Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/6659/2023

ACPR/883/2023 du 10.11.2023 sur ONMMP/2073/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;PARTIE À LA PROCÉDURE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INFRACTIONS CONTRE LA SÉCURITÉ DES RAPPORTS JURIDIQUES;FAUX INTELLECTUEL DANS LES TITRES;FORCE PROBANTE
Normes : CPP.310; CPP.382; CPP.115; CP.251

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6659/2023 ACPR/883/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 10 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 25 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 5 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 mai 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, déclare former opposition à ladite ordonnance.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par courrier daté du 23 mars 2023, A______ a déposé plainte pour faux dans les titres contre B______, son ancienne compagne et mère de leur fils, C______, né en 2016.

Il reprochait à la prénommée d'avoir porté atteinte à son autorité parentale, en particulier, à son droit de participer au choix de la confession de leur enfant. En effet, malgré leur autorité parentale conjointe sur C______, B______ avait fait baptiser leur fils, sans son consentement. Pour ce faire, elle avait rédigé et signé un document dans lequel elle déclarait faussement être la seule représentante légale de leur enfant, qu'elle avait ensuite remis à la paroisse D______, à Genève, qui avait procédé au rituel religieux.

En outre, B______ avait œuvré à le maintenir dans l'ignorance de ces faits et porté atteinte à ses intérêts en "décrédibilisant ses dires" auprès du Service de protection des mineurs (ci‑après: SPMi), en déclarant, de manière mensongère, à ce dernier ne pas avoir baptisé C______.

b. À l'appui de sa plainte, il a produit différentes pièces, dont un document signé par B______, le 17 juin 2022, à teneur duquel elle certifiait être la seule représentante légale de C______ et demandait, à ce titre, que son enfant reçoive le sacrement du baptême (ci-après: le document litigieux); un document du SPMi du 28 septembre 2022, intitulé "autorité parentale conjointe" selon lequel le choix de la confession de l'enfant faisait partie des décisions prises par les deux parents ensemble; une attestation de baptême au nom de C______, datée du ______ 2022, et sur laquelle A______ est mentionné comme l'un des parents; un extrait du jugement du Tribunal de première instance du 2 juin 2020 (JTPI/6656/2020), dont il ressort que l'exercice de l'autorité parentale est conjointe; un courrier du SPMi du 27 septembre 2022, adressé à A______, relayant l'information qui lui avait été donnée par B______, de l'absence de baptême de C______; un courrier de A______ envoyé au SPMi le 14 février 2023 à l'appui duquel il a produit le certificat de baptême de C______; et la réponse du SPMI, le 20 suivant, déclarant qu'il déplorait cette situation et que l'information avait été relayée au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré que les comportements dénoncés ne réalisaient pas les éléments constitutifs de l'infraction de faux dans les titres, ni ceux de toute autre infraction.

D. a. Dans son recours, à bien le comprendre, A______ reproche au Ministère public d'avoir constaté les faits de manière incomplète et erronée. B______ avait menti au SPMi, mais également à lui quant au baptême de leur fils. L'ordonnance querellée ne faisait aucunement état de l'atteinte à ses droits prévus aux art. 275a et 303 CC ni à sa crédibilité vis-à-vis du SPMi.

S'agissant de l'autorité parentale, la paroisse ne pouvait se fonder que sur "une certification écrite de chaque parent". Il ne pouvait pas être reproché à cette dernière de ne pas lui (à A______) avoir demandé une attestation, dès lors, qu'hormis son nom et son prénom, qui figuraient sur le certificat de baptême, B______ ne semblait avoir donné aucune autre information à son sujet.

Partant, il demande qu'il soit constaté qu'au moins les art. 275a et 303 CC n'avaient pas été respectés par B______ et qu'il lui soit, de ce fait, rappelé ses devoirs conformément à l'art. 307 al. 3 CC.

Il sollicite que la paroisse D______ produise les documents complétés par B______ pour le baptême de C______.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

2.2. Seule une partie qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP). Tel est, en particulier, le cas du lésé qui s'est constitué demandeur au pénal (art. 104 al. 1 let. b cum 118 al. 1 CPP).

2.2.1. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141 IV 1 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1274/2018 du 22 janvier 2019 consid. 2.1). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (arrêt du Tribunal fédéral 6B_655/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.1).

2.2.2. L'art. 251 CP protège, en tant que bien juridique, d'une part la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF 142 IV 119 consid. 2.2; 132 IV 12 consid. 8.1). Cette disposition vise d'abord un bien juridique collectif. Toutefois, le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels s'il vise précisément à nuire à un particulier (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3).

2.3. En l'occurrence, dans la mesure où le document litigieux atteste que la mise en cause est la seule représentante légale de C______, alors que le recourant allègue détenir l'autorité parentale conjointe sur l'enfant, il porte atteinte aux droits de ce dernier. La qualité de lésé du recourant doit donc être admise et le recours est recevable sur ce point.

Pour ce qui est du mensonge qu'aurait proféré la mise en cause au SPMI, on peine à voir quelle en serait l'atteinte directe du recourant, lui-même n'alléguant, tout au plus, que d'éventuelles conséquences par ricochet – dé-crédibilisation de ses propres déclarations –. Ce grief est donc irrecevable.

3.             Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             4.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale, et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 5 et 8 ad art. 310).

La non-entrée en matière peut résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).

4.2. Selon l'art. 251 ch. 1 CP, se rend coupable de faux dans les titres quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, crée un titre faux, falsifie un titre, abuse de la signature ou de la marque à la main réelle d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constate ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre.

4.3. L'art. 251 ch. 1 CP – qui doit être appliqué de manière restrictive
(ATF 117 IV 35 consid. 1d) – vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 144 IV 13 consid. 2.2.2).

Le faux intellectuel est un mensonge écrit qualifié, qui se distingue, par sa capacité de convaincre, d'une simple allégation unilatérale (ATF 126 IV 69 consid. 2a). Ainsi, la limite entre ces deux documents doit être tracée pour chaque cas individuellement, en tenant compte de toutes les circonstances concrètes (ATF 126 IV 65, c. 2a, fr. ; ATF 125 IV 17, c. 2a/aa, JdT 2002 IV 75).

La confiance que l'on peut avoir à ne pas être trompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peut avoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit. Pour cette raison, la jurisprudence exige, dans le cas du faux intellectuel, que le document ait une crédibilité accrue et que son destinataire puisse s'y fier raisonnablement (on parle de valeur probante accrue : arrêt du Tribunal fédéral 6B_55/2017 du 24 mars 2017 consid. 2.2). Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration (ATF 144 IV 13 consid. 2.2.2). Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou de l'existence de dispositions légales qui définissent le contenu du document en question. Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou discussion, ne suffit pas; il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 138 IV 130 consid. 2.1; 132 IV 12 consid. 8.1; 129 IV 130 consid. 2.1; 126 IV 65 consid. 2a).

4.4. En l'espèce, le document litigieux consiste en un écrit rédigé et signé par la mise en cause certifiant qu'elle est la seule représentante légale de C______. Le document était destiné, et a été remis, à la Paroisse D______, qui, fort de celui-ci, a procédé au baptême de l'enfant.

Or, selon les documents produits – jugement TPI JTPI/6656/2020 précité et les courriers du SPMi –, le recourant détient l'autorité parentale conjointe sur C______.

Ainsi, le document querellé, émanant de son auteur réel mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité, est susceptible de constituer un faux intellectuel.

Cependant, pour que soit réalisée l'infraction de faux dans les titres, encore faut-il que le document en question ait une valeur probante accrue.

Or, au vu de la jurisprudence précitée, tel n'est pas le cas. En effet, une telle qualité ne peut être reconnue audit document, en l'absence d'assurances objectives garantissant la véracité de ce qui y est allégué. En particulier, il n'existe pas de disposition légale définissant le contenu d'une telle déclaration entre particuliers. Ce document constitue en réalité une simple allégation, soit une déclaration unilatérale, faite dans le propre intérêt de celle qui l'a émise.

La déclaration en question devait en outre être sujette à vérification, ce qu'admet le recourant en retenant que la paroisse devait se fonder sur "une certification écrite de chaque parent", de sorte que la destinatrice ne pouvait accorder une quelconque crédibilité accrue à la simple déclaration d'un seul des parents.

Pour tous ces motifs, le document litigieux ne possède pas la valeur probante accrue nécessaire à la réalisation de l'infraction de faux dans les titres par un faux intellectuel, mais s'apparente à un simple mensonge écrit, lequel, faute d'être qualifié, n'est pas pénalement relevant (ATF 144 IV 13 consid. 2.3.3).

Cela ne signifie toutefois pas que les droits du recourant, notamment en lien avec son autorité parentale conjointe, n'auraient pas été atteints par les agissements décrits. Il appartiendra, dès lors, à l'intéressé, s'il s'y estime fondé de s'en prévaloir devant l'autorité compétente, la Chambre de céans n'étant pas une instance civile.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/6659/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00