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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/96/2023

ACPR/830/2023 du 25.10.2023 ( RECUSE ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : AUTORITÉ JUDICIAIRE(TRIBUNAL);RÉCUSATION;DÉLAI
Normes : CPP.58

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/96/2023 ACPR/830/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 25 octobre 2023

Entre

A______, B______, C______ et D______, représentés par Mes H______, I______, J______ et K______, avocats, et faisant élection de domicile chez ce dernier, Étude L______,

requérants

et

E______, F______ et G______, juges au Tribunal correctionnel, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3

cités

 


EN FAIT :

A. a. Par acte posté le 4 septembre 2023, D______, précisant que sa démarche valait également pour A______, B______ et C______ (ci-après, ensemble : les consorts A___/B___/C___/D______) demandent « au Tribunal correctionnel » de se récuser.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Des membres de la famille A___/B___/C___/D______, composée de B______ (père), A______ (mère), C______ (fils) et D______ (épouse de ce dernier) sont l'objet d'une procédure pénale pour traite d'êtres humains par métier (art. 182 CP), usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP) et infractions, cas échéant aggravées, aux lois fédérales sur les étrangers et l'intégration (art. 116 al. 1 et 3 et 117 al. 1 et 2 LÉI) et sur l'assurance vieillesse et survivants (art. 87 LAVS). Il leur est, notamment, reproché d'avoir exploité leur personnel de maison.

b.             Par acte d’accusation du 14 février 2023, complété et corrigé le 15 août 2023, ils ont été renvoyés par-devant le Tribunal correctionnel. Le procès a été fixé du 2 au 6 octobre 2023. Le tribunal serait composé des juges E______, F______ et G______.

c.              Pendant le cours de l’instruction préliminaire, il avait été question de liquider la procédure par voie simplifiée, au sens de l’art. 358 al. 1 CPP (pièces PP 1______ ss. ; E-50'166 ss.). Cette possibilité ne s’est pas confirmée, et le Ministère public a caviardé les pièces qui s’y référaient (art. 362 al. 4 CPP), de sorte qu’aucun détail n’apparaît. On déduit de la date inscrite sur l’enveloppe, scellée, contenant un acte d’accusation (pièce PP 2______) que cette voie a été abandonnée le 15 juin 2018.

d.             À l’occasion de la clôture de l’instruction, les consorts A___/B___/C___/D______ ont notamment demandé le retrait (« caviardage ») du dossier de toutes les mentions relatives à la procédure simplifiée, ainsi que de toutes les déclarations recueillies, selon eux, en violation de l'art. 147 CPP, soit les dépositions – qu’ils énuméraient – de « toutes les parties plaignantes et [de] plusieurs témoins ». Le Ministère public s’y est refusé.

e.              La Chambre de céans a déclaré irrecevable le recours exercé contre ce refus (ACPR/396/2023 du 24 mai 2023). Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dont il était saisi contre cette décision (arrêt 7B_166/2023, du 29 septembre 2023).

C. a. Dans leur requête, les consorts A___/B___/C___/D______ font valoir que, malgré les garanties qu’aurait données le Ministère public, « notamment dans ses observations du 28 mars 2023 » [comprendre : dans l’instance de recours à l’origine de la décision ACPR/396/2023, précitée], le dossier recelait encore des références à la procédure simplifiée incompatibles avec l’art. 362 CPP. Eux-mêmes s’en étaient rendu compte à réception, « tout récemment », d’une copie numérisée du dossier. Or, « le Tribunal » avait pris connaissance du dossier dans cet état et devait être récusé, car son impartialité n’était plus garantie. Il n’avait même pas « contredit » le Ministère public sur la suppression, promise, des références indésirables.

b. Les juges de la composition concernée du Tribunal correctionnel, sous la plume de E______, présidente, estiment la requête tardive, subsidiairement infondée. La copie numérisée du dossier avait, certes, été remise à un défenseur à la fin du mois d’août 2023, mais les prévenus n’ignoraient rien auparavant des références au dossier relatives à l’échec de la procédure simplifiée ; preuve en était, en dernier lieu, leur demande de retrait de pièces formulée à l’occasion de la clôture de l’instruction. Par ailleurs, les requérants conservaient la faculté de réitérer à nouveau pareille demande à l’ouverture des débats.

c. En réplique, les consorts A___/B___/C___/D______ tiennent pour déterminant, sous l’angle de l’apparence de prévention, que les pièces visées soient restées dans la procédure en dépit des garanties contraires du Ministère public.

EN DROIT :

1.             Parties à la procédure, en tant que prévenus (art. 104 al. 1 let. a CPP), les requérants ont qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans est compétente pour connaître de leur requête, dirigée contre un membre du tribunal de première instance (art. 59 al. 1 let. b CPP). Vu l’issue de leur requête, peu importe qu’ils se soient abstenus de justifier des pouvoirs qu’ils auraient conférés à un seul de leurs avocats respectifs pour agir en leurs noms.

2.             Les cités objectent que la requête serait tardive.

2.1.       Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance
(ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). Il incombe à la partie qui se prévaut d'un motif de récusation de rendre vraisemblable qu'elle a agi en temps utile, en particulier eu égard au moment de la découverte de ce motif (arrêt du Tribunal fédéral 1B_348/2022 du 11 août 2022 consid. 3). En matière pénale, l'autorité qui constate qu'une demande de récusation est tardive n'entre pas en matière et la déclare irrecevable (ACPR/304/2022 du 3 mai 2022 consid. 4 et les références citées). N'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2).

2.2.       En l’occurrence, les requérants prétendent avoir réagi à réception « tout récemment » d’une copie numérique du dossier, sans autre précision. Pour les cités, cette copie leur aurait été transmise à fin août 2023. Dans ce sens, la date de dépôt de la requête (4 septembre 2023) paraît plaider en faveur d’une réaction « sans délai », au sens de la loi.

Il n’en est cependant rien.

Comme le relèvent les cités, les requérants n’ignoraient rien de l’état du dossier – tel qu’il a été constitué et transmis au tribunal de première instance, soit avec les mentions ou pièces dont ils voudraient maintenant obtenir le retrait – bien avant d’en recevoir une copie à la fin du mois d’août 2023. Les cités fournissent des dates précises, notamment de consultations (toutes postérieures à l’échec de la liquidation simplifiée), auxquelles les requérants n’apportent aucun démenti. Il saute aux yeux qu’ils savaient déjà la présence au dossier de toutes les mentions, ou pièces, indésirables à leurs yeux au plus tard après l’avis de prochaine clôture, puisqu’ils ont saisi cette occasion pour les récapituler et en demander formellement le retrait de la procédure, le 22 septembre 2022, et qu’ils ont ensuite recouru contre le refus opposé par le Ministère public, puis contre la confirmation de ce refus par la Chambre de céans. Les requérants ne sauraient donc soutenir, de bonne foi, s’être rendu compte à quelques semaines seulement de l’ouverture du procès que des pièces du dossier ne devraient, selon eux, plus s’y trouver.

Partant, leur requête est tardive.

3.             Ne le serait-elle pas que le grief de partialité, ou d’apparence de partialité, des juges de la composition appelée à juger les requérants serait dénué de tout fondement.

Les requérants – qui n’invoquent aucune disposition du CPP relative à la récusation des membres du tribunal de première instance – s’en prennent à vrai dire au Ministère public, qui n’aurait pas respecté, selon eux, les assurances qu’il leur aurait données « notamment dans ses observations du 28 mars 2023 ».

Ce faisant, ils se trompent de cible.

Sous couvert d’une demande de récusation contre les membres d’un tribunal, ils ne sauraient s’en prendre à la prise de position d’une autre autorité pénale – cette prise de position eût-elle valeur de décision, ce qui n’est pas évident –, qui moins est après avoir essuyé un échec à l’occasion du recours formé directement contre la décision de celle-ci de ne pas écarter les pièces litigieuses. Sous l’angle de l’impartialité, ils n’établissent pas avoir interpellé la Direction de la procédure du Tribunal correctionnel, chargée de vérifier si le dossier avait été établi régulièrement (art. 329 al. 1 let. a CPP), ni avoir reçu de sa part une réponse qui eût prêté le flanc au soupçon de partialité. Ils ne sauraient, dès lors, reprocher aux cités de n’avoir pas « contredit » le Ministère public ni expurgé d’eux-mêmes le dossier dans le sens qui leur conviendrait, puisque toute question préjudicielle pourra être soumise au Tribunal correctionnel le moment venu, c’est-à-dire à l’ouverture des débats (art. 339 CPP).

4.             Les requérants, qui succombent, assumeront, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), les frais de la procédure (art. 428 al. 1 CPP), fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 13 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare la requête irrecevable.

Condamne solidairement A______, B______, C______ et D______ aux frais de l’instance, arrêtés à CHF 2'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux requérants, soit pour eux leur commun conseil, aux juges E______, F______ et G______.

Le communique pour information au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/96/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur récusation (let. b)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00