Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
CR/47/2020

ACJC/1709/2023 du 21.12.2023 ( XCR )

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

CR/47/2020 ACJC/1709/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 21 DECEMBRE 2023

 

Entre

1) Madame A______, domiciliée ______ [GE],

2) Monsieur B______, domicilié ______ [GE],

recourants contre une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 janvier 2023, tous deux représentés par
Me C______, avocate, D______ Avocats Sàrl, ______ [GE],

et

3) VILLE DE E______ (KAZAKHSTAN), c/o F______, ______, Kazakhstan,

4) G______, c/o H______ [avocat] c. I______ LLP, ______, Etats-Unis,

intimées, toutes deux représentées par Me Claudio BAZZANI, Me Balz GROSS et Me Okan UZUN, avocats, Homburger AG, Prime Tower, Hardstrasse 201, 8005 Zürich.


EN FAIT

A. a. A______ et B______, tous deux d'origine kazakhe, sont domiciliés à Genève.

Ils sont respectivement l'ex-épouse et le fils de J______, ancien ______ du Kazakhstan et ancien ______ de la VILLE DE E______ (2004 à 2007). Important opposant politique au régime Kazakh en place, il s'est exilé à Genève depuis plusieurs années.

b. A______ et B______ se sont vus reconnaître le statut de réfugiés en Suisse en décembre 2020 en raison notamment des persécutions tant judiciaires qu'extrajudiciaires dont ils faisaient l'objet de la part des autorités kazakhes.

c. La VILLE DE E______ se situe au Kazakhstan.

d. G______ est une banque dont le siège se trouve au Kazakhstan. K______ en est l'un des fondateurs, ancien actionnaire majoritaire et président. Il a aussi occupé des fonctions politiques apportant son soutien à plusieurs groupements d'opposition.

e. En 2012, l'Etat du Kazakhstan a requis l'entraide judiciaire de la Suisse (procédure d'entraide CP/1______/2012) afin de localiser les avoirs en Suisse de J______, A______ et B______.

f. Cette requête a été refusée par la Suisse pour les documents bancaires dès lors que la procédure à l'étranger ne satisfaisait pas aux exigences de l'art. 6 CEDH.

g. Egalement en 2012, le Ministère public genevois a ouvert une procédure pénale (P/2______/2012) pour blanchiment d'argent commis en Suisse à l'encontre de J______, A______ et B______, dans le cadre de laquelle la VILLE DE E______ s'est constituée partie plaignante et a demandé l'accès au dossier.

h. Par ordonnance du 12 novembre 2019, le Ministère public genevois a ordonné le classement de la procédure à l'égard de J______, A______ et B______.

Dans cette même ordonnance, le Ministère public genevois a reconnu la qualité de partie plaignante de la VILLE DE E______ (qui se plaignait de détournements de biens publics) tout en limitant l'accès au dossier de cette dernière en ce qui concernait les documents séquestrés ou les documents étroitement en lien avec la procédure d'entraide afin de ne pas voir les règles de l'entraide éludées. Les pièces bancaires figurant au dossier pénal étant les mêmes que celles qui étaient requises par voie d'entraide et la VILLE DE E______ était étroitement liée l'Etat du Kazakhstan.

i. Cette argumentation a été reprise par la Chambre pénale de recours genevoise dans son arrêt du 11 mars 2020 (ACPR/190/2020) qui a annulé le classement. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé contre cette décision par arrêt du 6 août 2020 (1B_225/2020).

j. A______ et B______ ont allégué que la procédure pénale P/2______/2012 était encore pendante.

k. En 2018, G______ a déposé une plainte pénale à l'encontre de B______ et K______ pour des faits de blanchiment d'argent en lien avec les fonds que ce dernier aurait détourné au sein de la banque.

Cette plainte pénale a été classée par le Ministère public genevois, ce qui a été confirmé par le Tribunal fédéral.

l. Le 24 novembre 2020, le Tribunal de première instance a reçu de la part de "The Honorable L______", juge auprès de la UNITED STATES DISTRICT COURT FOR THE SOUTHERN DISTRICT OF NEW YORK une requête d'entraide internationale en matière civile, formée le 12 novembre 2020, soit une commission rogatoire au sens de la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale (CLaH70; RS 0.274.132), tendant à l'audition en qualité de témoins de A______ et B______ dans le cadre d'une procédure civile opposant la VILLE DE E______ (KAZAKHSTAN) et G______ à M______, N______, O______ INC., P______ INC., Q______ LLC, R______ LLC, S______ LLC.

m. Cette procédure civile américaine concerne une demande de dommage-intérêts pour des préjudices résultant de vol et blanchiment d'argent présumés de fonds appartenant à VILLE DE E______ et G______.

Ces dernières allèguent notamment que K______ et J______ ont volé des milliards de dollars à l'Etat du Kazakhstan en abusant de leurs fonctions et que les défendeurs auraient conspiré avec K______, J______, A______ et B______ pour échapper aux ordonnances de gel des avoirs prononcées par les tribunaux anglais à l'encontre de K______ et dissimuler des avoirs volés. Les défendeurs auraient ainsi participé au blanchiment du produit des fonds détournés de la VILLE DE E______ et G______ par K______ et J______ en les transférant vers les Etats-Unis.

B. a. Par ordonnance du 24 janvier 2023, notifiée à A______ et B______ le 26 janvier 2023, le Tribunal a rejeté les arguments de refus de collaborer soutenus par A______ et B______ les 13 mai et 26 octobre 2022 (chiffre 1 du dispositif), transmis la liste des questions à A______ et B______ et leur a imparti un délai au 27 février 2023 pour cas échéant faire valoir leur motif de refus de répondre pour chaque question concernée (ch. 2) et réservé la suite de la procédure (ch. 3).

C. a. Par acte expédié le 6 février 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ ont formé recours contre l'ordonnance susvisée, dont ils ont sollicité l'annulation. Cela fait, ils ont conclu à ce que la Cour constate que la requête d'entraide judiciaire en matière civile émanant de l'UNITED STATES DISTRICT COURT FOR THE SOUTHERN DISTRICT OF NEW YORK visant à obtenir la déposition de A______ et B______ ne pouvait pas être exécutée et en conséquence qu'elle refuse son exécution. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que la Cour renvoie la cause au Tribunal pour qu'il rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils ont conclu à ce que les frais de la procédure soient laissés à charge de l'Etat de Genève et à ce que des dépens leur soient octroyés.

Préalablement, A______ et B______ ont conclu à la restitution de l'effet suspensif à leur recours.

Le recours était signé par Me R______, qui excusait Me C______, avocate associée au sein de l'Etude D______ Avocats Sàrl (ci-après : l'Etude D______).

b. Dans leur déterminations du 24 février 2023 portant uniquement sur la capacité de postuler des avocats de A______ et B______, la VILLE DE E______ et G______ ont conclu principalement, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à ce qu'il soit fait interdiction à l'Etude D______ et notamment à Me C______, Me S______ et Me R______ de postuler dans la présente procédure, à l'annulation du délai qui leur avait été imparti pour répondre au recours, à ce qu'un nouveau délai soit fixé à A______ et B______ pour désigner un représentant satisfaisant aux conditions légales et cela fait, à ce qu'un nouveau délai leur soit imparti pour répondre au recours, sous suite de frais et dépens.

Elles ont produit deux pièces nouvelles relatives à la capacité de postuler des avocats de A______ et B______, soit le profil LinkedIn de Me R______ et un extrait du site internet de l'Etude D______, desquelles il ressort que Me R______ a été avocate-stagiaire au sein du département contentieux de l'Etude T______ Avocats SA de mai 2020 à août 2021 dans la division "white-collar crime" (droit pénal économique), et qu'elle a été engagée comme avocate collaboratrice au sein de l'Etude D______ en septembre 2022.

Elles ont notamment fait valoir que l'Etude T______ Avocats SA et notamment Me U______ défendait de longue date les intérêts de la VILLE DE E______ devant les autorités genevoises, notamment dans le cadre de la procédure pénale P/2______/2012. Durant son stage, Me R______ avait eu connaissance du mandat de l'Etude T______ Avocats SA pour la VILLE DE E______ et avait activement travaillé pour la défense des intérêts de cette dernière, notamment dans le cadre de la procédure pénale précitée. Me R______ avait ainsi, non seulement une connaissance intime du dossier, mais aussi de la stratégie procédurale globale de la VILLE DE E______.

c. Par ordonnance du 27 février 2023, rendue à la suite de la requête formée par A______ et B______ en raison du recours qu'ils avaient formé contre l'ordonnance du 24 janvier 2023, le Tribunal a annulé le délai fixé aux précités au 27 février 2023 pour faire valoir leur éventuel motif de refus de répondre pour chaque question concernée.

d. Par arrêt ACJC/284/2023 du 28 février 2023, la Cour a rejeté la requête de VILLE DE E______ et G______ tendant à l'annulation du délai qui leur avait été imparti pour répondre au recours (chiffre 1 du dispositif), réservé la suite de la procédure (ch. 2) et dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond (ch. 3).

e. La VILLE DE E______ et G______ ne se sont pas déterminées sur la requête d'effet suspensif dans le délai imparti.

f. Par arrêt ACJC/318/2023 du 6 mars 2023, la Cour a rejeté la requête d'effet suspensif et dit qu'il serait statué sur les frais de décision dans l'arrêt serait rendu sur le fond.

g. Par réponse au recours expédiée le 3 mars 2023 au greffe de la Cour, la VILLE DE E______ et G______ ont à la forme, principalement conclu à ce que la Cour déclare le recours irrecevable, subsidiairement à ce qu'il soit fait interdiction à l'Etude D______ et notamment à Me C______, Me S______ et Me R______ de postuler dans la présente procédure et à ce qu'un nouveau délai soit fixé à A______ et B______ pour désigner un représentant satisfaisant aux conditions légales. Sur le fond, elles ont conclu au rejet du recours et au déboutement de leurs parties adverses, sous suite de frais et dépens.

h. Par courrier du 15 mars 2023, A______ et B______ ont requis la suspension de la procédure au fond jusqu'à droit jugé sur la capacité de postuler de leur Conseil.

i. Par courrier du 17 mars 2023, A______ et B______ se sont déterminés sur la capacité de postuler de leurs conseils. Ils ont conclu principalement au rejet des conclusions de leurs adverses parties tendant à ce que le recours soit déclaré irrecevable et à ce qu'il soit fait interdiction à l'Etude D______ de postuler dans la présente procédure, subsidiairement, à l'octroi d'un délai pour qu'ils désignent un nouveau conseil.

Préalablement, ils ont conclu principalement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la capacité de postuler des avocats de l'Etude D______, subsidiairement à ce qu'un délai de dix jours leur soit octroyé pour répliquer à la réponse de la VILLE DE E______ et G______.

Ils ont produit une pièce nouvelle, soit le timesheet de l'Etude D______ relatif au dossier des A______/B______/J______ de juin 2022 à février 2023, sur lequel le nom de Me R______ ne figure pas.

Ils ont fait valoir que depuis son arrivée à l'Etude D______, Me R______ n'avait jamais travaillé sur aucune procédure liée à la famille A______/B______/ J______, ni pris connaissance de documents liés à ce mandat. Me C______ avait rédigé le recours litigieux comme en attestait son nom apparaissant partout sur le recours (en-tête, référence du dossier, dans la signature en toute lettre, Me R______ n'ayant fait que l'excuser). Me C______ était toutefois absente de l'Etude D______ le jour du dépôt du recours, de sorte qu'elle avait demandé à l'un des avocats-stagiaires de l'Etude d'imprimer et envoyer le recours. Dans la mesure où la signature d'un avocat-stagiaire n'est pas valable devant les autorités fédérales, les avocats-stagiaire de l'Etude avaient pour instruction, par défaut, de faire signer les écritures par un avocat breveté et de mentionner le nom du signataire en toutes lettres, pour que la qualité de ce dernier puisse être vérifiée par l'autorité concernée. C'était donc uniquement parce que Me R______ était par hasard à l'Etude ce jour-là que l'avocat-stagiaire s'était adressé à elle. Le rôle de cette dernière s'était cependant limité à signer la dernière page de l'écriture qu'elle n'avait pas lu, le recours ayant été validé au préalable par Me C______.

Ils ont aussi soutenu que leur Conseil n'était pas en mesure de faire usage, en leur nom de ses clients, du droit inconditionnel de répliquer à la suite de la réception de la réponse du 3 mars 2023, dès lors que les parties adverses concluaient à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à l'interdiction de postuler.

j. Par courrier du 17 avril 2023, la VILLE DE E______ et G______ ont déposé des observations suite aux déterminations de A______ et B______ du 17 mars 2023.

Elles ont conclu au rejet de la requête formée par A______ et B______ visant à obtenir la suspension de la procédure et l'octroi d'un délai de 10 jours pour répliquer à la réponse. Au surplus, elles ont persisté dans leurs conclusions.

k. Par courrier du 24 avril 2023, la VILLE DE E______ et G______ ont déposé des déterminations spontanées à la suite d'un arrêt 4A_389/2022 rendu par le Tribunal fédéral le 14 mars 2023.

l. Par courrier du 28 avril 2023, A______ et B______ se sont déterminés sur les observations de leurs adverses parties du 17 avril 2023. Ils ont persisté dans leurs conclusions.

m. Par courrier du 5 mai 2023, le Conseil de A______ et B______ a indiqué à la Cour qu'au vu de la contestation de sa capacité de représenter ses mandants dans la procédure, il n'était pas en mesure d'exercer pour eux le droit de réplique suite aux déterminations spontanées du 24 avril 2023 de leurs parties adverses. Il a réitéré sa demande de suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur sa capacité de postuler.

n. Par courrier du 10 mai 2023, la VILLE DE E______ et G______ ont répliqué suite au courrier de leurs parties adverses du 28 avril 2023 et persisté dans leurs conclusions.

o. Par courrier du 22 mai 2023, A______ et B______ ont formulé des observations suite au courrier de leurs parties adverses du 10 mai 2023 et persisté dans leurs conclusions.

p. Les parties ont été avisées par pli de la Cour du 30 mai 2023 de ce que la cause était gardée à juger sur la requête de suspension, sur la capacité à postuler et sur le fond.

EN DROIT

1. L'entraide requise est régie par la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile et commerciale (CLaH70, RS 0.274.132), à laquelle la Suisse et les Etats-Unis ont adhéré.

L'autorité judiciaire qui procède à l'exécution d'une commission rogatoire applique les lois de son pays en ce qui concerne les formes à suivre (art. 9 al. 1 CLaH70).

En l'espèce, la mesure sollicitée tend, dans le cadre d'une procédure civile américaine, à l'audition en qualité de témoins des deux recourants, qui sont domiciliés dans le canton de Genève, de sorte que la procédure d'entraide s'examine à la lumière du Code de procédure civile suisse.

2. 2.1 La décision admettant ou rejetant la demande d'entraide judiciaire internationale est une décision d'exécution au sens des art. 335 ss CPC, qui peut faire l'objet d'un recours limité au droit sans autre condition en vertu de l'art. 319 let. a CPC, en relation avec l'art. 309 let. a CPC; il s'agit de fait d'une décision finale au sens de l'art. 319 let. a CPC, car elle met fin à la procédure suisse d'entraide judiciaire (ATF 142 III 116 consid. 3.4.1 et les références citées).

Les parties au procès au fond pendant à l'étranger ont la qualité pour recourir. Elles ne peuvent toutefois pas faire valoir des droits qu'elles devaient invoquer dans le procès au fond à l'étranger (ATF 142 III 116 consid. 3.4.2). La personne visée par la commission rogatoire peut également recourir pour violation des dispositions de la CLaH70, en particulier de son droit de refuser de collaborer protégé par l'art. 11 al. 1 let. a CLaH70 en relation avec l'art. 166 al. 2 CPC, mais non pour faire valoir les droits propres des parties au procès au fond à l'étranger (ATF 142 III 116 consid. 3.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 5P_423/2006 du 12 février 2007 consid. 3; 5A_171/2009 du 15 octobre 2009 consid. 1.4).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans le délai de 10 jours (art. 321 al. 2 CPC), la procédure sommaire étant applicable (arrêt 142 III 116 consid. 3.3.2 et 3.4.2).

2.2 Interjeté dans les délai et formes prescrits et devant la juridiction compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), par des tiers visés par la commission rogatoire le recours est recevable (cf. consid. 4 infra pour la recevabilité du recours liée à la capacité de postuler de l'avocat).

3. Devant la Cour, les parties ont produit des pièces nouvelles.

3.1 En matière de recours, les conclusions, allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables, sauf dispositions spéciales de la loi (art. 326 CPC, applicable en matière d'entraide civile fondée sur la CLaH70 : ACJC/243/2018 du 20 février 2018 consid. 3.1; ACJC/806/2016 du 10 juin 2016 consid. 3.1; ACJC/223/2013 du 22 février 2013 consid. 2). La CLaH70 ne contient pas de dispositions particulières à ce propos.

Les faits notoires peuvent être pris d'office en considération, y compris par le Tribunal fédéral; dans cette mesure, ils sont soustraits à l'interdiction des nova (arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3).

Il s’agit des faits et des circonstances connus du tribunal de par son activité officielle (Message CPC [2006], 6922). Ainsi, les faits qui ressortent d’une autre procédure entre les mêmes parties peuvent être pris en considération même en l’absence d’allégation ou d’offre de preuve correspondante (arrêts du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018 consid. 4.1.1; 5A_610/2016 du 3 mai 2017 consid. 3.1 et les références citées), du moment que c’est la même Cour qui traite des procédures en question (arrêt du Tribunal fédéral 5D_37/2018 du 8 juin 2018 consid. 5).

Il n'y a pas d'interdiction des nova pour les faits et moyens de preuve qui sont déterminants pour la recevabilité du recours (arrêt du Tribunal fédéral 5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 2.3 n.p. in ATF 142 III 617, résumé in CPC Online, let. C ad art. 326 CPC).

3.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par les intimées dans leurs déterminations du 24 février 2023, soit les extraits du site internet de l'Etude D______ et du profil LinkedIn de Me R______ concernent la recevabilité du présent recours, de sorte qu'elles sont recevables, ainsi que les faits qui s'y rapportent. Pour les mêmes raisons, il en va de même du timesheet produit par les recourants dans leurs déterminations du 17 mars 2023.

L'arrêt du Tribunal fédéral 1B_225/2020 du 6 août 2020 cité par les recourants dans leur recours avait déjà été allégué et produit par ceux-ci en première instance sous la pièce n° 1.5 annexée aux observations du 13 mai 2022, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un fait nouveau, contrairement à ce que font valoir les intimées.

En revanche, l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du 10 mars 2022 (ACPR/177/2022) et l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_530/2022 du 7 juillet 2022 également cités dans le recours n'ont pas été allégués ou produits en première instance, de sorte qu'il s'agit de faits nouveaux. Leur recevabilité peut rester indécise compte tenu de l'issue de la procédure.

Il en va de même de la recevabilité des allégations des recourants relatives à l'accès aux procès-verbaux par la VILLE DE E______ dans la procédure P/2______/2012 dès lors qu'elles ne sont pas nécessaires pour trancher de la capacité de postuler des avocats (cf. consid. 4 infra).

4. Les intimées font valoir que la capacité de postuler des avocats de l'Etude D______ – qui représente les intérêts des recourants – fait défaut en raison d'un conflit d'intérêts.

Elles ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à ce qu'il soit fait interdiction à l'Etude D______ de postuler et à ce qu'un délai soit imparti aux recourants pour désigner un nouveau conseil.

4.1.1 Dans une procédure pendante, l'autorité qui doit statuer sur la capacité de postuler de l'avocat d'une partie est le Tribunal compétent sur le fond de la cause ou, sur délégation, un membre de ce même Tribunal (ATF 147 III 351 consid. 6.3).

4.1.2 Parmi les règles professionnelles que doit respecter l'avocat, l'art. 12 let. c LLCA prévoit qu'il doit éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé.

Celui qui, en violation des obligations énoncées à l'art. 12 LLCA, accepte ou poursuit la défense d'intérêts contradictoires doit se voir dénier par l'autorité compétente la capacité de postuler. L'interdiction de plaider est, en effet, la conséquence logique du constat de l'existence d'un tel conflit (ATF 147 III 351 consid. 6.1.3 et la référence citée).

L'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêts est une règle cardinale de la profession d'avocat. Elle est en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA - selon laquelle l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence -, avec l'obligation d'indépendance figurant à l'art. 12 let. b LLCA, ainsi qu'avec l'art. 13 LLCA relatif au secret professionnel. Le Tribunal fédéral a souvent rappelé que l'avocat a notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois, car il n'est alors plus en mesure de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les références citées; 141 IV 257 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.2; 5A_567/2016 du 9 mars 2017 consid. 2.2.1).

Les règles de l'art. 12 LLCA susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts. Elles tendent également à garantir la bonne marche du procès, en particulier en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre l'un de ses clients - notamment en cas de défense multiple -, respectivement en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse acquises lors d'un mandat antérieur au détriment de celle-ci (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les références citées; 141 IV 257 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_567/2016 précité consid. 2.2.1). Selon la jurisprudence, l'art. 68 CPC relatif à la représentation professionnelle vise également à garantir la qualité de la représentation et protège donc au premier chef la partie assistée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_436/2015 du 17 mai 2016 consid. 1.2.2).

Les critères suivants peuvent permettre de déterminer l'existence ou non de mandats opposés dans un cas concret : l'écoulement du temps entre deux mandats, la connexité (factuelle et/ou juridique) de ceux-ci, la portée du premier mandat - à savoir son importance et sa durée -, les connaissances acquises par l'avocat dans l'exercice du premier mandat, ainsi que la persistance d'une relation de confiance avec l'ancien client (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les références citées).

Il y a notamment violation de l'art. 12 let. c LLCA lorsqu'il existe un lien entre deux procédures et que l'avocat représente dans celles-ci des clients dont les intérêts ne sont pas identiques. Il importe peu en principe que la première des procédures soit déjà terminée ou encore pendante, dès lors que le devoir de fidélité de l'avocat n'est pas limité dans le temps (ATF 134 II 108 consid. 3 et les références citées). Il y a aussi conflit d'intérêts au sens de cette disposition dès que survient la possibilité d'utiliser, consciemment ou non, dans un nouveau mandat les connaissances acquises antérieurement sous couvert du secret professionnel, dans l'exercice d'un mandat antérieur. Il faut éviter toute situation susceptible d'entraîner un tel conflit d'intérêts. Toutefois, un risque purement abstrait ou théorique ne suffit pas, le risque devant être concret (arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2018 consid. 5.2; 1B_20/2017 du 23 février 2017 consid. 3.1).

L'incapacité de représentation affectant un avocat rejaillit sur ses associés. Le problème de la double représentation peut donc survenir quand les parties sont représentées par des avocats distincts, mais pratiquant dans la même étude, en qualité d'associés. L'interdiction des conflits d'intérêts ne se limite ainsi pas à la personne même de l'avocat, mais s'étend à l'ensemble de l'étude ou du groupement auquel il appartient. Sous cet angle, sont donc en principe concernés tous les avocats exerçant dans une même étude au moment de la constitution du mandat, peu importe leur statut (associés ou collaborateurs) et les difficultés que le respect de cette exigence découlant des règles professionnelles peut engendrer pour une étude d'une certaine taille (ATF 145 IV 218 consid. 2.2 et les références citées).

4.1.3 Appelé à se prononcer sur le cas particulier du changement d'étude par un avocat collaborateur, le Tribunal fédéral a jugé que la connaissance par celui-ci, en raison de son précédent emploi, d'un dossier traité par son nouvel employeur constitue l'élément déterminant pour retenir la réalisation d'un conflit d'intérêts concret qui doit être évité, ce que permet la résiliation du mandat par le second. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs déjà appliqué ce critère de la connaissance pour confirmer l'interdiction de plaider ordonnée à l'encontre d'un avocat qui avait été le stagiaire, puis le collaborateur du mandataire de la partie adverse, dès lors qu'il ne pouvait être exclu que le premier ait pu travailler sur des dossiers concernant le client du second (ATF 145 IV 218 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_967/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.3.2 et 3.3.3).

Dans un arrêt récent, le Tribunal a traité le cas d'une avocate collaboratrice de l'étude représentant les intérêts du recourant, qui avait auparavant été employée comme avocate-stagiaire au sein de l'étude représentant l'intimée (5A_407/2021 du 6 mai 2022 consid. 1.2.3).

4.1.4 La mise en place de barrières ou de cloisonnements ("chinese walls") au sein de la nouvelle étude sont généralement impropres à éviter les problématiques liées à l'existence de conflits d'intérêts, faute en particulier de pouvoir empêcher tout échange, par exemple oral, entre les avocats d'une même étude. On peut douter que la seule volonté du nouvel employeur de ne pas impliquer son collaborateur sur un dossier que ce dernier aurait traité dans son précédent emploi offre les garanties nécessaires en matière de conflit d'intérêts. Cela vaut d'autant plus du point de vue de la partie qui supporte en substance le risque de voir les informations confiées diffusées et utilisées à son détriment; il est en effet dénué de tout moyen de vérifier que l'employeur - voire le collaborateur - se conforme à ses obligations (ATF 145 IV 218 consid. 2.4).

4.1.5 La capacité de postuler, soit la faculté d'accomplir des actes de procédure en la forme juridique pertinente, fait partie des conditions de recevabilité au sens de l'art. 59 CPC (ATF 147 III 351 consid. 6.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_469/2019 du 17 novembre 2020 consid. 3.2). Faute de capacité de revendiquer du représentant, le tribunal ou le juge délégué à l'instruction doit fixer un délai à la partie pour qu'elle désigne un représentant satisfaisant aux conditions légales (ATF 147 III 351 consid. 6.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_761/2022 du 12 janvier 2023 consid. 4; 5A_536/2021 du 8 septembre 2021 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 3.2.3). En effet, la nature de la capacité de postuler, purement technique et portant sur l'accomplissement formel des actes de procédure, induit l'octroi d'un tel délai (ATF 147 III 351 consid. 6.2.1 et la référence citée).

Le principe selon lequel l'interdiction du formalisme excessif ne comprend pas l'obligation d'octroyer un délai supplémentaire au justiciable qui a mandaté une personne non habilitée à le représenter, pour lui permettre de corriger le vice, n'exclut cependant pas qu'un tel délai soit imparti dans des circonstances particulières (ATF 125 I 166 consid. 3d). En cas de défaut de représentation en raison d'une incapacité de postuler causée par un conflit d'intérêts, le Tribunal fédéral a néanmoins admis, en procédure civile, qu'un délai doit être fixé à la partie concernée pour remédier à cette irrégularité (art. 132 CPC par analogie; ATF 147 III 351 consid. 6.3 précité; arrêts du Tribunal fédéral 5A_761/2022 du 12 janvier 2023 consid. 4; 5A_536/2021 du 8 septembre 2021 consid. 4.1.2; 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 3.2.3). Il ne faut pas perdre de vue qu'en cas de conflit d'intérêts, la partie représentée par l'avocat auquel la partie adverse reproche la violation de son devoir de fidélité peut se prévaloir elle-même d'être lésée et de n'avoir pas été valablement représentée, de sorte qu'il faut laisser à cette partie la possibilité d'y remédier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_536/2021 du 8 septembre 2021 consid. 4.1.2).

Le Tribunal fédéral a précisé qu'en cas de défaut de capacité de postuler de l'avocat qui introduit, pour son client, un recours au Tribunal fédéral, soumis à la LTF il convenait de fixer un délai approprié à la partie concernée pour y remédier, en application de l'art. 42 al. 5 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 5A_407/2021 du 6 mai 2022 consid. 1.2.1).

4.1.6 Selon l'art. 132 al. 1 CPC, le tribunal fixe un délai pour la rectification des vices de forme tels que l'absence de signature ou de procuration. A défaut, l'acte n'est pas pris en considération.

La fixation d’un délai suppose que le vice soit réparable; tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’une omission volontaire – c'est à dire non commise par inadvertance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2012 du 1er février 2013 consid. 4.1).

Il n'y a pas à accorder un délai pour réparer un défaut procédural, qui consiste en l'absence de pouvoirs du représentant d'une partie, lorsque tant la partie que son représentant (non autorisé) connaissaient le défaut et ont agi (KassGer/ZH du 31.8.2006, RSJ 2007, 189).

4.2.1 D'emblée il convient de relever que la Cour de céans peut statuer sur la capacité de postuler des avocats des recourants dès lors qu'elle est compétente pour statuer sur le fond de la cause.

Il est constant que Me R______, avocate collaboratrice employée depuis septembre 2022 au sein de l'Etude D______, laquelle représente les intérêts des recourants, a signé le recours en excusant Me C______, avocate associée, constituée pour la défense des intérêts des recourants.

Il n'est pas contesté que Me R______ a effectué son stage d'avocat au sein de l'Etude T______ Avocats SA de mars 2020 à août 2021 dans la division "white-collar crime" aux côtés de Me U______, ni que cet avocat défende les intérêts de la VILLE DE E______ devant les autorités genevoises.

Les recourants n'ont pas non plus contesté que Me R______ a travaillé sur le dossier de la VILLE DE E______ dans le cadre de son stage d'avocat, notamment sur la procédure pénale P/2______/2012 dirigée contre les recourants dans laquelle la VILLE DE E______ s'est constituée partie plaignante.

Cette situation dénote un risque concret de conflit d'intérêts.

En effet, la procédure civile américaine – dans le cadre de laquelle la UNITED STATES DISTRICT COURT demande l'audition des recourants en qualité de témoins – concerne une demande de dommage-intérêts pour des préjudices résultant de vol et blanchiment d'argent présumés de fonds appartenant aux intimées, qui allèguent que M______ & CO aurait conspiré avec les recourants et participé au blanchiment du produit desdits fonds prétendument détournés par J______, le père de B______ et ex-époux de A______ et par K______. Par ailleurs, la procédure pénale P/2______/2012 a été dirigée contre les recourants et J______ pour blanchiment d'argent, et la VILLE DE E______ – se plaignant de détournements de biens publics – s'est constituée partie plaignante. Ainsi, il existe une connexité entre les deux procédures précitées, étant précisé que les recourants allèguent que la procédure d'entraide est une tentative instiguée par les intimées et l'Etat du Kazakhstan pour contourner l'entraide pénale internationale et le refus d'accès au dossier de la VILLE DE E______ dans la procédure pénale P/2______/2012. Il est de surcroît clair que les intérêts de la VILLE DE E______ et ceux des recourants sont en totale opposition dans la présente procédure ainsi que dans la procédure pénale P/2______/2012 précitée. A cet égard, il importe peu que ladite procédure pénale soit déjà terminée ou encore pendante dès lors que le devoir de fidélité de l'avocat n'est pas limité dans le temps.

Contrairement à ce que plaident les recourants, le fait que Me R______ n'ait jamais travaillé – au sein de l'Etude D______ – sur aucune de leurs procédures ne change rien à ce qui précède. En effet, selon la jurisprudence claire du Tribunal fédéral, c'est la connaissance par l'avocat en raison de son précédent emploi d'un dossier traité par le nouvel employeur qui constitue l'élément déterminant pour retenir la réalisation d'un conflit d'intérêts concret. En outre, les recourants n'invoquent pas que Me R______ travaillerait au sein de l'Etude D______ dans un département différent de celui saisi de la présente affaire ou que toute autre mesure de type "chinese walls" aurait été prise pour contrer le conflit d'intérêt existant, étant rappelé que ces mesures sont de toute façon généralement impropres à y parvenir. Le fait que R______ ait signé le recours corrobore, en tout état, l'absence de mesures mises en place par l'Etude D______. Ainsi, la seule volonté de l'Etude D______ de ne pas impliquer Me R______ sur le dossier des recourants n'offre pas les garanties nécessaires en matière de conflit d'intérêts, faute de pouvoir empêcher tout échange oral entre Me R______ et les autres avocats de l'Etude D______, ceci d'autant plus du point de vue des intimées, qui supportent le risque de voir les informations confiées diffusées et utilisées à leur détriment.

En effet, les recourants n'ont pas allégué que Me C______, qui défend leurs intérêts, n'aurait aucun contact avec Me R______, de sorte qu'elle est placée en situation de pouvoir disposer d'informations acquises par la collaboratrice précitée sous le couvert du secret professionnel. En effet, sans remettre en cause l'intégrité des avocats intéressés, il n'est pas exclu que des informations puissent être obtenues – fût-ce dans le cadre légitime du partage de compétences et sans violation du secret professionnel – puis véhiculées par des tiers jusqu'à Me C______ l'avocate des recourants, qui pourrait être alors à même de faire le rapprochement avec l'affaire en cause. Il existe donc concrètement la possibilité d'utiliser, consciemment ou non, des connaissances acquises sous couvert du secret professionnel.

Malgré les critiques de certains auteurs de doctrine cités par les recourants (Lembo et Schneeberger, Changement d'étude et conflits d'intérêts : le Tribunal fédéral rate une occasion de corriger le tir, in Anwalts revue de l'avocat, 1/2023, p. 32; Cuendet, Changement d'étude: pas de conflit d'intérêts sans connaissance effective du dosser, in LawInside, 8 juillet 2022, p. 3), dans la mesure où le Tribunal fédéral a mis en œuvre l'interdiction des conflits d'intérêts dans le cadre de connaissances acquises par l'avocat durant son stage (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_407/2021 du 6 mai 2022 et 5A_967/2014 du 27 mars 2015 précités), la jurisprudence topique s'applique au cas d'espèce.

Le conflit d'intérêts de Me R______ rejaillit sur les autres avocats de l'Etude D______, de sorte qu'aucun des avocats de ladite étude n'a la capacité de postuler pour A______ et B______ dans le cadre de la présente procédure.

Certes, la solution retenue - obligation de mettre un terme au mandat, respectivement interdiction de plaider - peut paraître sévère. Elle prive, en effet, les recourants du droit de se faire assister par leur avocat de choix. Cela étant, elle se justifie eu égard à l'importance de la confiance que doivent pouvoir avoir les mandants dans leurs conseils, soit que les secrets confiés dans le cadre de leur défense ne seront pas transmis à la partie adverse et utilisés à leur détriment. Cet élément essentiel contribue également à la bonne marche des institutions judiciaires. Partant, la bonne administration de la justice, ainsi que l'intérêt des intimées à avoir une défense exempte de conflit d'intérêts priment en l'occurrence le droit des recourants à se voir assister par l'avocat qu'ils avaient choisi. En tout état, les recourants conservent le choix de leurs futurs conseils. L'obligation de mettre un terme au mandat garantit au demeurant aussi à l'avocate collaboratrice de pouvoir concilier ses différentes obligations, à savoir celles professionnelles découlant de la LLCA (dont le secret professionnel et l'indépendance), ainsi que celles résultant de son contrat de travail (diligence, respect des instructions de l'employeur).

4.2.2 En ce qui concerne la conséquence de l'incapacité de postuler des conseils des recourants, la jurisprudence récente du Tribunal fédéral en procédure civile est claire, faute de capacité de postuler du représentant, notamment en raison d'un conflits d'intérêts, il convient d'impartir un délai aux recourants pour qu'ils désignent un nouveau conseil satisfaisant aux conditions légales. Ce n'est que si les recourants ne réparent pas le vice dans le délai imparti que le recours devra être considéré comme irrecevable.

Cette conséquence s'impose également lorsque l'acte vicié est un recours soumis à un délai légal comme en l'espèce, le Tribunal fédéral ayant en effet appliqué ce principe à des actes viciés de différente nature (requête de première instance : arrêt 5A_761/2022 précité; recours en seconde instance: ATF 147 III 351 précité; recours au Tribunal fédéral : arrêt 5A_407/2021 précité).

Enfin, contrairement à ce qu'avancent les intimées, il ne peut être considéré qu'il s'agisse d'une omission volontaire de la part des recourant dès lors que l'on ne pouvait attendre de ceux-ci qu'ils aient connaissance de la présence de Me R______ au sein de l'Etude D______ et du fait que celle-ci avait travaillé pour l'Etude T______ Avocats SA avant que cet élément ne soit soulevé par les intimées. Les recourants – pouvant eux-mêmes se prévaloir d'être lésés – doivent se voir accorder la possibilité de remédier à cette irrégularité.

Partant, il convient d'impartir aux recourants un délai au 30 octobre 2023 pour désigner un nouveau conseil satisfaisant aux conditions légales ou pour informer la Cour s'ils entendent comparaître en personne.

5. A teneur de l'art. 104 al. 1 CPC, le tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale. En cas de décision incidente (art. 237 CPC), les frais encourus jusqu'à ce moment peuvent être répartis (al. 2).

En procédure civile, la décision sur la capacité de postuler de l'avocat vise à garantir la bonne marche du procès. Elle entre donc dans la catégorie des décisions relatives à la conduite du procès, au sens de l'article 124 al. 1 CPC


(ATF 147 III 351 consid. 6.1.3) et non des décisions incidentes au sens de l'art. 237 CPC, pour lesquelles les frais de procédure encourus jusqu'alors pourraient être répartis avant même la décision finale, selon l'art. 104 al. 2 CPC.

Pour les ordonnances qui relèvent de la conduite du procès, il ne peut être pris de décision séparée réglant les frais et dépens (Oger/AG du 10 novembre 2014 (ZSU.2014.155) consid. 2.4.1.2, in CPC online; Stoudmann, Petit commentaire CPC, 2020, n° 8 ad art. 104 CPC; Schmid/Jent-Sørensen, Kurzkommentar Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd., 2021 n° 4 ad art. 104 CPC).

Partant, il sera statué sur les frais avec la décision sur le fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur incident de capacité de postuler de l'avocat :

Dit que les avocats de l'Etude D______ AVOCATS SARL, soit notamment Me C______, Me S______ et Me R______, n'ont pas la capacité de postuler dans le cadre de la présente procédure.

Impartit à A______ et B______ un délai au 31 janvier 2024 pour désigner un autre conseil ou pour informer la Cour de justice s'ils entendent comparaître en personne.

Réserve la suite de la procédure.

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Jessica ATHMOUNI

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.