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Décisions | Sommaires

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C/3682/2023

ACJC/331/2024 du 11.03.2024 sur JTPI/10020/2023 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3682/2023 ACJC/331/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUND 11 MARS 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (VD), recourant contre un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 septembre 2023, représenté par Me Christophe GERMANN, avocat, Germann Avocats Sàrl, rue de Berne 10, 1201 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par
Me Guillaume FRANCIOLI, avocat, Rhône Avocat.e.s SA, rue du Rhône 100,
1204 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10020/2023 du 4 septembre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a débouté A______ des fins de sa requête en mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., compensés avec l’avance fournie par A______, laissés à la charge de celui-ci (ch. 2), condamné à verser à B______ le montant de 4'500 fr. TTC au titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 20 septembre 2023, A______, a formé recours contre ce jugement, reçu le 12 septembre 2023, concluant à son annulation, et, cela fait, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de frais et dépens.

b. Par réponse du 20 octobre 2023, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. A______ a répliqué le 3 novembre 2023, persistant dans ses conclusions. Il a produit une pièce nouvelle.

d. B______ a dupliqué le 17 novembre 2023 et persisté dans ses conclusions.

e. A______ s'est encore déterminé spontanément le 29 novembre 2023.

f. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 18 décembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal.

a.    A______, né le ______ 1997, et son frère C______, né le ______ 2003 (qui a changé de sexe en mars 2023 et se prénomme désormais [C______]), sont les enfants de D______ et E______, décédés, respectivement le ______ juillet 2019 et le ______ mai 2021.

De son vivant, D______ a entretenu des liens d'amitié avec B______.

b.   Le 16 janvier 2020, E______, en qualité de prêteur, et B______, en qualité d'emprunter, ont conclu un "accord de prêt" portant sur la somme de 250'000 fr., au taux d'intérêt de 1% par année. La date de restitution était fixée au 31 décembre 2025. Il était en outre convenu : "les parties s'accordent sur ces termes. La restitution pourra être anticipée sans pénalité et les intérêts seront calculés au pro-rata pour la période. Les intérêts seront payés à la restitution".

Seul B______ a signé ce document, établi à F______ [GE].

Le 14 avril 2021, un nouvel "accord de prêt", à la teneur identique au précédent, et portant aussi sur la somme de 250'000 fr., a été signé par B______.

Les 16 janvier 2020 et 14 avril 2021, 250'000 fr. ont été virés du compte de E______ auprès de [la banque] G______ sur celui de B______ auprès de [la banque] H______.

c.    Le 22 octobre 2021, C______ et A______, en qualité de "prêteur" ont conclu et signé chacun un "accord de prêt" avec B______, ayant la même teneur que les précédents, et portant chacun sur la somme de 160'000 fr. B______ a également signé ces documents.

Les 22 et 25 octobre 2021, les comptes respectifs de A______ et C______ auprès de [la banque] I______ ont été débités de 160'000 fr. en faveur du compte de B______ auprès de [la banque] J______, avec la mention "virement pour prêt" et "Prêt B______ [prénom]".

d.   Le 22 octobre 2021, les prêteurs C______ et A______ ont signé un "accord de prêt" avec B______, portant sur la somme totale de 820'000 fr., soit 2 x 250'000 fr. prêtés par E______ de son vivant en 2020 et 2021, et 2 x 160'000 fr. prêtés par C______ et A______ le 22 octobre 2021. Il est précisé que cet accord annule et remplace les précédents et que: "les parties s'accordent sur ces termes. La restitution pourra être anticipée sans pénalité et les intérêts seront calculés au pro-rata pour la période. Les intérêts seront payés à la restitution".

e.    Le 7 juillet 2022, A______ et C______, en qualité de "prêteur", ont signé un nouvel accord de prêt avec B______, emprunteur, à la teneur identique aux précédents, portant sur la somme de 43'000 fr.

Le versement de 43'000 fr. avait été fait le 29 juin 2022 au débit du compte-joint de C______ et A______ auprès de la banque K______, en faveur de celui de B______ auprès de [la banque] L______.

f.     Tous les contrats ont été établis par B______.

g.    Par courriers recommandés du 21 juillet 2022, A______ et C______, sous la plume de leur conseil, ont notifié [formellement] à B______, la dénonciation des contrats de prêts portant sur les sommes de respectivement 820'000 fr. et 43'000 fr. A ces sommes s'ajoutaient les intérêts de 1% calculés au pro rata temporis. Un délai de six semaines était imparti au précité pour procéder au remboursement de ces montants.

B______ n'a pas donné suite à ces courriers.

h.   Un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié le 20 octobre 2022 à B______, à la requête de A______, portant sur les sommes de 820'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 2 septembre 2022, au titre de la dénonciation des prêts du 21 juillet 2022, de 12'733 fr. 89 avec intérêts à 5 % dès le 6 septembre 2022, au titre d'intérêts conventionnels sur les prêts et de 43'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 2 septembre 2022, au titre de la dénonciation du prêt du 21 juillet 2022.

Opposition totale y a été formée.

i. Le 16 février 2023, A______ et C______ ont signé un document "A qui de droit", confirmant l'accord oral de cession de créances par C______ envers son frère A______, portant sur l'ensemble des prétentions de C______ à l'égard de B______, avec intérêts et frais de poursuite, aux fins de recouvrement et encaissement.

Cet accord précise que le cessionnaire remboursera au cédant la moitié des créances, intérêts conventionnels et moratoires, frais de poursuite qui auront été encaissés par le cessionnaire suite aux opérations de recouvrement.

Le 20 février 2023, le nouveau Conseil constitué par les frères A______ et C______ a notifié dite cession au Conseil de B______, précisant que C______ avait cédé à son frère A______ l'ensemble de ses prétentions découlant des contrats de prêt de sorte que B______ était invité, pour se libérer valablement, à rembourser les montants dus à l'Office des poursuites, qui les ferait suivre à A______. B______ a par ailleurs été invité à adresser un plan de remboursement acceptable.

j. Par requête expédiée au greffe du Tribunal le 22 février 2023, A______ a sollicité, sous suite de frais et dépens, la mainlevée provisoire de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, en se fondant sur les contrats de prêts signés le 22 octobre 2021 et le 7 juillet 2022.

Il allègue que B______ avait tenté de le convaincre, ainsi que son frère, de modifier les contrats de prêts en mandats de gestion, ce qu'ils avaient refusé.

k.   Le 7 juin 2023, A______ a versé à la procédure un courrier du 4 juin 2023 de son frère C______ au Tribunal, avec en annexe, la copie des accords de prêt du 15 janvier 2020 et du 14 avril 2021, portant la signature de E______, alléguée contrefaite par B______.

Dans ce courrier, C______ a d'abord indiqué qu'il avait cédé sa créance "à l'égard du débiteur" à son frère A______, confirmé par acte du 16 février 2013. Il a ensuite encore exposé que B______ leur avait assuré que les prêts pouvaient être remboursés et restitués à tout moment moyennant le respect d'un préavis de résiliation de six semaines. Peu après la signature de ces contrats de prêts, B______ avait entrepris des manœuvres pour qu'ils signent des contrats de gestion de fortune, en faisant miroiter des promesses de gains significatifs à court terme. Son frère et lui, méfiants quant à la solvabilité de B______, n'avaient pas signé de contrat de gestion, et s'étaient résolus à demander la restitution des prêts par courriers du 21 juillet 2022.

l.      C______, devenu [C______], a signé le courrier du 4 juin 2023 précité.

m. Lors de l'audience du 28 août 2023, A______ a persisté dans ses conclusions en prononcé de la mainlevée provisoire.

B______ a produit des messages Whatsapp qu'il avait échangés entre janvier 2021 et juin 2022, avec A______, dans lesquels il est notamment question des rendements intéressants des investissements effectués. Il a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la requête. A______ n'avait pas la légitimation active, faute de cession écrite et l'on ignorait l'objet de la cession. Le contrat de prêt invoqué était simulé, les parties ayant en réalité conclu un mandat de gestion. Enfin, la dette n'était pas exigible les contrats prévoyant tous une exigibilité au 31 décembre 2025.

A______ a contesté le défaut d'exigibilité, le contrat devant être interprété en défaveur de la partie qui l'avait rédigé, et pouvant être résilié par anticipation.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que les frères A______/C______ étaient oralement convenus d'une cession aux fins de recouvrement ou d'encaissement, en ce sens que C______ avait donné mandat à son frère A______ de recouvrer les montants qu'ils estimaient dus par B______, mais que C______ n'avait pas renoncé à ses propres prétentions, puisque A______ s'obligeait à remettre à son frère la moitié de tout ce qu'il obtiendrait. Le document du 16 février 2023 répondait aux exigences de l'art. 165 al. 1 CO (forme écrite de la cession à titre d'encaissement). A______ avait la légitimation active pour agir à l'encontre de B______.

Les termes de "prêt" apparaissaient dans les ordres bancaires de virement de 160'000 fr. d'octobre 2021 B______ devait se laisser opposer l'intitulé "accord de prêt" qui figurait dans tous les actes produits à la procédure. Il n'avait pas rendu vraisemblable que le contrat était simulé.

Les contrats indiquaient que "la restitution pourrait être anticipée sans pénalité". Cette formulation était insuffisamment précise pour que le juge de la mainlevée retienne que les parties avaient convenu que tant le prêteur que l'emprunteur étaient en droit d'exiger un remboursement à une date antérieure au 31 décembre 2025. Il s'ensuivait que l'article 318 CO ne s'appliquait pas, et que le Tribunal n'était dès lors pas en droit de retenir que les dénonciations du 21 juillet 2002 répondaient aux conditions de cette disposition. A______ devait être débouté des fins de sa requête.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC), la procédure sommaire étant applicable (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 142 al. 1 et 3, 145 al. 2 let. b, 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé dans le délai et selon la forme requis par la loi, le recours est recevable.

1.3 Les réplique, duplique et mémoire spontané des parties sont recevables, ayant été déposés à la Cour avant que cette dernière ne garde la cause à juger (cf. ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 138 I 484 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_923/2018 du 6 mai 2019 consid. 4.2.1; 5A_967/2018 du 28 janvier 2019 consid. 3.1.1).

1.4 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 255 let. a a contrario CPC).

1.5 La pièce produite par le recourant à l'appui de sa réplique est irrecevable (art. 326 al. 1 CPC). Elle n'est en tout état pas pertinente pour l'issue du litige.

2. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir mal interprété la clause d'exigibilité des contrats de prêt, en particulier celle portant sur la restitution anticipée.

2.1.1 En vertu de l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité. Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1 et les références).

En particulier, le contrat de prêt d'une somme déterminée constitue une reconnaissance de dette pour le remboursement du prêt, pour autant, d'une part, que le débiteur ne conteste pas avoir reçu la somme prêtée ou que le créancier soit en mesure de prouver immédiatement le contraire et, d'autre part, que le remboursement soit exigible (ATF 136 III 627 consid. 2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid 3.2.1; 5A_13/2020 du 11 mai 2020 consid. 2.5.1; 5A_473/2015 du 6 novembre 2015 consid. 5.3; 5A_303/2013 du 24 septembre 2013 consid. 4.1; 5A_326/2011 du 6 septembre 2011 consid. 3.2; cf. aussi ATF 140 III 456 consid. 2.2.1).

Si le contrat ne fixe ni terme de restitution ni délai d’avertissement, et n’oblige pas l’emprunteur à rendre la chose à première réquisition, l’emprunteur a, pour la restituer, six semaines qui commencent à courir dès la première réclamation du prêteur (art. 318 CO).

Comme le prescrit le texte légal, le champ d’application de l’art. 318 CO doit d’abord être délimité de manière négative. Ainsi, l’art. 318 ne s’applique pas aux prêts de durée déterminée. Un prêt est conclu pour une durée déterminée lorsque la durée (ou une durée minimale) ou la date finale (le plus proche possible) du prêt est déterminée ou déterminable (BSK OR I-Maurenbrecher/Schärer, Art. 318 N 2-3).

En outre, l’art. 318 CO ne s’applique pas aux prêts dont le remboursement immédiat et en tout temps peut être exigé. À cet égard, il ressort du texte légal qu’une telle convention est admissible (sous réserve de l’abus de droit) (arrêt du Tribunal fédéral du 26 juin 1998, 4C_410/1997, consid. 4d = Pra 1998, 832; a. M.Spiro, 1183 s.) (BSK OR I-Maurenbrecher/Schärer, Art. 318 N 4)

2.1.2 Lorsque le juge doit statuer selon la simple vraisemblance, il doit, en se basant sur des éléments objectifs, avoir l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1; 130 III 321 consid. 3.3; 104 Ia 408 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_413/2014 du 20 juin 2014 consid 4.1).

Dans le cadre d'une procédure sommaire, le rôle du juge de la mainlevée n'est pas d'interpréter des contrats ou d'autres documents, mais d'accorder rapidement, après examen sommaire des faits et du droit, une protection provisoire au requérant dont la situation juridique paraît claire (ACJC/658/2012 du 11 mai 2012 consid 5.2; ACJC/1211/1999 du 25 novembre 1999 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral du 10 mai 1968, résumé in JdT 1969 II 32).

Le juge de la mainlevée provisoire ne peut procéder qu'à l'interprétation objective du titre fondée sur le principe de la confiance. Il ne peut prendre en compte que les éléments intrinsèques au titre, à l'exclusion des éléments extrinsèques qui échappent à son pouvoir d'examen (ATF 145 III 20 consid. 4.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022, consid. 6.2.1). Si le sens ou l'interprétation du titre de mainlevée invoqué est source de doutes ou si la reconnaissance de dette ne ressort que d'actes concluants, la mainlevée provisoire doit être refusée. La volonté de payer du poursuivi doit ressortir clairement des pièces produites, à défaut de quoi elle ne peut être déterminée que par le juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 précité, ibidem et les arrêts cités).

L'interprétation selon le principe de la confiance consiste à rechercher comment chacune des parties pouvait et devait comprendre de bonne foi les déclarations de l'autre, en fonction du contexte dans lequel elles ont traité. Même s'il est apparemment clair, le sens d'un texte écrit n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée; en effet, lorsque la teneur d'un texte paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres éléments du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Cependant, il n'y a pas lieu de s'écarter du sens littéral d'un texte lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne corresponde pas à la volonté ainsi exprimée (ATF 135 III 295 consid. 5.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.2).

Pour l'interprétation selon le principe de la confiance, seules sont déterminantes les circonstances qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 précité, ibidem et consid. 4.2.3).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les différents "accords de prêt", en particulier celui récapitulatif du 21 octobre 2022 ainsi que celui du 7 juillet 2022, constituent des reconnaissance de dettes, et que les sommes prêtées ont été versées.

La question de l'exigibilité est litigieuse.

Les contrats prévoient tous une date de restitution au 31 décembre 2025, ainsi qu'une possible restitution anticipée, sans autre précision. A teneur de texte, l'emprunteur était ainsi tenu de restituer la chose en tout temps à première demande, ou au plus tard le 31 décembre 2025. Conformément aux considérations qui précèdent, l'art. 318 CO n'est ainsi pas applicable aux contrats de prêt signés par les parties.

Le recourant a exercé, le 21 juillet 2022, son droit à une restitution anticipée. Peu importe qu'il ait consenti à l'intimé un délai de six semaines pour rembourser les montants prêtés, alors qu'il aurait pu réclamer la restitution immédiate. Au moment de l'introduction de la poursuite, le remboursement des prêts était exigible.

L'intimé n'a par ailleurs pas soutenu devant le Tribunal qu'il aurait été le seul à pouvoir se prévaloir de la restitution anticipée mentionnée dans les contrats, se limitant à affirmer que l'échéance était fixée au 31 décembre 2025, contrairement à ce qui ressort clairement du texte de ceux-ci.

En conclusion, c'est à tort que le Tribunal a considéré que la créance en poursuite n'était pas exigible.

3. L'intimé, dans sa réponse au recours, remet en cause la décision du Tribunal en ce qu'elle admet la légitimation active du recourant.

3.1.1 Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée (art. 82 LP), il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur, réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_58/2015 du 28 avril 2015 consid. 3, non publié aux ATF 141 III 185).

3.1.2 Il y a solidarité entre plusieurs créanciers, lorsque le débiteur déclare conférer à chacun d’eux le droit de demander le paiement intégral de la créance, et lorsque cette solidarité est prévue par la loi (art. 150 al. 1 CO).

La solidarité active a tout d’abord sa source dans la volonté des parties. Cependant, elle ne découle pas du simple fait que plusieurs créanciers concluent un contrat avec un débiteur. Elle ne prend naissance que lorsque le débiteur déclare être tenu pour le tout envers chacun des créanciers et leur confère à chacun d’eux le droit de réclamer le paiement intégral de la créance. Ce n’est pas le cas lorsqu’un tiers est simplement autorisé à recevoir le paiement du débiteur6. Cette déclaration de volonté peut être expresse ou tacite et découler alors des circonstances (CR CO I-Romy, art. 150 N 3).

3.1.3 Le créancier peut céder son droit à un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession n'en soit interdite par la loi, la convention ou la nature de l'affaire (art. 164 al. 1 CO).

La cession n'est valable que si elle a été faite par écrit (art. 165 al. 1 CO).

3.1.4 Par le mandat d’encaissement (Inkassomandat), le mandataire s’oblige à encaisser – soit pour le compte du mandant, soit pour son propre compte (mandatum in rem suam) – une créance que le mandant détient contre un tiers débiteur. A la différence de la cession à fin d’encaissement (Inkassozession) où le cessionnaire, après être devenu titulaire de la créance, agit en son propre nom mais pour le compte du cédant, le mandataire n’est pas titulaire de la créance. Il agit dès lors régulièrement en qualité d’un représentant direct du mandant, c’est-à-dire au nom et pour le compte de celui-ci. Cependant, il se peut que le mandataire soit nanti d’un pouvoir d’encaisser la créance en son propre nom sans devenir titulaire de la créance (pouvoir d’encaissement; Inkassovollmacht, Einziehungsermächtigung), une construction hybride contestable pour le droit suisse et rejetée par l’avis majoritaire; elle semble notamment être due au fait que la délimitation de la cession à fin d’encaissement par rapport à un simple pouvoir d’encaissement n’est pas toujours aisée (CR CO I-Probst, art. 164 N 9).

3.1.5 Un changement de poursuivant est possible après l'introduction de la poursuite, tant en cas de succession universelle (succession à cause de mort, fusion, scission, transfert de patrimoine) que particulière (cession, subrogation, transfert de contrat). Le nouveau créancier acquiert la légitimation pour procéder et peut ainsi continuer la poursuite au stade où elle en était arrivée. Il peut en particulier requérir la mainlevée définitive ou provisoire (abbet/veuillet op. cit. n. 35 ad art. 84 LP).

3.2 En l'espèce, A______ et C______ figurent dans "l'accord de prêt" du 22 octobre 2021, annulant et remplaçant tous les contrats précédemment conclus, en qualité de "prêteur", sans qu'il ne soit fait mention d'une solidarité entre eux. Déterminer si tel est le cas nécessite une interprétation du contrat qui excède la compétence du juge de la mainlevée, une interprétation objective de cet accord (seule possible dans le cadre de la présente procédure) ne permettant pas de résoudre ce point. Au contraire, au vu de la mention de "prêteur" au singulier et de la cession opérée par C______ en faveur du recourant postérieurement au mois d'octobre 2021, comme il sera vu ci-après, il est plutôt vraisemblable que les parties à cet accord n'envisageaient pas la solidarité.

Cela étant, il ressort du document "A qui de droit" du 16 février 2023, signé par C______ et A______ et du courrier du conseil de ce dernier à l'intimé du 20 février 2023, que C______ a valablement cédé à fin d'encaissement, en la forme écrite, la créance qu'il détenait contre l'intimé, en remboursement des prêts consentis à ce dernier, ce que confirme encore le courrier du 4 juin 2023 de C______ au Tribunal. Il est donc vraisemblable que dès le 16 février 2023, le recourant était titulaire des créances en lien avec tous les contrats de prêts conclus avec l'intimé, pour la somme totale en capital de 820'000 fr., ainsi que des intérêts.

Mais la réquisition de poursuite, antérieure à cette dernière date, a été faite au seul nom du recourant pour la totalité des prêts. Dans la mesure où il ne peut être retenu à ce stade qu'il était créancier solidaire pour le tout, il n'en était pas non plus encore formellement cessionnaire. Il n'y a donc pas identité entre le poursuivant et les titulaires de la reconnaissance de dette du 21 octobre 2022.

La poursuite aurait dû être initialement intentée par les deux créanciers, pour que l'un, au bénéfice d'une cession postérieure de l'autre, puisse continuer la procédure et ainsi disposer de la légitimation active dans le cadre de la mainlevée d'opposition.

Ainsi, c'est à tort que le Tribunal a considéré que le recourant disposait de la légitimation active.

4. Il résulte des considérations qui précèdent que le recours sera rejeté, en ce qui concerne le ch.1 du dispositif, le jugement, en ce qu'il rejette la requête de mainlevée provisoire, étant fondé dans son résultat. La créance en poursuite est exigible, mais le recourant ne disposait pas de la légitimation active pour la faire valoir au moment de l'introduction de la poursuite. Peu importe qu'il l'ait acquise par la suite.

5. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir alloué des dépens à l'intimé, en violation de la maxime de disposition.

5.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante. Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 1 et 2 CPC).

Dans le champ d'application du CPC, les dépens ne sont pas alloués d'office, mais seulement sur requête. Au contraire de l'al. 1 relatif aux frais judiciaires, l'al. 2 de l'art. 105 ne prescrit pas que les dépens soient fixés d'office (ATF 139 III 334).

5.2 En l'espèce, il ne ressort pas des conclusions prises par l'intimé devant le Tribunal, telles que reportées au procès-verbal, que celui-ci aurait sollicité l'octroi de dépens.

C'est ainsi à tort que le Tribunal lui en a alloué.

Dans la procédure de recours, l'intimé a sollicité des dépens, il sera dès lors statué sur ce point.

Le recourant obtient gain de cause sur les griefs de l'exigibilité et de l'allocation des dépens mais succombe en ce qui concerne sa légitimation active.

Les frais judiciaires de première et seconde instance seront mis à sa charge, et compensés avec les avances fournies acquises à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens de première instance à l'intimé qui n'en a pas sollicité. Chacune des parties, succombant partiellement s'agissant des griefs soulevés, supportera ses propres dépens de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/10020/2023 rendu le 4 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3682/2023–21 SML.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau sur ce point, dit qu'il n'est pas alloué de dépens à B______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais du recours à 1'500 fr. les met à la charge de A______, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.