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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6342/2023

ACPR/896/2023 du 13.11.2023 sur OMP/11924/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SCELLÉS;DEVOIR DE COLLABORER;CONSULTATION DU DOSSIER;SECRET D'AFFAIRES;SPHÈRE PRIVÉE
Normes : CPP.102; CPP.108

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6342/2023 ACPR/896/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 13 novembre 2023

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______ [GE], représentée par Me Raphaël JAKOB, avocat, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de restriction du droit de consulter le dossier et de refus d'obligation de garder le secret rendue le 26 juin 2023 par le Ministère public,

et

B______, ayant son siège ______ [Italie], représentée par Mes Saverio LEMBO et Louis Frédéric MUSKENS, avocats, BÄR & KARRER SA, quai de la Poste 12, 1211 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           a. Par acte expédié le 7 juillet 2023, A______ SA (ci-après : A______) recourt contre la décision du 26 juin précédent, notifiée le lendemain, aux termes de laquelle le Ministère public a refusé de restreindre l’accès de B______ (ci-après : B______ ou la banque) au dossier de la procédure et d'ordonner à cette dernière de garder le secret sur le contenu de ce dossier.

 

Elle conclut, sous suite de frais et dépens : préalablement, au prononcé de mesures provisionnelles; principalement, à l’annulation de l’ordonnance déférée, les intimés devant être invités, pour le Ministère public, à ne pas donner accès à la banque à la documentation sous format papier séquestrée le 11 mai 2023 jusqu’à ce qu’il ait effectué un tri parmi celle-ci, respectivement jusqu'à droit jugé sur la qualité de partie plaignante de cette institution, et, pour B______, à restituer les pièces déjà en sa possession ainsi qu'à en supprimer toute copie; subsidiairement, au prononcé d'un accès limité, en faveur de la banque, aux pièces litigieuses, cette dernière devant, par ailleurs, s'engager à ne pas en faire usage pour développer une activité concurrente.

 

b. Par ordonnance du 10 juillet 2023 (OCPR/44/2023), la Chambre de céans a rejeté la demande de mesures provisionnelles. Le 4 septembre suivant, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par A______ contre cette décision (arrêt 7B_327/2023).

 

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

 

a. Depuis 2022, A______ et B______ s'opposent dans le cadre de plusieurs procédures, civiles et pénales, en Angleterre ainsi qu'en Italie (PP 100'057 s., 100'072 s., 600'035 ainsi que 600'038 et ss; pièce 8 du chargé du 7 juillet 2023).

 

b.a. Consécutivement à une plainte déposée au printemps 2023 par B______ (PP 100'001 et ss), le Ministère public genevois a ouvert une instruction (PP 300'003) contre A______, représentée par C______ et D______, ses administrateurs (PP 400'002), la soupçonnant d’avoir commis, à Genève, entre 2018 et 2023, lors d'une vaste opération de titrisation de créances, des actes potentiellement constitutifs d'escroquerie (art. 146 CP), abus de confiance (art. 138 CP), gestion déloyale (art. 158 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP).

b.b. La banque s'est constituée partie plaignante et a été entendue, en cette qualité, le 8 mai 2023 (PP 500'000 et ss).

 

c.a. Le 11 du même mois, les locaux de A______ ont été perquisitionnés, en présence, notamment, de C______ et de son avocat (PP 400'003).

 

Ont été séquestrés (PP 300'001), à cette occasion, trente-quatre dossiers sous format papier [constitués de plus de 6'000 pages], lesquels contenaient les noms des personnes physiques et morales citées dans la plainte, ainsi que le serveur informatique de A______ (PP 400'003).

 

c.b. À cette suite, aucune demande de mise sous scellés, respectivement de recours contre le principe/l'ampleur de la saisie, n'a été formé.

 

d. Le 8 juin 2023, D______ a informé le Ministère public avoir remarqué, lors de la consultation du dossier, que certaines des pièces séquestrées comportaient des données qui, soit étaient sans rapport avec l'enquête, soit étaient couvertes par des secrets d'affaires (PP 600'076).

 

Il requérait l'octroi d'un bref délai pour identifier les documents à retrancher de la procédure. Dans l'intervalle, il conviendrait de refuser de transmettre à B______ l'entier des pièces saisies ou, à tout le moins, de caviarder celles dont l'intéressée réclamerait une copie, "l'idée étant uniquement de préserver [des] secrets (…) et également d'éviter que [la banque] utilise [d]es informations pour s'accorder un avantage commercial sur un marché hautement concurrentiel dont [la précitée] et [A______] étaient des acteurs majeurs" (PP 600'076 s. et 600'037).

 

e.a. Le 9 juin 2023, le Ministère public a annoncé aux parties que le dossier était, à ce stade, consultable par chacune d'elles. La documentation sous format papier, en cours de "scannage", serait accessible dès la semaine suivante. Les données informatiques faisaient, quant à elles, l'objet d'un tri; celles sélectionnées seraient versées au dossier, puis accessibles (PP 600'078).

 

e.b. Il a invité les parties à se prononcer sur l'accès de B______ aux pièces séquestrées (ibidem).

 

e.b.a. D______ (PP 600'081 et ss) et C______ (PP 600'175) ont requis la suspension (provisoire) du droit d'accès de la banque au dossier.

 

En effet, la documentation saisie, tant sur support papier qu'électronique, contenait "plus de vingt années de données commerciales et confidentielles"; il était donc "évident que l'ensemble de celles-ci ne p[ouvai]ent être maintenues sous saisie, et encore moins produites, sans qu'il soit procédé à un tri préliminaire détaillé". Les pièces suivantes devraient être retirées du dossier : celles antérieures aux relations commerciales entre B______ et A______; celles sans rapport avec la présente affaire; la correspondance échangée entre A______ et ses avocats suisses, italiens et anglais. Une fois cette première sélection opérée, ils seraient en mesure de désigner, parmi les documents restants, ceux qu'il conviendrait de soustraire à la connaissance de la banque.

 

e.b.b. B______ s'est opposée à tout retranchement de pièces du dossier, respectivement à s'en voir restreindre l'accès (PP 600'176 et ss).

 

La requête des deux administrateurs s’apparentait à une demande de mise sous scellés déguisée, formée tardivement. Elle-même ne pouvait faire concurrence à A______, leurs domaines d'activité étant distincts.

 

f.a. Par missive du 19 juin 2023, le Ministère public a informé les parties que chacune d'elles pourrait librement accéder aux trente-quatre dossiers séquestrés (PP 600'181).

 

f.b. B______ a alors requis, et obtenu, une copie de ceux-ci.

 

g. Les 21 et 22 juin 2023, D______, d’une part, et A______, d’autre part, ont (à nouveau) requis du Procureur qu'il restreigne le droit de la banque d'accéder à l'ensemble des pièces saisies; subsidiairement, un tel accès devrait être aménagé de façon à prévenir tout préjudice. En cas de refus, le prononcé d'une décision formelle, sujette à recours, s'imposerait (PP 600'182 s. ainsi que PP 600'184 et ss).

 

L'absence de mise sous scellés n'empêchait nullement, sous l'angle de l'accès au dossier, qu'un tri doive être opéré. Celui effectué lors de la perquisition ne pouvait dispenser les autorités pénales de procéder, subséquemment, à une sélection plus affinée, tenant compte de : la pertinence des documents séquestrés pour l'affaire en cours; l'existence de données couvertes par des secrets; la possible utilisation abusive, par la banque, desdites données.

 

A______ a cité, à titre illustratif, quelques pièces qui, selon elle, rentraient dans l'une et/ou l'autre de ces catégories (PP 600'186 s.).

 

h.a. Le 26 juin 2023, D______ a contesté la qualité de partie plaignante de B______, au motif que cette dernière n’avait subi aucun dommage effectif/direct du chef des infractions dénoncées (PP 600'188 et ss).

 

h.b. Le Procureur n’a, à ce jour, pas statué sur ce point.

 

i. Le 29 suivant, les administrateurs de A______ ont été entendus par le Ministère public et mis en prévention.

 

C. Dans son ordonnance déférée, le Procureur a considéré qu'il se justifiait, au début de l'instruction, d'avoir "une vision large" de la documentation potentiellement utile à l'enquête. Les trente-quatre dossiers versés à la procédure l'avaient été dans le respect des principes de proportionnalité et d'utilité potentielle, puisque chacun d’eux comportait les noms des personnes citées dans la plainte. Au demeurant, A______ n'avait ni contesté la saisie de ses dossiers, ni demandé leur mise sous scellés.

 

"Il [était] trop tôt" pour écarter d’emblée certaines pièces de la procédure, ce d'autant que A______ ne désignait nullement celles qu'elle souhaitait voir soustraites à la connaissance de la banque. Cela étant, il allait de soi que si, lors de l'enquête, un document couvert par un secret devait être identifié, il serait immédiatement retranché du dossier.

 

En conséquence, rien ne justifiait de restreindre l'accès de B______ à l'ensemble des pièces saisies (art. 108 CPP), respectivement de l'obliger à garder le silence sur celles-ci (art. 73 al. 2 CPP).

 

D. a. À l'appui de son recours, A______ relève que le Procureur aurait dû, avant de verser les documents litigieux au dossier, respectivement avant d'en délivrer copies à B______, procéder, d'office, à un tri parmi ceux-ci, destiné à protéger ses droits.

 

Comme il s’en était abstenu, la situation devrait être rectifiée et ce magistrat, enjoint d'analyser en détail lesdits documents, le cas échéant avec sa collaboration. À cet effet, elle avait récemment établi un tableau (cf. pièce 12 de son chargé) récapitulant, de façon exhaustive, les pièces qui, selon elle : étaient librement accessibles (car utiles à l'instruction et dénuées de caractère privé/confidentiel); contenaient des informations sans rapport avec l’enquête "mais dont la divulgation [était] en tout état inoffensive"; comportaient des données secrètes (telles que : "know-how A______", "propriété A______", "calculs internes", "correspondance[s] confidentielle[s]", "doc commerciaux", etc.), auxquelles la banque ne pouvait en aucun cas accéder, ce d'autant que cette institution risquait de les exploiter, soit dans le cadre des procédures parallèles pendantes à l'étranger, soit pour développer une activité concurrente.

 

Dans l'attente d'un tel tri, il se justifiait de refuser l'accès aux pièces saisies "en bloc" à B______, accès qui lui avait, au demeurant, été accordé avant qu'il ne soit statué sur sa qualité de partie plaignante, pourtant contestée, respectivement avant que les prévenus aient été entendus, soit à un stade de la procédure où il n'existait pas encore de droit, stricto sensu, de consulter le dossier (art. 101 al. 1 CPP). Subsidiairement, il convenait d'assortir les modalités d'un tel accès de restrictions [limitations au nombre desquelles A______ n'énumère pas l'obligation de garder le secret].

 

b. Par missive du 2 octobre 2023, B______ a demandé à pouvoir répondre au recours.

 

c. À réception de ce pli, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT :

1.             La Chambre de céans peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les actes manifestement irrecevables et/ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) par la société contre laquelle la procédure est, entre autres, dirigée (art. 112 cum 104 al. 1 let. a CPP).

2.2. Il concerne une décision de refus de restreindre le droit d'accès de l'intimée au dossier, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; ACPR/442/2023 du 12 juin 2023, consid. 1; ACPR/515/2022 du 2 août 2022, consid. 1).

Cette ordonnance ne traitant, ni de la qualité de partie plaignante de la banque, ni du principe même de son droit d'accès en vertu de l'art. 101 CPP, les griefs y relatifs sont irrecevables.

Il en va de même de la conclusion tendant à ce qu'il soit fait interdiction à l'intimée de développer une activité concurrente, laquelle échappe, du reste, à la compétence des autorités pénales.

2.3. Reste à déterminer si la prévenue dispose de la qualité pour recourir en lien avec les autres aspects développés dans son acte.

2.3.1. La partie qui querelle un prononcé doit avoir un intérêt juridique, actuel et pratique à son annulation (art. 382 al. 1 CPP; ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_249/2023 du 1er mai 2013 consid. 1).

Dit intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l’arrêt est rendu (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_644/2022 du 12 mai 2023 consid. 1.1); à défaut, l'acte est déclaré, dans la première hypothèse, irrecevable et, dans la seconde, sans objet (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_644/2022 précité).

2.3.2. En l'espèce, l'intimée a obtenu une copie des documents litigieux avant le dépôt du recours. La conclusion visant à ce que l’accès à ceux-là lui soit refusé est donc irrecevable, faute d'intérêt actuel.

Les autres requêtes de la prévenue conservent, en revanche, un objet. En effet, si les conditions d'une restriction audit accès s'avéraient réalisées, la banque pourrait être tenue de restituer les pièces litigieuses au Procureur, le cas échéant temporairement pour permettre de caviarder les données privées/secrètes qui y figureraient – avec pour corollaire que ces données, même si elles ont déjà été divulguées, ne pourraient plus être utilisées dans le cadre de la présente procédure, ni être, éventuellement, diffusées auprès de tiers (cf. en ce sens ACPR/395/2021 du 11 juin 2021, consid. 1.3) –.

2.4. À cette aune, le recours est partiellement recevable.

3. 3.1. La Chambre de céans revoit librement les points de la décision attaqués devant elle (art. 385 al. 1 let. a CPP), les autres aspects, non remis en cause, demeurant tels que fixés par le premier juge (ACPR/881/2022 du 19 décembre 2022, consid. 2.1; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 385).

3.2. In casu, la recourante ne critique point, dans son acte, le refus du Ministère public d’obliger l'intimée à garder le secret sur les pièces litigieuses (art. 73 al. 2 CPP).

Il ne sera donc pas revenu sur cet aspect.

4. La recourante sollicite que l'accès de l'intimée auxdites pièces soit restreint "en bloc", subsidiairement que cet accès soit aménagé de façon à empêcher tout abus, le temps, pour le Procureur, de procéder à un tri.

4.1. La demande de mise sous scellés a pour but d'éviter que le ministère public ne prenne connaissance et n'exploite – en les versant à la procédure – des documents obtenus lors d'une perquisition ou d'un séquestre (A. V. JULEN BERTHOD et G. MÉGEVAND, La procédure de mise sous scellés, in RPS 134/2016 p. 218 et ss., pp. 218-219).

En l’absence d'une telle demande, le procureur est tenu, en vertu de l'art. 100 al. 1 let. b CPP, d’intégrer ces documents au dossier, le cas échéant après avoir vérifié leur potentielle utilité pour la poursuite pénale (cf. art 264 al. 1 CPP; cf. également M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 6 ad art. 108; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 6 ad art. 108).

4.2. La partie plaignante a le droit de prendre connaissance de la procédure et d’en lever copies (arrêt du Tribunal fédéral 1B_601/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.2).

Le ministère public statue sur les requêtes de consultation du dossier; il prend, au besoin, les mesures nécessaires pour préserver les intérêts légitimes au maintien du secret et pour empêcher les abus (art. 102 al. 1 CPP).

4.3. Le prévenu peut, en tout temps (ACPR/442/2023 précité, consid. 3.5 in limine), requérir du procureur qu'il restreigne le droit d'accès de la partie plaignante à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_48/2021 du 23 juin 2021 consid. 3.2 in fine).

4.3.1. Selon l'art. 108 al. 1 let. b CPP, une telle restriction peut être envisagée pour préserver des intérêts privés, tels que le maintien de secrets (d'affaires, bancaire, etc.) ou la protection de la sphère individuelle (M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 6 ad art. 108; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 6 ad art. 108).

L'invocation toute générale d'intérêts de ce type ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 1B_601/2021 précité, consid. 3.3 in fine). Le requérant doit rendre vraisemblable l'existence d'un danger concret (ACPR/442/2023 précité, consid. 3.2 in fine; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 1B_426/2022 du 29 novembre 2022 consid. 1.2, rendu en matière de mesures de surveillance secrète) et désigner les pièces qui revêtent, d'après lui, un caractère privé/confidentiel (arrêt du Tribunal fédéral 1B_426/2022 du 29 précité).

4.3.2. À teneur de l'art. 108 al. 1 let. a CPP, une limitation peut également se justifier lorsqu'il y a de bonnes raisons de soupçonner qu'une partie abuse de ses droits. Ainsi en va-t-il lorsqu'elle fait usage desdits droits à des fins étrangères à celles pour lesquelles ils sont prévus, par exemple parce qu'elle utilise les informations obtenues pour les communiquer à des personnes impliquées dans des procédures pénales ou civiles parallèles (ACPR/442/2023 précité, consid. 3.4).

Cette restriction n'est admissible que si un abus a été constaté (ACPR/442/2023 précité, ibidem) ou que des éléments concrets permettent d'en soupçonner l'existence (arrêt du Tribunal fédéral 1B_601/2021 précité, consid. 3.3 in fine).

4.4. En l'espèce, le Ministère public a saisi, parmi les documents découverts dans les locaux de la recourante, trente-quatre dossiers, sélectionnés en fonction des noms qu'ils comportaient.

À cette suite, la prévenue n'a pas réagi, que ce soit en demandant la mise sous scellés desdits dossiers ou en recourant contre l'ordonnance de séquestre.

Par conséquent, le Procureur a versé ces documents à la procédure (art. 100 al. 1 let. b CPP).

La recourante estime que ce magistrat aurait dû, avant de les y intégrer, effectuer, d'office, un tri complémentaire afin de protéger ses droits.

Il lui appartenait toutefois, si elle estimait nécessaire l'exécution d'un tel tri, de se manifester auprès du Ministère public immédiatement après le séquestre, puisque, par définition, elle connaissait la teneur des 6'000 pages concernées mieux que lui. Elle est donc forclose à se plaindre, aujourd'hui, de l'absence d'un examen préalable (cf. pour un cas similaire ACPR/515/2022 précité, consid. 3).

Une fois les trente-quatre dossiers incorporés à la procédure, l'intimée a demandé à pouvoir les consulter. La recourante s'y est opposée (par le biais de l'un de ses administrateurs, puis personnellement) : le droit de la banque d'accéder à ces documents devait, selon elle, être suspendu, le temps, pour le Procureur, d'individualiser les données privées/secrètes, non communicables, qu'ils contenaient (art. 108 CPP).

Le Ministère public a remis à l'intimée une copie intégrale de la procédure, sans avoir procédé à la sélection réclamée.

La prévenue reproche au Procureur cette omission.

Elle perd cependant de vue qu'il incombe à toute partie requérant une restriction du droit d'accès, au sens de l'art. 108 CPP, de désigner, de façon précise et complète, les pièces qu'elle entend voir soustraites à la connaissance de tiers. Elle ne saurait donc se plaindre de l'inexécution, par le Ministère public, d'une analyse qu'il lui incombait (aussi) d’effectuer, et à laquelle elle ne s'est, avant le prononcé de la décision déférée, quasiment pas livrée.

4.5. L'objet du litige – soumis au Procureur, puis à la Chambre de céans – porte sur la restriction intégrale du droit d'accès de l'intimée aux trente-quatre dossiers saisis.

4.5.1. La recourante admet elle-même qu'une partie de ces documents contient des données aussi bien utiles pour l'instruction que dénuées de caractère privé/confidentiel.

Leur divulgation à la banque ne saurait donc porter atteinte à de quelconques intérêts personnels (art. 108 al. 1 let. b CPP), pas plus que leur (éventuelle) utilisation par cette dernière – que ce soit dans le cadre d'une procédure parallèle ou du développement d'une activité concurrente – ne saurait causer un préjudice à la prévenue (art. 108 al. 1 let. a CPP).

Il n'existe, partant, aucun danger concret qui imposerait de restreindre le droit de l’intimée d'accéder à ces pièces.

4.5.2. La prévenue liste de façon exhaustive, pour la première fois au stade du recours, les documents qui, selon elle, seraient d'ordre privé et/ou secret.

Faute, pour l'intéressée, d'avoir soumis une telle liste au Ministère public, cette autorité n'a, à ce jour, pas rendu de décision préalable, sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP), sur les pièces qui y sont énumérées et qualifiées de problématiques.

La question d'une éventuelle restriction du droit d'accès auxdites pièces est donc exorbitante à la saisine de la Chambre de céans.

Il appartiendra à la prévenue d'adresser une requête motivée en ce sens au Procureur, à charge pour ce magistrat de statuer sur celle-ci.

4.5.3. À cette aune, les conditions d'application de l'art. 108 CPP ne sont, pour certains des documents déjà remis à la banque, pas réalisées (cf. consid. 4.5.1) et, pour les autres, pas en état d'être jugées (cf. consid. 4.5.2).

Il n’y a donc pas lieu de restreindre "en bloc" le droit d'accès de l'intimée aux trente-quatre dossiers saisis, non plus que d'aménager les modalités d’un tel accès.

4.6. Infondé, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

5. La recourante succombe (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP).

Elle supportera, en conséquence, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ SA aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ SA et B______., soit pour elles leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/6342/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00