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Décisions | Chambre civile

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C/23768/2020

ACJC/468/2022 du 29.03.2022 sur JTPI/10747/2021 ( OS ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 20.05.2022, rendu le 02.06.2023, CONFIRME, 2D_22/2022
Normes : LREC.2; CEDH.5.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23768/2020 ACJC/468/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 MARS 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant contre un jugement rendu par la 16e Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 août 2021, comparant par Me Kevin SADDIER, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4, Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, SOIT POUR ELLE LE DEPARTEMENT DE LA SECURITE, DE LA POPULATION ET DE LA SANTE, sise rue de l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3952, 1211 Genève 3, intimée, comparant en personne.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10747/2021 du 25 août 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 3'700 fr., lesquels ont été mis à la charge de ce dernier et laissés provisoirement à la charge de l'Etat sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal a considéré que la détention après jugement de l'intéressé au sein de l'établissement pénitentiaire de C______, dans l'attente d'une décision du Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) quant aux modalités d'exécution de la mesure institutionnelle ordonnée par le juge puis de son transfert dans un établissement adapté, n'était pas constitutive d'une détention illicite, dès lors que les autorités avaient déployé tous les efforts qui pouvaient être attendus d'elles, en particulier au vu des conditions sanitaires particulières de la période en question.

B. a. Par acte expédié le 27 septembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, qu'il a reçu le 26 août 2021, dont il sollicite l'annulation. Cela fait, il conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, à la condamnation de l'Etat de Genève à lui verser la somme de 25'400 fr. (intérêts en sus). Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. La REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

d. Les parties ont été informées par pli du 13 décembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1976, citoyen portugais séjournant sur territoire suisse depuis 1997, a fait l'objet d'une instruction pénale en 2010 notamment pour menaces envers son ex-épouse, injures et violation du devoir d'assistance ou d'éducation.

Dans le contexte de ces faits, il a été soumis à une expertise psychiatrique. Le rapport, établit le 4 mars 2010, a relevé qu'il souffrait de troubles mentaux du comportement liés à l'utilisation d'alcool dans le cadre d'un syndrome de dépendance et présentait les caractéristiques d'une personnalité émotionnellement labile de type impulsif.

Par jugement du Tribunal de police du 15 juin 2010, l'intéressé a été condamné à une peine privative de liberté 15 mois et à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr. l'unité. L'exécution de ces peines a été suspendue au profit d'une mesure institutionnelle en milieu ouvert au sens de l'art. 59 CP.

b. De 2013 à 2016, A______ a fait l'objet de huit condamnations pénales supplémentaires, majoritairement pour des infractions à la LStup et à la LCR.

Pendant toute cette période, il a été soumis à un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, mesure de soins prolongée pour la dernière fois le 14 décembre 2017 pour une durée de trois ans supplémentaires.

c. En date du 13 février 2017, A______ a été arrêté une nouvelle fois et placé en détention provisoire à la prison de C______ dès le lendemain. Il lui était reproché d'avoir, à Genève, le 22 décembre 2016, porté deux coups distincts sur l'arrière du crâne d'un voisin qui lui tournait le dos à l'aide d'une masse dont la tête pesait 1'250 grammes et mesurait 4 x 4.1 x 10 centimètres, ce qui lui avait occasionné des lésions ayant nécessité une opération et la pose de plaques en titane. Il lui était, en outre, reproché des infractions à la LStup.

Dans le contexte de ces faits, plusieurs rapports ont été rendus.

Dans son rapport d'évaluation du 26 juillet 2017, le Service des mesures institutionnelles (SMI) a retenu que la dépendance à l'alcool et à l'héroïne restait un problème majeur de A______, que l'alliance thérapeutique s'était dégradée dès 2013 et que le suivi ambulatoire s'était soldé par un échec. Un traitement institutionnel paraissait ainsi indispensable.

Une nouvelle expertise psychiatrique a été établie le 5 septembre 2017 par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). Il en résulte que l'expertisé souffrait d'un trouble de la personnalité psychotique, une séquelle d'un trouble du développement de type dysharmonie évolutive, de troubles cognitifs résiduels sur abus d'opiacés, d'un épisode dépressif moyen, d'un syndrome de dépendance à l'héroïne et à l'alcool (actuellement abstinent, mais dans un environnement protégé), tout comme une utilisation nocive pour la santé de cocaïne (actuellement abstinent, mais dans un environnement protégé). L'expertisé présentait un risque de commettre à nouveau des actes de violence, surtout dans le milieu de la toxicomanie, qui était susceptible d'être restreint par une mesure thérapeutique, dès lors que les actes reprochés étaient en rapport avec le trouble mental diagnostiqué. La toxicomanie de l'expertisé, greffée sur une personnalité hautement fragile et psychotique, devait impérativement être prise en charge, raison pour laquelle il était indispensable que l'expertisé bénéficie d'une mesure de soins en milieu institutionnel qui permettrait de prendre en charge à la fois ses dépendances et son trouble de la personnalité. Il fallait donc, selon les experts, envisager une structure suffisamment cadrante qui prendrait en charge les dépendances, avec de préférence des objectifs thérapeutiques pas trop exigeants, et qui offrirait des possibilités de réinsertion. De plus, cette structure devait disposer d'unités fermées au début des soins, avec progressivement une ouverture.

Aux termes du complément d'expertise du 12 février 2018, les experts ont précisé que la symptomatologie dépressive de l'intéressé s'était nettement améliorée depuis l'expertise de septembre 2017 et que ce dernier ne présentait plus de dépendance à l'alcool, contrairement à ce qui avait été retenu en 2010. En outre, le diagnostic de trouble de la personnalité émotionnellement labile posé en 2010 n'infirmait pas le diagnostic de personnalité psychotique car, d'un point de vue comportemental, l'expertisé présentait en 2010 les caractéristiques d'une personnalité émotionnellement labile mais, derrière cet "aménagement" caractériel, se trouvait un noyau psychotique. Ainsi, l'incarcération actuelle et surtout le sevrage de toute substance avaient contribué à révéler la structure de personnalité psychotique sous-jacente de l'individu, qui jusqu'à ce moment était "masquée" par l'abus de substances. Selon les experts, c'était justement du fait de cette structure de personnalité fragile et psychotique, que les mesures de soins ambulatoires avaient peu fonctionné, celles-ci étant insuffisamment cadrantes, étayantes et soutenantes. Or, malgré la déstructuration et l'accentuation des difficultés de l'expertisé depuis les dix dernières années, ses passages au sein de structures de soins institutionnelles n'avaient pas tous été qualifiés d'échec et avaient permis une stabilisation, raison pour laquelle les experts maintenaient leurs conclusions en matière de mesures thérapeutiques. C'était parce que la réinsertion sociale et professionnelle était l'un des facteurs importants dans la prise en charge de l'expertisé et dans l'abaissement de son risque de récidive qu'une mesure institutionnelle en milieu ouvert était préconisée. Compte tenu de la difficulté de l'expertisé à adhérer à des soins sur du long terme et de son manque de conscience morbide, le pronostic demeurait réservé. Les experts préconisaient plus particulièrement un centre de cure pour toxicomanes qui devrait comprendre une unité fermée dite d'observation pour les premiers mois de prise en charge, avec un "cadre assez tenant et ferme".

Enfin, le Service de médecine pénitentiaire (SMP) a établi plusieurs rapports de suivi médico-psychologique, les 2 juin 2017, 17 mai 2018 et 22 novembre 2018.

Par jugement du 17 septembre 2018, le Tribunal correctionnel a reconnu A______ – lequel était toujours incarcéré à C______ –, coupable de tentative de meurtre et d'infractions aux art. 19 al. 1 et 19 a LStup. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de trois ans et demi, sous déduction de 582 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 100 fr., la peine de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant d'un jour. Il a ordonné la réintégration de l'intéressé dans la mesure institutionnelle de traitement des troubles mentaux prononcée le 15 juin 2010 par le Tribunal de police. Il a renoncé à prononcer la révocation des sursis octroyés les 1er mars 2013 et 2 mars 2015. Enfin, il a ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de cinq ans.

Par arrêt du 6 mars 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté l'appel formé par le détenu et ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté.

Le recours au Tribunal fédéral formé par A______ à l'encontre de cette décision a été rejeté le 4 juillet 2019. Cette décision a été notifiée au Ministère public le 22 juillet 2019.

d. En date du 23 juillet 2019, le Ministère public a adressé au SAPEM une injonction d'exécuter l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision, qui était devenu définitif et exécutoire.

e. Afin de déterminer s'il convenait d'ordonner la mesure institutionnelle en milieu ouvert ou en milieu fermé, le SAPEM a recueilli l'avis du SMI, du SMP et du Service de probation et d'insertion (SPI). Il a également invité le Ministère public et l'intéressé à lui faire part de leurs observations.

e.a. Dans son rapport du 10 septembre 2019, le SMI a relevé qu'après une aggravation entre 2013 et 2017, la situation s'était "plutôt améliorée" au cours des deux dernières années. Le cadre carcéral, s'accompagnant d'une abstinence aux substances, avait certainement joué un rôle positif. La prolongation de l'incarcération pouvait cependant s'accompagner d'un virage dépressif chez cet homme fonctionnant sur un mode borderline avec un niveau intellectuel limité. Un cadre plus ouvert mais néanmoins très structuré, avec un travail spécifique sur les aspects addictologies, était nécessaire. Un établissement comme le Centre G______ (G______) ou la F______ (F______) pouvaient être envisagés. En raison de l'absence d'activité d'ateliers, qui était structurante pour l'intéressé, ainsi qu'en raison de l'accès facile aux produits, un passage par le milieu ouvert à E______ n'était pas indiqué. Le SMI a également précisé que la thérapie semblait moyennement investie, tandis que l'activité en atelier de reliure était très valorisée.

e.b. Dans son évaluation criminologique du 11 septembre 2019, le SPI a relevé que A______ s'était adapté correctement au milieu carcéral et à ses exigences, présentant notamment une bonne attitude face au travail. Il bénéficiait d'un suivi psychothérapeutique, qu'il disait apprécier, et respectait les indications médicales quant à la prise de sa médication. L'évolution de la mesure thérapeutique semblait cependant atteindre les limites de ce qu'il pouvait être entrepris au sein de la prison de C______, environnement qui avait toutefois permis à l'intéressé cette stabilisation. Un changement d'établissement semblait par conséquent opportun. Un cadre structurant était toutefois encore nécessaire, dès lors qu'un tel évènement pouvait générer du stress, ainsi qu'au vu des fluctuations encore observées chez l'intéressé s'agissant de la gestion des émotions ainsi que ses capacités d'introspection limitées. L'intéressé présentait un risque de récidive modéré, lequel pouvait être majoré par une reprise des consommations de toxiques. Ces derniers constituaient un facteur de risque central, s'il en était, dans la situation de l'intéressé, pouvant influencer notamment le développement de son trouble de la personnalité. Toutefois, le milieu fermé en place ne permettait pas de le mettre à l'épreuve quant à sa résistance à la tentation aux produits, ce qui était pourtant une compétence qu'il devrait développer à l'avenir en vue d'un retour à la liberté. Ainsi, une exposition aux substances pouvait permettre de pousser plus loin le travail en thérapie sur cet aspect. En considération de ces différents éléments, il était estimé que l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle aurait avantage à s'orienter progressivement vers un milieu plus ouvert. Toutefois, l'ouverture du milieu dans lequel évoluait l'intéressé devait idéalement pouvoir se faire de manière progressive. Ainsi, les conclusions prises dans le cadre de la dernière expertise psychiatrique semblaient pertinentes, celles-ci évoquant des établissements comme la H______ dans le canton de Vaud ou encore le G______ en Valais, ceux-ci semblant proposer une prise en charge tant thérapeutique qu'axée sur les problématiques de consommation, ce au travers d'un parcours interne d'ouverture du cadre par paliers. Considérant également l'importance pour l'intéressé d'avoir une activité occupationnelle de travail et d'entreprendre des réflexions quant à ses projets de réinsertion futurs, une évolution au sein de l'un des pénitenciers romands, disposant d'une équipe médicale pour le suivi thérapeutique et proposant également un système de progression interne avec une ouverture progressive du cadre, constituerait également un environnement adapté.

e.c. Dans son rapport social du 13 septembre 2019, le SPI a relevé qu'il était indispensable que l'intéressé puisse poursuivre un travail d'introspection et d'une meilleure gestion de ses émotions à l'aide de mesures thérapeutiques qui ne se concentrent pas exclusivement sur ses addictions. Le soutien d'une équipe socio-éducative avec laquelle il pourrait développer des relations de confiance lui serait bénéfique afin de pouvoir l'accompagner dans ses démarches au plus proche et dans son quotidien. Après avoir refusé de travailler au sein de la prison en juin et septembre 2017 en raison de problèmes de santé, l'intéressé s'était finalement réinscrit sur la liste d'attente en avril 2018 et avait intégré l'atelier reliure le 6 août 2018. Les effets bénéfiques d'une activité professionnelle ayant été relevés par l'intéressé, aussi bien dans le passé qu'à C______ depuis qu'il avait intégré un atelier, il était important qu'il puisse assez rapidement bénéficier d'une occupation structurante et valorisante.

e.d. Dans son rapport de suivi médico-psychologique du 24 septembre 2019, reprenant et complétant celui du 22 novembre 2018, le SMP a observé que le lien thérapeutique s'était construit progressivement et était en voie d'amélioration. Le patient était plus apte à reconnaître ses difficultés psychiques. Il exprimait également plus facilement ses émotions, faisait appel en cas de besoin, demandait des modifications du traitement et présentait des améliorations sur la gestion de son impulsivité. Il exprimait des regrets vis-à-vis de son passage à l'acte et une certaine empathie envers sa victime. Il s'investissait en outre dans le travail en ateliers. Il poursuivait son traitement de substitution assuré avec son médecin généraliste traitant, qui était médecin interne au SMP. En conclusion, depuis novembre 2019 [recte : 2018], le patient avait fait de nombreux progrès sur le plan de la gestion émotionnelle, de la reconnaissance de ses difficultés psychiatriques ainsi qu'addictologiques, ainsi que dans la reconnaissance des délits commis. Cela avait été possible grâce à un suivi rapproché et à la construction progressive du lien thérapeutique. L'évolution du patient était fortement dépendante de la qualité du lien avec ses intervenants référents. Il était essentiel que le patient puisse intégrer un environnement adapté à sa problématique psychique. C______ n'était pas un établissement adapté à la prise en charge d'un patient sous mesure institutionnelle. Le patient nécessitait également des activités variées pour améliorer sa thymie ainsi que ses troubles cognitifs.

e.e. Les observations du Ministère public ont été transmises au SAPEM le 14 octobre et celles du détenu le 27 novembre 2019.

f. Par courrier du 21 février 2020, A______ a relancé le SAPEM, qui tardait, selon lui, à rendre sa décision.

g. Par décision du 11 mars 2020, le SAPEM a ordonné le placement de ce dernier en milieu fermé et précisé les modalités d'exécution de cette décision.

En substance, il a retenu qu'au vu des risques de récidive et de fuite modérés, des difficultés d'adhésion aux soins, d'introspection et de reconnaissance de ses troubles psychiques et addictologiques, le placement de l'intéressé dans un établissement suffisamment cadrant et structuré était indispensable en l'état. Partant, un placement en milieu fermé était indiqué en vue de traiter de manière adéquate ses troubles psychiatriques dans un milieu permettant d'assurer son abstinence à toute prise de produits. En tout état de cause, "le passage en milieu ouvert ne pourra[it] être envisagé, concernant l'ouverture du cadre, qu'à l'occasion d'une progression par étapes, depuis un établissement adapté et lors desquelles, le prénommé devra[it] faire ses preuves". Un temps d'observation suffisant serait nécessaire avant de procéder à une nouvelle évaluation des risques de fuite et de récidive. Il n'existait aucun établissement correspondant aux critères mentionnés par les experts.

Cette décision n'a pas été contestée.

h. En date du 23 mars 2020, le SAPEM a entrepris des démarches auprès de l'établissement pénitentiaire fermé de D______ en vue d'y faire transférer A______. Cette demande a été acceptée le 1er avril 2020 et le dossier de l'intéressé placé en liste d'attente.

i. Par jugement du 2 avril 2020, le TAPEM, chargé du contrôle annuel de la mesure ordonnée le 6 mars 2019, a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel, la fin de la mesure, sous réserve de prolongation, étant fixée à 5 ans, soit jusqu'au 6 mars 2024. Il s'est notamment étonné du fait que le SAPEM n'avait pas réussi à prendre une décision quant à l'exécution de la mesure depuis mars 2019 et a ajouté qu'il convenait qu'elle intervienne dans les meilleurs délais.

j. Par courrier du 9 avril 2020, A______ a sommé le SAPEM de mettre en place la mesure sans délai.

Dans sa réponse du 29 avril 2020, le Service l'a informé de ce qu'il avait été d'ores et déjà inscrit sur la liste d'attente pour un transfert à l'établissement fermé D______. Toutefois, au vu de la surpopulation carcérale notoire et de la situation sanitaire alors en vigueur, il n'était pas possible de déterminer la date dudit transfert.

Par courrier du surlendemain, A______ a prié le SAPEM d'envisager d'autres établissements adaptés, notamment ceux évoqués au gré des différents rapports (le G______ ou la F______, ce afin d'augmenter les probabilités d'un transfert à brève échéance.

En date du 13 mai 2020, le SAPEM l'a informé du fait que son dossier avait été accepté par l'établissement fermé de D______, mais qu'il convenait d'attendre qu'une place se libère.

Quelques jours plus tard, A______ a fait une nouvelle fois part au SAPEM du fait qu'il s'interrogeait sur les raisons ayant poussé le Service à ne pas envisager d'autres lieux pour son transfert, cela en dépit des avis recueillis auprès des spécialistes.

k. A______ a été transféré au sein de l'établissement de D______ le 27 juillet 2020.

l. Par demande déposée en conciliation le 20 novembre 2020 et au fond le 5 février 2021, A______ a conclu à ce que la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE soit condamnée à lui payer la somme de 25'400 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 27 juillet 2020 (correspondant à 50 fr. par jour de détention illicite x 508 jours), avec suite de frais judiciaires et dépens.

A l'appui de sa demande, il a reproché aux autorités la durée de son incarcération dans un établissement de détention préventive dans l'attente de subir la mesure institutionnelle en milieu fermé à laquelle il avait été condamné.

m. La REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

n. Pendant son incarcération à C______, A______ a bénéficié d'un suivi psychothérapeutique auprès du SMP et de consultations infirmières en addictologie (cf. expertise psychiatrique du 5 septembre 2017). Du 26 avril 2017 au 19 novembre 2018, il a été suivi de façon hebdomadaire par une psychologue, puis, à compter du 19 novembre 2018, par un médecin interne en psychiatrie ensuite de la dégradation du lien thérapeutique ; il a en outre été régulièrement suivi par un médecin somaticien pour la gestion de son sevrage aux toxiques et a bénéficié d'entretiens ponctuels avec un psychiatre ; il a bénéficié d'un traitement antidépresseur, neuroleptique ainsi que de substitution aux opiacés (cf. rapport de suivi médico-psychologique du SMP du 24 septembre 2019).

Au cours de cette période, l'intéressé a refusé de se rendre à plusieurs reprises à des rendez-vous médicaux (cf. expertise psychiatrique du 5 septembre 2017). Il s'est rendu à 21 entretiens et en a refusé 13 ; ses refus s'étaient essentiellement inscrits dans des épisodes de baisse de la thymie, associés à une perte d'espoir, notamment lors des dates d'anniversaires et des fêtes familiales (cf. rapport de suivi médico-psychologique du SMP du 24 septembre 2019).

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, et 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue par l'autorité compétente en matière de responsabilité de l'Etat (cf. art. 7 al. 1 LREC et consid. 3.1.1 ci-après), statuant dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu de la quotité des prétentions litigieuses en première instance, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. L'appelant se plaint tout d'abord d'une constatation inexacte des faits. Il reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de plusieurs faits, pourtant allégués et prouvés, dont l'appréciation était nécessaire à la résolution du litige.

Les critiques de l'appelant ont été prises en compte dans le cadre de la présente décision, laquelle intègre, dans la partie "EN FAIT" ci-avant, les faits pertinents omis par le Tribunal, dans la mesure utile à la solution du litige.

3. L'appelant reproche ensuite au premier juge d'avoir nié le caractère illicite de ses conditions de détention du 6 mars 2019 au 27 juillet 2020 (508 jours). Il fait valoir que son maintien dans l'établissement pénitentiaire de C______ pendant la période précitée de 17 mois, alors qu'une mesure thérapeutique institutionnelle avait été ordonnée, serait contraire à l'art. 5 par. 1 CEDH ainsi qu'à l'art. 59 al. 2 et 3 CP.

3.1

3.1.1 L'indemnisation de conditions de détention illicites après jugement relève des normes ordinaires en matière de responsabilité de l'Etat (ATF 141 IV 349 consid. 4.3 et la référence citée ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1015/2020 du 16 décembre 2021 consid. 2.4.1 ; 6B_1097/2016 du 13 septembre 2017 consid. 3.4 ; 6B_703/2016 du 2 juin 2017 consid. 2.1 ; 6B_1071/2015 et 6B_1008/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.2.2 et 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.4.3, et les références citées).

3.1.2 En vertu de l'art. 61 al. 1 CO, la législation cantonale peut déroger aux règles des art. 41 ss CO en ce qui concerne la responsabilité encourue par des agents publics pour le dommage ou le tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leurs fonctions. Lorsque de telles normes existent, la responsabilité des agents publics échappe au droit civil fédéral, ce qui découle aussi de l'art. 59 al. 1 CC (cf. ATF 122 III 101 consid. 2 et les arrêts cités).

Le canton de Genève a fait usage de cette faculté en édictant la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC ; RS/GE A 2 40).

En vertu de l'art. 2 LREC, l'Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l'accomplissement de leur travail (al. 1). Les lésés n'ont pas d'action directe envers les fonctionnaires ou agents (al. 2).

La LREC n'institue pas une responsabilité de type objectif ou causal, mais une responsabilité pour faute dont les conditions correspondent à celles de l'art. 41 CO, ce qui implique la réalisation des quatre conditions cumulatives suivantes : un acte illicite commis par un agent ou un fonctionnaire, une faute de la part de celui-ci, un dommage subi par un tiers et un lien de causalité (naturelle et adéquate) entre l'acte illicite et le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 4A_329/2012 du 4 décembre 2012 consid. 2.1 et 4A_315/2011 du 25 octobre 2011 consid. 2.1). L'art. 6 LREC précise que le droit civil fédéral s'applique à titre de droit cantonal supplétif.

3.2 En droit européen, l'art. 5 par. 1 CEDH prévoit que toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent (let. a) ou s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond (let. e).

Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) considère que, pour respecter l'art. 5 par. 1 CEDH, la détention doit avoir lieu "selon les voies légales" et "être régulière". En la matière, elle renvoie pour l'essentiel à la législation nationale et consacre l'obligation d'en respecter les normes de fond comme de procédure. Elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l'art. 5 CEDH, à savoir, protéger l'individu contre l'arbitraire. Il doit exister un lien entre le motif censé justifier la privation de liberté et le lieu ainsi que le régime de détention (arrêts de la CourEDH Ilnseher c. Allemagne du 4 décembre 2018 [requêtes n°s 10211/12 et 27505/14], § 136 et 138 ; Kadusic c. Suisse du 9 janvier 2018 [requête n° 43977/13], § 45 ; Cervenka c. République tchèque du 13 octobre 2016 [requête n° 62507/12] § 105 ; Bergmann c. Allemagne du 7 janvier 2016 [requête n° 23279/14] § 99 et 101 ; Papillo c. Suisse du 27 janvier 2015 [requête n° 43368/08], § 41 s. et les références citées ; cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1 ; 6B_161/2021 du 8 avril 2021 consid. 2.3 ; 6B_1320/2019 du 29 janvier 2020 consid. 2.1 ; 6B_330/2019 du 5 septembre 2019 consid. 1.1.2 ; 6B_362/2019 du 21 mai 2019 consid. 4.1).

En principe, la détention d'une personne souffrant de troubles mentaux ne peut être considérée comme "régulière" au regard de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH que si elle s'effectue dans un hôpital, dans une clinique ou dans un autre établissement approprié. Le seul fait que l'intéressé ne soit pas intégré dans un établissement approprié n'a toutefois pas pour effet automatique de rendre sa détention irrégulière au regard de l'art. 5 par. 1 CEDH. Un équilibre raisonnable doit être ménagé entre les intérêts opposés en cause, étant entendu qu'un poids particulier doit être accordé au droit à la liberté. Dans cet esprit, la CourEDH prend en compte les efforts déployés par les autorités internes en vue de trouver un établissement adapté pour évaluer la régularité du maintien en détention dans l'intervalle (cf. arrêts de la CourEDH Papillo c. Suisse précité, § 43 et les références citées ; De Schepper c. Belgique du 13 octobre 2009 [requête n° 27428/07], § 47 s.; cf. ATF 142 IV 105 consid. 5.8.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 précité consid. 2.1 ; 6B_161/2021 précité consid. 2.3 ; 6B_1320/2019 précité consid. 2.1 ; 6B_840/2019 du 15 octobre 2019 consid. 2.5.3).

Avec cette jurisprudence, la CourEDH admet que, pour des motifs liés aux nécessités inhérentes à une gestion efficace des fonds publics, un certain écart entre la capacité disponible et la capacité requise des établissements est inévitable et doit être jugé acceptable. Toutefois, la mesure raisonnable pour un délai d'attente est considérée comme dépassée si cela est dû à un manque structurel de capacités des installations connu depuis des années (arrêts de la CourEDH Brand c. Pays-Bas du 11 mai 2004 [requête n° 49902/99], § 64 à 66 ; Morsink c. Pays-Bas du 11 mai 2004 [requête n° 48865/99], § 66 s. et 69 ; cf. ATF 142 IV 105 consid. 5.8.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 précité consid. 2.1 ; 6B_161/2021 précité consid. 2.3 ; 6B_294/2020 du 24 septembre 2020 consid. 4.2 in fine et les références citées). Dans les affaires concernant la Suisse, la CourEDH n'a jamais conclu à l'existence d'un problème structurel dans la prise en charge des personnes délinquantes souffrant de troubles mentaux (arrêt CourEDH Papillo c. Suisse précité, § 46 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_330/2019 précité consid. 1.3 ; 6B_154/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2.5 ; 6B_705/2015 du 22 septembre 2015 consid. 1.4.2).

Plus spécifiquement, dans l'affaire Kadusic c. Suisse, une violation de l'art. 5 par. 1 CEDH a été constatée par la CourEDH aux motifs que la mesure thérapeutique institutionnelle litigieuse, qui avait été imposée seulement vers la fin de l'exécution de la peine initiale, ne se fondait pas sur des expertises suffisamment récentes et que le requérant se trouvait, depuis plus de quatre ans et demi après l'expiration de sa peine d'emprisonnement, dans une institution manifestement inadaptée aux troubles dont il souffrait (§ 58).

Dans l'affaire Papillo c. Suisse, la CourEDH s'est penchée sur la détention d'une personne souffrant de manie avec symptômes psychotiques, soumis à une mesure institutionnelle du fait de son irresponsabilité. Après le prononcé de cette mesure, l'intéressé était demeuré en détention durant près de deux mois, puis avait été interné dans une clinique pendant un peu plus de trois mois, avant d'être replacé en détention, où il resta, faute de trouver une place en institution acceptée par lui, durant dix mois. Sa liberté conditionnelle fut ensuite prononcée. Durant sa détention, il bénéficia de consultations médicales régulières et d'un traitement par neuroleptiques. Relevant en substance que les autorités avaient pris contact avec plusieurs institutions susceptibles d'accueillir le requérant, que ce dernier avait refusé de se rendre à un entretien auprès de l'une d'elles et qu'il avait bénéficié de consultations médicales régulières et d'un traitement neuroleptique, la CourEDH a jugé que la détention jusqu'à sa libération conditionnelle était conforme à l'art. 5 par. 1 let. e CEDH (§ 46 ss).

3.3

3.3.1 En droit suisse, le juge peut ordonner un traitement thérapeutique institutionnel selon l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, qu'il a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et qu'il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble. Il en va de même lorsque l'auteur est toxicodépendant ou qu'il souffre d'une autre addiction, et qu'il a commis un crime ou un délit en relation avec cette addiction (art. 60 CP). La notion de traitement médical doit être entendue largement. Même la simple prise en charge de l'auteur dans un milieu structuré et surveillé accompagnée d'un suivi psychothérapeutique relativement lointain constitue un traitement, si elle a pour effet prévisible d'améliorer l'état de l'intéressé de manière à permettre, à terme, sa réinsertion dans la société (ATF 137 IV 201 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_778/2013 du 10 février 2014 consid. 2.4.1).

3.3.2 Pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 CP, le juge doit se fonder sur une expertise, laquelle doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et la nature de celles-ci, ainsi que sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 let. a à c CP). A cet égard, les rapports de thérapeutes ne suffisent pas (ATF 134 IV 246 consid. 4.3). À l'instar des autres moyens de preuve, le juge apprécie librement la force probante d'une expertise ; il n'est pas lié par les conclusions de l'expert (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3, in SJ 2017 I p. 1 ; ATF 141 IV 369 consid. 6.1 et les références citées). S'agissant des questions dont la réponse demande des connaissances professionnelles particulières, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité. Il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 142 IV 49 précité consid. 2.1.3 ; ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_371/2016 du 10 février 2017 consid. 1.1.5).

3.3.3 En général, le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). S'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions, le traitement s'effectue dans un établissement fermé ; il peut aussi avoir lieu dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP dans la mesure où il est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 CP).

L'art. 59 al. 3 CP subordonne le traitement dans un établissement fermé à un risque de fuite ou de récidive. Selon la jurisprudence, il doit s'agir d'un risque qualifié, puisque toutes les mesures supposent un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. b CP). Le risque est qualifié quand il est concret et qu'il est hautement probable que le condamné commette d'autres infractions dans l'établissement ou en dehors de celui-ci. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Conformément au principe de la proportionnalité, l'exécution de la mesure dans un établissement fermé suppose une sérieuse mise en danger de biens juridiques essentiels (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 1.1 et les références citées). Savoir si le risque est qualifié est une question juridique (cf. sur la dangerosité : cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1 ; 6B_1028/2014 du 17 juillet 2015 consid. 3.5 ; 6B_664/2013 du 16 décembre 2013 consid. 2.4). Toutefois les questions psychiatrique et juridique sont souvent difficiles à distinguer en pratique. Il est clair que la tâche principale d'une expertise médicolégale est de clarifier l'état psychique de l'intéressé et de poser un pronostic (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_319/2017 précité consid. 1.1 ; 6B_708/2015 du 22 octobre 2015 consid. 3.3, non publié in ATF 142 IV 1). Le juge ne peut s'écarter de l'appréciation d'une expertise que pour des motifs déterminants (ATF 141 IV 369 consid. 6.1).

3.3.4 Conformément à l'art. 58 al. 2 CP, les lieux d'exécution des mesures thérapeutiques visés aux art. 59 à 61 CP doivent être séparés des lieux d'exécution des peines. En introduisant, à l'art. 59 al. 3 CP, la possibilité d'exécuter une mesure institutionnelle dans un établissement pénitentiaire, le législateur a introduit une exception au principe de la séparation des lieux d'exécution des mesures de ceux d'exécution des peines (art. 58 al. 2 CP ; ATF 142 IV 1 consid. 2.4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.2 ; 6B_154/2017 précité consid. 2.3.1). Un placement dans un établissement pénitentiaire doit toutefois rester l'exception et des mesures devront être prises pour que l'intéressé soit transféré aussitôt que possible dans un établissement spécialisé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 précité consid. 2.2 ; 1B_402/2020 du 21 août 2020 consid. 4.3.1 ; 6B_817/2014 du 2 avril 2015 consid. 3.4 ; 6B_625/2012 du 27 juin 2013 consid. 4.3).

3.3.5 La loi ne désigne pas l'autorité compétente pour ordonner le placement en milieu fermé selon l'art. 59 al. 3 CP. Selon la jurisprudence, les autorités d'exécution sont compétentes pour désigner le lieu d'exécution du traitement institutionnel, en tenant compte du risque de fuite ou de récidive (ATF 142 IV 1 consid. 2.5 et les références citées). Cela étant, si un placement en milieu fermé apparaît déjà nécessaire au moment du prononcé du jugement, le juge peut et doit l'indiquer dans les considérants en traitant des conditions de l'art. 59 al. 3 CP (ATF 142 IV 1 précité consid. 2.4.4 et consid. 2.5). Dans ces circonstances, il est souhaitable que le tribunal s'exprime dans les considérants de son jugement - mais non dans son dispositif - sur la nécessité d'exécuter la mesure en milieu fermé et recommande une telle modalité d'exécution, de manière non contraignante, à l'autorité d'exécution (ATF 142 IV 1 précité consid. 2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_845/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.1.4 ; 6B_371/2016 du 10 février 2017 consid. 2.1). Par ailleurs, bien que l'autorité d'exécution soit compétente pour ordonner le transfert d'établissement en cours d'exécution de la mesure, il est clair que, si un tel placement paraît déjà nécessaire au moment du prononcé du jugement, le juge doit l'indiquer dans les considérants (arrêt du Tribunal fédéral 6B_629/2009 du 21 décembre 2009 consid. 1.2.3 et les références citées).

À Genève, l'art. 5 al. 2 let. i de la loi d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS/GE E 4 10]), prévoit que le département (de la sécurité, de la population et de la santé ; DSPS) est l'autorité d'exécution compétente pour faire exécuter les peines et les mesures et stipule, sous let. e, qu'il prend toutes les décisions relatives à l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures entraînant une privation de liberté (art. 74 à 91 CP), à l'exclusion des décisions visées aux articles 75, al. 6, et 86 à 89 CP. Ces compétences ont été confiées au SAPEM à teneur de l'art. 11 al. 1 let. e et f du règlement sur l'exécution des peines et mesures (REPM ; RS/GE E 4 55.05]).

Le SAPEM dispose, dès lors, d'une compétence générale pour prendre des décisions dans le cadre de l'exécution d'une mesure, même si l'art. 59 al. 3 CP n'est pas expressément mentionné, la LaCP ne confiant à aucune autre autorité la compétence de statuer au sens de l'art. 59 al. 3 CP (dans ce sens : AARP/205/2020 du 29 mai 2020 consid. 4.2.1 ; ACPR/370/2018 du 2 juillet 2018 consid. 2). L'octroi de cette compétence au SAPEM découle par ailleurs de la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1040/2015 du 29 juin 2016 consid. 3.1.2).

Le SAPEM est également seul compétent pour décider du choix de l'établissement de détention, des différentes phases de l'exécution de la sanction et de l'octroi d'allègements (art. 17 al. 4 REPM).

3.3.6 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de confirmer que la prison de C______ pouvait satisfaire aux exigences découlant de l'art. 59 al. 3 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 précité consid. 2.3 ; 6B_362/2019 du 21 mai 2019 consid. 4.4 ; 6B_27/2018 du 30 mai 2018 consid. 4.2 ; 6B_154/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; 6B_538/2013 et 6B_563/2013 du 14 octobre 2013 consid. 6.1.2).

Il a également relevé que le règlement genevois sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées (RRIP ; RS/GE F 1 50.04) prévoyait exceptionnellement l'accueil de personnes autres que celles placées en détention préventive ou condamnées à une peine privative de liberté, de sorte que l'exécution de mesures à titre de l'art. 59 CP n'y était pas exclue (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_362/2019 précité consid. 4.4 ; 6B_154/2017 précité consid. 2.3.2).

3.4 En l'espèce, l'appelant ne s'en prend pas au bien-fondé de la décision de placement en milieu fermé du SAPEM du 11 mars 2020, laquelle n'a, à l'époque, pas été contestée. Il ne prétend pas non plus que le SAPEM n'aurait pas été compétent pour rendre cette décision, ni que celle-ci aurait été rendue en violation du droit cantonal, soit en particulier de la LaCP. L'intéressé ne remet pas davantage en cause la licéité de la mesure dont il a fait l'objet depuis le 6 mars 2019, ni le prononcé de la détention pour des motifs de sureté. Il apparaît donc que la détention de l'appelant a eu lieu "selon les voies légales" au regard de l'art. 5 par. 1 CEDH (cf. notamment ATF 144 IV 113 consid. 4.1 ; 142 IV 105 consid. 5.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_564/2018 du 2 août 2018 consid. 2.5.6 ; 6B_1055/2015 du 18 novembre 2015 consid. 2.1, s'agissant de la détention préventive ou pour des motifs de sûreté, en lien avec l'exécution de la mesure ; cf. également arrêt CourEDH Papillo c. Suisse précité, § 44 en lien avec le § 20).

Partant, il s'agit exclusivement de déterminer si la détention de l'intéressé à la prison de C______ du 6 mars 2019 au 27 juillet 2020, dans l'attente de la décision du SAPEM, a été "régulière" au sens de la jurisprudence présentée supra, c'est-à-dire si elle s'est déroulée dans un lieu habilité et selon un régime de détention approprié, eu égard aux circonstances particulières du cas d'espèce.

3.5 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de confirmer que la prison de C______ pouvait satisfaire aux exigences découlant de l'art. 59 al. 3 CP. Il a également indiqué que le REPM prévoyait exceptionnellement l'accueil de personnes autres que celles placées en détention préventive ou condamnées à une peine privative de liberté, de sorte que l'exécution de mesures à titre de l'art. 59 CP n'y était pas exclue. On ne saurait, partant, retenir que le maintien de l'appelant au sein de cet établissement pénitentiaire, alors que celui-ci exécutait une mesure thérapeutique institutionnelle, aurait en soi été illicite ou contraire à l'art. 5 CEDH ou au droit pénal suisse.

Reste à déterminer si, en l'espèce, compte tenu des troubles dont souffrait l'appelant et de ses besoins médicaux, C______ pouvait, pendant les 17 mois durant lesquels l'appelant y a séjourné après le prononcé de la mesure institutionnelle, être considéré comme un "établissement approprié" au sens de l'art. 5 CEDH.

3.5.1 L'appelant a bénéficié d'un suivi psychothérapeutique et médicamenteux régulier pendant la période de détention en cause. Il s'est entretenu une fois par semaine avec une psychologue puis avec un médecin interne en psychiatrie, a été suivi régulièrement par un somaticien pour la gestion de son sevrage aux toxiques et a bénéficié de plusieurs entretiens ponctuels avec un psychiatre.

Il fait valoir, de manière générale, que les soins prodigués à C______ ne seraient, par définition, pas équivalents à ceux dispensés à D______. Il n'expose toutefois pas avoir été privé d'un soin ou d'une aide en particulier, avoir été demandeur d'une prise en charge différente et ne soutient pas que, par manque de moyens médicaux ou de personnel qualifié, ou encore en raison du cadre spécifique de la prison de C______, un traitement n'aurait pas pu lui être prodigué. Il n'explique en outre pas quel type de suivi supposément indisponible à C______ aurait été mis en place en sa faveur à D______.

Il est vrai, ainsi que le relève l'appelant, que le SMP, le SPI et le SMI ont tous trois précisé, dans leurs rapports respectifs, que C______ n'était pas un établissement adapté à la prise en charge d'un patient sous mesure institutionnelle, qu'il était essentiel que l'intéressé puisse intégrer un environnement adapté à sa problématique psychique, que l'évolution de la mesure thérapeutique semblait atteindre les limites de ce qu'il pouvait être entrepris au sein de cet établissement et que la prolongation de l'incarcération de l'intéressé pouvait s'accompagner d'un virage dépressif. Ces trois Services ont toutefois également souligné que l'appelant avait progressé sur plusieurs aspects grâce au suivi rapproché dont il avait bénéficié en prison, que l'environnement carcéral lui avait permis de se stabiliser et que sa situation s'était "plutôt améliorée" depuis 2017 grâce, certainement, au cadre carcéral, lequel s'était accompagné d'une abstinence aux substances. Il s'ensuit que l'interprétation – extensive – que propose l'appelant des rapports précités ne saurait être suivie. Dits Services ne sont pas arrivés à la conclusion que le maintien de l'appelant à C______ avait été inadéquat et lui avait été néfaste. Ils ont uniquement retenu qu'il était préférable que la mesure institutionnelle se poursuive à l'avenir dans un autre établissement.

Il n'est ainsi pas permis de conclure que la prise en charge de l'appelant aurait été inadaptée durant son séjour à la prison de C______.

3.5.2 Il n'apparaît en outre pas que les autorités auraient tardé à agir, contrairement à ce que soutient l'appelant.

La Cour observe tout d'abord que la procédure n'a connu aucun temps mort à ses prémisses. En effet, l'injonction d'exécuter la mesure institutionnelle a été envoyée par le Ministère public à l'autorité d'exécution le 23 juillet 2019, soit un jour à peine après la réception de l'arrêt du Tribunal fédéral du 4 juillet 2019 qui rejetait le recours de l'appelant dirigé contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 6 mars 2019. Une fois saisi, le SAPEM a ensuite immédiatement sollicité le SMP, le SPI et le SMI, qui ont rendu leurs rapports en septembre 2019 déjà. A cet égard, il n'est, à juste titre, pas contesté que la complexité de l'affaire, l'état de santé fluctuant de l'appelant, son adhésion fragile aux mesures de soin ainsi que l'enjeu du litige justifiaient une actualisation des rapports précédemment établis, lesquels dataient de juillet 2017 pour le SMI et de novembre 2018 pour le SMP. Il n'est en outre pas contesté qu'il se justifiait de recueillir l'avis du SPI, qui ne s'était pas encore exprimé. Par la suite, le SAPEM a requis des observations de la part du Ministère public, lesquelles ont été reçues le 14 octobre 2019, puis, enfin, de l'appelant, lesquelles ont été reçues le 27 novembre 2019, respectant ainsi le droit d'être entendu des parties, ce qui n'est pas critiquable. Il s'ensuit que, dans l'ensemble, les autorités ont pris en charge le dossier de l'appelant dès qu'elles l'ont pu et ont instruit la cause sans discontinuer. S'il est vrai qu'il a fallu attendre trois mois et demi après la clôture de l'instruction pour recevoir la décision du SAPEM, ce dernier n'a pas tardé à rendre sa décision une fois invité par l'appelant à statuer rapidement, puisqu'il a tranché l'affaire dans les 20 jours. Un tel délai d'attente ne paraît ainsi pas excessif.

Pour la période postérieure au prononcé de cette décision, il sera relevé que malgré la crise sanitaire sévissant en Suisse à cette époque, l'appelant a pu intégrer l'établissement fermé de D______ près de quatre mois seulement après la décision du SAPEM, entre deux vagues de contaminations. Vu le contexte, ce délai paraît raisonnable. Il n'est en outre aucunement certain – contrairement à ce qu'affirme l'appelant, sans le démontrer –, que l'inscription de l'intéressé sur liste d'attente auprès d'autres établissements aurait conduit à un transfert plus rapide, dès lors, en particulier, que la situation épidémiologique se présentait plus ou moins de la même manière dans toute la Suisse romande. En tout état, le SAPEM a précisé qu'aucun autre établissement en Suisse romande ne remplissait les critères mentionnés par les experts pour recevoir l'appelant, de sorte que cette démarche ne se justifiait de toute manière pas. Enfin, il ne saurait être reproché au SAPEM de ne pas avoir anticipé la recherche d'un établissement approprié, puisqu'il était nécessaire de recevoir, au préalable, les rapports des différents Services avant de choisir un établissement.

Avec le Tribunal, la Cour considère ainsi que les autorités ont fait preuve de diligence pendant l'ensemble de la période précitée en déployant tous les efforts qui pouvaient être attendus d'elles pour exécuter efficacement la mesure institutionnelle ordonnée par le juge. Certes, le maintien de l'appelant dans l'établissement pénitentiaire de C______ pendant 17 mois n'était pas idéal. Il s'est toutefois accompagné d'un programme de soins adapté aux troubles psychiatriques de l'appelant, dispensé par du personnel qualifié, qui, ajouté au cadre carcéral, a permis une amélioration de son état de santé.

3.5.3 Enfin, l'appelant se fourvoie lorsqu'il affirme que le délai d'attente de 17 mois avant son transfert à D______ aurait retardé un passage en milieu ouvert.

En effet, le SAPEM a retenu, dans sa décision du 11 mars 2020, que l'appelant éprouvait encore des difficultés à adhérer aux soins, à faire preuve d'introspection et à reconnaitre ses troubles psychiques et addictologiques, ce qui justifiait son maintien en milieu fermé. Or, il n'est aucunement établi que l'appelant aurait progressé plus rapidement s'il avait été immédiatement transféré à D______. Le suivi médical adéquat dont il a bénéficié au sein de C______ lui permettait d'accomplir les mêmes progrès qu'à D______. Ce n'est ainsi pas en raison du lieu d'exécution de la mesure que les risques et les difficultés précités ont persisté.

En outre, contrairement à ce que soutient l'appelant, en affirmant que "le passage en milieu ouvert ne pourr[ait] être envisagé, concernant l'ouverture du cadre, qu'à l'occasion d'une progression par étapes, depuis un établissement adapté et lors desquelles le prénommé devra[it] faire ses preuves", le SAPEM n'a aucunement prétendu que la période de détention à C______ avait été inutile. L'interprétation – là encore extensive – qu'en fait l'appelant ne saurait être suivie. Par cette affirmation, le SAPEM signifiait uniquement à l'appelant qu'un passage en milieu ouvert n'était, en l'état, pas indiqué et requerrait encore quelques progrès.

3.5.4 En définitive, il y a lieu de retenir, eu égard aux circonstances particulières du cas d'espèce, que la détention de l'appelant à la prison de C______ du 6 mars 2019 au 27 juillet 2020 s'est déroulée de manière "régulière" au sens du droit conventionnel, et conformément au droit fédéral.

3.6 La détention de l'appelant n'a ainsi pas été illicite. Partant, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée. Le jugement querellé sera par conséquent confirmé.

4. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'800 fr. (art. 5, 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95 al. 1 let. a et 2, 106 al. 1 CPC). Ce dernier étant au bénéfice de l'assistance juridique, ceux-ci seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 122 et 123 al. 1 CPC ; art. 19 RAJ).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui a comparu en personne.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 septembre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/10747/2021 rendu le 25 août 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23768/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'800 fr., les met à la charge de A______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente ; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges ; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Les griefs sont limités à la violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). La violation du droit public cantonal de rang infra-constitutionnel ne constitue pas un motif invocable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_915/2018 du 11 octobre 2018 consid. 3).

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.