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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11841/2022

ACPR/967/2023 du 13.12.2023 sur OMP/20539/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;PREUVE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11841/2022 ACPR/967/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 13 décembre 2023

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 3 novembre 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 14 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire; il souhaite que Me B______ soit nommé à ce titre.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans le cadre de la présente procédure, il est reproché à A______ une escroquerie par métier.

b. Par pli du 26 juin 2023, Me B______ a informé le Ministère public avoir été consulté par A______, lequel faisait élection de domicile en son étude. Le conseil précité a sollicité sa désignation en tant qu'avocat d'office, "les conditions prévues par les art. 130 let. b cum 132 al. 1, let. b et 2 CPP apparaissant remplies en l'espèce".

Seule une procuration était jointe au courrier.

c. Le 29 juin 2023, le Ministère public a transmis la demande au Greffe de l'assistance juridique en vue de l'établissement d'un rapport.

d. Par lettre du 3 juillet 2023, le Greffe de l'assistance juridique a imparti un délai au 28 juillet 2023 à A______ pour lui transmettre le formulaire de demande de désignation d'un défenseur d'office, dûment complété et signé, muni des justificatifs – listés en page 5 – nécessaires au traitement de sa requête.

e. Le 28 juillet 2023, Me B______ a sollicité un délai au 31 août 2023 pour fournir les documents idoines, étant dans l'attente de renseignements complémentaires de la part de son client, domicilié hors de Suisse.

f. Le Greffe de l'assistance juridique a fait droit à ladite demande.

g. Le 31 août 2023, Me B______ a sollicité un nouveau délai, précisant être toujours dans l'attente de renseignements complémentaires de la part de son client.

h. Un ultime délai au 29 septembre 2023, non prolongeable, lui a été octroyé.

i. Par pli du 19 septembre 2023, sous la plume de son conseil, A______ a retourné au Greffe de l'assistance juridique le formulaire précité. Il précisait être encore dans l'attente de documents (caisse de pension, direction des impôts, etc.).

À teneur dudit formulaire, le requérant allègue percevoir EUR 432.- par mois mais ne liste aucune charge. Il dit aussi ne pas détenir de compte bancaire ni posséder de fortune.

En annexes, A______ a transmis une copie de sa pièce d'identité française, un certificat de résidence en Belgique ainsi qu'un document adressé le 30 janvier 2023 par le Service de perception et recouvrement belge à [la banque] C______, l'informant que, en tant qu'institution financière du prénommé, une saisie était ordonnée pour un montant d'EUR 400'089.63 sur les sommes dues à son client. Il est relevé que l'avis relatif à ladite saisie a été adressé à A______ à une adresse différente de celle figurant sur le certificat de résidence précité. Enfin, le requérant a produit une capture d'écran du "détail opération" mentionnant le versement de 4'365.06 dirhams sur un compte 1______ le 14 juillet 2023; à teneur de l'annotation manuscrite lisible sur ledit document, il s'agissait du montant mensuel d'EUR 412.- en dirhams. Il était encore précisé "les impôts c'est 0 déclaration et je me débrouille à gauche à droite".

j. Les 19 septembre et 12 octobre 2023, sous la plume de son conseil, A______ a transmis au Greffe de l'assistance juridique respectivement sa "déclaration des revenus 2022", laquelle faisait seulement mention, sous la rubrique "pensions, retraites, rentes", de "460 e" sans autre précision, ainsi qu'un document émanant de la "Sécurité sociale, Assurance retraite D______ [région administrative française]" daté du 15 mars 2023 exposant qu'à compter du 1er mars 2023, le montant mensuel de sa retraite était d'EUR 421.29.

k. Par pli du 18 octobre 2023, le Greffe de l'assistance juridique a informé A______ ne pas être en mesure de procéder à l'évaluation de sa situation financière de sorte qu'un délai au 27 octobre 2023 lui était imparti pour fournir notamment ses relevés bancaires suisses et étrangers des trois derniers mois, avec indication du solde disponible, en particulier "le compte sur lequel [était] versé sa retraite française d'EUR 421.29, le compte belge sous saisie-arrêt auprès de C______ et le compte 1______ en dirhams sur lequel sa retraite a[vait] été transférée le 14 juillet 2023". Il était précisé que sa requête pouvait faire l'objet d'un refus d'entrer en matière en l'absence des pièces ou renseignements sollicités dans le délai imparti.

l. Le 26 octobre 2023, A______ a transmis au Greffe de l'assistance juridique les "documents sollicités", à savoir "le compte" auprès de C______ "sur lequel [était] versé sa retraite" ainsi que le compte 2______ auprès de [la banque] E______, en dirhams, sur lequel ladite rente "a[vait] été transférée aux dates indiquées".

Il ressort des trois relevés du compte 3______ auprès de C______ datés des 31 août, 23 septembre et 31 septembre 2023, que le solde était respectivement d'EUR 5.81, 6 et 6.10. En bas de chacun desdits documents, les mêmes montants figurent en tant que solde au 31 août 2022, 23 septembre 2022 et 31 septembre 2022 [sic]. De plus, lesdits documents font tous état du versement d'EUR 421.29 ("VAL. 04-02-2022"), de la mention "versement du 4______ [IBAN] F______ [nom]" puis du virement d'EUR 421.- ("VAL. 20-02-2022") "virement C______ mobile vers 5______ [IBAN] A______".

Les relevés auprès de la banque E______ au 31 août, 30 septembre et 24 octobre 2023 font notamment état de versements reçus de l'étranger les 18 août 2023 (DH 4'387'65), 14 septembre 2023 (DH 4'483.23) et 12 octobre 2023 (DH 4'450.90).

Tant les relevés de [la banque] C______ que ceux de [la banque] E______ ont été adressés respectivement à des adresses du prévenu en Belgique et au Maroc, différentes de celles figurant sur le certificat de résidence précédemment produit (cf. B.i.).

m. Dans son rapport du 31 octobre 2023 adressé au Ministère public, le Greffe de l'assistance juridique expose ne pas être en mesure d'établir une situation financière "cohérente et précise" concernant A______.

En particulier, après plusieurs relances, les relevés bancaires transmis, datés de 2023, mais mentionnant un solde à des dates en 2022, indiquaient des "crédits mensuels de 2022, d'un montant d'EUR 421.29, soit identique à celui mentionné sur l'attestation de notification de retraite datée du 15 mars 2023". Bien que les montants soient les mêmes, les crédits du compte C______ ne provenaient cependant pas de l'assurance retraite mais d'une personne dénommée F______. Enfin, certains documents datés de 2023 et transmis par le requérant lui avaient été expédiés à des adresses différentes de celle mentionnée sur le certificat de résidence belge.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que le prévenu n'a pas été en mesure de justifier son impécuniosité, les multiples demandes en ce sens de l'Assistance juridique n'ayant pas abouti à l'établissement d'une situation financière "cohérente". Il devait donc être considéré qu'il disposait des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur n'était pas justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Ministère public une violation des art. 130 let. b et 132 al. 1 let. b et al. 2 CPP.

Il avait transmis au Greffe de l'assistance juridique toutes les pièces sollicitées et nécessaires à l'évaluation de sa situation financière: sa retraite d'EUR 421.29 constituait son seul revenu, montant dont il disposait pour vivre et payer ses charges, n'ayant pas de fortune. Indigent, il n'était donc pas en mesure d'acquitter les frais du procès. De plus, la désignation d'un avocat d'office était objectivement nécessaire, étant rappelé qu'il était prévenu d'escroquerie par métier, infraction passible d'une peine privative de liberté d'au maximum dix ans. Au demeurant, le Ministère public aurait dû tenir compte des "circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit et des particularités que présentent les règles de procédure applicable dans le cas d'espèce". Ainsi, il convenait de le mettre au bénéfice d'une défense d'office.

En tout état, dans la mesure où il encourait une peine privative de liberté de plus d'un an compte tenu de la gravité des faits reprochés, il devait être mis au bénéfice de la défense obligatoire (art. 130 let. b CPP).

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. À teneur de l'art. 130 let. b CPP, le prévenu doit avoir un défenseur d'office notamment s'il encourt une peine privative de liberté de plus d'un an ou une mesure entraînant une privation de liberté.

La direction de la procédure ordonne une défense d'office en cas de défense obligatoire, notamment si le prévenu ne désigne pas de défenseur privé (art. 132 al. 1 let. a CPP).

3.2. En dehors des cas de défense obligatoire, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

3.3. Une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1 p. 371).

Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (ATF 135 I 221 consid. 5.1 p. 223 et les arrêts cités). Il incombe ainsi au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière et que la situation demeure confuse, la requête doit être rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4 p. 164 s.; arrêt du Tribunal fédéral 1B_436/2018 consid. 3; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 59b ad art. 132).

3.4. En l'espèce, le recourant a sollicité la défense d'office au motif que celle-ci s'imposait compte tenu des charges retenues contre lui.

Contrairement à ce qu'il semble croire, réaliser les conditions d'une défense obligatoire (art. 130 CPP) ne donne pas droit – de jure – à une défense d'office.

En l'occurrence, il n'apparaît pas qu'il eût été dépourvu d'un conseil, l'intéressé ayant été assisté par un défenseur privé depuis le mois de juin 2023. Ainsi, dans sa situation, pour pouvoir bénéficier d'une défense d'office, il faut encore qu'il soit indigent et que l’assistance d’un défenseur soit justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP), la démonstration de la réalisation de la première condition lui incombant.

Le refus du Ministère public de lui désigner un avocat d'office est motivé par le fait que le recourant n'a pas démontré son impécuniosité, se fondant par-là sur le rapport du Greffe de l'assistance juridique du 31 octobre 2023. À teneur de celui-ci, il n'avait pas été possible d'établir la situation financière du prévenu sur la base des documents transmis, lesquels faisaient notamment état de solde de compte en 2022 et du versement de sa retraite non par l'institution idoine mais un particulier. Enfin, plusieurs adresses différentes figuraient sur les documents.

Or, dans son recours, le recourant qui, en vertu de la juriprudence sus-évoquée, devrait indiquer de manière complète et établir autant que possible sa situation financière, n'apporte aucun éclaircissement sur celle-ci, se limitant à énoncer les grands principes et affirmer avoir transmis toutes les pièces nécessaires.

Partant, il n'y a pas lieu, à l'instar du Ministère public, de s'écarter de l'analyse du Greffe de l'assistance juridique. Ainsi, il faut conclure que la condition de l'indigence n'est pas réalisée à ce stade de la procédure, faute pour le recourant d'avoir pu la démontrer.

4.             L'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ), même si la présente espèce confine à la témérité au sens de ce texte.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).