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Décisions | Chambre civile

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C/387/2019

ACJC/697/2023 du 30.05.2023 sur JTPI/16072/2021 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.18
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/387/2019 ACJC/697/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 30 MAI 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 décembre 2021, comparant par
Me Dalmat PIRA, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale,
1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ AG, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Michaël BIOT, avocat, BMJ Avocats SA, rue de Berne 3, 1201 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/16072/2021 du 23 décembre 2021, reçu le 11 janvier 2022 par A______ SA, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant en procédure ordinaire, a débouté A______ SA des fins de sa demande en paiement à l'encontre de B______ AG (chiffre 1 du dispositif du jugement), mis les frais judiciaires – arrêtés à 8'280 fr. – à la charge de A______ SA et compensé ceux-ci avec l'avance de frais fournie par A______ SA à due concurrence, ordonné la restitution des avances de frais des parties à hauteur de 2'070 fr. en faveur de A______ SA et de 150 fr. en faveur de B______ SA (ch. 2), condamné A______ SA à payer à B______ SA la somme de 12'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 10 février 2022 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ SA a appelé de ce jugement, concluant à son annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour, statuant à nouveau, avec suite de frais, principalement, condamne B______ SA à lui verser un montant de 180'000 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 7 août 2018 et prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence dudit montant et dise que la poursuite irait sa voie, subsidiairement, condamne B______ SA à lui payer le montant de 157'500 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 7 août 2018, prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence dudit montant et dise que la poursuite irait sa voie, plus subsidiairement encore, renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Dans son mémoire de réponse du 20 mai 2022, B______ SA a conclu au rejet de l'appel avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, respectivement les 23 juin et 18 juillet 2022, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par courrier du 29 juillet 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève ayant notamment pour but de proposer des prestations de services dans le domaine des transports. C______ en est l'administrateur unique.

b. B______ AG est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Zurich, ayant son siège à D______ [ZH] et disposant d'une succursale inscrite au Registre du commerce de Genève. Elle a pour but la fourniture de toute activité en lien avec la préparation d'aéronefs, ______, ______ et ______. Elle propose notamment des prestations au sol aux compagnies aériennes.

E______ a été membre du conseil d'administration de B______ AG d'octobre 2012 à janvier 2020 et disposait de la signature collective à deux. Il a également été directeur général (CEO, Chief Executive Officer) de B______ AG de juillet 2012 à octobre 2019, succédant à ce poste à F______.

G______, directeur commercial (CCO, Chief Commercial Officer), et H______, directeur financier (CFO, Chief Financial Officer), sont titulaires de la signature collective à deux depuis, respectivement, juin 2011 et août 2014. Avant H______, le poste de CFO a été occupé par I______, également au bénéfice de la signature collective à deux.

c. En octobre 2011, J______ [compagnie aérienne de L______, pays maghrébin] a lancé un appel d'offre destiné aux entreprises actives dans le domaine des services au sol, en vue de conclure un contrat de fourniture de tels services (Standard Ground Handling Agreement – ci-après SGHA) destinés à ses vols transitant par Genève et Zurich, pour la période 2012-2015.

d. Afin de l'assister dans le cadre de la constitution d'un dossier de soumission répondant au mieux à l'appel d'offre de J______, B______ AG a approché A______ SA qui disposait de bonnes relations dans le monde des affaires L______.

Le 25 novembre 2011, A______ SA et B______ AG ont conclu un contrat de consultant – rédigé en langue anglaise par cette dernière – selon lequel la première s'engageait à conseiller la seconde en vue de constituer le dossier à soumettre à J______ dans le cadre de l'appel d'offre précité et de négocier les termes du contrat.

Le contrat a été signé par C______ pour A______ SA ainsi que par F______ et I______ pour B______ AG.

L'art. 6 du contrat prévoyait une rémunération forfaitaire fondée sur le résultat ("strictly success based flat compensation") qui constituait l'entière et unique rémunération pour les prestations fournies par A______ SA dans le cadre du contrat ("the entire and sole remuneration in consideration of the services provided hereunder"), calculée à hauteur de 6.5% des montants encaissés par B______ AG en exécution du futur contrat conclu avec J______ (clause 6.1 et 6.2).

La durée du contrat de consultant, qui entrait en vigueur dès sa signature, correspondait à la durée de la procédure d'appel d'offre – tant que B______ AG maintenait sa candidature – et à la durée du contrat conclu avec J______ (art. 7.1), sauf résiliation avec effet immédiat dans des conditions spécifiquement décrites (art. 7.2) – non pertinentes en l'espèce.

Toute modification du contrat devait prendre la forme écrite (art. 8.4).

Le contrat était soumis au droit suisse (art. 9.1) et les tribunaux genevois étaient exclusivement compétents pour tout litige (art. 9.2).

e. En date du 13 décembre 2011, J______ a adjugé à B______ AG le SGHA pour la fourniture de services au sol aux aéroports de Genève et Zurich du 1er février 2012 au 31 janvier 2015.

f. B______ AG s'est acquittée des factures adressées par A______ SA portant sur le paiement de la commission de 6.5% sur les services au sol facturés par B______ AG à J______ pour la période précitée.

g. En octobre 2014, J______ a lancé un appel d'offre pour la fourniture de services au sol à Genève et Zurich pour la période de 2015 à 2018.

h. B______ AG a souhaité s'adjoindre à nouveau les services de A______ SA afin de constituer son dossier de soumission et négocier avec J______ le SGHA, ce que A______ SA a accepté aux alentours du 4 novembre 2014.

Les parties n'ont pas signé de nouveau contrat de consultant spécifique à cette occasion. Il n'est pas contesté qu'elles ont tacitement prorogé le contrat du 25 novembre 2011.

i. Fin février 2015, J______ a adjugé le SGHA pour les années 2015 à 2018 à B______ AG.

j. B______ AG s'est acquittée de toutes les factures adressées par A______ SA portant sur le paiement de la commission de 6.5% pour la période 2015-2018.

k. Par ailleurs, le 23 mars 2015, K______, père de C______, a adressé à B______ AG une facture n° 2______ de 157'500 fr. à titre d'honoraires de consultant ("consulting fees – Handling services GVA & ZRH Airports") qui a été réglée.

l. Le 5 octobre 2017, G______ et C______ se sont rencontrés à Genève afin de discuter des modalités de leur collaboration dans la perspective du futur appel d'offre de J______ pour les services au sol durant la période 2018-2021.

m. Le 16 octobre 2017, J______ a lancé l'appel d'offre en vue de l'attribution du SGHA pour la période 2018-2021 que B______ AG a emporté mi-mars 2018.

n. Le SGHA a été signé en juillet 2018, ce dont C______ a été informé lors d'un entretien téléphonique avec G______.

o. B______ AG a continué de s'acquitter régulièrement des factures adressées les 7 mai et 7 septembre 2018 par A______ SA concernant la commission de 6,5% sur les services au sol facturés à J______.

p. Par courriel du 7 août 2018 adressé à G______, C______, faisant référence à un entretien téléphonique de juillet 2018, a fait suivre une "facture relative à nos conseils" du 7 août 2018, n° 3______, payable à vue, d'un montant de 180'000 fr. concernant les honoraires de consultant ("consulting fees – Handling services GVA & ZRH Airports"), établie au nom de K______.

Par réponse du 14 août 2018, G______ a fait savoir à A______ SA que le service de comptabilité de B______ AG souhaitait que la facture soit établie sur le modèle de la précédente, faisant référence à la facture du 7 mai 2018 (cf. supra let. o).

C______ a, par courriel du lendemain, envoyé à G______, avec copie à H______, indiqué que la facture adressée en mai 2018 était fondée sur le contrat de consultant du 25 novembre 2011. Au sujet de la facture de 180'000 fr. du 7 août 2018, il a livré l'explication suivante : "ce montant a été défini d'un commun accord entre vous et moi en date du jeudi 5 octobre 2017 lors de notre déjeuner à l'aéroport de Genève. Lors de ce déjeuner, il a été convenu entre vous et moi, que ce montant sera[it] réglé à vu[e] et intégralement lors de l'obtention du renouvellement de contrat entre B______ AG et J______ pour la période 2018-2021; en addition de la convention signée en date du 25 novembre 2011 ( ). Pour rappel, nous avons exactement procédé de la même manière lors de l'obtention du renouvellement de contrat ( ) pour la période 2015-2018; à l'exception du montant qui s'élevait alors à 157'500.- CHF, engagement que vous avez honoré dans son intégralité dans les délais impartis. Dès lors que vous avez obtenu le renouvellement de contrat auprès de J______ pour la période 2018-2021, grâce à notre soutien indéfectible; je vous saurais gré de bien vouloir régler la facture ci-joint à vue et intégralement, et ce comme convenu".

G______ a, par retour de courriel, fait savoir qu'il ne "p[ouvait] rien confirmer pour le moment" au sujet de ladite facture, H______ étant en vacances, ajoutant que "toutefois, à première vue, il semblerait logique de garder le même montant (157'500.- francs)".

q. Le 24 août 2018, G______ a proposé à A______ SA une réunion avec H______, avec lequel il avait "pu éclaircir certains points", dans le but de "détailler ensemble le décompte de leur partenariat", ainsi que le montant à payer pour les trois prochaines années.

Une rencontre a eu lieu le 10 septembre 2018, à la suite de laquelle B______ AG a fait parvenir à A______ SA une proposition d'amendement au contrat de consultant qui prévoyait, d'une part, le paiement d'une prime unique de 157'000 fr. pour les renouvellements réussis du SGHA avec J______, en 2015 et 2018, et, d'autre part, l'expiration du contrat de consultant dans son entier au 31 mars 2021.

Les discussions entre les parties à propos du texte de l'amendement au contrat de consultant n'ont finalement pas permis de parvenir à un accord.

G______ a fait savoir par courriel du 24 septembre 2018 à C______ qu'il souhaitait "remettre les choses dans l'ordre car la construction actuelle de 6.5 % et d'un fixe pour le renouvellement n'[était] pas gérable".

r. A______ SA a mis en demeure B______ AG de régler la facture litigieuse par courrier de son conseil du 9 octobre 2018.

s. Par courrier responsif du 11 octobre 2018, B______ AG est restée sur sa position affirmant s'être acquittée de toutes ses obligations, y compris la rémunération prévue par l'art. 6 du contrat de consultant du 25 novembre 2011; les rémunérations supplémentaires étaient des hypothèses de travail qui n'avaient pas fait l'objet d'accord entre les parties ("B______ AG has been fulfilling all duties agreed in this contract, including the compensation (paragraph 6). Additional compensation are working hypothesis which have note been agreed by the parties").

t. Le 24 octobre 2018, A______ SA a requis la poursuite de B______ AG pour le montant de 180'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 7 septembre 2018, à titre d'"honoraire en cas de succès fondé sur la prestation de service du créancier, laquelle a mené à la conclusion d'un nouveau contrat du débiteur avec J______ comme dans le cadre de précédents contrats conclus et exécutés lesquels ont mené à la conclusion de nouveaux contrats du débiteur avec J______".

u. B______ AG s'est opposée au commandent de payer, poursuite no 1______, établi par l'Office des poursuites de D______ et notifié le 1er novembre 2018.

v.a Par demande déposée en vue de conciliation le 9 janvier 2019, déclarée non conciliée le 10 avril 2019 et introduite par devant le Tribunal le 16 avril 2019, A______ SA a assigné B______ AG, sous suite de frais, principalement en paiement de 180'000 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 7 août 2018 et en prononcé de la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, et subsidiairement en paiement de 157'500 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 7 août 2018 et en prononcé de la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à due concurrence.

v.b Dans son mémoire de réponse du 26 septembre 2019, B______ AG a conclu au rejet de la demande sous suite de frais.

v.c Les parties ont été autorisées à répliquer et dupliquer, ce qu'elles ont fait par mémoires des 30 octobre 2019 et 17 février 2020, tout en persistant dans leurs conclusions.

v.d En substance, A______ SA a allégué que le principe d'une rémunération supplémentaire à celle prévue à l'art. 6 du contrat de consultant, due à chaque reconduction du SGHA, avait été discuté en novembre 2014, lors du deuxième appel d'offre. Il s'agissait, d'une part, de compenser le risque inhérent à la rémunération variable de la commission de 6.5% qui dépendait des paiements de J______. D'autre part, dans la négociation des conditions du contrat de consultant, A______ SA avait consenti à une réduction de sa rémunération variable à 6.5% du chiffre d'affaires généré par le SGHA, au lieu d'un taux envisagé de 10%, afin de permettre à B______ AG de proposer une offre plus compétitive à J______.

Lors de la réunion du 5 octobre 2017, il avait été convenu qu'en sus de la commission de 6.5% stipulée par le contrat de consultant, une rémunération supplémentaire serait due, à l'instar de celle de 157'500 fr. versée en 2015, s'élevant désormais à 180'000 fr. en raison de l'inflation en L______, soumise à la seule condition que B______ AG décroche le troisième SGHA. La facture relative au supplément de 2015, établie au nom de K______ (celui-ci formant une société simple avec A______ SA), avait d'ailleurs été réglée par B______ AG intégralement et dans les délais. La rémunération supplémentaire n'avait rien à voir avec K______ qui n'avait déployé aucune activité particulière dans le cadre des deuxième et troisième appels d'offre de J______; le versement du montant de la prime supplémentaire en faveur de K______ avait pour seul but de permettre à A______ SA de régler une dette qu'elle avait envers ce dernier.

Les factures liées à la rémunération supplémentaire étaient adressées exclusivement à G______ puisqu'elles étaient convenues avec lui, tandis que celles liées à la rémunération prévue à l'art. 6 du contrat de consultant étaient adressées avec papier en-tête de A______ SA à F______, I______, E______, et en particulier à H______, mais jamais à G______.

v.e B______ AG a allégué que la seule rémunération prévue par le contrat de consultant la liant à A______ SA était la commission de 6.5%, à l'exclusion de toute autre rémunération. Elle a contesté qu'un accord aurait été trouvé le 5 octobre 2017 entre les parties prévoyant une rémunération supplémentaire dans le cadre de leur collaboration pour le troisième appel d'offre de J______. Au cours de la discussion du 5 octobre 2017, seule la question de la reconduction, dans les mêmes termes, du contrat de consultant du 25 novembre 2011 avait été abordée afin de régler leur collaboration en vue du troisième appel d'offre de J______.

Au demeurant, G______ n'aurait pu engager seul B______ AG pour le versement d'une rémunération supplémentaire.

La commission fixée dans le contrat de consultant avait été en effet réduite à 6.5%, alors qu'initialement un taux de 10% avait été envisagé, car les tarifs des services à fournir à J______ avaient eux-mêmes été revus à la baisse par rapport aux prix initialement projetés, de sorte que la marge sur le chiffre d'affaires pour rémunérer A______ SA avait diminué. Cette réduction de rémunération était ainsi économiquement justifiée et n'avait pas à être compensée.

A______ SA ne pouvait rien tirer du fait que, dans le cadre du précédent appel d'offre, une rémunération supplémentaire exceptionnelle avait été versée. Son versement avait été justifié par les circonstances entourant le deuxième appel d'offre : en février 2015, soit trois mois après le dépôt de son dossier, J______ refusait toujours d'adjuger le SGHA à B______ AG; l'intervention de K______ avait été présentée comme la solution pour débloquer la situation, raison pour laquelle une rémunération extraordinaire lui avait été consentie. En octobre 2017, une telle situation de blocage n'existait pas puisque le troisième appel d'offre de J______ n'avait pas encore été ouvert.

A______ SA ne pouvait pas non plus se prévaloir des discussions des mois d'août et septembre 2018, celles-ci visant uniquement à régler le litige. En particulier, le courriel de G______ du 24 août 2018 ne valait pas confirmation d'un accord pour la rémunération supplémentaire réclamée, une telle confirmation devant émaner de H______.

Enfin, B______ AG relevait l'ambiguïté planant sur l'identité du créancier de la prétention réclamée puisque, d'un côté, A______ SA prétendait que la rémunération lui était due, alors que la facture était expressément établie au nom de K______, et, de l'autre côté, elle alléguait former une société simple avec ce dernier, pour expliquer le libellé de la facture et le droit de s'en prévaloir, ce qui ne lui permettait pas d'agir seule en recouvrement de cette créance.

v.f A l'audience du 29 avril 2021, le Tribunal a entendu E______, en qualité de témoin. Il a également entendu C______, G______ et H______, en leurs qualités d'organes représentant les parties.

C______ a déclaré avoir eu des contacts de 2007 à 2011 essentiellement avec F______, puis avec G______. La rémunération de l'activité de A______ SA avait été convenue avec le premier cité. A la demande de F______, il avait accepté de baisser le taux de la rémunération de 10% à 6.5% car la concurrence était rude, le but étant de permettre à B______ AG de pénétrer le marché L______. S'agissant de la première rémunération supplémentaire, il l'avait discutée avec G______. Elle se justifiait par l'effort financier consenti lors de la conclusion du contrat de consultant en 2011. Il avait proposé le montant de 160'000 fr. et avait accepté la contre-proposition de G______ qui était revenu vers lui après avoir fait ses calculs (157'500 fr.). A______ SA était la bénéficiaire de cette rémunération supplémentaire. S'il avait été demandé à B______ AG de la verser en mains de son père, c'était pour faciliter un paiement de A______ SA à ce dernier, ce dont F______ était informé. Dans le cadre du dernier appel d'offre, il avait proposé à G______, lors d'un déjeuner, le versement d'une rémunération supplémentaire plus importante, soit un montant de 180'000 fr., qui s'expliquait par l'inflation en L______. G______ l'avait immédiatement acceptée. Lorsqu'il avait rencontré à nouveau ce dernier seul en septembre 2018, il avait été question de réduire la deuxième rémunération supplémentaire à 157'500 fr. Ce dernier avait justifié cette réduction par les exigences des auditeurs internes et le fait que la rémunération globale de A______ SA dépassait les 10% du chiffre d'affaires réalisé avec J______. Il n'avait pas pu accepter la proposition qui s'en était suivie car elle contenait des informations fausses et un changement des conditions du contrat.

G______ a confirmé avoir accepté de régler la rémunération supplémentaire demandée par C______ en février 2015 pour débloquer la situation avec J______. Il avait bien articulé une proposition à hauteur de 157'500 fr. Celle-ci avait fait l'objet d'une discussion préalable avec E______ et H______ car il n'était pas habilité à prendre seul cette décision. Ce paiement n'était pas destiné à être renouvelé dans le futur. Il avait été réglé en faveur du tiers intervenu dans l'attribution du marché. Lors de la discussion du 5 octobre 2017 avec C______, il avait été convenu que les relations entre A______ SA et B______ AG se poursuivraient sur la base du contrat de consultant du 25 novembre 2011 en vue du troisième appel d'offre de J______. Il réfutait que l'une ou l'autre des parties aurait évoqué une rémunération supplémentaire et que le montant de 180'000 fr. aurait été articulé. Il avait été surpris de recevoir la facture du 7 août 2018 car ce n'était pas ce qui avait été convenu lors de ce déjeuner. Interrogé au sujet de sa réponse figurant dans le courriel du 24 août 2018, à la réception de cette facture, G______ a expliqué qu'il ne savait pas d'où provenait ce montant de 180'000 fr. et qu'il lui apparaissait logique que si une facture devait être adressée à B______ AG, elle devait porter sur le même montant que la précédente. Par la suite, dans les discussions intervenues en septembre 2018, il avait été question que B______ AG paie le montant de 157'500 fr. à titre de solde de tout compte pour les trois années à venir afin de mettre un terme aux relations contractuelles avec A______ SA. C'était dans ce sens qu'il fallait comprendre son courriel du 24 août 2018 et il contestait avoir reconnu dans ce message que les relations contractuelles comprenaient une rémunération composée d'une part variable et d'une part fixe; la teneur du message exprimait l'idée que le contrat de consultant n'était pas viable en cas de cumul de la rémunération variable prévue dans le contrat du 25 novembre 2011 et les rémunérations supplémentaires sollicitées par A______ SA.

H______ a confirmé que le principe de la prime de 157'500 fr. avait été approuvé par lui-même et le CEO conformément aux règles de la société. G______ l'avait informé des difficultés liées à l'attribution du deuxième appel d'offre et ce paiement était lié au blocage auquel B______ AG faisait face dans le cadre de ces négociations. Il avait eu connaissance de la rencontre entre C______ et G______ dans le cadre du troisième appel d'offre. Celui-ci ne lui avait rien rapporté à ce sujet. En particulier, il ne l'avait pas informé qu'une nouvelle rémunération supplémentaire aurait été réclamée. G______ ne lui avait pas non plus fait part de difficultés qui seraient survenues au cours des négociations dans le cadre du troisième appel d'offre. Il n'y avait eu aucune discussion au sein de B______ AG concernant une rémunération extraordinaire jusqu'à la réception de la facture de 180'000 fr. qui avait surpris. La proposition d'avenant au contrat de consultant de septembre 2018 avait pour but de mettre un terme aux relations contractuelles avec A______ SA. A l'époque, H______ ignorait que B______ AG pouvait mettre unilatéralement un terme audit contrat.

E______ a déclaré avoir eu connaissance du litige opposant les parties. Il avait fait la connaissance de C______ en 2014 lors d'une rencontre où G______ était, sauf erreur, présent. B______ AG avait alors sollicité A______ SA pour l'assister dans le cadre du deuxième appel d'offre de J______. Les relations contractuelles entre B______ AG et A______ SA étaient réglées par contrat de consultant signé le 25 novembre 2011 par son prédécesseur. C______ avait réclamé le paiement d'une somme supplémentaire, payable en une fois, en faveur d'un tiers, en plus des autres conditions prévues par le contrat. La discussion au sujet de ce paiement à caractère extraordinaire était intervenue en raison d'un blocage qui durait depuis trois mois environs (J______ ne parvenait pas à se décider entre différentes sociétés ayant postulé) et ce paiement devait permettre de dénouer la situation. Grâce à cette aide, B______ AG était parvenue à emporter l'appel d'offre. Le paiement avait été effectué en une fois en faveur non pas de A______ SA mais d'une société que le témoin supposait être en lien avec le père de C______. Cette rémunération supplémentaire revêtait un caractère exceptionnel. En 2017, B______ AG s'était interrogée s'agissant de la nécessité de faire intervenir un consultant pour l'assister dans l'appel d'offre de J______. Il y avait eu des discussions "en direct" entre G______ et C______. Le témoin ne se souvenait pas des détails, mais il pensait que C______ avait sollicité à l'époque un montant supplémentaire pour son activité. Cependant, il n'y avait eu aucun contrat signé, ni modification des conditions prévues par le contrat de consultant du 25 novembre 2011.

v.g A l'audience du 25 mai 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs précédentes conclusions. A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a, en substance, considéré que A______ SA n'avait pas prouvé l'existence de la conclusion d'un accord entre les parties prévoyant une rémunération supplémentaire à la commission de 6.5% du chiffre d'affaires réalisé par B______ AG avec J______, prévue par l'art. 6 du contrat de consultant. Afin de parvenir à cette conclusion, le Tribunal a en premier lieu écarté la pertinence de toutes les circonstances en lien avec la conclusion du contrat de consultant du 25 novembre 2011, l'accord litigieux étant intervenu ultérieurement, sous une forme différente et à titre de supplément de rémunération. Il a également estimé qu'il n'était pas nécessaire de répondre à la question de savoir si l'accord litigieux devait être qualifié de modification au contrat initial de consultant ou d'accord totalement indépendant. A______ SA n'était pas parvenue à prouver la teneur de la discussion du 5 octobre 2017 entre G______ et C______, ni l'existence d'un accord entre eux sur le paiement d'un montant de 180'000 fr. supplémentaire par B______ AG pour avoir favorisé l'obtention du SGHA avec J______ pour la période 2018-2021. L'audition du témoin E______ n'était d'aucun secours à A______ SA, puisqu'il n'avait pas participé à la discussion. Le Tribunal ne disposait par conséquent que de la parole d'un organe de A______ SA contre la parole d'un organe de B______ AG. Il n'était ainsi pas possible d'établir la volonté subjective réelle des parties. Le Tribunal s'est ensuite attaché à examiner d'autres circonstances permettant d'établir la volonté objective des parties à la lumière du principe de la confiance. Il a à cet égard exclu que le paiement supplémentaire de 157'500 fr. lors de la conclusion du nouveau SGHA entre l'intimée et J______ en 2015 soit un indice suffisant de l'existence d'un accord entre les parties impliquant le versement d'un tel montant à chaque nouvelle conclusion d'un SGHA ou de l'existence d'un nouvel accord en 2018, similaire à celui de 2015. Les termes de l'échange de courriels d'août 2018, notamment le message du 15 août 2018 de G______, ne permettaient pas non plus de considérer qu'un accord dans le sens d'un versement de 180'000 fr. aurait été conclu le 5 octobre 2017. Il y était seulement évoqué le fait que si un tel versement devait s'effectuer, il semblait logique qu'il soit du même montant que celui de 2015, soit 157'500 fr. Le courriel de B______ AG du 24 septembre 2018 n'était pas non plus un indice de la préexistence d'un accord sur le versement de 180'000 fr. supplémentaires. En effet, ce message devait être lu dans le sens qu'il n'était pas admissible pour B______ AG de verser un montant en sus de la rémunération prévue par l'art. 6 du contrat de consultant, ce qui avait été précisé par son auteur lors de son audition par le Tribunal. Aucune circonstance n'avait par conséquent pu permettre à A______ SA de comprendre de bonne foi que B______ AG s'était engagée à lui verser une rémunération en plus de celle prévue dans le contrat de consultant.

L'existence de l'accord en vue d'une rémunération supplémentaire n'ayant pas été établie, le Tribunal a renoncé à examiner la question de la légitimation active de A______ SA pour réclamer le paiement du montant litigieux, la facture étant libellée au nom de K______ et non de A______ SA.

A titre superfétatoire, le Tribunal a encore souligné que même s'il fallait admettre qu'un accord serait intervenu entre C______ et G______ en vue du paiement de 180'000 fr. lors de la discussion du 5 octobre 2017, le second ne pouvait, seul, valablement engager B______ AG, puisqu'il ne disposait que de la signature collective à deux. Il n'avait pas non plus créé une apparence efficace de pouvoirs de représentation au sens de l'art. 33 al. 3 CO.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 al. 1, 308 al. 2 CPC), dans le délai de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir nié l'existence d'un accord entre les parties en vue d'une rémunération supplémentaire de 180'000 fr. pour la conclusion d'un nouveau SGHA entre l'intimée et J______ en 2018.

2.1.1 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Le contrat suppose donc un échange de manifestations de volonté réciproques (art. 3 ss CO); le contrat est conclu si l’offre et l’acceptation sont concordantes. Les manifestations de volonté peuvent être tacites (art. 1 al. 2 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.1 et les références).

Tant pour déterminer si un contrat a été conclu que pour l’interpréter, le juge doit tout d’abord s’efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la véritable nature de leur convention (interprétation subjective; art. 18 al. 1 CO ; ATF 144 III 93 consid. 5.2.2;
132 III 626 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_431/2019 précité et les références). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu’il s’agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l’attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l’époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 140 III 86 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_152/2017 du 2 novembre 2017 consid. 4.1).

Ce n’est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves –, qu’il doit recourir à l’interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre. Il s’agit d’une interprétation selon le principe de la confiance. Ce principe permet d’imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_431/2019 précité et les références et 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 4.1). L’interprétation objective s’effectue non seulement d’après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l’exclusion des évènements postérieurs (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1).

2.1.2 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

L'art. 8 CC règle, d’une part, la répartition du fardeau de la preuve et, d’autre part, donne à la partie qui en a la charge le droit d’apporter la preuve de ses allégués pertinents; il indique également quelle partie doit supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un fait allégué et contesté. En revanche, il ne régit pas l'appréciation des preuves, de sorte qu'il ne prescrit pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées ni ne dicte au juge comment forger sa conviction. Les normes du code de procédure civile sur l'administration et l'appréciation des preuves (art. 150 et ss CPC) règlent ces objets. Lorsque le juge, en appréciant les preuves, parvient à la conviction qu’un allégué pertinent est prouvé, il n’y a plus de place pour une règle sur le fardeau de la preuve. Le fardeau de la preuve, en tant que règle légale, n’intervient que lorsque le juge ne parvient pas à une conviction et n’est pas à même de déterminer si un fait s’est produit. Dans ce cas, la partie qui l'a allégué, afin d'en tirer un droit, se verra dénier ce droit, faute d'être parvenue à convaincre le juge par les preuves dont elle a sollicité l'administration de l'existence du fait conditionnant l'existence de son droit (ATF 143 III 1 consid. 4.1; 141 III 241 consid. 3.2 = JdT 2016 II 235; 131 III 646 consid. 2.1 = JdT 2008 I 47; 130 III 591 consid. 5.4 = JdT 2006 I 131; arrêts du Tribunal fédéral 5A_377/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3.5.2; 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.3; 4A_443/2014 du 2 février 2015 consid. 4; 4A_367/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.1; 4A_683/2010 du 22 novembre 2011 consid. 4.1).

L'appréciation des preuves par le juge consiste à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé. Lorsque la preuve d'un fait est particulièrement difficile à établir, les exigences relatives à sa démonstration sont moins élevées; elles doivent en revanche être plus sévères lorsqu'il s'agit d'établir un fait qui peut être facilement établi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

L’interrogatoire et la déposition d’une partie sont des moyens de preuve objectivement adéquats prévus par la loi (art. 168 al. 1 lit. f CPC) et ils doivent être appréciés librement à l'instar des autres moyens de preuve, sans pouvoir être d'emblée exclus en raison de leur faible valeur probante. Il n’est dès lors pas admissible de dénier à ces moyens de preuve d’emblée toute capacité à prouver un fait et de refuser de les administrer, même si le Message du Conseil fédéral à l'appui du Code de procédure civil (FF 2006 p. 6934) mentionne la faible force probante des dépositions ainsi que des interrogatoires et qu’ils doivent être corroborés par un autre moyen de preuve. Ce n'est qu'une fois administrés et appréciés dans le cas d'espèce qu'il pourra être retenu une valeur probante faible (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.5.2).

De simples allégations de parties, fussent-elles même plausibles, ne suffisent pas à prouver un fait, à moins qu'elles ne soient corroborées par des pièces qui accréditent la thèse soutenue (ATF 141 III 433; arrêts du Tribunal fédéral 5A_795/2013 du 27 février 2014 consid. 5.2; 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 7.3; 5A_225/2010 du 2 novembre 2010 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, la question à résoudre consiste à établir l'existence et, le cas échéant, la teneur d'un accord entre les parties portant sur une rémunération supplémentaire à celle prévue à l'art. 6 du contrat de consultant pour la conclusion d'un nouveau SGHA entre l'intimée et J______ en 2018.

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir analysé l'un après l'autre les arguments qu'elle avait développés, sans apprécier les circonstances dans leur ensemble dans la recherche de la volonté des parties selon la théorie de la confiance. S'il avait procédé de la sorte, il serait parvenu à la conclusion qu'un accord spécifique avait été passé entre les parties sous la forme d'un contrat de courtage pour la conclusion du SGHA de 2018. Même si le montant précis de la prime de courtage n'avait pas été convenu, il ne s'agissait que d'un élément secondaire du contrat de courtage et l'absence d'accord entre les parties sur ce point ne remettait pas en cause l'existence du contrat; le juge aurait dû combler la lacune dans le contrat en appliquant les règles du droit et de l'équité, ainsi que le tarif ou l'usage pertinent (art. 414 CO), en l'occurrence 180'000 fr. par référence à la première prime versée par l'intimée en 2015.

2.2.1 Il est admis que G______ et C______ étaient seuls lors des discussions du 5 octobre 2017 et qu'aucun écrit ne documente les accords auxquels ils seraient parvenus.

L'audition par le Tribunal des représentants des parties ayant participé à la discussion du 5 octobre 2017 ne permet pas de départager les allégués contradictoires des parties.

En l'absence de preuves directes du contenu des discussions du 5 octobre 2017, le Tribunal a recouru à l'interprétation de la volonté des parties selon le principe de la confiance, en se fondant sur des éléments contextuels, notamment le comportement des parties postérieur au 5 octobre 2017, lorsque l'appelante a tenté de faire exécuter l'accord dont elle alléguait l'existence. L'appelante se plaint d'une mauvaise application de la théorie de la confiance par le Tribunal qui n'aurait pas correctement analysé les indices à disposition, soit essentiellement les échanges entre les parties en août et septembre 2018.

Ce faisant, tant le Tribunal que l'appelante font une application erronée de la théorie de la confiance qui ne permet pas de recourir à des circonstances postérieures à l'accord litigieux pour en interpréter le contenu et la portée.

En l'occurrence, il ne s'agit pas tant d'interpréter des manifestations de volonté ou un accord pour en déterminer la teneur et la portée, ni même de qualifier juridiquement le contrat conclu, que d'établir si un tel accord a été conclu ou non. Il s'agit essentiellement d'un problème de preuve et d'interprétation subjective de l'attitude des parties, notamment lorsque l'appelante a tenté d'obtenir l'exécution de l'accord allégué en août 2018.

2.2.2 L'appelante soutient que si le Tribunal avait correctement examiné les indices à disposition il aurait dû parvenir à la conclusion que les parties avaient passé un contrat de courtage et que la commission convenue était due, même si elle n'était pas prévue dans le contrat, lacune qu'il appartenait au juge de combler.

L'appelante présente ce grief en appel de manière peu intelligible. On ne discerne pas si elle soutient qu'un contrat de courtage aurait été conclu entre les parties parallèlement au contrat de consultant ou si le contrat de consultant comportait une lacune concernant une rémunération complémentaire due à titre de commission de courtage. Cette argumentation est en tout état nouvelle, les parties n'ayant pas abordé cette question devant le Tribunal. Entrer en matière sur cet argument impliquerait d'incorporer des éléments nouveaux à l'état de fait soumis au premier juge, ce qui est exclu par l'art. 317 CPC, s'agissant de circonstances qui auraient pu être invoquées en première instance déjà. Devant le premier juge, l'appelante s'est limitée à invoquer une rémunération supplémentaire convenue entre les parties afin de compenser la réduction du taux de la commission de 10% à 6.5% et de se prémunir contre la volatilité de la commission calculée sur le chiffre d'affaires réalisé par l'intimée avec J______. Elle n'a pas parlé de rémunérer une prétendue activité de courtier complémentaire à celle de consultant.

En tout état, cette nouvelle argumentation n'aurait pas résisté à la confrontation avec l'économie du contrat de consultant conclu le 25 novembre 2011. Ce dernier obligeait l'appelante à fournir des prestations consistant dans la constitution et la soumission d'un dossier dans l'appel d'offre de J______, ainsi que dans l'assistance de l'intimée dans la négociation de l'offre avec J______. Pour ces prestations, l'intimée s'était engagée à verser une "unique et entière" rémunération forfaitaire fondée sur le résultat, représentant 6.5% du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre du SGHA avec J______. Ce taux de rémunération a été négocié entre les parties, qui l'ont arrêté en tenant compte du fait que les tarifs finalement proposés à J______ avaient été revus à la baisse, ce qui entraînait une rentabilité moindre du SGHA pour l'intimée et, partant, une marge réduite pour rémunérer les services de l'appelante. Le contrat de consultant prévoyait en outre que sa modification n'était possible que sous la forme écrite. Il résulte de ces termes que les parties ont conclu un contrat comprenant des prestations incluant une activité courtage et une rémunération exhaustive de ces prestations. Le taux de rémunération a été fixé après négociation en tenant compte d'éléments connus des parties et selon des critères économiques objectifs dont il n'est pas allégué qu'ils auraient évolué depuis lors. La relation contractuelle des parties ainsi définie ne laisse aucune place à la conclusion d'un contrat de courtage parallèle ou à la rémunération de prestations supplémentaires de courtier. Les parties ont de surcroît voulu donner une certaine intangibilité à ces conditions en prévoyant la forme écrite pour toute modification et en précisant que la rémunération convenue était exhaustive. Or, l'accord complémentaire au contrat de consultant allégué par l'appelante à l'appui de sa prétention s'inscrit en contradiction avec l'ensemble de ces éléments, ce qui ne permet pas de retenir son existence, faute d'éléments probants.

En tant qu'elles s'appuient sur l'existence d'un contrat de courtage, les prétentions de l'appelante sont infondées.

2.2.3 L'appelante invoque le précédent de 2015 pour justifier qu'un nouveau versement de même nature lui serait dû en 2018. En effet, l'obtention de l'adjudication du SGHA s'est déroulée dans les mêmes circonstances en 2015 et en 2018.

Elle ne fournit toutefois aucune explication univoque et étayée sur les raisons pour lesquelles une rémunération supplémentaire a été versée en 2015 et une rémunération lui serait due en 2018, ainsi que cela ressort des considérants précédents.

De son côté, l'intimée explique le paiement de 157'500 fr. intervenu en 2015 – au demeurant facturé par K______ et versé à ce dernier pour son intervention – par des circonstances spécifiques à l'appel d'offre de J______ de 2015. Il aurait ainsi eu pour but de "débloquer" la situation par une intervention auprès de J______, qui tardait à désigner l'entreprise adjudicataire. Or, ces circonstances n'avaient pas pu se reproduire au moment de la conclusion de l'accord allégué par l'appelante, le 5 octobre 2017, le processus d'appel d'offre 2018 n'ayant pas encore été ouvert par J______ à cette date. Rien ne justifiait par conséquent que l'appelante s'engage à verser un tel montant le 5 octobre 2017. En outre, le processus d'adjudication du marché s'est déroulé sans obstacle en 2018.

Les explications de l'intimée sur le versement de 157'500 fr. en 2015, confirmées par le témoin E______, sont crédibles, à l'inverse de celles fluctuantes de l'appelante qui sont incompatibles avec le contrat de consultant conclu en 2011. Cette dernière échoue donc à prouver l'existence de l'accord allégué en se référant au précédent de 2015.

2.2.4 L'appelante soutient que l'échange de courriels intervenu entre les parties aux mois d'août et septembre 2018 sont des éléments propres à établir l'existence de l'accord allégué du 5 octobre 2017, au contraire de ce qu'a considéré le Tribunal.

Sortis de leur contexte, les courriels de G______ des 15 août et 24 septembre 2018 pourraient laisser supposer qu'il existait un accord sur le principe d'une rémunération supplémentaire similaire à celle versée en 2015, dont seul le montant restait à discuter (" toutefois, à première vue, il semblerait logique de garder le même montant (157'500.- francs) "; " nous devrons remettre les choses dans l'ordre car la construction actuelle de 6.5% et d'un fixe pour le renouvellement n'est pas gérable "; cf. supra "En fait" C.p et C.q).

Replacés dans la séquence des messages échangés en août et septembre 2018 entre les parties, suite à l'envoi de la facture litigieuse par l'appelante le 7 août 2018, ces courriels ne peuvent toutefois pas être lus dans le sens qu'il aurait existé un accord préalable ainsi que le soutient l'appelante.

Il ressort en effet du message du 14 août 2018 de G______ que celui-ci n'a pas saisi la portée de la facture du 7 août 2018 de K______, puisqu'il demande qu'elle soit modifiée de manière à être présentée comme celle du 7 mai 2018, soit une facture destinée au paiement de la commission de 6.5%. Dans sa réponse du 15 août 2018, C______ montre qu'il a compris que sa facture du 7 août 2018 avait provoqué la surprise et qu'il devait la justifier. La réponse de G______ indique qu'il ne pouvait rien confirmer et devait en référer à H______. En effet, si l'intéressé évoque qu'"à première vue il semblerait logique de garder le même montant (157'500 fr.)" il souligne néanmoins qu'il "ne peu[t] rien confirmer pour le moment, ( )".

De même, les termes utilisés dans le courriel du 24 septembre 2018 – "la construction actuelle de 6.5% et d'un fixe pour le renouvellement n'est pas gérable" – peuvent laisser penser, par l'emploi de l'adjectif "actuelle", qu'il s'agirait d'une construction contractuelle en vigueur. Or, ces termes peuvent aussi être compris comme l'état actuel des propositions transactionnelles.

Remis dans le contexte de l'échange de courriels entre le 7 août et le 11 octobre 2018, les deux messages des 15 août et 24 septembre 2018 ne peuvent pas avoir le sens que leur prête l'appelante. La surprise et la contestation provoquées par l'envoi de la facture du 7 août 2018 ainsi que les pourparlers en vue de trouver une solution prouvent qu'il n'existait aucun accord préalable à la facture du 7 août 2018.

Si les pourparlers de septembre 2018 ont échoué, c'est d'ailleurs parce que les prétentions de l'appelante étaient exorbitantes à l'économie du contrat du 25 novembre 2011 – à savoir que la rentabilité du SGHA n'aurait plus été suffisante si la rémunération due à A______ SA avait dépassé le taux convenu de 6.5% du chiffre d'affaires réalisé avec J______ – et n'étaient pas acceptables pour l'appelante, ce qu'elle a indubitablement exprimé dans les courriels des 24 septembre et 11 octobre 2018. On ne voit pas en quoi elles auraient été plus acceptables le 5 octobre 2017 et auraient alors permis un accord.

Il découle de ce qui précède que l'interprétation faite par le Tribunal de l'échange de courriels des mois d'août et septembre 2018 et la conclusion qu'il en a tirée, à savoir qu'ils ne peuvent constituer des preuves suffisantes d'un accord fondant les prétentions de l'appelante, doivent être confirmées.

2.2.5 A l'instar du Tribunal, la Cour retient que même à considérer que l'existence d'un accord tendant au paiement d'un montant de 180'000 fr. serait établie, il serait douteux qu'il ait été conclu entre les parties et que celles-ci disposent de la légitimation active, respectivement passive.

La facture sur laquelle se fonde l'appelante pour prétendre au paiement de cette somme n'est pas émise à son nom, mais à celui de K______. A cet égard, les explications de l'appelante reposant sur un arrangement visant à faciliter un paiement entre elle-même et K______ apparaissent douteuses et il est encore plus surprenant qu'un tel procédé doive se répéter en 2018. Il apparaît en revanche crédible que K______ soit personnellement intervenu afin de faciliter la conclusion du SGHA en 2015, ainsi que l'explique l'intimée. Aussi, s'il avait été admis dans son principe, le montant litigieux serait selon toute vraisemblance dû à K______ et non à l'appelante.

L'invocation d'une société simple entre l'appelante et K______ n'est d'aucun secours à la première puisqu'elle aurait pour conséquence d'entraîner le déboutement de la demande, cette dernière devant être formée par tous les associés en qualité de consorts nécessaires (art. 70 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 4 et 18 ad art. 70 CPC).

Il ressort des allégués non contestés de l'appelante que seuls C______ et G______ ont participé aux discussions du 5 octobre 2018 et auraient conclu l'accord allégué. Or, G______ ne disposait pas de la signature individuelle l'autorisant à conclure un tel accord seul. Aucune des parties n'a allégué que H______ aurait validé cet accord. L'intimée n'aurait donc en tous les cas pas été valablement représentée dans la conclusion de l'accord allégué.

Pour ces motifs également, le déboutement de l'appelante doit être confirmé.

2.2.6 Il découle des considérants qui précèdent que le jugement entrepris sera confirmé.

3. Les frais judiciaires d’appel seront fixés à 9'000 fr. (art. 96 et 104 al. 1 et 2, 105 al. 1 CPC; art. 19 LaCC; art. 17 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l’avance de frais de même montant versée par l’appelante, laquelle reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

De même, les dépens d'appel seront mis à la charge de l'appelante et arrêtés à 17'000 fr., débours et TVA inclus (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 104 al. 1 et 2, 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 et 25 LaCC; art. 84 ss RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 février 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/16072/2021 rendu le 23 décembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/387/2019.

Au fond :

Confirme ledit jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de même montant versée par A______ SA.

Condamne A______ SA à verser à B______ AG 17'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.