Skip to main content

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/12541/2023

ACJC/1651/2023 du 13.12.2023 sur OTPI/554/2023 ( SP ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12541/2023 ACJC/1651/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 13 DECEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 septembre 2023, représenté par Me Olivier CARRARD, avocat, CMS von Erlach Partners SA, esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26,

Et

1)   Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Olivier NICOD, avocat, Walder Wyss SA, boulevard du Théâtre 3, 1204 Genève,

2)   C______ SA, sise ______, intimée, représenté par Me Adrien RAMELET, avocat, Lenoir, Delgado & Associés, rue des Battoirs 7, 1205 Genève,

3)   Madame D______, domiciliée ______, intimée, représenté par
Me Charles GOUMAZ, avocat, Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1.


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/554/2023 du 8 septembre 2023, expédiée aux parties le même jour, le Tribunal de première instance a rejeté les requêtes en intervention accessoires formées par A______ les 5 juillet et 3 août 2023 (ch. 1), arrêté les frais judiciaires liés à ces requêtes à 2'000 fr., compensés avec les avances opérées, et mis à la charge du précité (ch. 2), et dit qu'il ne serait pas alloué de dépens (ch. 3).

B.            Par acte du 20 septembre 2023, A______ a formé recours contre cette ordonnance. Il a conclu préalablement à la suspension de l'instruction du recours et à ce que le recours ne soit pas communiqué aux parties jusqu'à droit jugé par le Tribunal dans la présente cause à la suite de l'audience de mesures provisionnelles du 11 septembre 2023, puis à l'annulation de l'ordonnance précitée, cela fait à l'admission de son intervention accessoire dans la procédure en faveur de C______ SA.

S'agissant de ses conclusions préalables, il a fait valoir que le Tribunal devrait rendre prochainement sa décision sur mesures provisionnelles, et que si celles-ci étaient rejetées, sa requête d'intervention n'aurait plus d'intérêt, le recours étant déposé "à des fins conservatoires".

Il a formé de nouveaux allégués (n. 15 à 27).

La Cour a requis des autres parties qu'elles répondent au recours et se déterminent sur la question de la suspension de la procédure.

B______ a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet, du recours, sous suite de frais judiciaires et dépens. Il a conclu au rejet de la requête de suspension de la procédure.

C______ SA a déclaré soutenir "dans son principe", le recours formé par A______ et la requête d'intervention accessoire de celui-ci. Elle s'est rapportée à justice s'agissant de la requête de suspension.

D______ a appuyé les conclusions de recours de A______.

A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Par avis du 13 novembre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.


 

C.           Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants:

a.    C______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois.

Les époux D______ et B______ en sont les actionnaires pour moitié chacun, ainsi que les administrateurs, la première étant présidente et le second secrétaire.

Ils sont au bénéfice chacun d'une signature individuelle, de même que A______, père de D______.

b.   Le 16 juin 2023, B______ a saisi le Tribunal d'une requête de mesures provisionnelles dirigée contre C______ SA (enregistrée sous n° C/12541/2023), par laquelle il a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à celle-ci, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de verser 3'600'000 USD ou tout autre montant en faveur de A______, ainsi que 2'000'000 USD en faveur de D______, tels que décidé par l'assemblée générale de la société du 14 juin 2023.

Il a pris les mêmes conclusions à titre superprovisionnel, ce à quoi le Tribunal a fait droit par ordonnance du 16 juin 2023.

c.    Le 5 juillet 2023, A______ a déposé au Tribunal une requête en intervention accessoire par laquelle il a conclu à l'admission de celle-ci dans la procédure en faveur de C______ SA, à la communication de l'intégralité du dossier, à l'octroi d'un délai pour se déterminer sur la requête de mesures provisionnelles, au rejet de celle-ci, et à la révocation de l'ordonnance du 16 juin 2023, avec suite de frais et dépens.

Il a notamment allégué qu'une assemblée générale 2021 de C______ SA avait eu lieu le 14 juin 2023, lors de laquelle les comptes annuels avaient été adoptés et un "dividende" de 3'650'000 USD "correspondant à l'usufruit" en sa faveur avait été approuvé par D______ et refusé par B______, la première ayant fait "adopter cet usufruit" avec sa voix prépondérante de présidente.

Il a offert en preuve à ce propos une pièce, intitulée "Retranscription de l'enregistrement de l'Assemblée générale extraordinaire des actionnaires tenue l4 juin 2023, déposée par B______, dont il n'a pas allégué le contenu.

Il a fait valoir que B______ entendait "esquiver les obligations contractuelles" qu'il devait respecter, que lui-même était visé par la procédure des mesures provisionnelles puisque celles-ci visaient à faire interdiction à C______ SA de lui verser les montants dus, ce qui fondait son intérêt juridique, et qu'il disposait d'actifs immobiliers, en son nom ou au travers d'une société anonyme dont il était seul actionnaire, évalués selon lui à un montant de l'ordre de trente millions de francs au total, de sorte qu'en tout état il n'existait pas de risque de recouvrement.

d.   Le 27 juillet 2023, C______ SA, sous la signature de D______, a conclu d'une part au rejet de la requête de mesures provisionnelles, d'autre part notamment à l'admission de la requête d'intervention de A______, sans se déterminer sur les allégués de ces requêtes.

e.    D______, qui avait requis d'être admise comme intervenante à la procédure, a conclu à l'admission de la requête d'intervention de A______.

B______ a conclu au refus de l'intervention accessoire de A______, avec suite de frais et dépens.

f.     Par ordonnance du 21 août 2023, le Tribunal a admis l'intervention accessoire de D______.

g.    Par ordonnance du 22 août 2023, le Tribunal a annoncé qu'il garderait à juger la requête d'intervention de A______ dans un délai de cinq jours dès communication des écritures aux parties.

h.   Le 4 septembre 2023, le Tribunal a joint à la présente cause la procédure C/15292/2023.

Celle-ci a été initiée par requête de B______ du 24 juillet 2023, est dirigée contre C______ SA et contre D______.

B______ a conclu, à titre provisionnel, à ce qu'il soit fait interdiction à C______ SA de tenir l'assemblée générale du 27 juillet 2023 portant sur les points 1 à 4 de la convocation du 29 juin 2023, à ce qu'il soit fait interdiction à D______, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, de présider l'assemblée générale de C______ SA du 27 juillet 2023, de voter en faveur du point 1 de la convocation du 29 juin 2023, soit la modification des articles 5, 35bis et 37bis des statuts de cette société, ainsi qu'en faveur du point 4 de ladite convocation, soit la distribution d'un dividende de 1'669'493,2 USD à A______, de s'opposer à la réélection de B______ en qualité d'administrateur, et d'utiliser "sa prétendue voix prépondérante", sous suite de frais et dépens.

Il a pris les mêmes conclusions à titre superprovisionnel.

Par ordonnance du 24 juillet 2023, le Tribunal a fait droit à la requête en ce qui concerne les votes de D______ en faveur des points 1 et 4 de la convocation du 29 juin 2023, et l'a rejetée pour le surplus.

Le 3 août 2023, A______ a déposé au Tribunal une requête en intervention accessoire par laquelle il a conclu à l'admission de celle-ci dans la procédure en faveur de C______ SA, à la communication de l'intégralité du dossier, à l'octroi d'un délai pour se déterminer sur la requête de mesures provisionnelles, au rejet de celle-ci, et à la révocation de l'ordonnance du 24 juillet 2023, avec suite de frais et dépens. Il a également conclu à la jonction de la cause à la procédure C/12541/2023.

Il a fait valoir les mêmes arguments que ceux développés dans sa requête d'intervention accessoire formulée dans le cadre de la procédure C/12541/2023.

D______ a conclu à l'admission de la requête d'intervention accessoire et de jonction.

B______ a conclu au rejet de la requête d'intervention accessoire, avec suite de frais et dépens. Il s'est rapporté à justice s'agissant de la requête de jonction.

EN DROIT

1. 1.1 L'art. 75 al. 2 CPC prévoit que la décision sur la requête en intervention peut faire l'objet d'un recours. Le délai est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).

Le présent recours, qui respectes les conditions légales précitées, est ainsi recevable.

1.2 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.3 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les allégués nouvellement formés dans le recours ne sont dès lors pas recevables.

2. Le recourant a fondé ses conclusions en suspension de l'instruction de son recours, et en non communication du recours qui en procédait, sur la circonstance que ce recours serait sans objet dès droit jugé par le Tribunal sur mesures provisionnelles, décision attendue "prochainement".

Il n'y sera pas fait droit, l'opportunité (cf art. 126 CPC) ne le commandant pas, étant précisé que la Cour examine d'office si le recourant dispose d'un intérêt à agir (cf. art. 59 al. 1 et 2 let. a et art. 60 CPC).

3. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'il disposait d'un intérêt à recevoir un "usufruit contractuel", mais n'avait pas de droits sociaux à faire valoir, n'étant ni actionnaire ni administrateur de la société anonyme intimée.

3.1 Aux termes de l'art. 74 CPC, qui règle l'intervention accessoire (Nebenintervention), quiconque rend vraisemblable un intérêt juridique à ce qu'un litige pendant soit jugé en faveur de l'une des parties peut en tout temps intervenir à titre accessoire et présenter au tribunal une requête d'intervention à cet effet.

L'intervention accessoire est possible en procédure sommaire (art. 248 ss CPC), singulièrement pendant une procédure de mesures provisionnelles (art. 261 ss cum art. 248 let. d CPC; ATF 143 III 140 consid. 4.1.1).

Par définition, l'intervenant accessoire ne fait pas valoir des prétentions propres, mais soutient les conclusions d'une des parties principales, qu'il a intérêt à voir triompher. Il doit rendre vraisemblable un intérêt juridique à ce que la partie aux côtés de laquelle il veut intervenir ait gain de cause. La requête d'intervention accessoire doit toutefois comprendre un exposé du motif de l'intervention. Singulièrement, les faits fondant l'intérêt juridique à intervenir doivent être allégués, le cas échéant preuves à l'appui.

Hormis la capacité d'être partie (Parteifähigkeit) et d'ester en justice (Prozessfähigkeit), la condition essentielle requise pour intervenir est ainsi celle de rendre vraisemblable un intérêt juridique (rechtliches Interesse) à ce que le litige pendant soit jugé en faveur de l'une des parties. Un intérêt purement factuel ou économique ne suffit pas. L'intervenant a un intérêt juridique lorsqu'en cas de perte du procès, ses propres droits peuvent être lésés ou compromis; le jugement à intervenir doit donc influer sur les droits et obligations de l'intervenant. Il n'est en revanche pas nécessaire qu'il y ait une relation juridique entre l'intervenant et la partie à soutenir ou la partie adverse, et l'intérêt à l'intervention peut ainsi être immédiat ou médiat, selon que le jugement est automatiquement opposable à l'intervenant ou non (ATF 143 III 140 consid. 4.1.2).

Lorsqu'il contrôle l'admissibilité de l'intervention accessoire, le juge se borne à vérifier (d'office) que l'intervenant rend vraisemblable (glaubhaft) son intérêt juridique à intervenir. Pour admettre la vraisemblance de l'intérêt juridique, il suffit qu'il existe une certaine probabilité, fondée sur des indices objectifs qu'il appartient à l'intervenant de fournir, que ses droits sont susceptibles d'être lésés en cas de perte du procès, sans que la possibilité que tel ne puisse pas être le cas soit pour autant exclue (ATF 143 III 140 consid. 4.1.2).

3.2 En l'occurrence, le recourant se prévaut de ce qu'il est visé par les conclusions des requêtes de mesures provisionnelles. Ce constat est exact, en ce sens que ces mesures tendent, pour la première, à interdire à une société anonyme, dont il n'est ni actionnaire ni membre du conseil d'administration d'effectuer une prestation dont il bénéficierait, pour la seconde – en partie - à interdire à une administratrice de la société anonyme de voter la décision relative à cette prestation. L'intérêt économique du recourant est ainsi vraisemblable, mais ne suffit pas pour admettre une intervention accessoire.

Il faut encore que le juge puisse retenir la vraisemblance d'un intérêt juridique. Il lui incombe de vérifier d'office cette condition, ce qui suppose que les faits fondant cette vraisemblance doivent être allégués dans la requête d'intervention. Or, le recourant s'est abstenu de telles allégations, se limitant à évoquer une approbation de "dividende " correspondant à un usufruit en sa faveur, sans autres détails sur l'origine de ce droit prétendu. Les allégués nouveaux qu'il a formés à ce propos dans le cadre de son recours sont irrecevables; l'argumentation qu'il développe pour la première fois devant la Cour repose sur ces allégués nouveaux, de sorte qu'il n'y a pas à s'y arrêter.

Ainsi, le grief dirigé contre la décision attaquée est infondé. Le recours sera dès lors rejeté.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires de son recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 2'400 fr. (art. 13, 41 RFTMC), compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il versera en outre à l'intimé, seule partie à avoir conclu en ce sens, 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 20 septembre 2023 par A______ contre l'ordonnance OTPI/554/2023 rendue le 8 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12541/2023– 25 SP.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toute autre conclusion de recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 2'400 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.