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Décisions | Sommaires

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C/5480/2023

ACJC/1710/2023 du 20.12.2023 sur JTPI/9268/2023 ( SFC ) , RENVOYE

Recours TF déposé le 02.02.2024, rendu le 05.03.2024, IRRECEVABLE, 4A_87/2024
Normes : CO.731.alB
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5480/2023 ACJC/1710/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 20 DECEMBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 août 2023,

et

Hoirie de feu B______, soit pour elle Madame C______, domiciliée ______ [GE], Madame D______, domiciliée ______ [VD], Madame E______, domiciliée ______ (Etats-Unis) et Madame F______, domiciliée ______ (Espagne), intimées, représentées par Me Raphaël REY, avocat, Banna & Quinodoz, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/9268/2023 du 24 août 2023, reçu par A______ SA le 29 août 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevables les déterminations de G______ des 8 mai et 2 juin 2023 (ch. 1 du dispositif), constaté la situation de carence de A______ SA (ch. 2), ordonné la dissolution de ladite société et sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite (ch. 3), dit que G______ n'avait plus qualité d'administrateur avec signature individuelle de A______ SA (ch. 4), nommé en qualité de liquidateur avec signature individuelle Me H______, avocat (ch. 5), dit que le précité agirait en tant qu'administration spéciale de la faillite et procéderait à la répartition d'un éventuel excédent d'actifs entre les actionnaires au sens de l'art. 745 CO
(ch. 6), ordonné au Registre du commerce de procéder aux inscriptions qui résultaient des chiffres 4 et 5 du dispositif (ch. 7), autorisé le liquidateur à prélever directement sur l'actif social le montant de ses frais et honoraires (ch. 8), arrêté les frais judiciaires à 1'400 fr., compensés avec les avances fournies par C______, D______, E______ et F______, mis à la charge de A______ SA, condamné celle-ci à "verser conjointement et solidairement" 1'400 fr. à C______, D______, E______ et F______ (ch. 9), condamné A______ SA à "verser conjointement et solidairement" 2'000 fr. à C______, D______, E______ et F______ au titre des dépens (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 11).

B.            a. Par acte expédié le 8 septembre 2023 à la Cour de justice, A______ SA, agissant par l'intermédiaire de G______, a formé appel de ce jugement, concluant à son annulation, sous suite de frais. Cela fait, elle a conclu, principalement, à la "révocation de la dissolution de [la société] et sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite", à l'annulation de la décision de nommer Me H______ en qualité de liquidateur et à ce qu'il soit dit que G______ était "l'administrateur unique et pour le moment le seul représentant légal de A______ SA". Subsidiairement, elle a conclu, notamment, à ce qu'un délai raisonnable soit accordé à la société pour "rétablir la situation légale" et à ce que les déterminations de G______ des 8 mai et 2 juin 2023 soient déclarées recevables.

b. Dans sa réponse du 17 octobre 2023, l'hoirie de feu B______, soit pour elle C______, D______, E______ et F______ (ci-après : l'hoirie), a conclu à l'irrecevabilité de l'appel, respectivement à son rejet et à la condamnation de G______, subsidiairement de A______ SA, aux frais judiciaires et dépens de la procédure.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle.

c. En l'absence de réplique spontanée de A______ SA, la cause a été gardée à juger le 6 novembre 2023.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. A______ SA, société inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 1988, a notamment pour but l'achat, la vente, la construction et la gestion de tous biens immobiliers.

Son capital-actions, de 100'000 fr., entièrement libéré, est divisé en 100 actions au porteur d'une valeur nominale de 1'000 fr. chacune.

A compter du mois d'avril 2017, G______, fils de C______, a été inscrit au Registre du commerce en tant qu'administrateur unique de A______ SA, avec pouvoir de signature individuelle.

Selon l'art. 18 des statuts de la société, les membres du conseil d'administration sont élus pour une année et sont rééligibles.

b. A______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune du I______, sise chemin 4______, d'une surface de 3'287 m2, sur laquelle est construite une maison de maître de 194 m2 (ci-après : la parcelle n° 1______).

Elle a acquis cette parcelle au moyen d'un emprunt hypothécaire de 3'400'000 fr. souscrit en janvier 2005 par elle-même et un tiers auprès de plusieurs créanciers représentés par FONDATION J______ (ci-après : la communauté des créanciers). En garantie du remboursement du prêt, les emprunteurs ont nanti neuf cédules hypothécaires au porteur, d'une valeur totale de 3'400'000 fr., grevant en premier rang la parcelle n° 1______.

c. Le 20 août 2005, B______ a acquis la totalité du capital-actions de A______ SA. En 2009, il a repris conjointement avec la société le prêt hypothécaire susmentionné.

d. Le 3 février 2015, B______ a cédé à son épouse, C______, la moitié du capital-actions de A______ SA.

e. Après avoir dénoncé au remboursement le prêt hypothécaire, la communauté des créanciers, représentée par FONDATION J______, a engagé deux poursuites en réalisation de gage à l'encontre de A______ SA et de B______, débiteurs solidaires, en recouvrement de 3'094'000 fr. (créance en capital) et de 307'799 fr. 90 (intérêts échus).

En mars 2017, l'Office des poursuites a notifié à A______ SA le commandement de payer dans la poursuite dirigée contre la société,
n° 2______.

En parallèle, il a notifié à B______ le commandement de payer dans la poursuite dirigée contre celui-ci, n° 3______. Un exemplaire supplémentaire de ce commandement de payer a été notifié à A______ SA, en sa qualité de tiers propriétaire du gage.

A______ SA a formé opposition à ces deux poursuites. Elle a ensuite retiré son opposition auxdites poursuites le 2 juin 2017 (cf. infra let. f). B______ n'a pas formé opposition à la poursuite le concernant.

f. Le 31 mai 2017, A______ SA, soit pour elle G______, a signé une "convention de remboursement et moratoire de poursuites" avec la communauté des créanciers.

Aux termes de cette convention, la société a reconnu devoir les sommes réclamées dans les poursuites n° 2______ et 3______ et s'est engagée à retirer son opposition auxdites poursuites, ainsi qu'à verser mensuellement à FONDATION J______ la somme 9'024 fr. 20 au titre des intérêts dus sur la somme de 3'094'000 fr. De son côté, la communauté des créanciers s'est engagée à ne pas requérir la continuation des poursuites susvisées et à réduire le taux des intérêts moratoires de 12 % à 3.5 % dès le 1er février 2016 jusqu'à ce que le prêt soit soldé, le remboursement devant intervenir d'ici le 31 octobre 2017 au plus tard.

g. Le prêt n'ayant pas été remboursé dans le délai prévu, la communauté des créanciers a requis la vente de la parcelle n° 1______ en date du 23 novembre 2017.

L'Office des poursuites a fixé une première vente aux enchères de l'immeuble en février 2020, puis une seconde en septembre 2022. Ces ventes ont toutefois été annulées à la suite de plaintes (art. 17 LP) formées par C______.

Cela étant, dans un arrêt du 5 juillet 2023 (5A_227/2023), le Tribunal fédéral a retenu que le commandement de payer, poursuite n° 2______, était désormais entré en force et que la poursuite concernée en était au stade de la réalisation. L'Office des poursuites pouvait donc procéder aux opérations tendant à la vente de la parcelle n° 1______ dans le cadre de cette poursuite.

h. B______ est décédé le ______ 2018, laissant quatre héritières, à savoir sa seconde épouse, C______, et ses trois filles issues de son premier mariage, D______, E______ et F______.

Depuis lors, les actionnaires de A______ SA sont C______ à raison de 50 % et l'hoirie à concurrence de 50 %.

i. Par décision du 26 août 2019, confirmée par arrêt de la Cour du 31 octobre 2019, la Justice de paix a nommé Me Raphaël REY, avocat, en qualité de représentant de la communauté héréditaire, au motif qu'il y avait mésentente au sein de l'hoirie.

j. Le 24 septembre 2020 s'est tenue une assemblée générale ordinaire de A______ SA. La réélection du conseil d'administration ne figurait pas à l'ordre du jour de cette assemblée, de sorte qu'aucune décision n'a été prise à ce sujet.

Deux autres assemblées générales ordinaires ont eu lieu les 18 août et
10 décembre 2021. Lors de ces assemblées, le représentant de l'hoirie s'est opposé à la réélection de G______ en qualité d'administrateur de A______ SA. De son côté, C______ a déclaré vouloir prolonger le mandat d'administrateur confié à son fils. Aucun administrateur n'a donc été (ré)élu à ces assemblées.

Aucune assemblée générale de A______ SA ne s'est tenue après le 10 décembre 2021.

k. Le 22 mars 2023, l'hoirie, représentée par Me REY, a saisi le Tribunal d'une "requête de mesures en cas de carences dans la société" dirigée contre A______ SA. Elle a conclu, principalement, à ce que la dissolution de la société soit ordonnée, de même que sa liquidation par voie de faillite, et à ce que Me H______ ou tout tiers indépendant soit nommé comme liquidateur, à charge pour celui-ci d'"agir en tant qu'administration spéciale de la faillite et [de] procéder à la répartition d'un éventuel excédent d'actifs entre les actionnaires au sens de l'art. 745 CO", ou, à défaut, à ce que la liquidation de la société soit confiée à l'Office des faillites. Subsidiairement, elle a conclu à ce que Me H______ soit nommé en tant qu'administrateur de A______ SA, avec signature individuelle, et à ce qu'il soit ordonné au Registre du commerce de procéder à la radiation de G______ comme administrateur de la société. A titre préalable, elle a conclu à ce qu'un commissaire soit nommé par le Tribunal afin de représenter A______ SA dans le cadre de la présente procédure.

En substance, l'hoirie a fait valoir que A______ SA n'avait plus de conseil d'administration depuis l'automne 2020, le mandat d'administrateur confié à G______ ayant pris fin à cette date, faute d'avoir été reconduit par l'assemblée générale. Le précité se trouvait de surcroît dans un conflit d'intérêts manifeste, puisque sa mère était l'une des actionnaires de la société et l'une des membres de l'hoirie. Il n'était quoi qu'il en soit pas apte à exercer un mandat d'administrateur, la situation de la société n'ayant cessé de se péjorer depuis le mois d'avril 2017, étant précisé que la comptabilité n'était plus tenue régulièrement et qu'aucune assemblée générale n'avait été convoquée depuis décembre 2021.

A______ SA se trouvait en situation de surendettement. Son unique "activité" consistait à être propriétaire de la parcelle n° 1______, qui représentait son seul et unique actif. Ce bien immobilier était vide d'occupants et ne générait aucun revenu locatif. La dette hypothécaire grevant la parcelle n° 1______, d'une valeur estimée à 7'180'000 fr. par l'Office des poursuites, n'était plus réglée depuis 2015. En conséquence, les dettes de la société ne faisaient qu'augmenter, les intérêts hypothécaires se montant à 371'280 fr. par année (12 % x 3'094'000 fr.). A ce rythme, la dette hypothécaire allait bientôt dépasser la valeur du gage, si ce n'était pas déjà le cas, étant précisé qu'au 31 décembre 2022, les montants dus au créancier gagiste totalisaient 5'451'438 fr. L'hoirie détenait par ailleurs une créance de 1'417'504 fr. envers A______ SA, au titre d'un prêt actionnaire que feu B______ avait consenti à la société. N'ayant aucun revenu depuis plusieurs années, cette dernière n'était pas non plus en mesure de rembourser cette dette qui générait des intérêts moratoires de l'ordre de 70'000 fr. par année.

En dépit de cette situation alarmante, G______ et sa mère s'opposaient à la vente de la parcelle n° 1______, au motif que celle-ci pourrait être revalorisée dans le cadre d'une supposée promotion immobilière dont on ignorait tout. Or, il ne faisait pas de doute que le bien était voué à être vendu dans un avenir proche, puisqu'il faisait l'objet de la poursuite en réalisation de gage n° 2______ et que la société n'avait pas les ressources pour solder la dette hypothécaire par un autre biais. Dans ce contexte, il importait d'organiser la vente de la parcelle à brève échéance pour pouvoir payer les dettes de la société et, cas échéant, répartir un éventuel excédent d'actif entre les actionnaires. Il importait en outre de privilégier une vente de gré à gré, plutôt qu'une vente aux enchères, afin d'augmenter les chances de solder toutes les dettes de A______ SA. A cette fin, il y avait lieu d'ordonner la dissolution, respectivement la liquidation de la société, et de lui nommer un liquidateur neutre et indépendant, à charge pour celui-ci d'organiser rapidement une vente de gré à gré. En retardant indûment la vente du bien, G______ et sa mère, qui multipliaient les procédés dilatoires, ne faisaient que retarder l'inéluctable et creuser le passif de la société, ce qui était contraire aux intérêts des actionnaires.

l. Par ordonnance du 12 avril 2023, le Tribunal a fixé à A______ SA un délai au 15 mai 2023 pour répondre à la requête.

m. Par pli du 14 avril 2023, l'hoirie a informé le Tribunal qu'elle s'opposait à cette façon de procéder, en indiquant ce qui suit :

"Conformément à ce qui a été indiqué dans la requête, A______ SA n'est plus représentée par aucun administrateur valablement nommé. En l'état, [la société] ne saurait donc répondre à la requête, étant précisé qu'une éventuelle réponse de l'ex-administrateur, M. G______, ne pourra pas être considérée comme reflétant valablement la position de la société. Dans ces circonstances, nous avions sollicité à titre préalable la nomination d'un commissaire pour représenter A______ SA dans la présente procédure. Nous vous prions ainsi respectueusement de bien vouloir annuler l'ordonnance [du 12 avril 2023] et de donner suite à dite conclusion préalable. Il incombera ensuite au commissaire valablement nommé de répondre au nom et pour le compte de la société ".

n. Par courrier du 8 mai 2023, A______ SA, représentée par G______, a sollicité une prolongation du délai pour répondre à la requête.

Par ordonnance du 11 mai 2023, le Tribunal a prolongé ce délai au 2 juin 2023.

o. Le 25 mai 2023, l'hoirie a formé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, concluant à ce que le Tribunal : (i) fasse interdiction à G______ d'agir en qualité d'administrateur de A______ SA, (ii) ordonne au Registre du commerce de procéder à la radiation de G______ dudit Registre, (iii) nomme Me H______ ou toute autre personne compétente et indépendante en tant que commissaire, avec signature individuelle, aux fins de représenter A______ SA dans la présente procédure, de gérer les affaires de la société et de la représenter à l'égard des tiers durant la procédure, (iv) dise, en particulier, que le commissaire aurait le pouvoir de représenter la société dans le cadre d'une vente de gré à gré et/ou d'une vente aux enchères ayant pour objet la parcelle n° 1______, (v) ordonne au Registre du commerce de procéder à l'inscription correspondante et (vi) dise que les mesures prononcées resteraient en vigueur jusqu'à droit jugé sur le fond.

L'hoirie a exposé que l'Office des poursuites avait fixé la vente aux enchères de la parcelle n° 1______ au mardi 3 octobre 2023. Il devenait donc urgent de prendre les mesures utiles pour permettre une vente de gré à gré de cet immeuble, afin d'en retirer le meilleur prix. Il était en effet notoire que les biens vendus aux enchères étaient généralement adjugés à des prix se situant en dessous de ceux du marché, alors qu'une vente de gré à gré, quant à elle, permettrait d'obtenir un prix de vente aligné sur le marché, voire plus élevé. Or, en l'état, A______ SA, qui était dépourvue de conseil d'administration, ne pouvait pas conclure de vente de gré à gré. Aussi, il se justifiait de nommer rapidement un commissaire à la société aux fins de représenter celle-ci vis-à-vis d'un potentiel acheteur.

p. Par ordonnance du 26 mai 2023, le Tribunal a rejeté la requête de l'hoirie sur mesures superprovisionnelles et réservé la suite de la procédure.

q. Dans sa réponse du 2 juin 2023, A______ SA, représentée par G______, a conclu au déboutement de l'hoirie des fins de sa requête. Elle a contesté présenter une carence dans son organisation. Elle a cependant admis que le mandat d'administrateur du précité n'avait pas été renouvelé lors des assemblées générales tenues en 2020-2021 et qu'aucune assemblée générale n'avait été convoquée depuis décembre 2021.

r. Par réplique spontanée du 21 juin 2023, l'hoirie a persisté dans ses conclusions, tant sur mesures provisionnelles que sur le fond. Elle a conclu à l'irrecevabilité de la réponse du 2 juin 2023, au motif que A______ SA n'était pas valablement représentée par G______. Vu que la société n'avait plus de représentant, le Tribunal devait préalablement lui désigner un commissaire pour agir dans la présente procédure. Il convenait en outre d'autoriser le commissaire à représenter la société dans le cadre d'une vente de gré à gré, respectivement à entamer des démarches en ce sens, jusqu'à droit jugé sur la requête du 22 mars 2023.

s. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu que G______ avait été désigné comme administrateur unique de A______ SA en avril 2017 et que l'on ignorait s'il avait été régulièrement réélu les années suivantes. Lors de l'assemble générale du 24 septembre 2020, soit la première assemblée à laquelle assistait le représentant de l'hoirie, la reconduction du mandat de G______ n'avait pas été discutée. Lors des assemblées générales des 18 août et 10 décembre 2021, l'élection du conseil d'administration avait été portée à l'ordre du jour, mais aucune majorité ne s'était dessinée sur cette question, qui était donc restée ouverte. Depuis lors, aucune assemblée générale ne s'était tenue. Il y avait donc lieu de considérer, d'une part que la société se trouvait manifestement en situation de blocage, d'autre part que le mandat de G______ avait pris fin au plus tard en septembre 2020, aucune décision de l'assemblée générale quant à l'élection du conseil d'administration n'ayant été prise depuis cette date. Faute d'avoir été valablement réélu, G______ ne représentait plus la société. A ce titre, ses écritures des 8 mai et 2 juin 2023 devaient être déclarées irrecevables.

Il convenait par conséquent de nommer un représentant à la société, en la personne de Me H______, qui avait d'ores et déjà été approché par l'hoirie et s'était déclaré disposé à accepter le mandat. Il ressortait en outre du dossier que la situation de A______ SA était gravement obérée, cela depuis des années. Compte tenu "des très nombreuses et systématiques actions judiciaires entreprises par C______ et G______, toutes mesures telles qu'une mise en demeure de rétablir la situation légale, la désignation de l'organe qui faisait défaut ou d'un commissaire, n'auraient aucune efficacité". La seule solution consistait donc à ordonner la dissolution de la société et sa liquidation selon les règles de la faillite.

t. Suite au prononcé du jugement attaqué, l'Office des poursuites a annulé la vente aux enchères de la parcelle n° 1______ prévue le 3 octobre 2023.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 let. b CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr.
(art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

La valeur litigieuse de la présente cause, qui correspond à la valeur du capital social (arrêt du Tribunal fédéral 4A_387/2020 du 17 septembre 2020 consid. 1.2), est supérieure au montant précité, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi
(art. 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC). Il est recevable sous cet angle.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC).

1.4 L'action fondée sur l'art. 731b CO est soumise à la maxime d'office, le juge n'étant pas lié par les conclusions des parties (ATF 138 III 407 consid. 2.3). Il s'agit d'une procédure du droit des sociétés, soumise à la procédure sommaire
(art. 250 let. c ch. 6 CPC; ATF 138 III 166 consid. 3.9, 294 consid. 3.1.3).

1.5 Les faits et moyens de preuve nouveaux dont les intimées se prévalent en appel sont recevables, dans la mesure où il s'agit soit de faits notoirement connus du juge et des parties (art. 151 CPC), soit de faits survenus après que le Tribunal a gardé la cause à juger (art. 317 al. 1 CPC).

2. Les intimées concluent à l'irrecevabilité de l'appel, faute pour l'appelante d'être valablement représentée par G______. L'appelante se plaint quant à elle d'une violation de son droit d'être entendue.

2.1.1 L'art. 59 CPC prévoit que le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (al. 1). Ces conditions sont notamment les suivantes : (…) c. les parties ont la capacité d'être partie et d'ester en justice (al. 2).

Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies
(art. 60 CPC).

2.1.2 La personne morale acquiert la personnalité juridique en se faisant inscrire au registre du commerce (art. 52 al. 1 CC). Dès qu'elle acquiert la personnalité, la personne morale jouit des droits civils (art. 53 CC) et se voit attribuer la capacité d'être partie à la procédure (art. 66 CPC; JEANDIN, in CR CPC, 2ème éd. 2019,
n. 4 ad art. 66 CPC).

La capacité d'ester en justice est le corollaire en procédure de l'exercice des droits civils (art. 67 al. 1 CPC). La personne morale a l'exercice des droits civils, à condition qu'elle possède les organes que la loi et les statuts exigent à cet effet
(art. 54 CC). Elle exerce ses droits civils par l'intermédiaire de ses organes, qui expriment sa volonté à l'égard des tiers (art. 55 al. 1 CC). Il y a lieu d'entendre par là les organes exécutifs, et non l'organe législatif ou l'organe de contrôle
(ATF 141 III 80 consid. 1.3).

Les organes exécutifs, mais aussi toutes les personnes qui peuvent valablement représenter la société anonyme dans les actes juridiques avec des tiers, en vertu des règles du droit civil, peuvent accomplir des actes judiciaires en son nom, comme signer des écritures, donner procuration à un avocat et comparaître aux audiences. Sont en premier lieu légitimés à représenter la société en justice les membres du conseil d'administration et, à moins que les statuts ou le règlement d'organisation ne l'exclue, un seul des membres de celui-ci (art. 718 al. 1 CO). En second lieu, la société peut être représentée en justice par un ou plusieurs des membres du conseil d'administration (délégués) ou par des tiers (directeurs), auxquels le conseil d'administration a délégué son pouvoir de représentation (art. 718 al. 2 CO). Toutes ces personnes sont organes, expriment directement la volonté de la société et sont inscrites au registre du commerce (art. 720 CO). En troisième lieu, sans avoir la qualité d'organes, en vertu de leurs pouvoirs de représentation, peuvent représenter la société en justice les fondés de procuration (art. 458 CO), qui sont inscrits au registre du commerce et n'ont pas besoin de pouvoir spécial pour plaider, à moins que leur procuration n'ait été restreinte (art. 460 al. 3 CO), ainsi que les mandataires commerciaux (art. 462 CO), qui ne sont pas inscrits au registre du commerce, à condition qu'ils aient reçu le pouvoir exprès de plaider (art. 462 al. 2 CO)
(ATF 141 III 80 consid. 1.3 et les références citées).

Chacune des personnes habilitées à représenter la société en justice doit justifier de sa qualité et de son pouvoir en produisant soit un extrait du registre du commerce, soit l'autorisation qui lui a été délivrée pour plaider et transiger dans l'affaire concrète dont le tribunal est saisi (cf. art. 68 al. 3 CPC). Savoir quelle(s) personne(s) est (sont) habilitée(s) à représenter la société anonyme en procédure ressortit ainsi à la capacité d'ester en justice de celle-ci. Il s'agit d'une condition de recevabilité de la demande (art. 59 al. 2 let. c CPC) (ATF 141 III 80 consid. 1.3).

2.1.3 A défaut d'exercice des droits civils, le plaideur ne dispose pas de la capacité d'ester en justice (art. 67 al. 1 CPC a contrario) et il ne peut en conséquence pas procéder, que ce soit personnellement ou par l'entremise d'un mandataire conventionnel (art. 67 al. 2 CPC a contrario). Or, disposant de la capacité d'être partie (art. 66 CPC; cf. art. 29a Cst. garantissant le droit d'accès au juge), il doit néanmoins être en mesure de faire valoir ou défendre ses droits, situation que s'emploie à résoudre l'art. 67 al. 2 CPC, lequel dispose que le plaideur dépourvu de l'exercice des droits civils agit par l'intermédiaire de son représentant légal (JEANDIN, op. cit., n. 7 ad art. 67 CPC).

Le droit civil pourvoit à la représentation légale de la personne physique dépourvue de l'exercice des droits civils (art. 17 CC), à l'exemple de l'enfant mineur qui est en principe soumis à l'autorité parentale conjointe de ses parents (art. 296 CC). Il en va de même pour la personne morale (art. 54 CC a contrario). Ainsi, le droit civil prévoit des mesures (par exemple la nomination de l'organe faisant défaut ou d'un commissaire) lorsque l'organisation d'une société anonyme n'est pas complète et qu'il n'est pas pourvu d'une autre manière à son administration (art. 731b CO) (JEANDIN, op. cit., n. 9 et 9a ad art. 67 CPC).

2.2.1 L'art. 731b CO prévoit que lorsqu'une société anonyme ne possède pas tous les organes prescrits ou que l'un de ces organes n'est pas composé conformément aux prescriptions, un actionnaire, un créancier ou le préposé au registre du commerce peut requérir le tribunal de prendre les mesures nécessaires (al. 1). Le tribunal peut notamment fixer un délai à la société pour rétablir la situation légale, sous menace de dissolution, ou nommer l'organe qui fait défaut, ou nommer un commissaire, ou encore prononcer la dissolution de la société et ordonner sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite (al. 1bis).

Cette disposition s'applique en cas de contravention à des règles impératives sur l'organisation de la société. Il y a carence non seulement lorsqu'un organe obligatoire fait défaut, mais aussi lorsque sa composition n'est pas conforme aux exigences légales. Sont notamment visés l'absence de conseil d'administration
(art. 707 CO), le manque de qualification ou d'indépendance requise
(art. 727b ss CO), le non-respect des règles concernant le domicile
(art. 718 al. 4, 730 al. 4 CO), l'incapacité civile d'un organe, ou un blocage persistant au sein de l'actionnariat ou du conseil d'administration, qui empêche l'élection d'un organe ou la conduite des affaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_630/2011 du
7 mars 2012 consid. 2.3).

La légitimation active appartient à tout actionnaire de la société. Cette qualité doit exister au moment de l'introduction de l'action. La légitimation passive appartient à la société (PETER/CAVADINI, in CR CO II, 2ème éd. 2017, n. 5 et 6b ad art. 731bCO).

Dans la procédure au fond, le juge doit déterminer les mesures à prendre sur la base de l'art. 731b CO, notamment décider si un commissaire doit être nommé pour gérer les affaires sociales. Au préalable, il s'agit de définir qui peut s'exprimer pour la société, et partant, si elle ne possède pas de représentant, de lui désigner un commissaire pour la procédure. En effet, pour ester en justice, la société - qui est directement visée dans ses droits - doit pouvoir être valablement représentée et exercer son droit d'être entendue (art. 29 Cst.). En l'absence de tout représentant, le juge doit, préalablement, lui nommer un commissaire, par une décision incidente (ATF 138 III 213 consid. 2.1 et 2.3; arrêt du Tribunal fédéral du 24 septembre 2012 consid. 1.2; ACJC/1471/2023 du 1er novembre 2023 consid. 2).

2.2.2 Selon l'art. 699 al. 2 CO, l'assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice; des assemblées générales extraordinaires sont convoquées aussi souvent qu'il est nécessaire.

A teneur de l'art. 710 al. 1 CO, les membres du conseil d'administration sont élus pour trois ans, sauf disposition contraire des statuts.

La fonction d'administrateur prend automatiquement fin à l'échéance de la durée légale ou statutaire du mandat. Cette échéance correspond en général à la date de l'assemblée générale ordinaire qui suit le dernier exercice social couvert par le mandat (PETER/CAVADINI, op. cit., n. 9 ad art. 710 CO).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le mandat du conseil d'administration prend fin à l'expiration du sixième mois suivant la clôture de l'exercice concerné si aucune assemblée générale n'a été organisée conformément à l'art. 699 al. 2 CO ou si l'élection du conseil d'administration n'a pas été portée à l'ordre du jour
(ATF 148 III 69 consid. 3.5, JdT 2022 II 226). Par ailleurs, lorsque l'assemblée générale se prononce sur le renouvellement du mandat d'un administrateur et que celui-ci n'obtient pas les voix nécessaires à sa réélection, son mandat prend fin. L'assemblée générale a ainsi, par sa décision, exprimé une volonté en matière de composition des organes, à savoir celle de ne pas réélire le(s) membre(s) du conseil d'administration proposé(s) à l'élection (ATF 140 III 349 consid. 2.6).

2.3 En l'occurrence, les intimées, qui détiennent 50 % du capital social de l'appelante, ont agi contre celle-ci sur la base de l'art. 731b CO, au motif que la société n'avait plus de conseil d'administration.

Il est admis que G______ a été nommé administrateur unique de la société en avril 2017 et qu'il a été inscrit en cette qualité au Registre du commerce. On ignore toutefois si ce mandat - limité à une année selon les statuts - a été renouvelé par la suite, dans la mesure où les procès-verbaux des assemblées générales tenues en 2018-2019 n'ont pas été versés au dossier. Il est en revanche admis que le mandat d'administrateur de G______ n'a pas été renouvelé à l'assemblée générale du 24 septembre 2020, étant précisé que la question de la réélection du conseil d'administration ne figurait pas à l'ordre du jour. Il est également admis que le mandat de l'intéressé n'a pas non plus été renouvelé lors des assemblées générales des 18 août et 10 décembre 2021, celui-ci n'ayant pas obtenu les voix nécessaires à sa réélection. Enfin, il est constant qu'aucune assemblée générale n'a été convoquée postérieurement au mois de décembre 2021.

Il suit de là qu'au jour du dépôt de la requête, soit le 22 mars 2023, le mandat d'administrateur de G______ avait pris fin, faute d'avoir été renouvelé à l'assemblée générale du 24 septembre 2020 ou à une date ultérieure.

La société contre laquelle les intimées ont agi est ainsi dépourvue d'organe susceptible de la représenter valablement. Elle est, par voie de conséquence, privée de la capacité d'ester en justice, ce qui doit être relevé d'office.

Au vu de la finalité de l'action intentée par les intimées, fondée sur l'art. 731b CO, le Tribunal ne pouvait pas statuer sur le fond du litige sans donner l'opportunité à la société - directement touchée dans ses droits - d'être valablement représentée et d'exercer son droit d'être entendue. Dans la mesure où l'appelante ne possédait pas de représentant, il incombait au Tribunal de lui désigner un commissaire pour agir dans la présente procédure.

Dans ces circonstances particulières, il ne saurait être reproché à l'appelante de former un appel irrecevable, motif pris de son absence avérée de capacité d'ester en justice. L'appel sera donc considéré comme recevable (cf. ACJC/1471/2023 du
1er novembre 2023 consid. 2).

En définitive, compte tenu du fait que le Tribunal n'a pas examiné la question de la capacité d'ester en justice de l'appelante, alors qu'il lui incombait de le faire d'office, et qu'il a statué sur le fond du litige sans avoir entendu cette dernière, le jugement attaqué sera entièrement annulé. La cause sera renvoyée au Tribunal pour qu'il nomme un commissaire à l'appelante, puis qu'il reprenne l'instruction de la cause avant de rendre une nouvelle décision. Il lui appartiendra également de statuer sur les mesures provisionnelles requises pas les intimées, ce qu'il a omis de faire dans le jugement attaqué.

3. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'200 fr. (art. 26, 35 RTFMC), seront supportés par l'Etat de Genève, au vu des circonstances particulières d'espèce évoquées ci-dessus (art. 107 al. 2 CPC).

L'avance opérée sera restituée à l'appelante.

La répartition des dépens d'appel, fixés à 1'500 fr., sera déléguée au Tribunal
(art. 104 al. 4 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ SA le 8 septembre 2023 contre le jugement JTPI/9268/2023 rendu le 24 août 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5480/2023-19 SFC.

Au fond :

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nomination à A______ SA d'un commissaire, instruction et nouvelle décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr. et les met à la charge de l'ETAT DE GENEVE.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 1'200 fr. à A______ SA.

Délègue la répartition des dépens d'appel de 1'500 fr. au Tribunal de première instance.

Siégeant : Monsieur Laurent RIEBEN, président; Mesdames Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.