre 2017, Madame E______, doyenne au collège de D______, a reçu la plainte d'un élève pour des paroles à connotation raciste prononcées lors du cours d'éducation physique de M. A______ du 27 novembre 2017. Cette élève s'est également plainte de propos à connotation sexuelle que M. A______ tenait très régulièrement pendant ses cours. Entre le 15 décembre 2017 et le 9 janvier 2018, plusieurs élèves ont été auditionnés et ont confirmé que M. A______ aurait tenu des propos racistes concernant les juifs lors de son cours du 27 novembre 2017, ainsi qu'il tenait régulièrement des propos à connotation sexuelle inappropriés.

5) Un entretien de service a été tenu le 27 mars 2018 en présence de M. A______, de Monsieur F______, directeur du collège de D______, et de Madame G______, responsable des ressources humaines. À cette occasion, M. A______ a exposé qu'en ce qui concernait les propos à connotation raciste, étant lui-même d'origine juive, son intention n'était nullement de porter des insultes antisémites. Il n'a par ailleurs pas nié avoir tenu les propos relatés par les élèves, soit « mon père c'est un arnaqueur, un escroc, un juif quoi ! » mais a voulu les replacer dans un contexte particulier et expliqué les avoir tenus sous la forme de l'humour.

Il n'a pas nié avoir tenu les propos à connotation sexuelle. M. A______ a toutefois expliqué que, devant gérer des comportements d'adolescents de 14 à 17 ans, il les utilisait souvent pour faire de l'humour au deuxième degré ou pour aborder des thématiques proches des adolescents. M. A______ a tenu à préciser qu'il voulait entretenir une relation de proximité avec ses élèves, mais a admis et réalisé qu'il était allé trop loin dans ses propos. Il a également regretté sincèrement que ses paroles aient pu être mal interprétées et aient pu blesser certains élèves.

Par ailleurs, M. A______ a également admis avoir tenu des propos insultants à l'encontre de ses élèves tout en relativisant ceux-ci par le fait que les élèves eux-mêmes s'insultaient régulièrement entre eux en utilisant notamment le terme de « pédé ». Il a également admis avoir traité un élève de « menteur » car il avait oublié ses chaussures de sport et ensuite prétexté faussement qu'elles étaient dans son casier.

À l'issue de cet entretien, invité à se prononcer sur la libération provisoire de son obligation de travailler, M. A______ a dit avoir pleinement compris les enjeux et s'est engagé à ne plus tenir des propos insultants ou à connotation sexuelle ou raciste auprès de ses élèves. Il souhaitait poursuivre ses cours dès le lendemain.

M. F______ lui alors annoncé sa libération provisoire de l'obligation de travailler, afin de prendre en compte l'intégrité psychique des élèves qui avaient témoigné.

6) Par décision du 17 mai 2018 de la conseillère d'État en charge du DIP, M. A______ a été éloigné de son lieu de travail, aussi bien du collège de D______ que de l'ECG C______ et du N______, son traitement ayant été maintenu.

7) Par la suite, une procédure de reclassement a été ouverte. Le 8 avril 2019, trois postes correspondant à ses compétences dans le domaine du sport ont été proposés à M. A______, qui a toutefois renoncé à postuler.

8) Par décision du 13 juin 2019, le DIP a informé M. A______ que la procédure de reclassement était terminée et qu'après un délai de trente jours pendant lequel il pouvait faire parvenir ses observations, la procédure de résiliation des rapports de service allait suivre son cours.

9) Par courrier du 15 juillet 2019, M. A______ a contesté présenter des insuffisances de prestations ainsi qu'une inaptitude à remplir les exigences du poste et a contesté l'existence de motifs fondés de résiliation des rapports de service. À 58 ans, il serait quasiment impossible pour lui de trouver un travail. Les postes proposés n'étaient pas conformes à sa formation et impliqueraient une diminution conséquente de son salaire.

10) Par décision du 29 juillet 2019, la conseillère d'État responsable du DIP a résilié les rapports de service entre le département et M. A______ pour motifs fondés, le délai de congé de trois mois venant à échéance au 30 novembre 2019. Cette décision rappelait que M. A______ avait été sanctionné à plusieurs reprises pour des motifs similaires, qu'il n'avait pas tiré les conséquences de ses deux avertissements et que son comportement n'était pas acceptable au vu de ses devoirs d'enseignant, ce comportement s'étant répété dans le temps, de sorte que les insuffisances de prestation et l'inaptitude à remplir les exigences du poste étaient bien réalisées.

11) En raison d'un arrêt maladie le délai de congé a été prolongé jusqu'au 31 mai 2020.

12) Par acte déposé le 16 septembre 2019 devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a fait recours contre la décision du DIP du 29 juillet 2019. Il a conclu à son annulation et à ce que sa réintégration soit ordonnée.

Après la plainte déposée par un élève le 28 novembre 2017, il avait continué à enseigner normalement, même suite à l'audition de cinq autres élèves et ceci jusqu'à l'entretien de service du 27 mars 2018. Il avait expliqué à cet entretien que concernant les propos à connotation raciste, étant lui-même d'origine juive, il ne pouvait pas être antisémite et qu'à aucun moment il n'avait voulu blesser qui que ce soit. Les élèves s'insultaient mutuellement de façon régulière et qu'il intervenait en tenant les mêmes propos pour leur faire comprendre l'inadéquation de leurs paroles. Pour les propos à connotation sexuelle, il avait également expliqué que s'agissant d'adolescents de 14 à 17 en pleine puberté, il avait essayé de les comprendre et de rebondir sur leurs remarques et comportements plutôt que de sanctionner ses élèves. Ce n'était que six mois après la leçon incriminée et deux mois après l'entretien de service que M. A______ avait fait l'objet de mesures provisoires d'éloignement de son lieu de travail. S'il lui était arrivé d'utiliser les mêmes termes que ses élèves, notamment de les insulter, c'était pour leur faire prendre conscience de l'inadéquation de ces mots. Il avait toutefois pris conscience que cette approche était critiquable et qu'il devait faire preuve de modération. Il n'avait fait l'objet d'aucune sanction depuis 2007, de sorte que la résiliation était infondée et disproportionnée, notamment car il était à quelques années de la retraite.

13) Dans sa réponse du 31 octobre 2019, le DIP a conclu au rejet du recours de M. A______.

Cet enseignant avait déjà été sanctionné en 2003 et 2007. À cette deuxième occasion, il avait admis avoir tenu des propos à caractère sexuel totalement inadéquats, de sorte que la sanction avait consisté en une réduction de quatre annuités. Concernant la plainte de l'élève pour le cours du 27 novembre 2017, cet élève avait confirmé au directeur de l'établissement et à la doyenne que M. A______ avait dit notamment « les filles se font sodomiser, vous avez le droit de le faire entre mecs, c'est bien d'être un hétéro curieux » ; « le catch, c'est quand il y en a un qui est à quatre pattes avec un autre derrière » ou « un homme de 30 ans avec sa testostérone, il vous viole tous », l'élève ayant déclaré que de tels propos se répétaient à quasiment toutes les leçons. Un autre élève avait confirmé que M. A______ tenait régulièrement ce genre de propos. Par ailleurs, lors de l'entretien de service du 27 mars 2018, il avait été précisé à M. A______ que la situation était susceptible de conduire à la résiliation des rapports de service. M. A______ n'avait pas souhaité apporter d'observations écrites suite à cet entretien et avait été libéré immédiatement de son obligation de travailler au cours de cet entretien. Par ailleurs, M. A______ avait été en incapacité de travail à 100 % à compter du 24 septembre 2019.

En résumé, M. A______ n'avait pas nié avoir tenu les propos reprochés. Il s'agissait de la troisième fois que des tels faits lui étaient reprochés, ce qui démontrait qu'il n'avait pas pris conscience de la gravité de la problématique. Par ailleurs, avant de prononcer la résiliation des rapports de service, le DIP avait donné l'occasion à M. A______ de participer à la procédure de reclassement afin de trouver un autre poste. Il ne s'était pas rendu à quatre entretiens. Il avait finalement refusé deux postes, l'un de gardien de parc et l'autre de gardien de piscine qui correspondaient à son profil professionnel. Dès lors, le principe de la proportionnalité avait été respecté.

14) Dans sa réplique du 24 janvier 2020, M. A______ a rappelé qu'il n'avait pas été suspendu immédiatement après la plainte de l'élève pour les faits du 27 novembre 2017 et qu'il avait pu continuer à enseigner pendant plusieurs mois. Il a produit plusieurs attestations d'anciens élèves, d'anciens collègues, de personnes ayant collaboré avec lui dans le cadre sportif. Tous témoignaient de son dévouement à sa profession, de son engagement pour l'éducation physique et de sa motivation pour son travail.

15) Lors de la comparution personnelle du 6 mars 2020, M. A______ a répété qu'il ne contestait pas les paroles prononcées et figurant dans le procès-verbal du 7 décembre 2017 établi à la suite de la plainte de l'élève en question, mais qu'il en contestait l'interprétation faite par le département. Il admettait avoir été sanctionné en 2007 pour des propos à caractère sexuel inadéquats et n'avoir pas pris conscience qu'il fallait qu'il fasse très attention à ses propos, de sorte qu'il aurait fallu la troisième sanction pour qu'il prenne conscience de ce que ses propos étaient inadéquats. Après son entretien de service du 27 mars 2018, il était tombé « en sidération », avait été voir plusieurs psychiatres pour faire un travail sur lui-même, s'étant rendu compte des conséquences de ses propos. Sa spontanéité pouvait aller parfois trop loin, de sorte qu'il avait des rapports de « copain » avec les élèves plus que de professeur, qu'il était tellement centré sur lui-même qu'il n'était pas arrivé à se rendre compte que ses propos étaient inadéquats et qu'il avait une relation très forte avec ses élèves. Il avait toutefois travaillé sur cet aspect des choses et pensait désormais avoir compris où étaient les limites. Il avait finalement pris conscience qu'il avait blessé des personnes, qu'on lui avait déjà donné deux chances et qu'il avait oublié quel comportement il fallait avoir afin de ne pas être trop proche de ses élèves. Grâce à sa thérapie, il s'était rendu compte que ses propos étaient inadéquats.

16) Les 1er octobre et 3 décembre 2020 des enquêtes ont eu lieu.

a. Madame H______, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a établi un rapport le 30 septembre 2020. Entendue à ce sujet, elle a expliqué avoir commencé à suivre M. A______ en août 2018. Il avait entamé un long processus de remise en question ayant abouti à la compréhension et à l'assimilation de ses actes. Elle avait diagnostiqué un profil hyperactif et un QI élevé chez son patient. Cela le portait à une hyper empathie à l'égard de l'autre. Ce zèle dans l'engagement auprès de ses élèves s'était toutefois avéré parfois contreproductif car il n'instaurait pas toujours la distance nécessaire avec eux et brouillait le rapport du statut élève-professeur. Sa communication très directe lui permettait de créer un lien de confiance avec les élèves, mais cette attitude de proximité était parfois inappropriée et mal perçue par d'autres élèves. Sa suspension au printemps 2018 l'avait plongé dans un épisode dépressif majeur l'amenant à une apathie totale. Après une analyse rétrospective, il était actuellement complètement sorti de cet état, avait retrouvé son énergie et son goût pour la vie et était prêt à exercer le métier qu'il lui tenait tant à coeur.

M. A______ étant passionné par son métier, cela accentuait le manque de distance. Après deux ans de thérapie, M. A______ avait effectué un changement significatif, en particulier dans la relation avec les autres, était beaucoup plus calme et posé et continuait de consulter. Ils avaient beaucoup travaillé sur les propos qu'il avait tenus et notamment sur sa propre logique, M. A______ s'étant enfin rendu compte qu'elle n'était pas courante. Le genre de propos tenus par M. A______ était dû à la très grande proximité avec ses élèves, ce qui l'avait amené à utiliser le même langage que les adolescents.

b. Monsieur I______ a confirmé connaître M. A______ depuis très longtemps, l'avoir revu dans l'enseignement en 1987, notamment ayant travaillé dans le même cycle d'orientation. M. A______ était un très bon professeur de gymnastique, il était énergique et s'entendait bien avec ses élèves. Il n'avait jamais assisté à l'intégralité des leçons de M. A______ et n'avait jamais entendu de propos inadéquats de sa part. Les autres professeurs d'éducation physique ne lui avaient jamais rien rapporté de négatif sur à la façon d'enseigner de M. A______ et n'avaient pas constaté qu'il n'avait pas la bonne distance avec les élèves. Il considérait M. A______ comme quelqu'un de bienveillant, toutefois un peu volubile et dont les mots dépassaient sa pensée. Depuis que celui-ci avait été suspendu, le témoin avait continué de le fréquenter. Il l'avait revu en été 2020 et l'avait trouvé changé, notamment plus calme. M. I______ n'était pas le supérieur hiérarchique de M. A______ et il n'avait pas effectué de contrôles de classes pendant ses cours. Il y avait eu un problème avec un parent d'élève, de sorte que M. A______ avait changé son attitude pendant une période, mais il n'avait pas pris toute la mesure de la sanction.

c. Monsieur J______ a confirmé avoir connu M. A______ en 1989 dans le cadre d'activités communes, en particulier celle de l'enseignement du frisbee. À deux reprises, il avait demandé à M. A______ d'intervenir dans le cadre de l'enseignement organisé par Jeunesse et Sport pour des modules de perfectionnement à l'attention des maîtres de sport et avoir animé pendant plusieurs années des camps pour les jeunes autour du frisbee. Selon le témoin, M. A______ était quelqu'un d'engagé dans sa relation avec les jeunes, soignant sa relation avec les autres et qui avait un bon contact avec ces jeunes. Ses propos avec les élèves avaient toujours répondu aux standards demandés quant au respect de la personne et son langage était adapté aux classes d'âge auxquelles il enseignait. Il était plus réservé avec les plus jeunes et faisait plus d'humour avec les adolescents. Il n'avait pas entendu M. A______ tenir des propos inadéquats ni des propos sexuels ou antisémites et ne l'avait jamais entendu insulter des élèves. Depuis quelques mois, M. A______ était beaucoup plus calme ayant pris du recul. Lui-même n'avait jamais été présent en classe lors des cours que M. A______ donnait au cycle de D______.

17) Par une nouvelle écriture du 2 novembre 2020, le DIP a persisté dans ses conclusions. M. A______ entendait faire amende honorable, table rase du passé et reprendre son activité. C'était toutefoisomettre les faits reprochés et faire passer son intérêt privé sur celui du DIP à s'assurer que les élèves ne soient plus confrontés à ces types d'actes et de propos. Ses actes avaient détruit la confiance que la collectivité avait placée en lui et étaient clairement constitutifs d'insuffisance de prestations, de sorte qu'il y avait bien un motif fondé de résiliation des rapports de service.

18) Le 11 décembre 2020, le recourant a sollicité l'audition de deux témoins supplémentaires.

19) La cause a été gardée à juger le 15 décembre 2020, ce dont les parties ont été informées.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a sollicité dans ses dernières écritures un complément d'enquêtes.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1. ; ATA/799/2018 du 7 août 2018).

b. En l'espèce, la chambre de céans a procédé à des enquêtes lors de deux audiences. À l'issue de celles-ci, le recourant a sollicité encore l'audition de MM. K______ et L______. Le premier devait pouvoir témoigner de sa collaboration avec le recourant lors du tournoi scolaire de C______ pour l'école primaire, lequel réunissait chaque année plus de 1'500 élèves dans un esprit convivial basé sur le respect.

Le second, collègue du recourant, devait pouvoir attester de sa passion pour le métier d'enseignant, de son soutien aux jeunes collègues et surtout de l'attention qu'il portait à la transmission aux élèves des valeurs de respect et d'écoute.

Les deux précités ont versé à la procédure des attestations, respectivement les 12 et 14 janvier 2020, détaillant à l'attention de la chambre de céans les éléments qu'ils souhaitaient porter à sa connaissance. De surcroît, les faits relatés ne sont pas déterminants pour l'issue du litige.

Enfin, la chambre de céans est en possession d'un dossier complet qui lui permet de trancher le litige sur la base des pièces produites, l'audition des deux témoins précités n'étant pas à même d'en modifier l'issue.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la demande d'actes d'instruction complémentaires.

3) Le recourant considère que les motifs invoqués par le département pour résilier les rapports de service ne seraient pas suffisants pour retenir un motif fondé au sens de l'art. 141 al. 3 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), condition reprise à l'art 64 al. 2 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04) et que la décision querellée violerait le principe de la proportionnalité.

4) a. À teneur de l'art. 123 LIP, les membres du personnel enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction qui leur incombe (al. 1) ; ils sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice
(al. 2). Cette règle est reprise à l'art. 20 RStCE, qui prévoit qu'ils doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux responsabilités leur incombant, tandis que l'art. 21 al. 1 RStCE rappelle qu'ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence. L'enseignant doit jouir d'une bonne réputation (art. 45 let. b RStCE).

Par ailleurs, l'art. 114 al. 1 LIP prévoit que, dans le cadre scolaire, chaque élève a droit à une protection particulière de son intégrité physique et psychique et au respect de sa dignité.

Les devoirs de service du corps enseignant sont en règle générale de même contenu que ceux prévus pour les membres du personnel régis par la LPAC, à savoir, notamment, le devoir de respecter l'intérêt de l'État.

b. En tant que membre du corps enseignant, l'enseignant est chargé d'une mission d'éducation dont les objectifs sont énoncés à l'art. 10 LIP. Son rôle est ainsi de contribuer au développement intellectuel, manuel et artistique des élèves, à leur éducation physique mais aussi à leur formation morale à une période sensible où les élèves passent de l'adolescence à l'état de jeune adulte. Dans ce cadre, l'enseignant constitue, à l'égard des élèves, à la fois une référence et une image qui doivent être préservées. Il lui appartient donc, dès qu'il se trouve hors de sa sphère privée, d'adopter en tout temps un comportement auquel ceux-ci puissent s'identifier. À défaut, il détruirait la confiance que la collectivité, et en particulier les parents et les élèves, ont placée en lui. Ce devoir de fidélité embrasse l'ensemble des devoirs qui lui incombent dans l'exercice de ses activités professionnelles et extra-professionnelles. Dès que ses actes sont susceptibles d'interagir avec sa fonction d'éducateur, le devoir de fidélité impose à l'enseignant la circonspection et une obligation de renoncer, sauf à prendre le risque de violer ses obligations (ATA/1086/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5b ; ATA/1619/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 consid. 11 ; ATA/605/2011 du 27 septembre 2011 consid. 8).

Les devoirs spécifiques liés à la mission éducative s'imposent parfois même hors service, compte tenu de l'ascendant que les membres du corps enseignant exercent sur leurs élèves en raison de leur position d'autorité à leur égard (ATA/1086/2020 précité consid. 5b ; ATA/715/2018 du 10 août 2018 ; ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4c et les références citées).

c. Le Conseil d'État peut, pour motif fondé, résilier les rapports de service d'un membre du corps enseignant. Il peut déléguer cette compétence au conseiller d'État chargé du département agissant d'entente avec l'office du personnel de l'État. La décision est motivée (al. 1). L'autorité compétente est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont définies par règlement (al. 2).

Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration scolaire, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 141 al. 3 let. a LIP). Le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d'un mois (art. 141 al. 4 LIP). Lorsque l'intérêt des élèves l'exige, le conseiller d'État chargé du département agissant d'entente avec l'office du personnel de l'État peut prendre des mesures provisoires et en particulier éloigner le membre du corps enseignant de son lieu de travail. Ces mesures ne peuvent entraîner une diminution de traitement de l'intéressé (art. 141 al. 5 LIP). L'art. 64 RStCE a la même teneur que l'art. 141 LIP.

L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/ Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 161-162).

d. À titre d'exemple, le TF a retenu que les propos d'« adolescente attardée », tenus par un enseignant à l'encontre d'une collègue, par écrit et donc dans un mode d'expression permettant une certaine réflexion avant l'émission du message, étaient inadmissibles, blessants et parfaitement déplacés. Ils sont clairement incompatibles avec l'obligation de l'intimé d'entretenir des relations dignes et respectueuses avec ses collègues et supérieurs et de renforcer la considération et la confiance dont l'administration, en l'espèce communale, devaient être l'objet (arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2020 du 27 octobre 2020).

e. La chambre de céans a récemment jugé que les termes tels que « casse-toi ! », « dégage ! », « volée de merde » qu'un enseignant reconnaissait avoir employés à l'égard de ses élèves étaient inadmissibles. Ces écarts de langage n'avaient pas été des épisodes isolés. Le licenciement, notamment pour ces faits, avait été confirmé (ATA/79/2021 du 26 janvier 2021 consid. 4).

5) Bien qu'il ait tenté de minimiser la gravité de ses propos, d'abord lors de l'entretien de service du 27 mars 2018, puis dans sa prise de position du 15 juillet 2019, le recourant a fini par admettre lors de l'audience de comparution personnelle qu'il avait prononcé les mots figurant au procès-verbal de l'audition du 7 décembre 2017 de l'élève ayant déposé plainte pour les faits du 27 novembre 2017, ainsi que de celles des autres élèves des 8 décembre et 15 décembre 2017. Ces propos, notamment ceux d'ordre sexuel, sont clairement inadéquats, voire choquants dans la bouche d'un professeur pendant un cours. Par ailleurs, un des élèves a dit clairement avoir été choqué au point qu'il avait noté ces mots dans un carnet. Le même élève a confirmé que ces propos étaient tenus à quasiment toutes les leçons, de sorte qu'il y avait lieu de tenir pour établis les faits concernant les propos d'ordre sexuel, de même que les insultes prononcées par ce professeur en présence ou adressées à ses élèves. Lors de la même audience de comparution personnelle, le recourant a également confirmé qu'en 2017, il avait eu une diminution de quatre annuités pour des propos à caractère sexuel inadéquats, mais n'avait pas pris conscience de la gravité de ses propos, de sorte qu'il avait fallu la troisième sanction, sous forme de licenciement, soit la plus grave, pour qu'il en prenne conscience. Le recourant a également admis avoir eu des rapports de « copain » avec ses élèves plus que d'élève à professeur. Il a concédé avoir été trop loin, avoir utilisé le terme de « pédé » à l'égard de certains élèves, avoir pris conscience de ce qu'il avait pu blesser des personnes et que ce n'était que suite à sa psychothérapie qu'il s'était rendu compte que ses propos étaient inadéquats.

Par ailleurs, l'audition de la Dresse H______, ainsi que le certificat médical produit datant du 30 septembre 2020 permet de retenir pour les raisons expliquées par cette psychologue, que le recourant n'avait pas, avant sa mise à pied, la capacité de comprendre la gravité de ses propres propos, ceci malgré les deux sanctions déjà intervenues dans le passé, et que son profil psychologique ne lui permettait pas d'instaurer la distance nécessaire avec les élèves. Ce n'est qu'après deux ans de travail sur le plan personnel et psychologique, soit à fin 2020, que le recourant paraît avoir enfin compris que son attitude était inadéquate.

Il en résulte que la gravité des faits reprochés au recourant est établie et justifie en tant que telle la résiliation des rapports de service, d'autant plus que cet enseignant avait déjà eu deux opportunités de changer de comportement et ne les avait pas saisies.

Par ailleurs, il ne s'agit pas uniquement de tenir compte des faits du 27 novembre 2017, mais d'une répétition de ses actes pendant une longue période.

Concernant la proportionnalité de la mesure, il est également rappelé que le département a respecté la procédure de reclassement et a proposé des postes qui paraissaient adéquats au recourant qui les a toutefois refusés.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la résiliation des rapports de service est conforme au droit et ne consacre aucun excès ni abus du pouvoir d'appréciation malgré le fait que le recourant soit considéré comme un enseignant compétent.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2019 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 29 juillet 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :