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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6626/2023

ACPR/68/2024 du 30.01.2024 sur OMP/22888/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;REMPLACEMENT
Normes : CPP.134

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6626/2023 ACPR/68/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 30 janvier 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,


contre l'ordonnance de refus de remplacement du défenseur rendue le 4 décembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 15 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 4 décembre 2023, notifiée le 6 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de relever son défenseur d'office – Me D______ – de sa mission.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à la désignation de MC______ en qualité de défenseur d'office, à compter du 9 novembre 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est, principalement, prévenu de meurtre (art. 111 CP), actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) et contrainte sexuelle (art. 189 CP).

b. Il a été arrêté le 24 mars 2023.

c. Par ordonnance du 26 mars 2023, il a été mis au bénéfice d'une défense d'office et Me D______ a été désignée en qualité de défenseur d'office.

d. Me D______ a assisté A______ lors des audiences d'instruction devant le Ministère public des 26 mars, 28 avril, 9 juin et 20 juillet 2023.

e. Lors de la première audience devant le Ministère public, le 26 mars 2023, A______ a expressément renoncé à une audience orale devant le Tribunal des mesures de contrainte et souhaité déposer des conclusions écrites, ce que Me D______ a fait.

f. À une date que le dossier ne permet pas de déterminer, Me D______ a débuté son congé maternité.

g. À la suite des demandes de prolongation de la détention provisoire formées par le Ministère public, A______ s'y est opposé, par les observations écrites de Me D______ des 21 juin et 19 septembre 2023, puis, le 22 décembre 2023 (sur 5 pages) par l'intermédiaire de Me E______.

h. Lors de l'audience de reconstitution, le 4 septembre 2023, A______ était assisté de Me F______, excusant Me D______.

i. Me E______, qui remplaçait Me D______ durant son congé maternité, a requis, et obtenu, un "n'empêche" du Ministère public, le 10 octobre 2023, pour visiter A______.

j. Parallèlement, les 3 et 26 octobre, ainsi que 5 et 14 décembre 2023, Me C______ a demandé, et obtenu, du Ministère public l'autorisation de visiter A______ en prison.

k. Par lettre du 9 novembre 2023 au Procureur, A______ a demandé à changer d'avocat d'office. Il ne se sentait pas écouté, ne recevait pas de réponse à ses questions et ne se sentait plus en confiance avec Me D______, raison pour laquelle il demandait à pouvoir changer de conseil d'office, en faveur de Me C______, qu'il avait rencontrée et qui était d'accord de reprendre l'affaire.

l. Le 20 novembre 2023, Me C______ a informé le Ministère public accepter d'intervenir en qualité de défenseur d'office de A______, qui lui en avait fait la demande.

m. Invitée par le Ministère public à se prononcer sur la demande de changement de défenseur d'office, Me D______ a fait part de sa surprise, A______ ne lui ayant à aucun moment fait part d'un quelconque reproche sur sa façon de le défendre et/ou d'une perte de confiance. Il en allait de même à l'égard de ME______. Elle avait répondu à toutes ses interrogations et lui avait prêté une oreille attentive. Elle contestait tout manquement dans la conduite de son mandat et était disposée à assumer celui-ci avec toute la diligence requise, mais ne s'opposerait pas à sa révocation si telle était la volonté de son client.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu que la relation de confiance entre le prévenu et son défenseur d'office n'apparaissait pas gravement perturbée, une défense d'office efficace restant au surplus assurée.

D. a. Dans son recours, A______ expose que si, dans un premier temps, Me D______ l'avait assisté, lui rendant visite à plusieurs reprises, "courant mai 2023", elle avait débuté son congé maternité, de sorte que sa défense s'était vue transférée à un autre confrère, "Me G______" (sic), complexifiant une communication déjà ardue. La relation de confiance était rompue. En effet, il ne partageait pas la stratégie adoptée par son avocate, stratégie qui demeurait confuse et dans laquelle il ne se reconnaissait pas, alors qu'elle était primordiale à ce stade de la procédure. Il ne se sentait par ailleurs pas écouté, ce qui l'empêchait de prendre une part active dans sa défense. Par exemple, depuis son incarcération, le 24 mars 2023, il n'avait jamais été entendu par le Tribunal des mesures de contrainte, en dépit de demandes formulées en ce sens auprès de Me D______ et bien qu'une libération provisoire n'aurait pas été inenvisageable eu égard à ses liens avec la Suisse. En outre, il n'était pas tenu informé de l'avancement de la procédure, qui n'avait de cesse de se prolonger. Il ignorait par exemple ce qu'il était advenu d'un acte d'enquête (moulage de son poing), faute de communication à cet égard. De plus, le mandat avait été repris par un autre confrère, ce qui s'avérait problématique sous l'angle de la communication et de la cohérence de la stratégie de défense, ce d'autant que la situation se prolongeait.

C'est pourquoi il avait, courant septembre, contacté Me C______, dans une éventuelle perspective de défense des intérêts.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

E. Lors de l'audience du 19 décembre 2023 devant le Ministère public, A______ était assisté de ME______.

Il a informé le Ministère public avoir formé recours contre l'ordonnance de refus de remplacement d'avocat, car il "préfèrerai[t] être défendu par Me C______". À la question de savoir s'il avait un reproche à faire à son avocate, il a répondu que non, mais, dans sa situation, qui n'était "pas si simple que ça", il préférait être défendu par un avocat spécialiste du droit pénal.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé de remplacer son défenseur d'office.

3.1. À teneur de l'art. 134 al. 2 CPP, si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne.

Le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 164; 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2012 du 15 août 2012 consid. 1.1). En effet, si la relation de confiance doit en principe être recherchée, le droit à un procès équitable garanti à l'art. 29 al. 1 Cst. ne donne pas à l'assisté le droit de refuser l'avocat désigné, parce qu'il n'aurait, pour des raisons purement subjectives, pas confiance en lui (arrêt du Tribunal fédéral 1P_364/2004 précité avec référence à l'ATF 105 Ia 296 consid. 1d p. 302).

De simples divergences d'opinion quant à la manière d'assurer la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure ne constituent à cet égard pas un motif justifiant un changement d'avocat. Il appartient en effet à l'avocat de décider de la conduite du procès; ce dernier dispose d’un important pouvoir d’appréciation dans la manière d’organiser la conduite du procès; sa mission ne consiste donc pas seulement à endosser le rôle de porte-parole sans esprit critique de l'accusé, qui se limiterait à se faire simple interprète des sentiments et des arguments de son client (ATF 126 I 194 consid. 3d; 116 Ia 102 consid. 4b/bb p. 105; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1047/2021 du 25 juillet 2022 consid. 1.1.3.; 105 Ia 296 consid. 1 p. 304; ACPR/518/2012 du 23 novembre 2012). Sont en revanche dignes d'être pris en considération des griefs précis touchant à la personne du défenseur ou à un comportement de ce dernier qui montre à l'évidence que toute relation de confiance avec ce dernier est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.3; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019. n. 20-22 ad art. 134).

3.2. En l'espèce, le recourant ne démontre pas que la relation de confiance serait, objectivement, gravement perturbée, ni qu'il ne bénéficierait plus d'une défense efficace. D'ailleurs, interrogé lors de l'audience du 19 décembre dernier, il a confirmé ne pas avoir de reproche à formuler à l'égard de son avocate, mais préférer Me C______.

Concrètement, il se plaint de l'absence, pour congé maternité, de son avocate, mais il ressort du dossier qu'il a dûment été assisté, depuis septembre 2023 [et non depuis mai puisque Me D______ a encore accompli des actes jusqu'en septembre 2023] principalement par Me E______ [et non "Me G______"], qui a une grande pratique du droit pénal, de sorte que le remplacement provisoire du défenseur d'office n'a, objectivement, pas été défavorable au recourant.

Il déplore par ailleurs le fait que, malgré ses demandes en ce sens auprès de son avocate – allégation qui n'est pas vérifiable –, il n'aurait jamais été entendu par le Tribunal des mesures de contrainte. Cela étant, à teneur du dossier, il a expressément demandé à ne pas comparaître devant ledit tribunal lors de son arrestation en mars 2023. Puis, ses avocats se sont systématiquement opposés aux demandes de prolongation de la détention, de sorte qu'ils ne sont pas restés inactifs. Si le recourant tenait à être entendu par le Tribunal des mesures de contrainte, il pouvait en faire la demande, par écrit, auprès de cette instance, et il peut en outre, en tout temps, demander sa mise en liberté, également en personne (art. 228 al. 1 CPP).

Que le recourant n'ait pas été informé, par son avocat, de la suite donnée par le Ministère public à un acte d'enquête ne révèle pas un grave manquement dans la conduite du mandat, ni ne relève d'une grave perturbation de la relation de confiance, étant observé qu'on ignore si cette information a été transmise par le Procureur au défenseur d'office. L'avancement de l'instruction dépend au demeurant du Ministère public et non du défenseur, de sorte que le prolongement de la procédure ne saurait être imputable à ce dernier.

Le recourant allègue enfin des divergences dans la stratégie de défense, mais il appartient à l'avocat de décider de la conduite du procès, de sorte qu'il ne suffit pas qu'un prévenu allègue ne pas se reconnaître dans la stratégie adoptée pour se voir accorder un changement de défenseur, car il n'est guère possible de définir la probabilité avec laquelle telle option de défense conduira ou non au but recherché. Les décisions de stratégie dépendent de nombreux facteurs, lesquels offrent une large marge d'appréciation au défenseur, de sorte qu'elles ne peuvent qu'être soustraites au contrôle des autorités (ATF 126 I 194 susmentionné, consid. 3d).

Pour ces motifs, c'est à bon droit que le Ministère public a refusé de révoquer le défenseur d'office.

4.             Infondé, le recours sera donc rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe en comparant par un défenseur privé, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.-, y compris l’émolument de décision (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP - E 4 10.03).

6.             Pour le même motif, ledit conseil n’a pas droit à des dépens, à l'octroi desquels il n'a du reste pas conclu.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Le communique, pour information, à Me D______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6626/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00