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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5662/2022

ACPR/273/2024 du 22.04.2024 sur OTCO/26/2024 ( TCO ) , ADMIS

Descripteurs : EXÉCUTION ANTICIPÉE DES PEINES ET DES MESURES
Normes : CPP.236

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5662/2022 ACPR/273/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l’ordonnance de refus d’exécution anticipée de peine rendue le 27 mars 2024 par le Tribunal correctionnel,

et

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 8 avril 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 mars 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal correctionnel (ci-après : TCO) a refusé sa demande d’exécution anticipée de peine privative de liberté (art. 236 CPP).

Le recourant conclut à la mise à néant de cette ordonnance et à ce que l’exécution anticipée de peine privative de liberté soit ordonnée.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a été arrêté le 11 mars 2022. Sa mise en détention provisoire a été régulièrement prolongée par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC), de même que sa détention pour des motifs de sûreté, en dernier lieu à la suite des débats devant le TCO les 14 et 15 mars 2024, par ordonnance du 18 mars 2024.

b. Selon le dispositif du jugement du TCO du 18 mars 2024, A______ a été acquitté des chefs de pornographie (art. 197 al. 5 CP), de séquestration et enlèvement (art. 183 ch. 1 al. 1 CP), de contrainte (art. 181 CP) et de menaces (art. 180 al. 1 CP), mais reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), de viol (art. 190 al. 1 CP), d'inceste (art. 213 al. 1 CP), d'exhibitionnisme (art. 194 al. 1 CP), de pornographie (art. 197 al. 1 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP) et condamné notamment à une peine privative de liberté de 8 ans, sous déduction de 739 jours de détention avant jugement. Le TCO a ordonné que A______ soit soumis à un traitement ambulatoire (art. 63 CP).

c. Par acte d'accusation du 2 novembre 2023, le Ministère public l'avait renvoyé en jugement pour avoir notamment, en substance, au domicile familial, à des dates indéterminées, mais à tout le moins en 2021 et 2022, à réitérées reprises :

-       commis des actes sexuels et des actes d'ordre sexuel sur son fils D______, né le ______ 2018 et sa fille E______, née le ______ 2016, à tout le moins en introduisant son sexe dans leur bouche respective, et contraint E______ à subir l'acte sexuel en pénétrant son vagin totalement ou partiellement avec son pénis en érection ;

-       rendu accessible à ses enfants D______ et E______, alors âgés de 4 et 5 ans environ, de la pornographie qu'il visionnait à son domicile en se masturbant et sans prendre les précautions nécessaires pour qu'ils ne le surprennent plus dans ces activités ;

-       de concert avec son épouse F______, fait vivre ses enfants D______ et E______, dans un appartement insalubre, mettant en danger leur développement physique, violant ainsi leurs devoirs d'assister et d'élever leurs enfants mineurs.

d. Durant l'enquête, A______ a admis l'état d'insalubrité de l'appartement familial et avoir été surpris par ses enfants, à plusieurs reprises, alors qu'il regardait des films pornographiques; il leur avait expliqué les scènes tout en laissant le film continuer à se dérouler devant eux, le temps de ses explications. Seule sa fille l'avait vu se masturber. Il a contesté les autres actes décrits par ses enfants.

Devant le TCO, alors qu’il lui était demandé comment concevoir que des enfants de 4 ans et presque 6 ans inventent et soutiennent un mensonge en commun pendant plusieurs mois et même années, il a répondu qu’il ne savait pas, n’était pas dans leur tête […] et que ses enfants « étaient très intelligents, inventifs et savaient bien s’exprimer […] ». À la question de savoir ce qu’il dirait à ses enfants s’ils étaient présents à l'audience, il a répondu qu’il leur demanderait pourquoi ils avaient dit ça et comment il en était arrivé là. Il contestait le diagnostic de pédophilie.

e. Divers enseignants, assistants socio-éducatifs et éducateurs ont été entendus durant l’enquête sur les confidences faites par les enfants D______/E______ au sujet des comportements de leur père faisant l'objet de la prévention.

Devant le TCO, la curatrice des deux enfants a déclaré que E______ était « très au clair » avec son père et lui avait dit : « mon père j’en ai rien à foutre, je suis extrêmement déçue, ce qu’il a fait est impardonnable, je ne lui pardonnerai jamais ».

f. Entendue devant le TCO le 14 mars 2024, F______, a notamment déclaré qu'elle allait déménager à la fin du mois de mars 2024 car elle n'arrivait plus à trouver le sommeil et faisait des cauchemars dans l'appartement. Outre le souvenir de l'état dans lequel il se trouvait, il y avait ce qui s'y était "passé avec les enfants". Elle comptait recommencer sa vie avec ses enfants dans ce nouvel appartement et un nouvel environnement.

g.a. À teneur de ses rapports d'expertise de crédibilité du 5 juillet 2022, le Dr G______ a évalué les déclarations de D______ – selon lesquelles son père lui avait mis son sexe, désigné comme son "prince", dans la bouche, ainsi que dans la bouche de sa sœur, puis sur son ventre ou dans son ventre – comme étant plutôt crédibles.

S'agissant des déclarations de E______, il a retenu qu'elles devaient " être pondérées positivement et donc considérées comme plutôt crédibles."

g.b. Lors de l'audience devant le Ministère public du 23 novembre 2022, le Dr G______ a confirmé le contenu et les conclusions de ses deux rapports et a précisé que l'on "comprend des déclarations de E______ faites en audition EVIG qu'elle a un secret qui concerne ses parties génitales. Elle se réfère à des choses de nature sexuelle. S'il n'y avait que cela, on aurait sans doute conclu à ce que ses déclarations soient faiblement crédibles. Cela étant, il y a dans son cas des révélations répétées faites par la suite à des tiers qui se réfèrent visiblement à des abus sexuels qui auraient, selon elle, été commis par son père. Cela donne un poids très important à ses déclarations EVIG dans la mesure où celles-ci sont en quelque sorte révélées et amplifiées par ces informations externes qui rendent ses déclarations fortement crédibles".

g.c À teneur de l'expertise psychiatrique du 13 janvier 2023 de la Dre H______, A______ souffre d'un trouble de la préférence sexuelle de type pédophilie, associée à l'urophilie, dans un contexte d'une personnalité caractérisée par des traits immatures.

L'expert retient la responsabilité entière de l'expertisé.

A______ présentait un risque de récidive sexuelle reposant à la fois sur la présence d'un trouble de la préférence sexuelle de type pédophilie, l'absence d'une insertion correcte sur le plan socio-professionnel, l'attitude banalisant les faits ainsi que la tendance à trouver des justifications par rapport à ses actes et une capacité d'introspection limitée. Des éléments protecteurs étaient relevés: l'absence d'un trouble de la personnalité constitué; l'absence d'attitudes non-sexuelles violentes; l'acceptation, voire la requête, d'une prise en charge psychologique et/ou psychiatrique. Le risque de récidive sexuelle de l'intéressé pour les faits de même nature, était, ainsi, évalué comme moyen par rapport à une population de délinquants sexuels.

g.d. Le 6 février 2023, la Dre H______ a confirmé les conclusions de son rapport et précisé que l'expertisé présentait un risque de commettre à nouveau des actes à caractère pédophile.

A______ était enclin à suivre un traitement même s'il ne reconnaissait pas sa pathologie, à savoir la pédophilie; il reconnaissait son urophilie sans toutefois la considérer comme pathologique. Souvent, la personne tentait d'échapper à la prise en charge sur la base de cette contradiction. Elle n'avait pas décelé chez A______ d'autocritique ou de remise en question de sa part, sauf s'agissant de l'état de l'appartement pour lequel il avait reconnu qu'il aurait quand même pu "en faire un peu plus".

Elle a répondu à la question de savoir si mettre à nouveau les enfants en présence de leur père aggraverait le risque de récidive, qu'évidemment, dans l'hypothèse de culpabilité, le fait d'être exposé à la présence des enfants dans le cadre familial augmentait les risques.

h. À teneur de son rapport du 5 octobre 2023, I______, psychologue, suivait A______ à B______ depuis le 19 août 2022 à un rythme hebdomadaire.

Celui-ci reconnaissait avoir vécu dans un appartement en partie insalubre et s'être fait surprendre à différentes reprises par ses enfants en train de se masturber en regardant des films pornographiques. Il avait pris des dispositions pour se cacher le sexe. Il avait expliqué aux enfants le contenu des images affichées sur son écran mais n'avait pas pris de dispositions pour ne plus se faire surprendre ni cacher le contenu pornographique en leur présence. Par contre, il contestait fermement avoir commis des actes sexuels sur ses enfants; il niait toute fantasmatique pédophile et ne présentait pas de distorsions cognitives pro-pédophilie. Concernant les faits reconnus, il exprimait des regrets et considérait avoir commis des erreurs éducatives importantes. Il avait toujours voulu éduquer ses enfants en leur parlant "comme à des adultes" de manière à les rendre le plus rapidement autonomes dans la vie. Il mettait également souvent en avant la vive intelligence de sa fille et leur relation de complicité quasi paritaire. Il n'avait pas perçu de gêne ou de malaise chez ses enfants devant ces images pornographiques et donc ne s'était pas questionné sur sa pratique.

i. A la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral du 23 février 2023(arrêt 1B_615/2022), les enfants D______/E______ ont été entendus une seconde fois en audition EVIG, le 21 juin 2023. Ils ont en substance confirmé leurs précédentes déclarations.

j. A______, né en 1969, est de nationalité suisse, marié depuis 2008 avec la mère des deux enfants, mais séparé, une procédure de divorce étant en cours. Il ne travaille plus depuis plus de dix-huit ans et est au bénéfice de l'aide de l'Hospice général.

C. Dans son ordonnance querellée, le TCO a retenu que subsistaient les risques de collusion, de fuite et de réitération. A______ avait fait appel du jugement rendu. Le Ministère public s’opposait à la requête d’exécution anticipée de peine du 21 mars 2024.

Le TCO se réfère aux motifs exposés dans l’ordonnance de prolongation de la détention pour des motifs de sûreté du 18 mars 2024. Même si l'instruction était terminée, un risque de collusion demeurait, s'agissant d'une part de F______, – certes séparée – du prévenu, et d'autre part des jeunes enfants E______ et D______, que ce soit directement ou, indirectement, par l'intermédiaire de leur mère. L’intéressé, qui contestait l'essentiel de sa culpabilité et avait allégué tenir ses enfants pour des menteurs, au mieux des affabulateurs, pourrait tenter d'influencer les récits de son épouse ou de ses enfants. Le régime de l'exécution anticipée, par les plus amples possibilités de contacts avec les tiers, hors contrôle des autorités, était incompatible avec le risque de collusion du cas d'espèce, qui était concret. Ainsi, les modalités d'exécution d'une peine ne permettaient pas la prévention d'éventuelles manœuvres de collusion de manière aussi adéquate que le régime de la détention avant jugement, de sorte que les conditions d'application de l'art. 236 CPP n’étaient pas réalisées.

D. a. À l'appui de son recours, A______ conteste un risque de collusion. Ce risque n’avait jamais fait l’objet d’une analyse par les tribunaux supérieurs, au contraire du risque de réitération, par arrêts de la chambre de céans du 30 novembre 2023 puis du Tribunal fédéral 7B_1025/2023 du 23 janvier 2024.

Depuis son arrestation, au vu de la nature des actes qui lui étaient reprochés, il avait vécu des moments extrêmement difficiles en prison. Il avait été victime de menaces à peine dissimulées de ses codétenus. Craignant pour sa sécurité, il avait été forcé de demander à être placé en cellule individuelle. Il était depuis lors détenu dans un régime strict d’isolement total. Durant sa détention, il avait toujours respecté les interdictions de contact auxquelles il était soumis. Il n’avait jamais tenté d’influencer ses enfants sur les faits de la cause, que ce soit directement ou via des tiers. Cela faisait des mois qu’il n’écrivait plus à sa femme.

Il contestait la majeure partie des faits qui lui étaient reprochés et avait pris acte des accusations portées contre lui. Toutefois, la phase d’instruction était terminée et l’audience de jugement avait eu lieu au mois de mars 2024. Les confrontations nécessaires avaient incontestablement eu lieu. Les parties, à l’issue de l’audience, n’avaient pas fait valoir de réquisitions de preuve complémentaires. Il n’était en particulier pas prévu que les enfants soient à nouveau entendus dans le cadre d’une troisième audition EVIG ni, vu leur jeune âge, qu’ils soient auditionnés par la Chambre pénale d’appel et de révision. Les juges d’appel, pour se forger leur opinion, se baseraient sur les vidéos des auditions versées au dossier. L’importance de l’oralité des débats, qui justifiait, dans certains cas très spécifiques, que la victime soit protégée jusqu’à son audition finale par les juges du fond, n’était donc pas pertinente dans le cas d’espèce.

Par ailleurs, les deux enfants, très jeunes, étaient représentés par leur curatrice et étaient suivis depuis plusieurs mois par divers intervenants. Ils étaient pris en charge de manière rapprochée et très surveillée par les éducateurs du foyer qui les accueillait. Ils avaient eu le temps de tisser des liens avec les personnes qui les entouraient et des professionnels veillaient à leur protection. Dans ces circonstances, il paraissait certain, d’autant plus au vu de la situation, que ces derniers contrôlaient de près les téléphones et les visites des deux enfants. Ces derniers, âgés de 5 et 7 ans, n’avaient pas encore accès au téléphone portable ni n’étaient capables de lire facilement un texte, de sorte que l’on ne voyait pas comment ils pourraient être influencés par un courrier. Un éventuel contact via leur mère apparaissait totalement improbable, d’autant plus au vu des déclarations que celle-ci avait faites lors de l’audience du 2 février 2023 devant le Ministère public, à savoir : « je crois mes enfants, mais je ne crois pas M. A______ ».

Il ressortait de la procédure que le lien avec son épouse était rompu et qu'une procédure de divorce était en cours. Il n’avait plus de contact avec elle depuis de nombreux mois, que cela soit physiquement, par courrier ou par téléphone.

À ce stade de la procédure, il apparaissait impensable qu’il tente d’influencer les récits respectifs de son épouse ou de ses enfants. Une potentielle prise de contact ne serait en tout état pas de nature à compromettre concrètement les besoins de l’instruction, désormais achevée.

b. Le Ministère public observe que c'est à bon droit que la demande d'exécution anticipée de peine a été rejetée.

Le risque de collusion subsistait dans la mesure où l'épouse du prévenu ne montrait pas s'être débarrassée de toute ambivalence à l'égard de celui-ci. Les enfants, jeunes, étaient susceptibles d'être influencés par leur père. Le risque de collusion était renforcé par la condamnation du recourant en première instance à une peine privative de liberté de huit ans. Ce risque de collusion n'était pas moins élevé du fait que la procédure en était au stade de l'appel, puisque la juridiction d'appel jouissait d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement et qu'en l'occurrence le prévenu contestait presque tous les faits. Le fait que son régime de détention serait particulièrement difficile ne constituait pas en soi un motif commandant de lui accorder l'exécution anticipée de peine, dont les conditions n'étaient pas réalisées.

c. Le TCO se réfère à sa décision.

d. Dans sa réplique, A______ relève que les deux jurisprudences invoquées par le Ministère public à l'appui de ses observations ne lui étaient d'aucun secours. Lui-même n'avait jamais tenté d'influencer ni encore moins menacé les autres parties à la procédure. Ni le Ministère public ni le TCO n'indiquaient de quelle manière il pourrait, concrètement, influencer ses enfants, d'autant plus qu'il n'était pas prévu que ceux-ci soient réentendus. Un risque de collusion à l'égard de son épouse, au demeurant inexistant au vu de la position procédurale actuelle de cette dernière, n'avait pas été avancé dans la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté du 10 novembre 2023.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant soutient que c’est à tort que le TCO a retenu un risque de collusion pour s’opposer à sa demande d’exécution anticipée de peine.

2.1. La détention avant jugement - détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, ainsi que l'exécution anticipée des peines et des mesures - est réglée aux art. 220 à 236 CPP.

2.2. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve.

2.3. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

Le risque de collusion vise les situations dans lesquelles le prévenu pourrait prendre contact avec des coinculpés, des victimes, des témoins, des personnes appelées à donner des renseignements ou des experts pour les amener à déposer contrairement à la vérité ou qu'il pourrait chercher à effacer ou à supprimer des moyens de preuves et des traces ; la détention pour risque de collusion vise, dès lors, à sauvegarder la recherche de la vérité matérielle en empêchant le prévenu de mettre à profit sa liberté ou un congé pour la contrecarrer ; ce motif de détention doit reposer sur des indices concrets (ATF 132 I 21 consid. 3.2 p. 23 ; DCPR/149/2011 du 28 juin 2011).

Plus l'instruction, respectivement la procédure pénale, se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque - concret - de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 128 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_144/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.1).

2.4. Conformément à l'art. 231 al. 1 CPP, au moment du jugement, le tribunal de première instance détermine si le prévenu qui a été condamné doit être placé ou maintenu en détention pour des motifs de sûreté : a. pour garantir l'exécution de la peine ou de la mesure prononcée; b. en prévision de la procédure d'appel.

2.5. Il ressort de l’art. 236 CPP que la direction de la procédure peut autoriser le prévenu à exécuter de manière anticipée une peine privative de liberté ou une mesure entraînant une privation de liberté si le stade de la procédure le permet et que le but de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté ne s’y oppose pas (al. 1). Dès l’entrée du prévenu dans l’établissement, l’exécution de la peine ou de la mesure commence et le prévenu est soumis au régime de l’exécution (al. 4).

2.5.1. L'entrée en matière anticipée sur une peine ou une mesure constitue, de par sa nature, une mesure de contrainte relevant de la procédure pénale, située au seuil entre la poursuite pénale et l'exécution de la peine. Elle doit permettre de mettre en place, avant même le prononcé du jugement pénal définitif, un régime de détention adapté à la situation personnelle du prévenu ; elle permet en outre d'acquérir une première expérience de la forme d'exécution qui s'imposera probablement sur le fond. Pour que la détention pénale soit maintenue selon les modalités de l'exécution anticipée de la peine, il doit exister au moins un motif particulier de détention. Ensuite, l'exécution anticipée de la peine doit être proportionnée (ATF 143 IV 160 consid. 2.1 et références citées). Elle doit permettre d'offrir à l'accusé de meilleures chances de resocialisation dans le cadre de l'exécution de la peine avant même l'entrée en force du jugement (ATF 133 I 270 consid. 3.2.1 p. 278).

2.5.2. Le "stade de la procédure" permettant l'exécution de peine de manière anticipée correspond au moment à partir duquel la présence du prévenu n'est plus immédiatement nécessaire à l'administration des preuves, ce qui est en principe le cas lorsque l'instruction est sur le point d'être close (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE, Commentaire romand: Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 236; arrêt du Tribunal fédéral 1B_415/2012 du 25 juillet 2012 consid. 3 et la référence citée).

2.5.3. Même après ce stade, l'exécution anticipée de la peine doit être refusée lorsqu'un risque élevé de collusion demeure de sorte que le but de la détention et les besoins de l'instruction seraient compromis si le régime de l'exécution anticipée devait être mis en œuvre. Il appartient alors à l'autorité de démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi le régime d'exécution de peine du prévenu, même avec les mesures possibles de l'art. 236 al. 4 CPP, en compromettrait l'accomplissement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_107/2020 du 24 mars 2020 consid. 2.1).

2.5.4. Un risque de collusion justifiant un refus d'exécution anticipée de peine demeure notamment lorsque le prévenu conteste avec véhémence les graves accusations portées contre lui, le risque de collusion demeurant ainsi jusqu'à l'audience de jugement, moment où les preuves essentielles et décisives doivent être administrées (arrêt du Tribunal fédéral 1B_400/2017 du 18 octobre 2017).

2.6. En l'occurrence, le recourant conteste les infractions les plus graves pour lesquelles il a été condamné par le TCO, à savoir actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viol, inceste, exhibitionnisme et pornographie au préjudice de ses deux enfants alors âgés de 5-6 ans pour sa fille et de 3-4 ans pour son fils.

Au vu de l’appel qu’il a formé contre ce jugement, il sera réentendu par la Chambre d’appel et de révision sur les éléments de l'instruction. Il est en revanche hautement improbable que ses enfants, désormais âgés de 8 ans et 6 ans, soient entendus devant cette instance, vu leur âge et la protection offerte par l’art. 154 al. 4 let. b CPP, étant relevé qu’ils ont été entendus deux fois selon le protocole EVIG. L’épouse du recourant pourrait par contre l’être. Toutefois, la position de cette dernière, en instance de divorce, en particulier lors des débats de première instance lors desquels elle a été entendue, a été claire. Elle a indiqué ne pas vouloir que ses deux enfants reviennent dans l'appartement dans lequel les faits reprochés au prévenu se sont déroulés, au point d'avoir pris de dispositions pour emménager ailleurs.

Dans ces circonstances, si tout risque de collusion ne peut être exclu, une telle hypothèse, à ce stade de la procédure, n'est plus suffisamment tangible et concrète, ce que ni le TCO ni le Ministère public ne démontrent, pour justifier que le recourant soit maintenu en régime de détention avant jugement, d'autant plus qu'il se trouve depuis de longs mois en régime d'isolement, certes à sa propre demande.

Le recours s'avère ainsi fondé et sera admis.

3.             L'admission du recours ne donne pas lieu au paiement de frais, qui seront laissés à la charge de l'État.

4.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

Son indemnité sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule l'ordonnance querellée.

Autorise A______ à exécuter de manière anticipée sa peine privative de liberté (art. 236 CPP).

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui Me C______, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal correctionnel.

Le communique pour information à la Chambre pénale d'appel et de révision et au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.