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Décisions | Sommaires

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C/1748/2023

ACJC/1525/2023 du 13.11.2023 sur OTPI/431/2023 ( SP ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1748/2023 ACJC/1525/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2023

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 juin 2023, représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (Luxembourg), intimé, représenté par
Me Fabrice COLUCCIA, avocat, Etude de Me BERSIER, quai Gustave-Ador 4, case postale 3082, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/431/2023 du 26 juin 2023, reçue par les parties le 29 juin 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête [d'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs formée par A______ SARL contre B______] (ch. 1 du dispositif), révoqué en conséquence l'ordonnance rendue le 3 février 2023 sur mesures superprovisionnelles (ch. 2), dit que les chiffres 1 et 2 du dispositif ne seraient exécutoires qu'après l'expiration du délai d'appel, et, en cas d'appel, pour autant que l'effet suspensif n'ait pas été accordé (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., mis à la charge de A______ SARL et compensés avec l'avance de frais fournie par celle-ci (ch. 4), condamné A______ SARL à verser à B______ un montant de 1'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte déposé le 10 juillet 2023 à la Cour de justice, A______ SARL a formé appel de cette ordonnance, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour (i) maintienne l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 173'494 fr. 36 avec intérêts à 5% dès le 4 novembre 2022 sur le bien-fonds n° 1______ sis route 2______ no. ______, [code postal] C______ [GE], propriété de B______, (ii) impartisse à A______ SARL un délai de quatre mois pour ouvrir action au fond et dise que l'inscription provisoire resterait valable jusqu'à l'expiration de ce délai, ou, en cas d'action au fond, jusqu'à l'échéance d'un délai de soixante jours après l'entrée en force du jugement au fond, (iii) dise, en cas de rejet de l'appel, que l'inscription provisoire serait maintenue pendant quarante jours afin de permettre à A______ SARL "d'obtenir un effet suspensif de l'autorité de recours", (iv) dispense A______ SARL de fournir des sûretés et (v) déboute B______ de toute autre conclusion. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle a produit une pièce nouvelle.

b. Par arrêt du 17 juillet 2023, la Cour a admis la requête de A______ SARL tendant à suspendre l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance attaquée, en ce sens que l'inscription au Registre foncier opérée à titre provisoire par ordonnance du Tribunal du 3 février 2023 demeurerait en vigueur jusqu'à droit jugé sur l'appel, et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Dans sa réponse du 21 juillet 2023, B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance attaquée, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal afin qu'il ordonne au Conservateur du Registre foncier de radier l'inscription provisoire de l'hypothèque légale grevant le bien-fonds n° 1______ sis route 2______ no. ______ et condamne A______ SARL en tous les frais de radiation de cette inscription, le tout sous suite de frais et dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

B______ a produit deux pièces nouvelles.

e. Les parties ont encore déposé des déterminations spontanées les 31 août et 14 septembre 2023.

f. La cause a été gardée à juger le 5 octobre 2023, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______, sur laquelle est érigée une villa sise à la rue 2______ no. ______.

b. D______ SARL, société inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2021, a pour but l'exploitation d'une entreprise dans le domaine de la rénovation, la démolition, la plâtrerie, la peinture, les revêtements sols et murs, les faux-plafonds et cloisons amovibles.

E______ en est l'associé directeur avec pouvoir de signature individuelle.

c. A______ SARL, société inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2016, a pour but "tous travaux liés au second œuvre, rénovation, transformation, gypserie, peinture, maçonnerie légère, revêtement de sols, travail général d'isolation, faux plafonds, cloisons, planchers techniques, etc. ainsi que tous travaux de démolition".

F______ en est le gérant avec pouvoir de signature individuelle.

d. Dans le courant de l'année 2021, B______ a confié à D______ SARL la réalisation de divers travaux de plâtrerie, pose de faux-plafonds et peinture dans sa villa située à C______. Selon un devis daté du 26 juillet 2021, le montant total de ces travaux a été arrêté à 257'575 fr. TTC.

Les travaux ont commencé en juin 2021 et l'ouvrage a été livré en octobre 2022.

e. Sur la base d'une offre n° 5______/21 du 1er juin 2021 faisant état d'un prix global de 111'342 fr. 41 TTC, D______ SARL a sous-traité à A______ SARL l'exécution de travaux de plâtrerie, pose de faux-plafonds et peinture.


 

f. En lien avec son activité sur le chantier, qui a débuté en juin 2021, A______ SARL a adressé trois factures à D______ SARL, à savoir :

- une facture n° 4______ du 21 juillet 2022 d'un montant de 9'316 fr. 05 TTC;

- une facture n° 6______ du 5 septembre 2022 d'un montant de 140'027 fr. 77 TTC pour des "travaux supplémentaires";

- une facture n° 7______ du 4 octobre 2022 d'un montant de 175'564 fr. HT, sous déduction d'un acompte versé de 153'140 fr. 10, soit un solde à payer de 24'150 fr. 54 TTC.

g. Dans l'intervalle, par courriel du 22 juillet 2022 B______ s'est plaint auprès de E______ de malfaçons constatées en lien avec les travaux réalisés par A______ SARL dans la salle de bains. Il a demandé à E______ d'aviser la précitée qu'elle "n'a[vait] pas intérêt à remettre les pieds sur [le] chantier".

h. Par courriel du 4 octobre 2022, F______ a demandé à E______ de faire le nécessaire pour que les factures de A______ SARL soient réglées dans les meilleurs délais. Il a ajouté : "Samedi [1er octobre 2022] comme convenu, j'ai envoyé [deux employés de A______ SARL] sur place pour vous expliquer ce qui restait à faire, mais vous n'étiez pas là malheureusement et sans aucune nouvelle de votre part. Je reste bien évidemment à votre entière disposition pour tout complément d'informations".

Par courriel du même jour, E______ a répondu : "Pour samedi, n'ayant pas eu de nouvelles de votre part, il m'a semblé que le rdv était annulé, de plus ayant reçu des menaces de votre part, le client ne laisse plus d'accès à sa maison". E______ a contesté les montants facturés par A______ SARL, évoquant un problème de métrés s'agissant de la facture n° 7______, des tarifs "abusifs" s'agissant de la facture n° 6______ et des malfaçons s'agissant de la facture n° 4______. Il a en outre reproché à A______ SARL d'avoir abandonné le chantier le 31 août 2022 "sans même prévenir", alors que D______ SARL lui avait versé un acompte de 22'540 fr. le 22 août 2022, ce qui avait contraint cette dernière à "remettre des équipes pour achever les travaux non terminés, comme toutes les fois où [A______ SARL n'était] pas venu[e] sur le chantier".

i. Par courriel du 11 novembre 2022, E______ a informé F______ que B______ l'avait récemment contacté car des fissures étaient apparues à plusieurs endroits, ce qui était inquiétant dans la mesure où les travaux effectués par A______ SARL étaient "très récents".

j. En novembre et décembre 2022, F______ a relancé E______ au sujet des factures impayées de A______ SARL. Dans un message WhatsApp du 19 décembre 2022, E______ a indiqué à F______ que "le client (…) allait faire le paiement très rapidement", ce qu'il a confirmé le 22 décembre 2022 : "Nous avons terminé les retouches. Le client doit me faire le versement je te paye aussitôt".

k. Par acte déposé devant le Tribunal le 3 février 2023, A______ SARL a formé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à hauteur de 173'494 fr. 36 avec intérêts à 5% dès le 4 novembre 2022 sur la parcelle n° 1______ dont B______ était propriétaire à C______, avec suite de frais et dépens. A______ SARL a également conclu à ce qu'un délai de quatre mois lui soit imparti pour ouvrir une action au fond, l'inscription provisoire demeurant valable jusqu'à l'expiration de ce délai, et à ce que le Tribunal la dispense de fournir des sûretés.

A______ SARL a allégué que les derniers travaux effectués par ses soins avaient été réalisés entre le 4 et le 10 octobre 2022, de sorte que le délai légal de quatre mois pour requérir l'inscription provisoire de l'hypothèque légale avait été respecté.

l. Par ordonnance du 3 février 2023, le Tribunal a fait droit à la requête à titre superprovisionnel. Il a par ailleurs fixé un délai au 6 mars 2023 à B______ pour se déterminer par écrit et fixé le même délai à A______ SARL pour produire "l'attestation d'inscription provisoire de l'hypothèque légale".

Le délai fixé à B______ pour se déterminer a été prolongé au 21 avril 2023, les parties ayant initié des pourparlers qui n'ont toutefois pas abouti.

m. Dans sa réponse du 21 avril 2023, B______ a conclu au rejet de la requête et à la radiation de l'inscription provisoire de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, sous suite de frais et dépens.

Il a allégué que D______ SARL avait sous-traité des travaux à A______ SARL sans son accord. Par courriel du 22 juillet 2022, il avait informé E______ que cette société devait se retirer immédiatement du chantier. A______ SARL avait quoi qu'il en soit abandonné le chantier le 31 août 2022 au plus tard, ce qui avait contraint D______ SARL à terminer elle-même les travaux. Plusieurs professionnels ayant œuvré sur le chantier avaient attesté du fait que A______ SARL n'était plus intervenue dans la villa entre le 1er septembre 2022 et le 5 octobre 2022, date de livraison de l'ouvrage. Or, dans la mesure où l'inscription provisoire de l'hypothèque légale avait été opérée le 3 février 2023 (à cet égard, B______ a produit un courrier du Registre foncier du 10 février 2023 l'informant qu'une hypothèque légale avait été annotée sur sa parcelle, au profit de A______ SARL, selon "réquisition Pj.3______ du 03.02.2023"), le délai prévu à l'art. 839 al. 2 CC était largement échu lors du dépôt de la requête. Au surplus, A______ SARL n'avait pas rendu vraisemblable sa prétendue créance, étant relevé que son offre du 1er juin 2021 mentionnait un prix global de 111'342 fr. 41 TTC, soit un montant largement couvert par les acomptes versés par D______ SARL, que les travaux effectués par A______ SARL étaient défectueux et que celle-ci avait appliqué des tarifs surfaits tout en facturant des prestations qui n'avaient été ni commandées ni réalisées.

n. A______ SARL a répliqué, faisant valoir que son intervention sur le chantier s'était poursuivie jusqu'en octobre 2022, ce qui ressortait notamment des photographies qu'elle avait versées au dossier. Les travaux étaient encore inachevés le 3 octobre 2022, de sorte que le délai légal avait été respecté.

o. Les parties se sont encore déterminées par écrit les 12, 16, 24 et 30 mai 2023, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

p. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a retenu que A______ SARL n'avait pas produit l'attestation d'inscription provisoire de l'hypothèque légale – en dépit du délai qui lui avait été imparti pour ce faire –, de sorte qu'on ignorait si et quand l'inscription requise avait été opérée au Registre foncier. Il était dès lors superflu de déterminer avec précision quand les derniers travaux avaient été réalisés et s'ils avaient effectivement été commandés par B______. En effet, même à retenir l'hypothèse la plus favorable à A______ SARL, soit celle selon laquelle des travaux auraient encore eu lieu le 10 octobre 2022, la précitée échouait à rendre vraisemblable que le délai de quatre mois pour obtenir l'inscription de l'hypothèque légale avait été respecté, puisque ce délai était "aujourd'hui largement dépassé". La requête devait donc être rejetée et l'ordonnance du 3 février 2023 révoquée.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appel a été interjeté en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 et 311 al. 1 CPC), et porte sur des conclusions supérieures à 10'000 fr.

Il est donc recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale étant soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. d et 249 let. d ch. 5 CPC), elle peut s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_297/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Le procès est soumis à la maxime des débats (art. 55 cum 255 CPC a contrario; arrêt du Tribunal fédéral 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.2; cf. infra consid. 2.2).

1.3 Les parties ont produit des pièces nouvelles devant la Cour.

1.3.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

S'agissant des vrais nova, soit les faits et moyens de preuve postérieurs à la fin des débats principaux de première instance (cf. art. 229 CPC), ils sont en principe toujours admissibles en appel, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Quant aux pseudo nova, soit les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au début des délibérations de première instance, leur admissibilité est largement limitée en appel: ils sont irrecevables lorsque le plaideur aurait déjà pu les introduire dans la procédure de première instance s'il avait été diligent (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 4.1).

Le plaideur qui fait valoir des pseudo nova devant l'instance d'appel doit exposer précisément les raisons pour lesquelles il ne les a pas invoqués en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1 p. 351).

1.3.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites en appel portent sur des faits survenus avant la clôture des débats de première instance, sans que les parties explicitent en quoi elles auraient été empêchées de s'en prévaloir devant le Tribunal.

Ces pièces sont donc irrecevables.

2. L'appelante reproche au premier juge d'avoir fait preuve d'arbitraire en rejetant sa requête, au motif qu'elle n'avait pas démontré que l'hypothèque légale avait été annotée au Registre foncier en temps utile.

2.1 L'art. 837 al. 1 ch. 3 CC prévoit un droit à l'inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. L'inscription peut être requise dès le moment de la conclusion du contrat (art. 839 al. 1 CC) et doit être obtenue, à savoir opérée au registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC). Il s'agit d'un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu, mais il peut être sauvegardé par l'annotation d'une inscription provisoire (ATF 126 III 462 consid. 2c/aa; arrêt du Tribunal fédéral 5A_518/2020 du 22 octobre 2020 consid. 3.1 et les autres références).

Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l'objet du contrat d'entreprise ont été exécutés et que l'ouvrage est livrable. Ne sont considérés comme travaux d'achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d'entreprise et du descriptif, non les prestations commandées en surplus sans qu'on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat. Des travaux de peu d'importance ou accessoires différés intentionnellement par l'artisan ou l'entrepreneur, ou bien encore des retouches (remplacement de parties livrées mais défectueuses, correction de quelque autre défaut) ne constituent pas des travaux d'achèvement (ATF 102 II 206 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_518/2020 précité et les références).

Selon l'art. 961 al. 3 CC, le juge statue sur la requête et autorise l'inscription provisoire si le droit allégué lui paraît exister. Vu la brièveté et la nature péremptoire du délai de l'art. 839 al. 2 CC, l'inscription provisoire de l'hypothèque légale ne peut être refusée que si l'existence du droit à l'inscription définitive du droit de gage paraît exclue ou hautement invraisemblable. Le juge tombe dans l'arbitraire lorsqu'il rejette la requête en présence d'une situation de fait ou de droit mal élucidée, qui mérite un examen plus ample que celui auquel il peut procéder dans le cadre d'une instruction sommaire; en cas de doute, lorsque les conditions de l'inscription sont incertaines, il doit ordonner l'inscription provisoire (ATF 102 Ia 81 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.3 et la jurisprudence citée).

2.2 Dans les procès soumis à la maxime des débats, les parties supportent le fardeau de l'allégation subjectif des faits pertinents (art. 55 al. 1 CPC), le juge n'ayant qu'un devoir d'interpellation limité selon l'art. 56 CPC. Cette maxime délimite les rôles respectifs, d'une part, des parties et, d'autre part, du juge. Il incombe donc aux parties, et non au juge, de réunir les éléments du procès. Le juge peut ainsi se baser, pour statuer, sur tous les faits allégués par les parties, sans égard à la personne de l'allégant (demandeur ou défendeur); autrement dit, il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_560/2020 du 27 septembre 2021 consid. 5.1.1 et les références citées).

La partie qui supporte le fardeau de la preuve selon l'art. 8 CC supporte – sauf exceptions – également le fardeau de l'allégation objectif. Si un fait pertinent n'a pas été allégué par elle ou par sa partie adverse, il ne fait pas partie du cadre du procès et le juge ne peut pas en tenir compte, ni ordonner l'administration de moyens de preuve pour l'établir. La partie qui supporte les fardeaux de l'allégation objectif et de la preuve d'un fait supporte l'échec de l'allégation, respectivement de la preuve de ce fait. Cette partie a donc toujours intérêt à alléguer elle-même tous les faits justifiant sa prétention, ainsi qu'à indiquer au juge les moyens propres à les établir. Autrement dit, elle ne devrait pas compter sur le fait que sa partie adverse le fasse à sa place. Si toutefois, celle-ci le fait, les allégués font alors partie du cadre du procès sur lequel le juge doit se baser pour rendre son jugement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_560/2020 précité consid. 5.1.2 et les références citées).

2.3 En l'occurrence, c'est à bon droit que l'appelant fait grief au Tribunal d'avoir versé dans l'arbitraire en rejetant sa requête, au seul motif qu'elle n'avait pas produit "l'attestation d'inscription provisoire de l'hypothèque légale" mentionnée dans l'ordonnance du 3 février 2023 (cf. supra EN FAIT, let. C. let. l).

Ce faisant, le premier juge a manifestement perdu de vue que l'appelante avait été en mesure d'établir la date à laquelle l'hypothèque légale avait été annotée au Registre foncier dans le cas d'espèce. Sur ce point, en effet, les parties s'accordent pour dire que l'inscription provisoire de l'hypothèque légale a été opérée le 3 février 2023. Cela ressort sans équivoque de leurs allégués concordants et des pièces produites à l'occasion des débats de première instance, en particulier du courrier que le Registre foncier a adressé à l'intimé le 10 février 2023. Il s'agit donc d'un fait admis, régulièrement introduit dans le cadre du présent procès, ce que l'intimé a du reste confirmé devant le Cour.

Il suit de là que le raisonnement du Tribunal – qui a considéré que, même à retenir la thèse selon laquelle des travaux auraient encore eu lieu le 10 octobre 2022, l'appelante échouait à rendre vraisemblable que le délai fixé à l'art. 839 al. 2 CC aurait été respecté dans le cas concret – est erroné. En effet, si l'on devait retenir cette thèse, il conviendrait alors d'admettre que le délai légal de quatre mois est arrivé à échéance le 10 février 2023 et, partant, que l'inscription provisoire de l'hypothèque opérée le 3 février 2023 l'a été en temps utile.

En conséquence, le Tribunal ne pouvait pas, pour ce motif, rejeter la requête de mesures provisionnelles formée par l'appelante.

2.4 L'ordonnance entreprise sera dès lors annulée.

Dans la mesure où le Tribunal n'a pas examiné les autres conditions posées par les art. 837 ss CC, et dans le respect du principe du double degré de juridiction (art. 75 al. 2 LTF), la cause lui sera renvoyée pour nouvelle décision (art. 318 al. 1 let. c).

Il sera en outre relevé que lorsqu'un appel dirigé contre des mesures provisionnelles est admis et que, comme en l'espèce, la décision attaquée est annulée et la cause renvoyée au premier juge pour nouvelle décision, la procédure se trouve ramenée au stade où elle se trouvait juste avant que la décision annulée soit rendue, c'est-à-dire à un stade où les mesures superprovisionnelles sont encore en vigueur. L'annulation de la décision de mesures provisionnelles fait ainsi renaître les mesures superprovisionnelles (ATF 139 III 86 consid. 1.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_178/2011 du 28 juin 2011 consid. 4, non publié aux ATF 137 III 324).

3. La cause lui étant renvoyée, il appartiendra au Tribunal de statuer sur les frais et dépens de première instance dans la nouvelle décision qu'il rendra.

Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'400 fr. (art. 26, 35 et 37 RTFMC), seront laissés à la charge de l'Etat de Genève au vu de l'issue du litige (art. 107 al. 2 CPC) et l'avance de frais effectuée par l'appelante lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens d'appel dans la mesure où l'art. 107 al. 2 CPC permet uniquement de mettre à la charge du canton les frais judiciaires, conformément à son texte qui ne mentionne que ceux-ci, à l'exclusion des dépens (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2014 du 14 août 2014 consid. 4.1).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 juillet 2023 par A______ SARL contre l'ordonnance OTPI/431/2023 rendue le 26 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1748/2023-16-SP.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'400 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SARL l'avance de frais de 1'400 fr. qu'elle a versée.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.