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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11837/2023

ACPR/895/2023 du 13.11.2023 sur ONMMP/3115/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;GAGE
Normes : CPP.310; CP.145

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11837/2023 ACPR/895/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 13 novembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, Portugal, représentée par Me Timo SULC, avocat, DUPRAZ SULC, rue Jean-Jaquet 10, 1201 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 9 août 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 août 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 août 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 1er juin 2023 contre B______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée, au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction et, cela fait, à ce qu'il soit procédé aux actes d'instruction sollicités.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

Le 1er juin 2023, A______ a déposé plainte pénale contre B______ (domicilié à Monaco) pour avoir déprécié intentionnellement la valeur des actions de C______ SA et, par-là même, la valeur de son gage.

Dans le cadre de la requête commune en divorce et de la convention datées du 11 janvier 2021, le mis en cause s'était engagé à lui verser les sommes suivantes :

-          CHF 39'500.- par mois, dès le 1er janvier 2021 et jusqu'au 31 décembre 2040, puis CHF 50'000.- par mois dès le 1er janvier 2041 et pour sa vie durant, à titre de contribution d'entretien;

-          CHF 61'600'000.- à titre de liquidation des rapports patrimoniaux, dont
CHF 54'000'000.- encore à devoir, ainsi que

-          CHF 10'000'000.- à restitution de l'appartement sis rue 1______ no. ______ à Genève.

Aux fins de garantie des engagements souscrits, il avait nanti, en sa faveur, l'intégralité du capital-actions de C______ SA et D______ SA dont il était l'unique ayant droit économique et administrateur avec signature individuelle.

À teneur de l'acte de nantissement, B______ s'interdisait de procéder à une diminution volontaire de la valeur de la substance des gages, sous réserve de la perception et/ou des prélèvements exécutés en conformité avec l'accord (art. 4.1.1 et 4.4.2). Il s'engageait par ailleurs à lui remettre, au plus tard le 31 août de chaque année, les comptes de résultat intermédiaires au 30 juin de la société C______ SA, non audités et sans actifs et passifs transitoires, mais comprenant le compte de liquidités (art. 4.3). Il s'interdisait en outre d'aliéner un immeuble ou une participation, propriété de C______ SA et/ou D______ SA, à un prix inférieur au prix du marché et s'engageait à l'informer par écrit de toute cession de bien immobilier ou participation dans un délai de 30 jours dès la cession par la société concernée (art. 4.4). Dans l'hypothèse d'une vente annoncée, et à certaines conditions, elle avait le droit d'exiger, préalablement à la vente, un rapport d'expertise qui établisse la valeur de l'immeuble. Dans un tel cas de figure, la vente ne pouvait intervenir que pour autant que le prix de la transaction soit supérieur ou égal au 98% de la valeur déterminée par l'expertise (art. 4.4.1). Malgré ces obligations, il ne lui avait transmis les comptes de pertes et profits et bilans révisés des sociétés C______ SA et D______ SA pour l'année 2021 qu'en date du 1er mars 2023. Il ne lui avait en revanche toujours pas remis les comptes au 31 décembre 2022 des sociétés précitées, ce malgré son courrier de relance du 11 mai 2023.

En prenant connaissance des comptes de C______ SA au 31 décembre 2021, elle avait découvert que trois immeubles (détenus en partie ou en intégralité par la société) avaient été vendus sans qu'elle n'en soit informée. Grâce aux gains réalisés en 2021, C______ SA avait accordé des prêts à la société E______ SA, ainsi qu'à une autre société, non identifiée, proche d'elle et de B______, pour plus de 77 millions de francs, à savoir un montant supérieur à la valeur des autres actifs de la société. Au total, les fonds mis à disposition de l'actionnaire et des deux sociétés précitées avaient augmenté de CHF 44'709'618.60 par rapport à l'année précédente et représentaient 63% du bilan pour l'année 2021 et 125% du total des fonds propres de l'entreprise.

Les risques liés à une créance étant bien plus élevés que ceux liés à des immeubles ou des participations dans des biens immobiliers, la qualité des actions de C______ SA avait été réduite par rapport au moment où elles avaient été nanties en sa faveur. Elle ignorait au demeurant à quelles conditions, avec quelles garanties et dans quel but les prêts avaient été accordés, lesquels n'avaient pas de lien avec le but principal de la société.

Par ailleurs, il existait un risque important que l'Administration fiscale cantonale qualifie ces prêts de "simulés", ce qui pouvait avoir des conséquences financières désastreuses pour C______ SA en l'absence de remboursement par les débiteurs.

Au demeurant, le mis en cause, professionnel de l'immobilier, avait parfaitement conscience du fait que des actifs immobilisés présentaient beaucoup moins de risques que des créances. De plus, le retard dans la transmission des comptes de la société démontrait bien la volonté qu'il avait de lui nuire.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a constaté, sur le vu de la plainte, qu'il n'était pas établi que B______ fût à l'origine de la vente des parts de propriété des immeubles appartenant à C______ SA, cette société étant également administrée par F______ et G______.

Quoi qu'il en soit, rien ne permettait de soupçonner qu'en vendant ses parts de propriété immobilière, C______ SA aurait déprécié les actions nominatives nanties. Au contraire, la vente des immeubles à des fondations de placements avait été largement bénéfique à la société, laquelle avait vu ses comptes être bénéficiaires en 2021 par rapport à l'année 2020. Le fait que, subséquemment auxdites ventes, des prêts aient été accordés aux actionnaires et à des sociétés du groupe n'était pas de nature à diminuer la valeur des actions nanties, si bien que le comportement typique n'était pas établi.

En tout état, il ne ressortait pas des explications de A______ que le prévenu aurait agi, pour autant qu'il soit l'auteur des faits dénoncés, avec une conscience et une volonté de lui nuire, et aucun élément ne permettait de le soupçonner. Il ne ressortait d'ailleurs pas de la plainte que l'intéressé n'avait pas donné suite à ses engagements financiers.

En réalité, le fait de ne pas avoir respecté certaines clauses de l'acte de nantissement relevait strictement du domaine civil, de sorte que le Ministère public n'était pas compétent.

D. a.a. Dans son recours, A______ reprend en substance les arguments de sa plainte, ajoutant notamment ce qui suit.

B______ lui avait remis, par l'intermédiaire de son conseil, le contrat conclu le 20 août 2021 entre les sociétés C______ SA et H______ SA portant sur un prêt de CHF 30'000'000.- à cette dernière. Lors de la conclusion de ce contrat, la société C______ SA était représentée par B______. Si le prêt était garanti par le nantissement des actions de I______ SA, elle ignorait toutefois leur valeur, de sorte qu'il n'était pas exclu que la garantie donnée à C______ SA ne soit pas suffisamment solide.

En réalité, elle reprochait au mis en cause d'avoir accordé, en 2021, suite à des ventes immobilières, des prêts envers son actionnaire (lui-même) et des sociétés proches du groupe d'un montant de CHF 78'256'568.50, à savoir CHF 44'709'618.60 de plus qu'en 2020, avec pour conséquence la diminution de la valeur du gage octroyé conventionnellement en sa faveur, soit des actions de C______ SA.

Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public ne disait rien du fait que les prêts litigieux avaient été accordés à des conditions et avec des garanties dont elle ignorait tout. Ces éléments étaient pourtant déterminants pour l'issue de la procédure dans la mesure où, en cas de défaut de solvabilité de E______ SA et/ou H______ SA, les prêts accordés ne pourraient plus être remboursés, de sorte que la valeur des actions de C______ SA nanties en sa faveur s'en trouverait diminuée.

L'autorité intimée n'avait pas non plus retenu que lesdits prêts représentaient 63% du total du bilan 2021 de C______ SA, 125% du total des fonds propres de la société et qu'ils étaient supérieurs à la valeur de ses autres actifs.

Sur la base du projet des comptes de C______ SA au 31 décembre 2022 qui lui avait finalement été remis, elle constatait que la créance envers E______ SA avait augmenté. Selon toute vraisemblance, C______ SA s'était même endettée auprès de sa filiale, J______ SA, dans le but de pouvoir avancer ces fonds, ce qui constituait un procédé insolite.

a.b. Aux termes de son recours, A______ sollicite divers actes d'instruction, soit notamment la production des contrats de prêts et de leurs éventuels avenants, ainsi que de divers documents fiscaux concernant B______, E______ SA, H______ SA et I______ SA, et à ce qu'il soit procédé à l'audition du mis en cause, de F______ et de G______.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Contrairement aux allégations de la recourante, la vente d'appartements et l'utilisation du produit de leur vente pour octroyer des prêts à d'autres entreprises ne saurait provoquer la diminution de la valeur nominale des actions d'une société. Aucun élément de la procédure ne permettait de retenir que le capital-actions de C______ SA avait été réduit, par le biais par exemple d'un remboursement d'une partie de l'investissement initial de l'actionnaire, de même que rien n'indiquait non plus que la société avait rehaussé son capital-actions en mettant notamment des titres supplémentaires en circulation.

En réalité, le simple fait de "remplacer" des immeubles ou des parts de copropriété, dans les actifs d'une société, par des prêts octroyés, n'avait pas d'influence sur la valeur nominale de ses actions.

c. La recourante n'a pas répliqué.

 

 

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées – dans le délai prescrits
(art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

La plainte de la recourante a par ailleurs été déposée dans les délais utiles, vu la date à laquelle elle a eu connaissance des comptes de pertes et profits et bilans révisés de C______ SA pour l'année 2021.

2.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir ouvert une instruction sur les faits dénoncés dans sa plainte du 1er juin 2023 et de ne pas avoir donné suite à ses réquisitions de preuve.

2.1.       À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies,
c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).

Un refus d'entrer en matière n'est possible que lorsque la situation est claire, en fait et en droit. En cas de doutes, ou lorsque l'acte dénoncé a eu des incidences graves (par exemple en présence de lésions corporelles graves), une instruction doit en principe être ouverte, quand bien même elle devrait ultérieurement s'achever par un classement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_454/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.2).

2.2.       L'art. 145 CP sanctionne le détournement de choses frappées d'un droit de gage ou de rétention. Se rend coupable de cette infraction, qui se poursuit sur plainte, le débiteur qui, dans le dessein de nuire à son créancier, soustrait à celui-ci une chose frappée d'un droit de gage ou de rétention, en dispose arbitrairement, l'endommage, la détruit, la déprécie ou la met hors d'usage.

L'art. 145 CP ne protège pas les droits du créancier lui-même ou leur exécution, mais la garantie du recouvrement de sa créance contre l’auteur. Dans la mesure où cette garantie est réduite, la valeur de la créance garantie par la chose est également diminuée. L'existence d'un dommage patrimonial n'est pas exigée, même si une intention correspondante est requise (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, 4ème éd., Bâle 2019, n. 7 ad
art. 145).

L'art. 145 CP est un délit propre pur en ce sens que l'infraction ne peut être commise que par le débiteur de la prestation garantie par un droit de gage ou de rétention. La victime ne peut ainsi qu'être le créancier de l'auteur, disposant du droit de gage ou de rétention (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 9 ad art. 145;
M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU /
V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 5 ad art. 145).

L'objet de l'infraction est une chose, qu'elle soit mobilière ou immobilière. Elle sert à garantir une créance, en ce sens que si la créance n'est pas exécutée, le
créancier-gagiste peut faire réaliser la chose à son profit (M. NIGGLI /
H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 10 ad art. 145; M. DUPUIS /
L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds),
op. cit., n. 7 et 8 ad art. 145).

De manière générale, tous les comportements décrits dans le texte légal peuvent être regroupés sous la dénomination d'un détournement et impliquent la perte ou l'entrave du droit de gage ou de rétention. S'agissant de la dépréciation, elle consiste en tout acte qui diminue la valeur de l'objet mis en garantie, le réduit à un état de moindre qualité ou en dégrade la position originaire. À titre d'exemple, le fait de doubler le capital-actions d'une société dont les deux tiers des actions avaient été mis en gage est susceptible de déprécier la valeur du gage en raison du fait qu'un paquet de deux tiers (soit de la majorité) des actions est plus facilement négociable qu'un seul tiers restant en main du créancier-gagiste en raison du doublement du nombre des actions (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU /
V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 10, 15 et 20 ad art. 145).

L'infraction est intentionnelle, de sorte que l'auteur doit savoir que la chose est grevée d'un droit de gage ou de rétention. En outre, la loi exige l'intention de nuire, par l'acte, au créancier, c'est-à-dire d'entraver ou, à tout le moins, de rendre plus difficile son droit à la réalisation. Le dessein éventuel ne suffit pas (M. NIGGLI /
H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 33 et 34 ad art. 145).

2.3.       En l'occurrence, la recourante soutient qu'en modifiant la nature d'une partie des actifs de C______ SA, B______ a, intentionnellement, réduit la qualité des actions de la société et, par-là même, la valeur de son gage, dans le dessein de lui nuire.

Compte tenu du fait que B______ est l'unique ayant droit économique et administrateur avec signature individuelle de la société C______ SA et qu'il a signé le contrat de prêt conclu avec H______ SA, le Ministère public ne pouvait pas se limiter à spéculer qu'il pouvait ne pas être l'auteur des faits dénoncés vu l'existence de deux autres administrateurs au sein de la société. Il lui appartenait au contraire de déterminer si le mis en cause était bien à l'origine de l'octroi des prêts litigieux.

S'agissant ensuite du comportement reproché à B______, à savoir la dépréciation d'une chose mise en gage, il importe de souligner ce qui suit.

Si d'un point de vue purement comptable, la réalisation d'immeubles, respectivement de parts de copropriété sur des biens immobiliers, et l'octroi subséquent de prêts pour un montant équivalent aux gains réalisés ne porte a priori pas directement atteinte au capital-actions de C______ SA, il ne peut être exclu, à la lecture des pièces produites et en l'absence d'instruction, que la valeur des actions puisse s'en trouver dépréciée, notamment dans l'hypothèse où les débiteurs ne seraient pas solvables, à plus forte raison en présence d'un gage à long terme et au regard de l'importance des prêts accordés par rapport au bilan de l'année 2021 (63%), aux fonds propres (125%) et par rapport à la valeur des autres actifs de la société.

Il s'ensuit que, dans la mesure où l'on ignore à quelles conditions les différents prêts ont été octroyés et avec quelles garanties, il ne peut être exclu que les opérations précitées aient déprécié la valeur des actions de la société, et donc, a fortiori, la valeur du gage constitué en faveur de la recourante, au sens de l'art. 145 CP.

Au vu de ce qui précède, on ne peut pas d'emblée exclure que le fait de remplacer les actifs immobilisés par des prêts puisse impacter négativement le capital-actions de la société et, partant, déprécier la valeur des actions de C______ SA, de sorte que la conclusion du Ministère public à cet égard est prématurée.

Par ailleurs, si le mis en cause semble s'acquitter de ses obligations financières auprès de A______, il n'est pas exclu qu'il interrompe ses paiements après avoir adopté le comportement précité, destiné à priver le gage de sa substance.

Ces éléments suffisent à conclure que les conditions de la non-entrée en matière ne sont en l'état pas remplies. La cause sera ainsi renvoyée au Ministère public, à charge pour lui de procéder aux investigations nécessaires pour déterminer si la plainte de la recourante est fondée ou non.

3.             Fondé, le recours doit être admis ; partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

Dans ce cadre, il sera loisible à la partie plaignante de solliciter, devant la Procureure, l'administration des preuves qu'elle estimera utile.

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5.             La recourante, partie plaignante, assistée d'un avocat, n'ayant ni chiffré ni a fortiori justifié l'indemnité requise pour ses frais de procédure, cette question ne sera pas examinée (art. 433 al. 2 cum 436 al. 1 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance de non-entrée en matière du 9 août 2023 et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à la recourante les sûretés versées (CHF 1'500.-).

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).