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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26793/2023

ACPR/125/2024 du 19.02.2024 sur OTMC/217/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;PROPORTIONNALITÉ;SÛRETÉS
Normes : CPP.221; CPP.238

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26793/2023 ACPR/125/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 19 décembre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 23 janvier 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 5 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 janvier précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 10 mars 2024.

Le recourant conclut à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement au moyen de mesures de substitution "appropriées", ou, plus subsidiairement, à la limitation de sa détention au 29 février 2024.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant français né en 1984, a été arrêté le 6 décembre 2023. Il est prévenu de tentative d'extorsion et chantage (art. 22 cum 156 CP), contrainte (art. 181 CP) et infraction à l'art. 33 LArm.

Il est fortement soupçonné d'avoir, à Genève, à partir d'octobre 2023, en profitant de sa carrure imposante, exercé des pressions, menaces et violence sur D______ – qui n'a pas déposé plainte pénale –, respectivement ses proches, dans le but de récupérer le solde d'une dette de jeu d'environ CHF 170'000.- due par le précité à E______, plus particulièrement, en menaçant de lui casser les dents et de lui couper un doigt ; lui donnant une gifle ; effectuant une "balayette" pour le faire tomber, puis lui donnant divers coups de pieds dans le dos ainsi que des coups de poings au visage, lui causant ainsi des lésions (30 novembre 2023) ; en annonçant au père de D______ qu'il allait "prendre" son fils avec lui à F______ (30 novembre 2023); et en ordonnant à ce dernier de se rendre "sans faute" à la gare, puis lui disant qu'il allait le suivre à F______, avant de l'obliger à utiliser le haut-parleur de son téléphone pour parler à ses proches.

Il lui est en outre reproché d'avoir détenu et porté sur lui, le 6 décembre 2023, un taser, soit une arme interdite.

b. Il ressort du dossier que D______, né en 2000, souffre d'une addiction au jeu et doit de l'argent à de nombreuses personnes. Dans ce cadre, il avait contracté auprès de E______, domicilié en France, un prêt de USD 470'000.- en crypto-monnaie, soit environ CHF 430'000.-, qu'il avait remboursé en partie. La police a été contactée par les parents de D______, qui étaient inquiets pour lui en raison des pressions exercées par A______. D______ s'est finalement, le 7 décembre 2023, rendu dans un poste de police pour "éviter un déplacement forcé à F______" et "laisser une trace au cas où un événement plus grave venait à se passer" ; il n'a pas déposé plainte pénale.

c. Lors de son audition par la police, D______ a admis qu'il devait encore environ un solde de CHF 170'000.- à E______, lequel avait envoyé A______ récupérer l'argent. Au début, il avait remis des sommes, suivant ses possibilités, à A______, qui était "assez satisfait". A______ lui avait remis EUR 8'000.- afin qu'il achète des montres en leasing, mais les demandes avaient été refusées par les revendeurs.

Les choses s'étaient "envenimées" lorsque E______ s'était impatienté. Environ trois semaines avant l'arrestation de A______, ce dernier avait commencé à le menacer. "Au départ" – sans précision de date –, le précité lui avait donné une gifle. Puis, le 30 novembre 2023, A______ l'avait fait chuter en lui faisant une "balayette", et lui avait donné des coups de poing au visage et des coups de pied dans le dos. Le 6 décembre 2023, A______ l'avait sommé de se rendre à la gare, ce qu'il avait fait, tout en demandant à son amie de "faire le guet" pendant qu'il rencontrait le précité, car il avait peur.

Ladite amie a déclaré à la police avoir fait le guet ce jour-là et lors de précédentes rencontres entre D______ et A______, mais n'avoir jamais assisté à des actes de violence de la part du dernier cité. Elle savait seulement que la situation était "tendue", car D______ devait beaucoup d'argent à E______ et d'autres personnes.

D______ n'a pas fait constater médicalement de lésions, mais a photographié ses tuméfactions au visage (pommette et lèvres) et à la main, photographies que la police a extraites du téléphone du précité et qui figurent au dossier.

Le père de D______ a expliqué avoir entendu parler de A______ en octobre 2023 par son fils, qui disait que ce dernier le frappait et le menaçait pour récupérer l'argent dû à E______. Il avait lui-même rencontré A______ à une reprise. Ce dernier lui avait dit qu'il allait "prendre [s]on fils". Lorsqu'il lui avait rétorqué que ce serait un enlèvement, A______ lui avait répondu que D______ le suivrait de son plein gré. Il avait conseillé à son fils d'appeler la police mais ce dernier n'avait pas voulu, car "ça n'allait rien changer". Durant cette période, son fils lui avait plusieurs fois réclamé de l'argent pour régler ses dettes, requêtes auxquelles il n'avait pas accédé.

Selon les informations recueillies par la police, E______, domicilié à F______, a été identifié. Il serait connu pour extorsion par violence, violence commises en réunion et menaces de mort réitérées.

d. Lors de son audition par la police et le Ministère public, A______ a exposé être venu à Genève, une première fois, en août 2023 à la demande de E______, pour récupérer la somme d'argent due par D______ au précité. À Genève, ce dernier lui avait remis un sac en plastique contenant l'argent, que lui-même avait transporté jusqu'à F______ pour qu'il soit remis à E______. En septembre 2023, D______ lui avait encore remis CHF 10'000.-, que lui-même avait ensuite ramenés à F______. Lors de sa troisième venue à Genève, dix jours avant son arrestation, D______ ne lui avait pas remis d'argent, car il n'en avait pas. Le précité lui avait toutefois dit qu'il était sur "un coup […] pour avoir du cash" et qu'il lui fallait une mise de départ, de sorte que lui-même lui avait versé EUR 10'500.- de ses propres économies, que D______ ne lui avait pas restitués.

La semaine avant son arrestation, il était revenu à Genève pour rencontrer D______. Il lui avait "mis des baffes", avec la main ouverte, et lui avait fait une "balayette", provoquant sa chute. Il ne l'avait toutefois pas frappé, ni au visage ni dans le dos. Sur proposition de D______, ils étaient allés voir le père et les grands-parents du précité, qui disait pouvoir obtenir de l'argent de ses proches, mais les intéressés n'avaient pas été "réceptifs". Lui-même était resté en retrait lors de ces rencontres.

Le 6 décembre 2023, il était revenu à Genève pour confronter D______ à ses mensonges, ce dernier lui affirmant depuis plusieurs jours qu'il allait recevoir de l'argent, mais rien de s'était produit. Il avait convenu avec E______ de ramener D______ avec lui à F______ pour que ce dernier travaille dans une société, en vue de rembourser sa dette. Il n'avait nullement menacé le précité de lui casser les dents ou de lui couper un doigt, ni ne l'avait contraint. Il l'avait giflé, mais ne lui avait pas causé de lésions.

e. S'agissant de sa situation personnelle, A______, domicilié en France, est marié et sans enfants. Il dit percevoir un revenu de EUR 1'000.- par mois en qualité d'hôte d'accueil, son épouse gagnant quant à elle EUR 3'500.-.

Selon l'extrait de son casier judiciaire français, il a été condamné à 16 reprises, notamment pour transport et détention de stupéfiants (2005 et 2013), mise en danger d'autrui (2006), rébellion (2009), obtention frauduleuse d'un document administratif (2013), escroquerie en bande organisée (2015), menace et violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à huit jours (2018) et diverses infractions au code de la route.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires en Suisse.

f. Saisie d'un recours contre l'ordonnance de mise en détention provisoire – initialement ordonnée jusqu'au 6 mars 2024 –, la Chambre de céans a partiellement admis, dans son arrêt du 11 janvier 2024 (ACPR/12/2024), le recours et fixé l'échéance de la détention provisoire au 25 janvier 2024.

Le risque de collusion avec D______ était patent, ainsi qu'avec le père du précité. Il y avait donc lieu de maintenir le prévenu en détention jusqu'à la confrontation avec les prénommés. En revanche, il ne paraissait pas, a priori et sans autre précision du Ministère public, qu'une collusion entre le prévenu et E______ compromît l'instruction de la cause. Certes, le précité avait envoyé le prévenu récupérer l'argent dû par D______, mais il n'apparaissait pas qu'il aurait commandité les actes de violence, ce que la mise en prévention du recourant ne mentionnait pas. Même dans ce cas, on ne saurait maintenir en détention le prévenu pour circonscrire les actes d'une personne contre laquelle aucune instruction n'avait été ouverte. En l'état, la détention de A______ n'apparaissait ainsi pas nécessaire pour ces actes d'instruction, pas plus que dans l'attente de l'analyse de son téléphone portable, dont il avait accepté la saisie et avait remis les codes d'accès. Le risque de collusion n'était pas non plus invoqué à l'égard de la compagne de D______.

Au vu des actes d'instruction requis, la détention provisoire ordonnée pour trois mois était en l'état disproportionnée et il y avait lieu de ramener son échéance au 25 janvier 2024, afin de permettre au Ministère public de procéder aux confrontations susmentionnées, puis de déterminer si d'autres actes d'instruction nécessiteraient le maintien du prévenu en détention. Il était relevé que la présence du prévenu aux actes de la procédure pourrait, au regard du risque de fuite, être garantie par le versement de sûretés (art. 238 CPP). Le risque de récidive retenu devrait, quant à lui, être réexaminé à l'aune des éléments nouvellement recueillis par l'instruction.

g. Il ressort de l'analyse du téléphone portable du prévenu que E______ était au courant des violences et demandait des précisions et description à cet égard.

h. Le 16 janvier 2024, le Ministère public a procédé à la confrontation du prévenu avec D______ et avec le père de ce dernier.

h.a. En substance, D______ a déclaré avoir emprunté USDT 480'000.- à E______. Il avait perdu la somme au jeu. À la demande du précité, il avait signé une reconnaissance de dette pour EUR 240'000.-, qu'il avait remboursée "fin août 2023". Préalablement, il avait remboursé USDT 60'000.-. Il avait rencontré pour la première fois A______ à l'occasion du remboursement des EUR 240'000.- et leur rencontre s'était déroulée de manière "correct[e]". Dix jours plus tard, il avait remboursé CHF 10'000.- supplémentaires à A______, qui n'avait pas proféré de menaces. Lors de la venue de E______ à Genève le 2 septembre 2023, il avait crédité à ce dernier USDT 8'000.-. Durant son hospitalisation à la clinique G______, pour son addiction, A______ s'était présenté devant le bâtiment et, lorsqu'il était sorti le rejoindre, lui avait donné une claque en lui disant de "sortir très vite de l'argent". C'était la première fois qu'il recevait un coup. En raison de la pression qu'il subissait, son hospitalisation avait dû être interrompue, car ce contexte n'était pas propice au traitement. E______ lui avait par exemple demandé de partager sa localisation, qu'il devait laisser en permanence. Lors d'une rencontre ultérieure avec A______, ce dernier l'avait poussé et fait chuter. Sous la pression, il avait régulièrement promis à A______ qu'il allait rembourser, ou que c'était fait, alors que tel n'était pas le cas, ce qui avait énervé le précité, lequel avait commencé à lui donner des gifles. Par la suite, sur sa suggestion, A______ avait versé deux acomptes de CHF 4'000.- chacun pour réserver des montres d'une valeur de CHF 15'000.- pièce, mais les demandes avaient été refusées, ce qu'il n'avait osé lui dire. Lorsque l'intéressé s'était rendu compte qu'il s'agissait d'une "supercherie de plus", il l'avait frappé. C'était à son initiative à lui [D______], qu'ils avaient été voir ses grands-parents – car il pensait qu'ils pourraient lui venir en aide financièrement –, puis son père. Il [le recourant] voulait "monter la pression" auprès des siens. Après l'arrestation de A______ et jusqu'au 11 décembre 2023, E______ l'avait contacté en lui demandant de faire le maximum pour la mise en liberté du prévenu.

h.b. Le père de D______ a déclaré que son fils devait déjà de l'argent à E______ en 2019, qui avait été remboursé mais était réapparu en 2023 pour réclamer le remboursement des sommes nouvellement prêtées. Son fils disait qu'il avait peur de A______, qu'il allait se faire tuer, mais ne voulait pas se rendre à la police. Lorsqu'il avait rencontré A______, la rencontre était cordiale "en fonction de la situation". Ce dernier lui avait dit que son fils irait avec lui à F______ ("on l'emmène"), de son plein gré. Estimant que cela allait trop loin, il avait dénoncé les faits à la police.

h.c. A______ a confirmé avoir donné des gifles à D______ et l'avoir fait chuter. Ce dernier l'avait amené à lui verser de l'argent mais s'était moqué de lui en lui faisant croire qu'il allait recevoir des montres en échange, alors qu'il n'en était rien. En plus d'une ludopathie, D______ souffrait de mythomanie et lui-même était tombé dans ses mensonges en lui prêtant de l'argent. Il avait perdu son calme et l'avait giflé. Lui-même était harcelé par E______, qui souhaitait qu'il mette la pression sur D______. Dans ses messages à E______, il avait exagéré les faits qu'il lui relatait, soit les violences exercées sur D______, pour l'impressionner. Il aurait dû rester en retrait, car les dettes ne le regardaient pas et même si D______ ne remboursait pas, il touchait son salaire. Il avait été dépassé par sa position, entre E______ qui voulait légitimement récupérer son argent, et D______ qui le "noyait dans ses mensonges".

i. Le 16 janvier 2024, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction contre E______, pour contrainte, voire extorsion.

j. Le 18 janvier 2024, le Ministère public a requis la prolongation de la détention provisoire de A______.

k. Parallèlement, le Procureur a convoqué E______ à une audience le 27 février 2024 et, en même temps, a adressé une commission rogatoire à la France pour le localiser et l'auditionner.

l. Le 30 janvier 2024, l'avocat de E______ a requis un sauf-conduit en vue de l'audience susmentionnée, qui a été délivré le même jour par le Ministère public.

m. L'audition de la compagne et de la mère de D______ est fixée au 5 mars 2024.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu que les charges – pour l'infraction de contrainte – demeuraient suffisantes pour justifier le maintien en détention provisoire de A______, au vu des déclarations de D______, des photos transmises par ce dernier, des déclarations du père du précité, des déclarations du prévenu et des messages échangés entre celui-ci et E______.

Le risque de fuite perdurait, au vu de la nationalité française du prévenu et l'absence d'attache avec la Suisse. Le risque de collusion demeurait tangible, vis-à-vis de E______, au vu des messages échangés, démontrant la participation du précité aux faits reprochés à A______. Il convenait par conséquent d'éviter que le prévenu ne le contacte dans le but de chercher à influencer ses déclarations et compromette ainsi la recherche de la vérité. Le risque de réitération demeurait patent, au vu des antécédents du prévenu.

Aucune des mesures de substitution proposées par le prévenu n'était apte à pallier les risques retenus, sauf à constater sa fuite après qu'elle ne survienne. L'interdiction de contact avec E______ n'était pas suffisante, le simple engagement du prévenu en ce sens ne présentant aucune garantie particulière. Le dépôt d'une caution, d'un montant non articulé et dont la provenance n'était pas indiquée, n'était pas documenté, de sorte qu'il est impossible de vérifier l'identité de la personne qui serait prête à verser une somme, sa situation patrimoniale ou encore l'origine des fonds proposés.

La prolongation de la détention provisoire, pour une durée d'un mois et demi, était nécessaire au Ministère public pour confronter le prévenu à E______ le 25 (sic) février 2024, puis, dans la foulée, à H______ et à la mère de D______. Elle respectait le principe de proportionnalité.

D.           a. Dans son recours, A______ soutient que, contrairement à ce qu'avait retenu le TMC, seule une tentative de contrainte – et non une contrainte – pouvait lui être reprochée, car D______ n'avait jamais déclaré avoir adopté un comportement induit par A______, et les photographies produites par ce dernier n'en attestaient nullement. Ainsi, les messages échangés avec E______ ne reflétaient pas la réalité des événements, mais une manière pour lui d'impressionner le précité et lui cacher la sympathie qu'il éprouvait pour D______, qu'il essayait d'aider. En outre, il n'était pas établi que les auditions fixées par le Ministère public permettraient d'apporter un éclairage sur les faits le concernant. L'audition de E______ avait pour objectif d'instruire les faits reprochés à celui-ci, et ni la compagne ni la mère de D______ ne le mettaient pas en cause. Sa détention provisoire n'était donc plus proportionnée. D'ailleurs, le Ministère public pouvait entendre ces dernières avant la confrontation avec E______. Ainsi, la limitation de la détention provisoire au 29 février 2024 permettrait au Ministère public de procéder aux actes d'instruction visés et de déterminer la suite qu'il souhaitait donner au dossier.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les charges ne s'étaient pas amoindries, au contraire. La confrontation avec D______ avait confirmé les violences subies par ce dernier. L'analyse du téléphone du prévenu avait par ailleurs permis de mettre en évidence les messages échangés par le prévenu et E______ au sujet des actes de violence. L'instruction devrait déterminer la réalisation ou non d'une infraction de contrainte, voire de tentative d'extorsion et chantage. Dans la mesure où il était reproché à A______ et E______ d'avoir agi de concert, le risque de collusion était important, ce d'autant que le premier soutenait que les messages envoyés au second ne reflétaient pas la réalité. Aucune mesure de substitution n'était de nature à pallier ce risque, et il se justifiait d'entendre d'abord E______ puis la compagne et la mère de D______ pour éviter de devoir répéter les auditions de ces dernières.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.

d. Le recourant a répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant semble soutenir que les charges se seraient amoindries.

Tel n'est pas le cas. Dans son précédent arrêt, auquel il peut être renvoyé s'agissant du développement juridique, la Chambre de céans a retenu (consid. 4.3.), que le recours à la force physique en vue d'amener D______ à rembourser sa dette alors qu'il n'en avait – apparemment – pas les moyens, remplissait les conditions, à tout le moins, d'une tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP), de sorte qu'il existait des soupçons suffisants de la commission d'un délit au sens de l'art. 221 al. 1 CPP.

Ce constat ne s'est pas modifié depuis lors, la confrontation du 16 janvier 2024 ayant, au contraire, confirmé que le recourant a fait usage de violence à l'égard de D______ – ce qu'il ne conteste au demeurant pas –, parce que ce dernier ne remboursait pas les sommes dues, notamment à son égard à lui.

Les charges demeurent dès lors suffisantes.

3.             Le recourant conteste le risque de collusion à l'égard de E______.

3.1. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 ; 132 I 21 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_464/2023 du 11 septembre 2023 consid. 4.1).

3.2. En l'espèce, le risque de collusion avec E______, désormais prévenu des mêmes faits que ceux reprochés au recourant, est patent. Le recourant allègue en effet avoir agi sur instructions du précité, qui l'employait pour récupérer l'argent dû par D______ et lui demandait de faire pression sur lui. L'audience de confrontation a donc pour but de déterminer l'implication de chacun des protagonistes dans les événements, et les éventuels ordres donnés, respectivement suivis, en vue d'amener D______ à rembourser les sommes dues. À cet égard, les messages téléphoniques figurant au dossier ne sont pas suffisants à établir les faits, étant relevé que le recourant soutient au demeurant qu'ils ne seraient pas le reflet de la réalité. Il y a donc bien à rechercher celle-ci lors de la confrontation, laquelle aura, semble-t-il, lieu puisque E______ a demandé, et obtenu, un sauf-conduit.

Dans ce contexte, une interdiction de contact ne serait pas suffisante à pallier le risque de collusion, au vu de son importance.

En revanche, c'est à tort que TMC et Ministère public retiennent un risque de collusion avec la compagne et la mère de D______, car ce risque n'a pas été retenu par le passé (cf. ACPR/12/2024 consid. 5). Au demeurant, le contenu de leur audition à la police ne justifierait pas le maintien en détention du recourant.

4. Le recourant ne discute pas les autres risques retenus par le TMC.

4.1. Dans son précédent arrêt, la Chambre de céans a retenu (consid. 8.2.) que le risque de fuite, concret, pourrait être pallié par le versement de sûretés (art. 238 CPP). Il appartiendra au recourant, respectivement à son conseil, de proposer une somme et d'étayer sa provenance.

4.2. Les charges ne s'étant pas alourdies depuis le dernier arrêt de la Chambre de céans, il y a lieu de retenir une absence de risque de réitération, nonobstant les antécédents du recourant, ce dernier ne semblant pas présenter de risque pour d'autres personnes, et le contexte des violences qui lui sont reprochées à l'égard de D______ ne devant désormais plus se reproduire.

5. Le recourant critique la durée de la détention provisoire ordonnée.

5.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

5.2. En l'occurrence, le TMC a ordonné la détention provisoire jusqu'au 10 mars 2024, pour permettre au Ministère public de procéder à la confrontation du recourant avec son co-prévenu, puis avec la compagne et la mère de D______.

Si le premier acte d'instruction justifie le maintien en détention du recourant, en raison du risque retenu ci-dessus, tel n'est pas le cas du second, puisqu'aucun risque de collusion n'est retenu à l'égard des précitées.

À l'issue de l'audience du 27 février 2024. il n'y aura, en principe, plus de risque de collusion, de sorte que le Ministère public devra envisager une mise en liberté du recourant, pour autant qu'il reçoive dans l'intervalle – et accepte – la proposition de caution.

Dans ce contexte, notamment eu égard aux vérifications de l'origine des suretés proposées, la prolongation de la détention, au 10 mars 2024, ne viole pas le principe de la proportionnalité, au vu des faits reprochés au recourant – s'ils étaient confirmés – et de l'avancement de la procédure depuis le précédent arrêt de la Chambre de céans.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et sera rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 


 

 

P/26793/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

 

 

Total

CHF

1'085.00