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Décisions | Sommaires

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C/5142/2023

ACJC/1308/2023 du 04.10.2023 sur JTPI/7187/2023 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.80
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5142/2023 ACJC/1308/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 4 OCTOBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 juin 2023, représenté par Me E______, avocat,

et

L'ETAT DE GENEVE, Service du contentieux de l'Etat, rue du Stand 15, case postale 3937, 1211 Genève 3, intimé.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7187/2023 du 19 juin 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), condamné ce dernier à verser
200 fr. de frais judiciaires à l'ETAT DE GENEVE (ch. 2 et 3) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).

Ce jugement a été notifié par erreur à A______ personnellement et non à son avocat. Ce dernier l'a reçu le 12 juillet 2023.

B. a. Le 17 juillet 2023, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour l'annule et déboute l'ETAT DE GENEVE de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

b. L'ETAT DE GENEVE a conclu à ce que la Cour déclare le recours irrecevable, subsidiairement le rejette, avec suite de frais et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles.

c. Les parties ont été informées le 22 septembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 12 octobre 2022, l'ETAT DE GENEVE a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 2'325 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 11 avril 2020 au titre de "Facture 2______ du 12 mars 2020 – Taxe LRDBHD 2019 du 1er janvier au 30 septembre 2019. Etablissement à l'enseigne B______ sis rue 3______ no. ______ à Genève (…)". Opposition a été formée à ce commandement de payer.

b. Le 10 mars 2023, l'ETAT DE GENEVE a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée de cette opposition. Il a produit à l'appui de sa requête, outre la copie du commandement de payer, les documents suivants :

- Une facture du 12 mars 2020 en 2'325 fr. au titre de "Taxe LRDBHD 2019 du
1er janvier au 30 septembre 2019 Etablissement à l'enseigne B______ sis rue 3______ no. ______ à Genève" adressée à C______ SA, no. ______ rue 4______, [code postal] D______ [GE].

- Une lettre adressée à A______ par courrier A+, datée du
30 mars 2022 et intitulée "Mise en demeure taxes LRDBHD 2018 et 2019 - Etablissement B______" par lequel l'ETAT DE GENEVE indiquait remettre au destinataire les mises en demeures adressées à C______ SA pour les taxes LRDBHD impayées en sa qualité d'ancien exploitant de l'établissement B______. A______ était sommé de payer les factures en 5'425 fr. dans les 5 jours, frais de rappel en sus. Il était précisé que les factures précitées étaient assimilées à un jugement exécutoire au sens des art. 80 LP et 55 LPA et que la "présente décision" pouvait faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice dans les 30 jours.

- Un document intitulé "Attestation d'exigibilité de la créance" par lequel le secteur comptabilité de l'OCIRT attestait "qu'à sa connaissance" la décision administrative du 30 mars 2022 et la facture valant décision administrative du
12 mars 2020 n'avaient fait l'objet d'aucun recours auprès de "l'organe" compétent.

c. Lors de l'audience du Tribunal du 19 juin 2023, A______, représenté par son avocat, a conclu au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions. Le procès-verbal de l'audience mentionne que l'avocat a plaidé, mais les arguments invoqués n'ont pas été retranscrits au procès-verbal.

L'ETAT DE GENEVE n'était ni présent, ni représenté à l'audience.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de celle-ci.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée
(art. 251 let. a CPC et 321 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, la décision litigieuse a été reçue le 12 juillet 2023 par l'avocat du recourant. Le recours a dès lors été déposé dans le délai de dix jours, de sorte qu'il est recevable.

1.3 Les pièces nouvelles produites par l'intimé sont irrecevables en application de l'art. 326 al. 1 CPC.

2. Le Tribunal a retenu que la pièce produite par l'intimé était un titre de mainlevée définitive de l'opposition.

Le recourant fait valoir qu'il n'a jamais reçu de la part de l'intimé de décision ou de mise en demeure portant sur la somme de 2'325 fr., de sorte que les documents produits ne valent pas titre de mainlevée. Le Tribunal avait en outre violé son droit d'être entendu car il ne s'était pas prononcé sur cet argument, soulevé lors de l'audience.

2.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l’opposition. Les décisions des autorités administratives suisses sont assimilées à des jugements (art. 80 al. 2 LP).

Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l’opposition, à moins que l’opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu’il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu’il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

Les décisions qui n'ont pas été valablement notifiées à la personne concernée ne déploient pas d'effets juridiques et n'acquièrent pas force exécutoire. L'autorité supporte le fardeau de la preuve de la notification lorsqu'il est contesté que cette dernière ait bien eu lieu. En l'absence d'accusé de réception, cette preuve peut résulter d'indices ou de l'ensemble des circonstances, par exemple d'un échange de courriers ou de l'absence de protestation à une mise en demeure. Encore faut-il que cette mise en demeure se réfère à la décision invoquée à titre de mainlevée. L'extrait de suivi d'un envoi en courrier "A Plus" constitue également un indice de notification régulière mais ne suffit pas à prouver la réception par le destinataire (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 147 ad art. 80 LP).

2.2 En l'espèce, le recourant affirme avoir fait valoir, lors de l'audience du Tribunal, qu'il n'avait reçu aucune décision en lien avec la facture dont l'intimé se prévaut. Ce dernier ne conteste pas que cet argument a été soulevé lors de l'audience.

Or, l'intimé n'a pas établi que la mise en demeure qu'il a adressée au recourant
30 mars 2022 a été reçue par celui-ci. Il n'a notamment pas produit l'extrait de suivi de cet envoi.

L'intimé n'a pas non plus démontré que la facture du 12 mars 2020 a été reçue par le recourant. L'exemplaire de cette facture figurant au dossier porte d'ailleurs l'adresse d'un tiers.

Le fait que le recourant "n'était pas facile à atteindre" ou que les "établissements ont changé de nom et de siège", comme le soutient l'intimé, est dénué de pertinence dans ce cadre.

A cela s'ajoute que le montant figurant dans la mise en demeure ne correspond ni à celui mentionné dans la facture du 12 mars 2020, ni à celui indiqué dans le commandement de payer.

Il résulte de ce qui précède que l'intimé n'a pas prouvé qu'il disposait d'un titre de mainlevée définitive de l'opposition formée par le recourant au commandement de payer litigieux.

Le jugement querellé sera par conséquent annulé, l'intimé étant débouté de toutes ses conclusions.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si le droit d'être entendu du recourant a été violé par le Tribunal.

3. L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 200 fr. et ceux de recours à 300 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP). Ils seront compensés avec les avances versées, soit 200 fr. par l'intimé et 300 fr. par le recourant (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera condamné à verser 300 fr. au recourant au titre des frais judiciaires des deux instances.

Les dépens dus au recourant seront fixés à 500 fr. pour la première instance et à 400 fr. pour la seconde, TVA et débours compris (art. 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC), montants que l’intimé sera condamné à verser au recourant.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/7187/2023 rendu le 19 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5142/2023-13 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Déboute l'ETAT DE GENEVE des fins de sa requête de mainlevée de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de l'ETAT DE GENEVE les frais judiciaires de première et seconde instances arrêtés à 500 fr. au total et compensés avec les avances versées
(art. 111 al. 1 CPC).

Condamne l'ETAT DE GENEVE à verser 300 fr. à A______ au titre des frais judiciaires.

Condamne l'ETAT DE GENEVE à verser à A______ 900 fr. de dépens de première et seconde instances.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.