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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/465/2024

ACPR/201/2024 du 18.03.2024 ( MP ) , RAYEE

Descripteurs : DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION;VISITE;RÉGIME DE LA DÉTENTION
Normes : CPP.393.al2.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/465/2024 ACPR/201/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 18 mars 2024

 

Entre

A______, détenu à la prison de B______, représenté par Me Tano BARTH, avocat, Pont-Rouge Avocats, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias,

recourant

 

contre le refus du Ministère public d’autoriser des visites à la prison de B______, « respectivement » contre le fait que le Ministère public ignorerait les demandes en ce sens présentées par sa famille

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 février 2024, A______ recourt contre le refus du Ministère public d’autoriser des visites à la prison de B______, « respectivement » contre « le fait » que le Ministère public ignorerait les demandes en ce sens présentées par sa famille.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que des autorisations de lui rendre visite en détention soient accordées à ses mère, beau-père et sœur.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        A______, ressortissant colombien, est détenu depuis le 9 janvier 2024 sous la prévention de viol (art. 190 CP), pour avoir contraint une amie de rencontre, constituée partie plaignante, à subir l’acte sexuel dans un local adjacent au bar de C______, à Genève, dans la nuit du 6 au 7 janvier 2024.

b.        Il conteste les faits. La relation avait été consentie ; si, par la suite, la jeune femme avait quitté, fâchée, son automobile, c’était parce qu’il lui avait « parlé un peu fort » après qu’elle lui eut dit avoir ses règles et ne pas vouloir le suivre dans un hôtel « pour finir ce qu’ils avaient commencé » à C______ ; il lui avait rapidement envoyé un message par WhatsApp, pour lui demander si elle allait bien, mais elle n’avait pas répondu ; il lui avait téléphoné, le soir d’après, au moyen du téléphone de sa sœur, et elle lui avait dit qu’il devrait s’expliquer avec la police.

c.         La victime présumée a confirmé le contenu du message WhatsApp, mais n’a évoqué qu’un appel téléphonique, passé pendant qu’elle se trouvait à l’hôpital par la sœur de A______, qui l’avait menacée d’une plainte pénale et d’une expulsion du territoire.

d.        La police a été chargée d’auditionner, notamment, l’infirmière qui a reçu la victime présumée aux HUG.

L’infirmière a expliqué que, pendant la consultation, la jeune femme avait reçu un appel téléphonique de la sœur de A______, dont elle-même avait pu comprendre la teneur parce qu’elle parle l’espagnol, lors duquel la patiente s’était fait traiter de menteuse et menacer d’expulsion. Cette déposition correspond à la déclaration de la victime présumée.

e.         Dans l’intervalle, le défenseur de A______ s’était constitué le 8 janvier 2024, demandant immédiatement un parloir pour lui-même, puis obtenant, le 23 suivant, l’accès au dossier (ce dont il accusera réception le 30 suivant).

f.          Dans l’intervalle également, par trois demandes reçues au greffe du Ministère public le 11 janvier 2024, le beau-père, la mère et la sœur de A______ ont demandé, au moyen de la formule ad hoc du Pouvoir judiciaire, à pouvoir rendre visite au prévenu, à la prison de B______. À la rubrique relative à la décision de l’autorité compétente, le Procureur a coché sur chacune des demandes – respectivement les 12 janvier « 2023 » et 16 janvier 2024 (ce jour-là, avec la précision que les deux refus concernés avaient été communiqués aux intéressés le lendemain) – la mention « visite (…) refusée ».

g.        Par lettre commune du 1er février 2024, le beau-père, la mère et la sœur de A______ ont demandé des explications au Ministère public et réitéré leurs demandes. Par pli du 6 suivant, intitulé « demande de décision sur les droits de visite », le défenseur de A______ leur a emboîté le pas, réclamant une décision attaquable sous trois jours, à défaut de quoi il considérerait qu’un refus leur avait été opposé.

h.        Les trois demandes remplies sur ces entrefaites ont, toutes, essuyé un refus le 13 février 2024, « délivré » le lendemain.

C. a. À l’appui de son recours, A______ s’étend sur la narration des faits par la partie plaignante ; fustige la « lenteur » et (par une anaphore répétée six fois) l’inaction « rageante  du Ministère public à instruire ; et se plaint de n’avoir appris le refus des [premières] demandes de visite que par la prison de B______. Sa parenté aurait même alerté la Ligue suisse des Droits de l’Homme par suite du mutisme du Ministère public.

A______ estime que cette absence de réponse serait constitutive d’une décision négative, au sens de l’art. 235 al. 4 CPP, et, simultanément, d’un déni de justice formel. Tant lui que la Ligue suisse des Droits de l’Homme ignoreraient les motifs pour lesquels sa parenté à Genève ne pouvait lui rendre visite. Or, celle-ci n’était nullement impliquée dans l’infraction reprochée.

b. Par observations du 4 mars 2024, le Ministère public estime le risque de collusion très important envers la partie plaignante. Celle-ci avait été contactée à deux reprises pour se faire dissuader de poursuivre la procédure, la première fois par le prévenu et la seconde fois par la sœur de celui-ci. A______ conservait la faculté d’écrire ou de téléphoner à sa famille à Genève.

c. A______ réplique avoir eu des contacts téléphoniques avec sa famille à la fin du mois de février et au début du mois de mars 2024, ce qui lui semblait une conséquence de son recours. Le Ministère public ne s’était expliqué de ses refus qu’à l’occasion de ses observations sur celui-ci. Or, la jurisprudence ne permettait pas de considérer qu’en l’occurrence, un risque de collusion était un obstacle à des visites en détention. L’appel téléphonique de sa sœur devait être relativisé. Lui-même, avait tout au plus envoyé un message par WhatsApp à la partie plaignante après qu’elle eut quitté son automobile, s’étant limité à lui demander « si tout allait bien ».

EN DROIT :

1.             Les décisions relatives à l’exécution de la détention avant jugement et qui ne portent pas directement sur les relations avec le défenseur, au sens de l’art. 235 al. 4 CPP – tel le refus d’une autorisation de visite à un tiers – sont sujettes à recours selon les modalités prévues par le droit cantonal (art. 235 al. 5 CPP), soit en l’occurrence auprès de la Chambre de céans (art. 30 al. 1 de la loi d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale, LaCP ; E 4 10), qui applique les art. 379 à 397 CPP par analogie (art. 30 al. 2 LaCP).

2.             À cet égard, le recours paraît s’apparenter davantage à un recours en déni de justice, qui n’est soumis comme tel à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP), qu’à un recours contre des décisions formelles du Ministère public (art. 393 al. 1 let. a CPP), dont le recourant, à teneur de sa réplique, prétend n’avoir appris l’existence qu’en prenant connaissance des observations du 4 mars 2024 (et ce, en dépit de l’accès au dossier qu’il avait obtenu le 23 janvier 2024 déjà).

3.             Ainsi qualifié, le recours n’a plus d’objet, puisque les trois personnes ayant demandé à visiter le recourant en détention ont obtenu des réponses.

Que le recourant lui-même n’en ait pas été informé sur-le-champ ne porte pas à conséquence, car, à la même période (janvier 2024), son défenseur se préoccupait uniquement d’obtenir un droit de visite d’avocat, n’ayant – selon le dossier remis à la Chambre de céans – intercédé pour la parenté que postérieurement aux deuxièmes demandes présentées par celle-ci.

Par ailleurs, le délai pris par le Ministère public pour prendre ses décisions (cinq jours), puis les communiquer le lendemain n’a rien d’excessif (l’omission éventuelle d’aviser personnellement le beau-père ne portant pas à conséquence, car la femme de celui-ci, qui vit avec lui, a en tout état reçu une réponse).

En résumé, le recourant n’a été victime ni d’un déni de justice ni d’un retard injustifié à statuer.

4.             Peu importe que le recourant s’estimât en droit d’inférer de l’absence de réponse à ses interrogations (ou à celles de son défenseur) que des décisions négatives avaient été rendues avant le dépôt de son recours.

Assimiler le silence de l’autorité à une décision est explicitement ancré dans le droit administratif cantonal (art. 4 al. 4 LPA ; E 5 10), mais non dans le CPP, et n’ouvre, dans ce domaine aussi, que le recours en déni de justice ou retard injustifié, après une mise en demeure infructueuse (art. 62 al. 6 LPA). Or, en l’occurrence, une mise en demeure précède, certes, le dépôt du recours, puisqu’elle date du 6 février 2024, mais on a vu qu’elle est postérieure aux décisions réclamées. En d’autres termes, le Ministère public n’est pas resté passif (cf. Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 14 ad art. 396), i.e. n’a pas omis de statuer, au sens de l’art. 393 al. 2 let. a CPP (cf. M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 3e éd., Bâle 2023, n. 6 ad art. 393).

Dès lors, les développements consacrés dans les écritures des parties au risque de collusion n’ont pas à être abordés ; non plus que les refus opposés par le Ministère public aux deuxièmes demandes des mère, beau-père et sœur du recourant, puisque ces demandes – reçues et traitées postérieurement au dépôt du recours – sont étrangères à l’objet du litige.

5.             Le recours doit être déclaré sans objet.

6.             Le recourant conclut à des « dépens ». N’ayant pas gain de cause, il ne saurait en obtenir (cf. art. 428 al. 1 CPP).

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPPet 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours sans objet et raye la cause du rôle.

Met à la charge du recourant les frais de l’instance, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur) et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/465/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00