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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14828/2023

ACPR/838/2023 du 26.10.2023 sur OTMC/2840/2023 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;OBLIGATION DE CONSTITUER UN DOSSIER;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;SOUPÇON
Normes : CPP.225; CST.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14828/2023 ACPR/838/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 26 octobre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la Prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 24 septembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 octobre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 septembre précédent, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) l'a mis en détention provisoire jusqu'au 22 novembre 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance entreprise et à sa libération immédiate, subsidiairement, sous mesures de substitution.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant français, a été arrêté à Genève le 22 septembre 2023. Il est soupçonné de viol, contrainte, lésions corporelles simples, menaces, vol, consommation de stupéfiants et défaut d'un passeport valable indiquant sa nationalité, notamment, à la suite de plaintes déposées par D______ et E______.

b. Il a été entendu par la police le jour même, hors la présence de son conseil, puis, le lendemain, par le Ministère public, assisté de son conseil.

Informé de l'intention du Ministère public de demander sa mise en détention, il s'y est opposé et a renoncé à une audience devant le TMC.

c. Le 23 septembre 2023, le Ministère public a, se fondant notamment sur les plaintes de D______ et E______, demandé la mise en détention provisoire de A______ pour une durée de trois mois.

d. Le même jour, le greffe du TMC a transmis, par courriel, dite demande au conseil de A______, lui impartissant un délai au lendemain pour s'exprimer par écrit et annexant audit courriel "les pièces du dossier transmises par le Ministère public". Ces pièces sont : la demande de mise en détention, le rapport d'arrestation sans ses annexes, les procès-verbaux d'audition de A______ par la police et par le Ministère public, le casier judiciaire de l'intéressé et son avis d'arrestation. Il est fait référence aux plaintes de D______ et E______ dans ces documents, mais elles n'y sont pas jointes.

e. Dans le délai imparti, le conseil de A______ a formulé ses observations et contesté notamment l'existence de charges suffisantes. Il a mis en cause la crédibilité des faits dénoncés par D______ et souligné des divergences dans les dates des faits reprochés telles que retranscrites dans les différents documents transmis.

f. Dans l'ordonnance entreprise, le TMC a, notamment, considéré les déclarations des deux plaignantes comme cohérentes et crédibles. Il a écarté les divergences dans les dates soulevées par A______. Partant, les charges étaient suffisantes.

C. a. À l'appui de son recours, A______, soit pour lui son conseil, fait grief au TMC de ne pas avoir été en possession des plaintes sur lesquelles il s'était fondé, car le Ministère public avait omis de les lui transmettre. Les divergences dans certaines dates subsistaient. Des charges suffisantes n'étaient donc pas prouvées.

b. Dans ses observations du 5 octobre 2023, le TMC persiste dans son ordonnance et confirme avoir reçu une copie du dossier complet de la procédure de la part du Ministère public, notamment des plaintes déposées contre A______. L'absence de transmission de cette copie complète au conseil de celui-ci résultait d'une "erreur de manipulation" de son greffe.

c. Le Ministère public a transmis, à l'appui de ses observations du même jour, le dossier complet à la Chambre de céans, qui comprend les plaintes visées. Il souligne que A______ n'avait jamais demandé à le consulter, alors qu'il était accessible. Il expose que les contradictions dans les dates pointées par A______ résultaient d'erreurs commises par la police ou le Ministère public dans leur retranscription, mais que la plaignante avait été cohérente dans ses déclarations.

d. Par courriel du 6 octobre 2023, le conseil de A______ a demandé à recevoir une copie du dossier de la procédure, subsidiairement à le consulter.

e. Le 9 octobre 2023, le conseil de A______ a consulté le dossier et transmis ses observations. Il prend acte des explications fournies par le Ministère public et le TMC et confirme avoir reçu, le jour même, copie des plaintes, même s'il considère n'avoir pas "matériellement le temps de s'entretenir de leur contenu avec le prévenu et faire part de sa détermination à leur sujet". Il renonce à plaider l'absence de charges suffisantes, mais conclut à la constatation de la violation du droit d'être entendu de son client, sous suite de frais judiciaires et dépens : le recours trouvait son origine dans l'omission du TMC.

f. Aucune détermination supplémentaire n'étant parvenue à la Chambre de céans, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. 2.1. À teneur de l'art. 225 al. 2 CPP, le tribunal des mesures de contrainte accorde sur demande et avant l’audience au prévenu et à son défenseur le droit de consulter le dossier en sa possession.

Cette disposition consacre, avec d'autres, le droit d'être entendu du prévenu tel que prévu aux art. 29 al. 2 Cst, 3 al. 2 et 107 CPP, comprenant notamment le droit pour le justiciable de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 142 III 48 consid. 4.1.1). Ces principes sont applicables dans le cadre des procédures de détention provisoire (art. 31 al. 4 Cst. et 5 par. 4 CEDH; ATF 137 IV 87 consid. 3.3.2; 126 I 172 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_192/2022 du 12 mai 2022 consid. 3.1).

La jurisprudence n'exclut pas qu'exceptionnellement, une éventuelle violation du droit d'être entendu à ce stade de la procédure puisse être réparée par le biais du recours, puisque l'autorité en la matière dispose d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 393 al. 2 CPP; cf. également ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées; 141 IV 396 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.2).

Lorsqu'une irrégularité constitutive d'une violation d'une garantie conventionnelle ou constitutionnelle a entaché la procédure relative à la détention provisoire, celle-ci peut être réparée par une décision de constatation (ATF 140 I 246 consid. 2.5.1; 138 IV 81 consid. 2.4).

2.2. En l'espèce, le recourant ne conteste plus que le TMC avait en sa possession le dossier complet de la procédure avant de statuer. Il renonce à plaider l'insuffisance des charges retenues contre lui, ce dont il est pris acte.

Seule reste donc litigieuse la violation de son droit d'être entendu qu'il invoque.

Certes, le greffe du TMC a commis une erreur en ne transmettant pas au recourant l'intégralité du dossier reçu du Ministère public simultanément à la demande de mise en détention.

Le recourant, soit pour lui son conseil, pouvait cependant constater que les plaintes en question n'étaient pas comprises dans le dossier qui lui était transmis, ce alors même que le Ministère public s'y référait dans sa demande. Il n'en ignorait de toute manière pas l'existence, puisqu'il avait été entendu à leur sujet précédemment. Or, le recourant n'a ni réagi à cette omission en s'adressant au TMC, ni demandé à consulter le dossier, y compris durant le délai de recours, ce qui lui aurait permis, d'une part, de constater que le dossier transmis au TMC était complet et, d'autre part, de résoudre les contradictions dans les dates qu'il avait remarquées et qui sont finalement sans portée, comme il le concède.

D'ailleurs, le recourant a discuté de la crédibilité des plaintes dans ses déterminations devant le TMC, sans pour autant relever que ni celui-ci, ni son conseil ne les détenaient, ce qui est contradictoire avec la violation du droit d'être entendu alléguée à ce stade.

Enfin, le recourant, désormais nanti des plaintes en question, a renoncé à se prononcer à leur sujet devant la Chambre de céans, qui jouit d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit. Ainsi, pour peu qu'une violation du droit d'être entendu eût existé, elle aurait été réparée dans la procédure de recours. Le grief sera donc rejeté.

3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4. 4.1. Les frais de procédure seront exceptionnellement laissés à la charge de l'État, au vu de la transmission incomplète de pièces du dossier au recourant par le TMC, laquelle avait provoqué le recours.

4.2. L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).