Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/10821/2022

ACPR/1004/2023 du 28.12.2023 sur OTMC/3420/2023 ( TMC ) , ADMIS

Descripteurs : MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CPP.237; CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10821/2022 ACPR/1004/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 28 décembre 2023

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation des mesures de substitution rendue le 14 novembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 27 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 novembre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé les mesures de substitution en vigueur contre lui (ch. 1) et dit qu'elles courraient jusqu'au 16 janvier 2024 (ch. 2).

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision et à la levée desdites mesures.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur du rapport d'interpellation du 16 mai 2022, la police est intervenue au domicile, sis à C______ [GE], de A______ après avoir entendu des cris en provenance de l'appartement. Aucune des deux parties n'a souhaité déposer plainte pour les faits précités. A______ présentait un résultat de 0.51mg/l à l'éthylotest, réalisé à 5h45.

b. Entendue par la police, D______ a expliqué que tandis que son compagnon qui était rentré ivre était allé se coucher, elle avait fouillé son téléphone et découvert qu'il avait une maîtresse. Il s'était réveillé et avait nié. Elle l'avait empêché de prendre le téléphone en le mettant dans le canapé. Elle voulait des explications mais il a dit qu'il allait dormir. Sur le coup de la colère, elle l'avait saisi au cou et avait serré des deux mains. Il lui avait tiré les cheveux et mordu le bras droit; puis, il lui avait donné un coup de genou au visage. Ils n'avaient eu qu'un seul conflit par le passé, en 2013 [recte, 2014], lors duquel, lorsqu'elle avait voulu entrer dans l'appartement, ils s'étaient empoignés et son compagnon lui avait donné un coup de couteau au-dessus du sein gauche. Elle s'était rendue aux HUG, où elle avait subi trois points de suture, avant de regagner son domicile quelques heures plus tard. Aucune intervention de la police n'avait eu lieu; elle n'avait pas voulu porter plainte. À l'époque, il buvait beaucoup et pouvait être violent.

A______ a, quant à lui, confirmé qu'alors qu'il dormait sur le canapé, sa copine l'avait réveillé en hurlant et tenant son téléphone dans la main. L'appareil avait glissé dans les coussins du canapé. Sa compagne l'avait alors saisi, des deux mains, à la gorge. N'arrivant pas à respirer et à se défaire de son étreinte, il lui avait tiré les cheveux et mordu le bras pour qu'elle le lâche; il lui avait également donné un coup. En 2012 [recte, 2014], il était en couple depuis quelques mois avec D______. Le soir des faits, alors qu'il était seul chez lui et était ivre, il avait entendu quelqu'un mettre les clés dans la serrure de la porte d'entrée; ne se sentant pas en sécurité, il s'était saisi d'un petit couteau pointu. Alors qu'il levait le bras, la personne commençait à entrer dans le logement. C'est alors qu'il avait planté le couteau dans le haut de la poitrine de l'intrus et s'était rendu compte qu'il s'agissait de D______, à qui il avait oublié avoir donné un jeu de clé. Sa sœur, E______, et son compagnon, F______, avaient conduit D______ aux HUG.

Aucune des deux parties n'avait souhaité déposer plainte pour les faits précités.

c. Le 17 mai 2022, A______ a été prévenu de tentative de meurtre (art. 111 CP cum 22 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP) et voies de fait (art. 126 CP) pour avoir dans l'appartement sis à C______:

-        le 30 mars 2014, tenté de tuer D______ en agitant un couteau, par une porte entreouverte, et la blessant, au niveau de la poitrine, lui causant des lésions ayant nécessité trois points de suture;

-        le 16 mai 2022, vers 4h50, tiré les cheveux et mordu le bras de D______, puis, une fois qu'elle était à terre, lui avoir donné un coup de genou au visage et des coups de poings à la tête, lui causant des douleurs et des hématomes.

Le prévenu a, en substance, admis les faits reprochés, redonnant les mêmes explications.

d. À l'issue de l'audience, le Ministère public l'a remis en liberté avec des mesures de substitution confirmées, le lendemain, par le TMC – qui a retenu que le 16 mai 2022 à 5h45, l'éthylotest effectué avait montré que A______ présentait 0.51 mg/l dans l'haleine –, soit :

a.    interdiction de se rendre au domicile sis no. ______, rue 1______, [code postal] C______ qu'il partage avec D______ jusqu'à décision contraire du Ministère public;

b.    interdiction de tout contact, sous quelque forme que ce soit (courrier, courriel, SMS, téléphone), directement ou indirectement, avec D______ jusqu'à décision contraire du Ministère public;

c.    obligation d'entreprendre, au rythme et aux conditions fixés par le thérapeute, un traitement psychothérapeutique contre la violence et les addictions;

d.    interdiction de consommer de l'alcool et obligation de se soumettre aux tests – le cas échéant inopinés – qui pourront être ordonnés et effectués par le psychothérapeute ou le SPI;

e.    obligation de produire en mains du Service de probation et d'insertion, chaque mois, un certificat attestant de la régularité du suivi thérapeutique;

f.     obligation de se présenter au Service de probation et d'insertion, route des Acacias 82, 1227 Carouge/Acacias (tél. 022 546 76 50) d'ici au 19 mai 2022;

g.    obligation de suivre les règles ordonnées par le Service de probation et d'insertion dans le cadre du suivi des mesures de substitution.

 

e. À teneur du rapport de renseignements complémentaires du 1er juin 2022, la police a entendu E______ et F______, en "non-contradictoire".

f. Le 27 octobre 2022, le Procureur a prévenu D______ – laquelle ne s'était pas présentée à l'audience du 22 septembre précédent – de lésions corporelles simples, voire voies de fait, sur A______ pour les faits survenus le 16 mai précédent. N'étant pas assistée d'un avocat, la prévenue ne s'est pas exprimée sur les faits reprochés tout en déclarant souhaiter que son compagnon revienne au domicile.

Le prévenu a demandé la levée des mesures de substitution visées sous lettres a et b.

g. Le 31 octobre 2022, le TMC a refusé d'ordonner la levée desdites mesures, retenant le risque de collusion avec D______.

h. Le 14 novembre 2022, le TMC a prolongé les mesures de substitution jusqu'au 16 janvier 2023, à l'exception de la mesure sous lettre f. Le Ministère public devait convoquer une nouvelle audience de confrontation avec D______, solliciter les rapports médicaux et entendre en contradictoire E______ et F______. Il a retenu les risques de collusion et de réitération.

i. Le 12 décembre 2022, D______ a précisé les circonstances de l'altercation de 2014 et que le prévenu qui l'avait piquée avec un couteau ne s'était même pas rendu compte qu'il l'avait blessée. Elle a précisé qu'il n'y avait pas eu d'autres évènements de violence hormis ceux de 2013 [recte, 2014] et du 16 mai 2022.

j. Le lendemain, sur demande du prévenu, le Ministère public a levé les mesures de substitution lui faisant interdiction de retourner à son domicile (let. a) et d'avoir des contacts avec D______ (let. b).

k. Le 12 janvier 2023, le TMC a ordonné la prolongation des autres mesures de substitution. Il a retenu notamment que l'instruction se poursuivait, le Ministère public devant entendre en contradictoire E______ et F______ et ordonner une expertise médico-légale et un examen de la personne sur D______, s'agissant des blessures du 30 mars 2014. La durée de 6 mois de prolongation devait permettre de couvrir non seulement la période allant jusqu’à la clôture de l'instruction, mais également le délai nécessaire avant la date de l'audience de jugement du prévenu, soit vraisemblablement plusieurs mois encore dès lors qu’il n'est pas détenu.

l.a. Le 23 janvier 2023, D______ a demandé la suspension de la procédure au Ministère public.

l.b. Le 21 février 2023, A______ a également demandé, en sa qualité de lésé, la suspension de la procédure.

l.c. Le 20 novembre 2023, A______ a relancé le Procureur et réitéré la demande de suspension.

m.a. Le 22 février 2023, le Procureur a confié le mandat d'expertise susmentionné au CURML lui impartissant un délai de trois mois pour déposer son rapport.

m.b. Le 21 avril 2023, il a indiqué aux parties le nom des experts désignés, leur impartissant un délai pour s'exprimer sur une éventuelle cause de récusation.

m.c. Le 31 mai 2023, les experts ont sollicité un délai de cinq mois pour rendre leur rapport.

n. Le 13 juillet 2023, le TMC a prolongé les mesures de substitution pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 16 novembre 2023 retenant que l'instruction se poursuivait, une expertise médico-légale étant en cours, tout en précisant que le Ministère public renonçait aux auditions de E______ et de F______. Il n'y avait pas eu de violation du principe de la célérité, même si le Ministère public avait généreusement prolongé le délai pour rendre l'expertise au 30 septembre 2023; le Procureur pourrait ensuite clore rapidement son instruction et, vraisemblablement, renvoyer le prévenu en jugement.

o. À teneur du rapport d'expertise et d'examen de la personne du 29 septembre 2023, la vie de D______ n'avait pas concrètement été mise en danger lors des événements du 30 mars 2014.

p.a. À teneur du rapport du 30 octobre 2023 du SPI, A______ continuait d'honorer ses rendez-vous; sa situation était restée relativement stable; il avait débuté une "AFP" au sein de l'entreprise G______, dans le domaine de l'intendance. Le prévenu continuait de décrire un climat serein et calme au domicile familial. En ce qui concernait le suivi thérapeutique, il se montrait toujours collaborant et preneur de l'accompagnement proposé. La psychologue de H______ expliquait dans son rapport qu'il aurait plus de difficultés à tenir l'abstinence; les résultats des analyses montraient que la consommation d'alcool du prévenu avait augmenté ces derniers mois.

Ledit rapport de la Fondation H______, du 26 octobre 2023, relève que l'intéressé abordait spontanément ses consommations, s'il y en avait. Il semblait moins motivé à être totalement abstinent. Il arrivait à dire que ce n'était pas par envie de consommer mais parce qu'il avait changé ses habitudes et il savait que s'il buvait c'était lors d'occasions spéciales.

p.b. Le rapport [du laboratoire] I______ du 12 août 2022 explique le seuil de quantification de la méthode d'analyse de la quantité d'alcool consommée: < 20 mg/l: résultat compatible avec une abstinence; de 20 à 40 mg/l: résultat compatible avec une consommation basse d'éthanol ne dépassant pas 3 verres standard par semaine voire avec une abstinence; de 41 à 100 mg/l: résultat compatible avec une consommation modérée d'éthanol; de 101 à 210 mg/l: résultat compatible avec une consommation importante d'éthanol; > 210 mg/l: résultat compatible avec une consommation excessive d'éthanol.

Les divers rapports de I______ donnent les résultats suivants des prélèvements effectués les: 7 juillet 2022, 27mg/l; 23 août 2022, 55mg/l; 29 septembre 2022, 35 mg/l; 25 octobre 2022, 39 mg/l; 30 novembre 2022, -; 23 décembre 2022, 35mg/l; 17 janvier 2023, 29mg/l; 24 février 2023, 52mg/l; 28 mars 2023, 70mg/l; 28 avril 2023, 92mg/l; 25 mai 2023, 110 mg/l; 11 juillet 2023, 65mg/l; 28 août 2023, 52 mg/l; 22 septembre 2023, 46mg/l, 13 octobre 2023, 73mg/l.

q. A______, né en 1988, est de nationalité bolivienne et titulaire d'une autorisation d'établissement (permis C) et établi de longue date à Genève. Il vit en concubinage avec D______; ils ont un enfant, né en 2015.

r. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à une peine pécuniaire le 10 octobre 2013 pour infraction à la LCR, dont la conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié et, le 7 février 2014, pour actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, à une peine privative de liberté de 36 mois, dont 24 mois avec sursis.

C. Dans l'ordonnance attaquée, le TMC retient que les charges graves demeuraient suffisantes pour justifier le maintien des mesures de substitution à la détention, celles-ci ne s'étant pas amoindries depuis sa dernière décision; le caractère "accidentel" du coup de couteau porté à D______, le peu de gravité de la blessure, le rapport d'expertise du CURML du 29 septembre 2023 et l'examen d'un classement sur l'art. 55a CP, tel que plaidés par le prévenu, seraient examinés par le juge du fond.

L'instruction approchait de son terme; le rapport d'expertise avait été reçu par le Ministère public le 2 octobre 2023, lequel ne procéderait pas aux auditions de E______ et de F______. L'avis de prochaine clôture serait rendu après le délai au 31 octobre 2023, et prolongé de trois semaines, pour les observations.

Les antécédents du prévenu, bien que non spécifiques, dénotaient une propension à agir de manière contraire à l'ordre juridique lorsqu'il était alcoolisé et à manquer d'égards pour l'intégrité d'autrui. Le risque de réitération était aggravé par la répétition des actes de violences dont l'accusait sa compagne au cours des dix années écoulées, dont les faits reprochés qui étaient graves, et par sa problématique de consommation d'alcool.

Les mesures ordonnées paraissaient encore aptes et adéquates pour diminuer le risque de réitération que présentait le prévenu, une évolution positive étant constatée par le SPI et son épouse; le prévenu admettait que la diminution de sa consommation d'alcool avait des bienfaits sur son couple, avec cependant, récemment, une reprise de la consommation d'alcool, laquelle comportait des risques comme le précisait la fondation H______, et s'inscrivait par ailleurs en violation des mesures de substitution en vigueur.

Le principe de proportionnalité demeurait respecté, même à prendre en considération la durée desdites mesures, les plus incisives ayant été levées au mois de décembre 2022.

D. a. À l'appui de son recours, A______ relève que les mesures de substitution querellées duraient depuis 559 jours (au 27 novembre 2023). Les deux parties avaient sollicité la suspension de la procédure au sens de l'art. 55a CP, sans réponse du Ministère public. L'expertise du CURML avait conclu que la vie de sa compagne n'avait pas été mise en danger, en 2014. Il estime avoir considérablement mûri depuis 2010, où il n'avait que 22 ans; il était notamment devenu père et avait un emploi stable; or les faits de 2014, principalement reprochés, remontaient à la même époque. Depuis, il n'avait plus eu de problème avec la justice, sous réserve des événements de 2013, ce qui démontrait l'absence de propension à la violence. Les faits reprochés ne présentaient pas un degré de gravité justifiant de retenir le risque de réitération de l'art. 221 al. 1 let. c CPP même sous la forme de mesure de substitution. Le SPI relevait qu'il était parvenu à un stade où il pouvait maîtriser sa consommation d'alcool. Il ne présentait dès lors aucun risque de réitération.

En outre, il estime qu'il ne pourrait tout au plus être reconnu coupable que de lésions corporelles simples. Ainsi, avec un facteur de réduction de 25%, pour tenir compte des mesures de substitution, il avait déjà subi près de cinq mois de détention provisoire, peine suffisante pour une infraction à l'art. 123 CP.

b. Le TMC déclare persister dans sa décision, sans autres observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les faits reprochés pouvaient être constitutifs de tentative de meurtre (art. 111 CP cum 22 CP), de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et de voies de fait (art. 126 CP), les mesures de substitution demeurent proportionnées. Le prévenu, poursuivi pour des faits de violence sur sa compagne en 2014 (avec un couteau) et en 2022, avait été condamné en 2013 pour infractions à la LCR, notamment en lien avec une consommation excessive d'alcool, et en 2014, à une peine de 36 mois pour des faits commis en 2010. Le laps de temps très court entre le prononcé de cette lourde sanction, qui aurait dû inciter le prévenu à se conformer à l'ordre juridique suisse, et la succession de faits sur 12 ans qui lui sont reprochés ne pouvaient que conduire à retenir un risque de réitération.

d. Le recourant n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222, 237 al. 4 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. Le recourant ne conteste pas l'existence de charges même s'il estime que les qualifications retenues devraient être autres et que la suspension de la procédure avait été requise. La Chambre de céans n'examinera dès lors pas cette question.

3. Le recourant conteste tout risque de réitération ainsi que la proportionnalité des mesures.

3.1. Selon l'art. 221 al. 1 let. b CPP, applicable aux mesures de substitution par renvoi de l'art. 237 al. 4 CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves.

3.2. Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4).

3.3. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte.

Les mesures de substitution ne sauraient sans autre être considérées comme des atteintes bénignes aux droits fondamentaux du prévenu (ATF 141 IV 190 consid. 3.3). À l'instar de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, les mesures de substitution doivent en tout temps demeurer proportionnées au but poursuivi, tant par leur nature que par leur durée (ATF 140 IV 74 consid. 2.2). Il y a lieu de tenir compte également de la durée probable de la peine privative de liberté pour apprécier celle admissible de la détention avant jugement (ATF 133 I 168 consid. 4.1).

Selon l'art. 227 al. 7 CPP, applicable par le renvoi de l'art. 237 al. 4 CPP, la prolongation peut être de trois mois au plus, et de six mois dans des cas exceptionnels (ATF 141 IV 190 consid. 3.3).

3.4. En l'occurrence, le recourant a accepté les mesures de substitution querellées jusqu'à aujourd'hui, précisant le bienfait qu'elles avaient eu sur lui. Il convient cependant d'admettre qu'elles n'apparaissent plus justifiées après les nombreux mois au cours desquels le recourant s'y est soumis et les a respectées à satisfaction du Ministère public. En effet, le recourant n'a jamais été "abstinent" à l'alcool, à teneur des rapports de I______ versés au dossier, sans que le Procureur ne relève cette "violation" de la mesure. À juste titre, d'ailleurs, au regard des taux d'alcool dans le sang lors des tests effectués qui ont pratiquement toujours confirmé une consommation basse, voire une abstinence en 2022 (de 20mg/l à 40mg/l), et modérée en 2023 (41mg/l à 100mg/l). Parallèlement, aucun autre acte de violence n'a été reproché au prévenu depuis avril 2022. En outre, à teneur de la procédure, seuls deux événements, en 2014 et en 2016, lui sont reprochés.

Les mesures ordonnées ne paraissent ainsi plus nécessaires pour diminuer le risque de récidive retenu, même si le recourant serait bien inspiré de poursuivre volontairement les traitements mis en place.

4. Le recours s'avère ainsi fondé. L'ordonnance querellée sera annulée en tant qu'elle prolonge les mesures de substitution.

5. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

6. L'indemnité de son défenseur d’office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle prolonge les mesures de substitution.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Le communique, pour information, au Service de probation et d'insertion.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).