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Décisions | Chambre civile

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C/20708/2023

ACJC/757/2024 du 12.06.2024 sur OTPI/14/2024 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20708/2023 ACJC/757/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 12 JUIN 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 janvier 2024, représentée par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Olivier SEIDLER, avocat, KULIK SEIDLER, rue du Rhône 116, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/14/2024 du 3 janvier 2024, reçue le 8 janvier 2024 par A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre de la procédure de divorce entre A______ et B______, a attribué à B______ la garde de l'enfant C______, née le ______ 2020 (ch. 1 du dispositif), octroyé à A______ un droit de visite s'exerçant à raison de 4 heures tous les deux samedis sous la surveillance d'un tiers qualifié pour ce faire et dans des locaux prévus à cet effet (ch. 2), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 3), ordonné la communication de la présente ordonnance au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant et aux fins de la désignation du curateur (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 800 fr. (ch. 5), renvoyé, pour le surplus, le sort des frais à la décision finale (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié le 18 janvier 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation des chiffres 1 et 2 du dispositif avec suite de frais judiciaires et dépens.

A titre préalable, elle conclut à ce qu'il soit ordonné la reddition d'un rapport par le Service d'Evaluation et d'Accompagnement de la Séparation Parentale (ci-après : SEASP) concernant les relations personnelles à exercer sur l'enfant C______ durant la procédure.

Principalement, elle conclut à l'attribution de la garde de l'enfant C______ en sa faveur, à l'octroi d'un droit de visite à B______, lequel s'exercera à raison de huit jours par mois, et à ce qu'il soit prescrit que la transmission de l'enfant C______ intervienne au bas de l'immeuble dans lequel elle réside, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Subsidiairement, elle conclut à l'attribution, en sa faveur, d'un droit de visite qui s'exercera du samedi à 15h30 au dimanche à 15h30 toutes les semaines.

b. Par réponse expédiée le 5 février 2024 au greffe de la Cour de justice, B______ conclut au rejet de l'appel de A______, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique du 19 février 2024, duplique du 1er mars 2024 et "ultimes observations" du 18 mars 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont produit des pièces nouvelles à l'appui de leurs écritures respectives.

En particulier, A______ a produit le rapport rendu par le SEASP le 28 février 2024 (voir aussi infra, C.i) ainsi qu'un certificat médical du Dr D______ du 27 novembre 2023 attestant que la prénommée "ne présente pas de contre-indication à l'examen clinique pour s'occuper de sa fille au quotidien" et "[l]'entretien verbal ne met pas en évidence non plus de contre-indication d'ordre psychiatrique."

e. Les parties ont été avisées le 8 avril 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Les époux A______, née le ______ 1982, de nationalité française, et B______, né le ______ 1987, de nationalité suisse, se sont mariés le ______ 2021 à E______ [GE].

De cette union est née l'enfant C______, le ______ 2020.

b. Les parties se sont séparées en août 2021, date à laquelle B______ a quitté le domicile conjugal à E______ pour s'installer chez sa mère, F______. Il a finalement emménagé le 1er juillet 2023 dans un appartement à E______.

Depuis la séparation parentale jusqu'à fin septembre 2023, C______ a vécu avec sa mère et, en dehors de brèves périodes d'interruption, a vu son père lors de visites organisées à la demande de l'une ou l'autre des parties.

c. Le 31 mai 2022, le Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) est intervenu à la suite d'un signalement anonyme d'inquiétude quant à la prise en charge de C______ par sa mère. Les rencontres avec les deux parents et une visite au domicile de A______ ont infirmé ces allégations. Sur la base de ces éléments et du fait que la personne ayant émis le signalement soit connue des services de psychiatrie, le SPMi a classé le dossier en juin 2022.

d. A la suite d'un épisode de crise et de violence entre A______ et B______ intervenu le 25 septembre 2023, conduisant chacun des époux à déposer plainte pénale contre l'autre, C______ vit avec son père et, quand ce dernier travaille, est prise en charge par sa grand-mère paternelle. Jusqu'en février 2024, elle n'a revu sa mère qu'à l'occasion de brèves rencontres, toujours en présence de son père ou de sa grand-mère paternelle.

e. Par acte du 11 octobre 2023, B______ a formé une requête unilatérale en divorce assortie d'une requête en mesures superprovisionnelles et provisionnelles, concluant à l'attribution en sa faveur de la garde de l'enfant du couple et à la suspension des relations personnelles entre C______ et sa mère.

f. Statuant sur mesures superprovisionnelles par ordonnance du 11 octobre 2023, le Tribunal a constaté que la garde de l'enfant C______ était exercée en l'état par B______, ordonné l'établissement d'un rapport par le SEASP et rejeté la requête pour le surplus.

g. Lors d'une audience tenue devant le Tribunal le 22 novembre 2023, A______ a conclu au rejet des mesures provisionnelles requises par B______ et a sollicité, sur mesures provisionnelles, l'établissement d'un rapport par le SEASP, l'attribution en sa faveur de la garde de l'enfant C______, l'octroi d'un droit de visite en faveur de B______ s'exerçant à raison de huit jours par mois, qu'il soit prescrit que la transmission de l'enfant en vue de l'exercice du droit de visite intervienne au bas de l'immeuble dans lequel se trouve son logement et l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance.

A l'issue de ladite audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

h. Par ordonnance du 21 décembre 2023, le Tribunal a rejeté la requête formée par A______ le même jour et tendant à l'octroi, sur mesures superprovisionnelles, d'un droit de visite du samedi à 15h30 au dimanche à 15h30 toutes les semaines, subsidiairement le samedi de 9h à 18h toutes les semaines. Le Tribunal a considéré qu'une urgence particulière justifiant le prononcé de telles mesures n'était pas rendue vraisemblable, dès lors qu'il était sur le point de statuer sur les requêtes de mesures provisionnelles formées par les parties.

i. Le 28 février 2024, le SEASP a rendu le rapport d'évaluation sociale sollicité par le Tribunal après s'être entretenu avec les deux parents, ainsi qu'avec la psychologue de A______ au sein de l'association H______, le médecin de A______ et la psychologue de l'enfant.

Il en ressort que depuis sa naissance, C______ vivait dans un climat de tension, de confusion et d'instabilité entre ses parents, tant organisationnelle qu'émotionnelle, dont ces derniers peinaient à l'en protéger et s'en attribuaient mutuellement la responsabilité. Depuis leur séparation, et encore davantage depuis septembre 2023, les relations et la communication entre les époux s'étaient dégradées de plus en plus, au point d'être devenues dysfonctionnelles et inquiétantes. A______ sollicitait journellement son époux pour voir leur fille et un climat de tension s'était installé autour d'elle, le père redoutant que la mère vienne chercher C______ et la mère craignant que le père ne lui laisse pas avoir accès à elle. Les deux parents émettaient de nombreuses inquiétudes l'un à l'encontre de l'autre s'agissant de leurs capacités parentales et leur santé mentale, s'accusant mutuellement de consommation de toxiques et faisant état de violences subies, tant physiques que psychologiques. Ces accusations, la longue période de confusion et d'organisation chaotique dans laquelle A______ et B______ avaient maintenu leur fille ainsi que l'intensité de leur conflit actuel étaient autant d'éléments qui questionnaient sur le fonctionnement parental et les propositions à faire concernant les modalités de prise en charge de C______ à plus long terme.

Néanmoins, dans l'immédiat, C______ semblait évoluer favorablement et bénéficiait auprès de son père d'une prise en charge stable et adéquate. De plus, depuis le 17 février 2024, des visites mère/fille avaient pu être organisées et avaient débuté en modalité "accueil" au sein du Point rencontre. Dès lors, le SEASP a considéré que le dispositif de l'ordonnance sur mesures provisionnelles pouvait être maintenu, à savoir que la garde est attribuée à B______ et qu'il est réservé à A______ un droit aux relations personnelles s'exerçant à raison d'une heure et demi par semaine en modalité "accueil" durant les trois premiers mois, ensuite, durant trois mois, une rencontre par semaine durant quatre heures en modalité "passage", puis, une journée par semaine, de 10h à 18h.

Le SEASP a encore relevé que les échanges avec A______ laissaient ouvertes de nombreuses questions quant à son fonctionnement psychologique. A plusieurs reprises, des décalages avaient pu apparaître entre sa compréhension des propos de la chargée d'évaluation, qu'elle avait par ailleurs enregistrée à son insu, et leur interprétation et utilisation ensuite à sa propre convenance pour justifier ses agissements. De même, et bien qu'il puisse être entendu que la situation actuelle soit génératrice de grandes souffrances pour elles, ses capacités de compréhension et d'appréciation des besoins de sa fille semblaient parfois confuses ou passer au second plan, au bénéfice de discussions procédurales, ou dévier sur un discours persécutoire. A______ avait consulté un thérapeute, le Dr D______, qu'elle avait vu à six reprises, trois fois en 2022 et autant de fois en 2023. Ces éléments conduisaient le SEASP à proposer la mise en place d'une expertise psychologique de la situation familiale afin de déterminer d'éventuelles psychopathologies chez chacun des parents entravant l'élargissement des relations personnelles ou nécessitant la mise en place d'autres mesures de protection pour C______.

Enfin, au vu de ce qui précédait et du jeune âge de l'enfant, ainsi que des inquiétudes liées au contexte de rupture et d'instabilité des relations entre mère et fille depuis plusieurs mois, un accompagnement à la reprise des relations apparaissait indiqué. Le maintien de la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles était également préconisé.

D. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a constaté que les relations entre les parties étaient extrêmement conflictuelles. A cet égard, dans le cadre de leurs échanges par messagerie ou par courriers électroniques, les propos de A______ se caractérisaient par l'invective ainsi que par l'agressivité et témoignaient de son caractère colérique. Il était également rendu vraisemblable que la prénommée avait eu un comportement agressif à l'égard de la mère de B______ à plusieurs reprises, selon les attestations produites par celle-ci. De plus, alors que les parties étaient séparées et que l'enfant C______ vivait avec sa mère, cette dernière avait, à plusieurs occasions, signifié à B______, au gré de leurs échanges par messagerie, qu'elle quitterait la Suisse. Par ailleurs, il résultait des nombreux échanges entre les parties par messagerie que A______ présentait vraisemblablement un caractère instable et souffrait probablement d'un complexe de persécution. Dans ces circonstances, il existait un doute sur la capacité de la prénommée à prendre en charge sa fille à son domicile. Partant, et dans l'attente du rapport d'évaluation sociale du SEASP ordonné par le juge des mesures superprovisionnelles, le bien de l'enfant C______ commandait en l'état le maintien de la situation de fait qui prévalait actuellement jusqu'à la clarification des questions restées en suspens concernant les qualifications parentales des parties, en particulier celles de A______. Attendu que, depuis le mois de septembre 2023, l'enfant C______ était prise en charge par B______, le Tribunal a attribué la garde à ce dernier et accordé à A______ un droit de visite s'exerçant à raison de 4 heures tous les deux samedis, sous la surveillance d'un tiers qualifié et dans des locaux prévus à cet effet, compte tenu des doutes existant en l'état sur ses qualifications parentales.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Interjeté dans le délai (art. 142 al. 1, 145 al. 1 let. b CPC et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrits par la loi (art. 130 et 131 CPC), dans une affaire non pécuniaire puisque portant sur les droits parentaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_130/2018 du 11 avril 2018 consid. 1 1), l'appel est recevable.

Il en va de même de la réponse de l'intimé ainsi que des écritures spontanées des parties, déposées en temps utile avant que la cause n'ait été gardée à juger.

1.2 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.3 Conformément à l'art. 296 al. 1 et al. 3 CPC, la présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne le sort de l'enfant mineure des parties (ATF 147 III 301 consid. 2.2). La Cour n'est donc liée ni par les conclusions des parties ni par l'interdiction de la reformatio in peius
(ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_841/2018; 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

2.             Les parties ont produit des pièces nouvelles à l'appui de leurs écritures respectives.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la cause concerne des enfants mineurs et que le procès est soumis à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies
(ATF 147 III 301 précité, ibidem).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvellement produites par les parties sont recevables, comme les faits qu'elles visent, lesquels ont été intégrés dans la partie "En fait" ci-dessus dans la mesure utile.

3.             Le 28 février 2024, le SEASP a adressé son rapport d'évaluation sociale au Tribunal. Il s'ensuit que la conclusion préalable de l'appelante tendant à ce qu'il soit ordonné la reddition d'un tel rapport est sans objet.

4.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir refusé sa requête visant à pouvoir répondre par écrit aux allégués de la demande de mesures provisionnelles de l'intimé avant l'audience sur mesures provisionnelles.

Elle n'invoque toutefois pas la violation de son droit d'être entendue à ce titre. Au demeurant, il suffit ici de constater que le Tribunal, après avoir statué sur mesures superprovisionnelles, a tenu une audience le 22 novembre 2023 (art. 265
al. 2 CPC). A cette occasion, l'appelante a pu s'exprimer et se déterminer sur le contenu de la demande de l'intimé, et même formuler une requête de mesures provisionnelles, ce qui exclut toute violation d'une garantie procédurale.

5.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir confié la garde exclusive de C______ à son père et sollicite l'attribution de celle-ci en sa faveur.

5.1 En vertu de l'art. 176 al. 3 CC relatif à l'organisation de la vie séparée, lorsque les époux ont des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d'après les dispositions sur les effets de la filiation (cf. art. 273 ss CC). Cette réglementation porte notamment sur la garde de l'enfant, les relations personnelles, la participation de chaque parent à la prise en charge de l'enfant et la contribution d'entretien (ATF 142 III 617 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_534/2019 du 31 janvier 2020 consid. 3.1).

5.1.1 La garde sur l'enfant peut être attribuée à un seul des parents, même lorsque l'autorité parentale demeure conjointe. Un parent ne peut en effet déduire du principe de l'autorité parentale conjointe le droit de pouvoir effectivement s'occuper de l'enfant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2020 du 17 août 2020 consid. 4.1.2; 5A_382/2019 et 5A_502/2019 du 9 décembre 2019 consid. 4.2.1).

En matière d'attribution des droits parentaux, le respect du bien de l'enfant constitue en effet la règle fondamentale, les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3). Au nombre des critères essentiels, entrent en ligne de compte les relations personnelles entre parents et enfant, les capacités éducatives respectives des parents, leur aptitude à prendre soin de l'enfant personnellement, à s'en occuper, ainsi qu'à favoriser les contacts avec l'autre parent, l'âge de l'enfant et son appartenance à une fratrie ou à un cercle social ainsi que le souhait exprimé par ce dernier s'agissant de sa propre prise en charge; il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2020 du 17 août 2020 consid. 4.1.2 et les références citées; 5A_382/2019 et 5A_502/2019 du 9 décembre 2019 consid. 4.2.1)

5.1.2 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles de l'art. 273 al. 1 CC est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir des parents (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci
(ATF 131 III 209 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_184/2017 du 9 juin 2017 consid. 4.1). A cet égard, il est unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de recherche d'identité de l'enfant (ATF 127 III 295 consid. 4a;
123 III 445 consid. 3c). L'importance et le mode d'exercice des relations personnelles doivent être appropriés à la situation, c'est-à-dire qu'il faut tenir équitablement compte des circonstances essentielles du cas, le bien de l'enfant étant le facteur d'appréciation le plus important (ATF 127 III 295 consid. 4). Le juge tiendra compte de manière équitable de l'ensemble des circonstances, notamment de l'âge de l'enfant, de sa santé physique et psychique, ainsi que de la relation qu'il entretient avec l'ayant droit (Meier/Stettler, Droit de la filiation, 6ème éd. 2019, n. 984, p. 635).

5.1.3 Pour trancher la question du sort des enfants, le juge peut notamment avoir recours aux services de protection de l'enfance ou de la jeunesse pour demander un rapport sur la situation familiale, une enquête sociale pouvant avoir son utilité en cas de situation conflictuelle et de doute sur la solution adéquate pour les enfants (ATF 142 III 617 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_756/2019 du 13 février 2020 consid. 3.1.1).

Le juge n'est pas lié par les conclusions du SEASP. Le rapport de ce service (lequel constitue une preuve au sens des art. 168 et 190 CPC) est soumis, à l'instar des autres preuves, au principe de la libre appréciation consacrée par
l'art. 157 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_382/2019 du 9 décembre 2019 consid. 4.2.2; ACJC/1209/2023 du 19 septembre 2023 consid. 4.1.2 et les références citées). Cependant, une portée particulière peut être conférée au rapport d'évaluation sociale, qui prend en compte toute une série d'éléments objectifs, fondés sur les déclarations d'intervenants scolaires, médicaux ou sociaux. Il contient également des appréciations subjectives, découlant souvent d'une grande expérience en la matière, mais qui ne sauraient toutefois remplacer le pouvoir de décision du juge (ACJC/1209/2023 du 19 septembre 2023 consid. 4.1.2 et les références citées).

5.2 L'appelante critique la décision entreprise en ce qu'elle se fonde sur les attestations établies par la mère de l'intimé, qu'elle estime de complaisance, ainsi que sur des échanges de messages entre les parties dont la majorité n'étaient pas datés, peu lisibles et sortis de leur contexte. Selon elle, il s'agit bien plutôt de prendre en considération le classement du dossier par le SPMi ainsi que l'attestation du Dr D______ confirmant ses compétences parentales. Le Tribunal aurait également dû solliciter le rapport du SEASP avant de statuer.

De plus, l'appelante fait grief au Tribunal d'avoir omis de considérer qu'avant le 25 septembre 2023, elle exerçait la garde de fait sur sa fille depuis 15 mois déjà et que cela se passait bien, l'enfant voyant régulièrement son père à raison d'une semaine, voire 10 jours par mois. La stabilité de l'enfant avait alors été grandement perturbée lorsque l'intimé avait repris sa fille de force et rompu le lien mère/fille. Il convenait de rétablir la situation qui prévalait antérieurement en permettant à C______ de retrouver son lieu de vie auprès de sa mère.

5.3
5.3.1
Contrairement aux allégations de l'appelante, la situation était loin d'être stable et propice au bon développement de l'enfant lorsque celle-ci vivait aux côtés de sa mère. Il ressort en effet du rapport du SEASP, qu'aucun élément objectif ne vient contredire, que l'organisation des visites du père était chaotique et que le conflit autour de l'enfant ne cessait d'enfler. L'épisode du 25 septembre 2023, à l'issue duquel chaque partie accuse l'autre de violences et qui a vu la garde de fait de C______ être transférée à son père, témoigne de l'intensité du conflit parental auquel était directement exposée l'enfant. Il en va également ainsi des nombreux échanges de messages sur lesquels s'est appuyé le Tribunal, dont il ressort de manière claire que l'appelante invective l'intimé, le rabaisse, et le menace de le priver définitivement de sa fille en partant à l'étranger avec elle. L'appréciation du Tribunal selon laquelle l'appelante présentait vraisemblablement un état émotionnel instable et souffrait probablement d'un complexe de persécution ne peut qu'être partagée au regard du contenu de ces échanges. Dans le même sens, le rapport du SEASP relève, au sujet de l'appelante, un discours persécutoire et des difficultés dans la compréhension et l'appréciation des besoins de sa fille, parfois relégués au second plan au profit de discussions procédurales. Ce service a, dans cette mesure, exprimé ses doutes sur la santé psychique de la mère et sa capacité à prendre en charge l'enfant de manière adéquate.

5.3.2 L'attestation médicale produite par l'appelante au sujet de ses capacités parentales, laquelle émane d'un thérapeute qu'elle consulte peu régulièrement et qui n'a eu accès ni au dossier, ni au rapport d'évaluation sociale précité, ni aux professionnels entourant l'enfant, n'est pas susceptible, en l'état, d'exclure une quelconque atteinte à la santé psychique de l'intéressée. De même, le classement du dossier par le SPMi en juin 2022 ne remet pas en cause ce qui précède, dès lors qu'il ne renseigne pas sur la situation familiale actuelle, qui s'est vraisemblablement péjorée depuis son intervention.

5.3.3 L'intimé exerce la garde de fait sur sa fille depuis le mois de septembre 2023. Selon le rapport du SEASP – dont rien, en l'état, ne permet de remettre en cause la valeur probante –, l'enfant semble évoluer favorablement et bénéficie auprès de son père d'une prise en charge stable et adéquate. De plus, des visites médiatisées au Point rencontre à raison d'une heure trente chaque semaine ont pu être organisées depuis le mois de février 2024, permettant enfin à C______ de revoir sa mère dans un cadre plus serein.

Considérant ce qui précède, rien ne justifie de faire subir à l'enfant une nouvelle modification dans sa prise en charge et de porter atteinte à l'équilibre que le réseau de professionnels entourant la famille s'efforce actuellement de mettre en place. Par ailleurs, compte tenu de la situation telle que décrite ci-dessus et de la rupture des relations mère/fille pendant plusieurs mois, un éventuel élargissement du droit de visite de la mère ne pourra, au mieux, intervenir que par étapes progressives. Au regard des préoccupations élevées par le SEASP concernant les compétences parentales de l'appelante, il se justifie que les relations personnelles s'exercent pour le moment sous la surveillance d'un tiers. Partant, il convient de confirmer les modalités de garde et des relations personnelles fixées sur mesures provisionnelles par le premier juge, qui apparaissent adéquates, l'appelante ne discutant du reste pas spécifiquement ces dernières.

5.3.4 Pour le surplus, compte tenu de l'urgence de la situation (cf. art. 261
al. 1 CPC), il ne saurait être fait grief au Tribunal de ne pas avoir attendu la reddition du rapport du SEASP pour statuer sur mesures provisionnelles en maintenant la situation de fait jusqu'à la clarification des questions restées en suspens.

5.4 L'appel sera donc rejeté et les chiffres 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance querellée seront confirmés.

6.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

L'appelante étant au bénéfice de l'assistance juridique, sa part des frais judiciaires sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b et 123 CPC; art. 19 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale [RAJ - RS/GE E 2 05.04]).

Vu l'issue du litige, l'appelante sera condamnée à payer à l'intimé la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2, art. 106 al. 1 CPC;
art. 86 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 18 janvier 2024 par A______ contre l'ordonnance OTPI/14/2024 rendue le 3 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20708/2023.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr. et les met à la charge de A______.

Dit que les frais de 800 fr. à la charge de A______ sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l’art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14