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Décisions | Sommaires

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C/17625/2023

ACJC/454/2024 du 08.04.2024 sur JTPI/260/2024 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17625/2023 ACJC/454/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 8 AVRIL 2024

 

Entre

A______ SARL, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 janvier 2024,

Et

B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Mark MULLER, avocat,
Muller & Fabjan, rue Ferdinand-Hodler 13, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/260/2024 du 8 janvier 2024, reçu par les parties le 12 janvier 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté A______ SARL de toutes ses conclusions à l'encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), l'a condamnée aux frais judiciaires en 750 fr. (ch. 2) ainsi qu'à verser 2'900 fr. de dépens à sa partie adverse (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Le 17 janvier 2024, A______ SARL a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et prononce la mainlevée provisoire au commandement de payer, poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b. B______ SA a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 18 mars 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SARL, inscrite au Registre du commerce de Genève, est active dans le domaine de l'immobilier. C______ est son associée gérante.

B______ SA est également inscrite au Registre du commerce de Genève et active dans le domaine de l'immobilier. Ses administrateurs, signant collectivement à deux, sont D______ et E______.

b. Par courrier du 4 novembre 2020, D______ et F______ ont fait savoir à G______ et C______ qu'ils leur confirmaient l'octroi d'une commission d'apporteurs d'affaires à hauteur de 3% sur la valeur de chaque parcelle acquise grâce à leur mise en relation entre les propriétaires actuels des parcelles situées au chemin 2______ et eux-mêmes. La valeur des parcelles était définie par la valeur estimée et approuvée par l'Office cantonal du logement (OCLPF).

c. Par courriel du 6 novembre 2020, adressé à elle-même mais débutant par "Cher G______ [prénom]", C______ a demandé au destinataire de cet envoi de remplacer dans l'accord les liant contractuellement son nom et le sien par la société A______ SARL et l'ajout de la TVA.

d. Par courrier du 4 avril 2023, D______ a fait savoir à C______ qu'il n'avait pris aucun engagement envers A______ SARL et qu'il réitérait son offre de paiement d'une commission de 3% sur la valeur OCLPF en proportion de sa participation dans cette acquisition, soit 50%. La moitié de la commission devait être versée à G______.

e. A______ SARL a adressé le 8 mai 2023 à B______ SA et D______ deux factures de, respectivement, 77'220 fr. 90 et 59'450 fr. 40.

f. Par courrier du 24 juillet 2023 adressé à C______, D______ a réitéré la teneur de son courrier du 4 avril 2023 et demandé la rectification des factures en ce sens.

g. Le 4 août 2023, A______ SARL a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 59'450 fr. 40 plus intérêts au titre de "Commissions d'apporteur d'affaires sur parcelles famille "H______, consult" + TVA (poste n° 1) et sur 77'220 fr. 90 plus intérêts au titre de "Parcelle 2______ + TVA (poste n° 2)". Opposition a été formée à ce commandement de payer.

h. Le 21 août 2023, A______ SARL a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée provisoire de cette opposition. Elle a notamment fait valoir que, le 4 novembre 2020, D______ et F______ avaient reconnu lui devoir une commission de 3% + TVA sur la valeur estimée et approuvée par l'OCLPF sur les parcelles des sœurs H______, I______, J______ et K______ si sa mise en relation aboutissait à une vente définitive.

i. Lors de l'audience du Tribunal du 11 décembre 2023, B______ SA s'est opposée à la requête, faisant valoir qu'il n'y avait pas identité entre la poursuivie et les signataires du contrat du 4 novembre 2020. A______ SARL n'apparaissait pas sur ce contrat. Les personnes signant collectivement pour B______ SA n'avaient pas signé ledit contrat.

C______, représentante de A______ SARL, a persisté dans ses conclusions, relevant que G______ était "un ami" de la poursuivie et qu'il n'avait pas à figurer sur le contrat.

EN DROIT

1.             1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne, 2010, n° 2307).

Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués devant être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

1.4 Les pièces nouvelles produites par la recourante sont irrecevables en application de l'art. 326 al. 1 CPC, de même que les allégués qui s'y rapportent.

2.             Le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée provisoire au motif que, même à considérer que le courrier du 4 novembre 2020 signé par D______ et F______ et adressé à C______ et G______ valait reconnaissance de dette, celle-ci ne lierait que les deux signataires et non B______ SA dont les administrateurs, D______ et E______, disposaient d'une signature collective à deux. D______ et F______ avaient toujours refusé de se considérer comme liés à la recourante. La requête devait dès lors être rejetée, en l'absence d'identité entre le poursuivant et l'éventuel créancier, de même qu'entre le poursuivi et l'éventuel débiteur.

Au fil d'une argumentation confuse et prolixe, la recourante fait valoir qu'elle a libellé le commandement de payer selon "la relation contractuelle réelle et correcte" et que "le reste" n'était que "manipulations afin de ne rien payer". Son lien contractuel "avait toujours été avec M. D______ père".

2.1.1 Aux termes de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing-privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable et exigible (ATF 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il peut s'agir soit d'une reconnaissance de dette formelle (art. 17 CO), soit d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires (ATF 139 III 297 précité).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier, dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité. Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 116 III 72; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 du 12 septembre 2018 consid. 4.1.1). La mainlevée sur la base d'un contrat bilatéral doit être accordée si le débiteur ne fait pas valoir que la contre-prestation n'a pas été ou pas correctement exécutée, ou si cette affirmation est manifestement erronée, ou encore si la preuve du contraire peut être immédiatement apportée par titre. Cette preuve par titre n'est nécessaire que si le débiteur conteste avoir reçu la contre-prestation conformément au contrat (Marchand/Hari, Précis de droit des poursuites, 2022, n° 227).

Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil – exceptions ou objections – qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2 et la référence; 131 III 268 consid. 3.2). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; ATF 145 III 20 consid. 3.1.2 et la référence). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence).

Le juge de la mainlevée doit vérifier d'office l'identité entre le poursuivant et le créancier, l'identité entre le poursuivi et le débiteur et l'identité entre la prétention selon la poursuite et le titre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_236/2013 du 12 août 2013; ATF 139 III 444 consid. 4.1.1).

2.1.2 La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces, dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle – et non la validité de la créance – et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 145 III 160 consid. 5.1 et la référence). Son rôle n'est pas d'interpréter des contrats ou d'autres documents, mais d'accorder rapidement, après examen sommaire des faits et du droit, une protection provisoire au requérant dont la situation paraît claire (ACJC/658/2012 du 11 mai 2012 consid. 5.2; ACJC/1211/1999 du 25 novembre 1999 consid. 3; Abbet/Veuillet, La mainlevée de l’opposition, 2022, n.1 ad art. 84 LP).

2.2 En l'espèce, comme l'a relevé le Tribunal a bon droit, ni le nom de la recourante, ni celui de l'intimée n'apparaissent sur le courrier du 4 novembre 2020.

A supposer que celui-ci constitue une reconnaissance de dette, celle-ci ne lierait pas les parties à la présente procédure.

La recourante ne fournit aucun argument devant la Cour susceptible d'infirmer cette constatation. Elle relève au contraire elle-même être liée contractuellement avec D______.

Il en résulte qu'il n'y a pas d'identité entre la recourante et la créancière figurant dans le titre produit, ni entre l'intimée et la débitrice figurant dans celui-ci.

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les dépens dus à l'intimée seront fixés à 1'500 fr., TVA et débours compris (art. 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SÀRL contre le jugement JTPI/260/2024 rendu le 8 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17625/2023-24 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de A______ SARL les frais judiciaires de recours, arrêtés à 1'125 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SARL à verser 1'500 fr. de dépens de recours à B______ SA.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.