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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15916/2023

ACPR/799/2023 du 13.10.2023 sur SEQMP/1982/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);VÉHICULE;ACCIDENT DE LA CIRCULATION;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15916/2023 ACPR/799/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 13 octobre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [VS], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de séquestre rendue le 26 juillet 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 31 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 juillet 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a notamment ordonné le séquestre et la perquisition du véhicule B______, immatriculé VS 1______, de son contenu et de tous les objets, appareils électroniques, y compris les données qu'ils contiennent ou qui sont accessibles à distance, ainsi que des documents, pouvant être confisqués ou utilisés comme moyen de preuve.

Le recourant, propriétaire du véhicule séquestré, ne prend pas de conclusions formelles mais demande à ce qu'il "soit mis fin à ce séquestre".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 22 juillet 2023 vers 2h00, un accident de la circulation s'est produit à la hauteur du numéro 214 de la rue de Lausanne, à Genève, à la suite duquel une cycliste a été tuée.

b. Selon le rapport de police du 23 juillet 2023, C______, qui circulait au volant d'un véhicule de marque B______, immatriculé VS 1______, et D______, qui circulait au volant d'un véhicule de marque E______, immatriculé en France, s'étaient approchés au numéro 13 du quai du Mont-Blanc. Les protagonistes avaient procédé, à de réitérées reprises, à des accélérations puis des freinages. À la hauteur du numéro 214 de la rue de Lausanne, en direction de Versoix, D______ avait heurté une cycliste, puis perdu la maitrise de son véhicule et percuté l'avant d'une voiture circulant en sens inverse, blessant son occupant.

La majeure partie des évènements avait été enregistrée par des caméras de vidéosurveillance.

c. Une procédure pénale a été ouverte par le Ministère public.

Dans ce cadre, C______ est prévenu d'homicide par négligence (art. 117 CP), lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) et violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR), notamment pour avoir initié une course poursuite avec D______ et, à tout le moins, envisagé que son comportement au volant puisse occasionner un accident de la circulation et, de la sorte, blesser ou tuer quelqu'un.

d. Entendu par le Ministère public, C______ a expliqué posséder une société dans le cadre de laquelle il louait, à des tiers, des véhicules appartenant à des privés. Ainsi, le véhicule qu'il conduisait au moment des faits et qu'il utilisait depuis deux à trois semaines, ne lui appartenait pas et devait être ensuite loué pour une période de huit jours.

e. Les déclarations du précité et de D______ divergent sur plusieurs aspects s'agissant des faits survenus le 22 juillet 2023.

f. Par mandat d'actes d'enquête du 28 juillet 2023, le Ministère public a ordonné l'expertise complète des deux véhicules impliqués dans l'accident, soit de la B______ (notamment l'analyse du moteur et des éventuelles données disponibles par le Groupe audio-visuel accident [ci-après: GAVA] de la police et la Brigade de criminalité informatique [ci-après: BCI], voire les techniciens [de la marque] B______), et de la E______ (vérification du système de freinage, du système ABS, des ceintures de sécurité, conformité des accessoires, analyse des éventuelles modifications apportées au véhicule, des éventuelles données disponibles par le GAVA et la BCI ainsi que les techniciens [de la marque] E______).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a ordonné le séquestre de tous les véhicules impliqués dans l'accident, dont celui conduit par C______, dans la mesure où ledit véhicule était susceptible de contenir des informations en lien avec l'accident mais pouvait aussi révéler des traces permettant d'en établir les circonstances. Ce véhicule pourrait également être séquestré en tant qu'il avait servi à la commission d'infractions pénales.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que la décision querellée le "pénalise de manière importante dans la mesure où cette automobile [lui] est nécessaire dans le cadre de [s]es activités professionnelles, s'agissant en l'espèce de [s]on véhicule personnel". Il ajoute se "désolidariser" du comportement des conducteurs et avoir prêté "en parfaite confiance" son véhicule à C______.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Le véhicule de A______ était impliqué dans un rodéo routier, ce que semblait admettre C______. Dans ce contexte, le second véhicule ayant pris part à la course poursuite avait percuté et tué une cycliste, avant de partir en embardée et heurter un véhicule qui circulait sur la voie inverse, blessant le conducteur. Depuis lors, de nombreux actes d'enquête étaient en cours afin de déterminer les circonstances entourant cet accident. Ainsi, les analyses, effectuées sur le véhicule du recourant par différents intervenants, visaient à déterminer les vitesses et éventuels chocs ou projections sur sa carrosserie, mais également les éventuelles modifications apportées au véhicule. Il ne pouvait être procédé auxdites analyses sans disposer du véhicule, lequel devait être conservé de manière à préserver les éléments de preuves (art. 263 al. 1 let. a CPP). Compte tenu de la gravité des faits, cette mesure de contrainte demeurait largement proportionnée. L'intérêt public à l'administration des preuves primait l'intérêt privé du recourant à récupérer son véhicule.

c. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du tiers saisi qui, en sa qualité de propriétaire du véhicule séquestré, revêt la qualité de participant à la procédure (art. 105 al. 1 let. f CPP) et a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 105 al. 2 et 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste le maintien du séquestre sur le véhicule.

2.1. Selon l'art. 263 al. 1 let a CPP, des objets peuvent être mis sous séquestre lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve.

Le séquestre probatoire consiste en la mise sous main de la justice des objets ou valeurs patrimoniales découverts au cours de l'enquête et permettant la manifestation de la vérité dans le procès pénal (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 6 ad art. 263).

En raison de l'atteinte portée aux droits fondamentaux des personnes concernées, le séquestre suppose le respect des conditions générales fixées à l'art. 197 CPP, à savoir qu'il doit être prévu par la loi (al. 1 let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (al. 1 let. b), respecter le principe de la proportionnalité (al. 1 let. c) et apparaître justifié au regard de la gravité de l'infraction (al. 1 let. d). Lorsque la mesure porte atteinte aux droits fondamentaux de personnes qui n'ont pas le statut de prévenu, une retenue particulière doit être observée (art. 197 al. 2 CPP).

Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107 et les références citées). Comme cela ressort de l'art. 263 al. 1 CPP, une simple probabilité suffit car la saisie se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre (art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 et les références citées).

Pour que le séquestre soit conforme au principe de proportionnalité, il doit être apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), ces derniers ne pouvant pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). Il faut en outre que la mesure n'emporte pas de limitation allant au-delà du but visé, étant rappelé que la recherche exploratoire de preuves est interdite en procédure pénale. Enfin, il doit exister un rapport raisonnable entre les effets du séquestre sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (principe de la proportionnalité au sens étroit) (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 23 et 23a ad art. 263).

2.2. En l'espèce, un grave accident de la circulation s'est produit le 22 juillet 2023, dans le cadre duquel une cycliste a été tuée et un automobiliste blessé.

S'il est établi que le véhicule conduit par D______ a percuté les précités, celui du recourant, au volant duquel circulait C______, serait impliqué dans une course poursuite ayant précédé la collision mortelle. Sur ce point, les protagonistes reconnaissent avoir effectué des accélérations et des freinages successifs, ce que semblent corroborer les images de la vidéosurveillance.

Cela étant, certaines circonstances entourant l'accident demeurent peu claires, à ce stade précoce de la procédure, en particulier s'agissant de la vitesse à laquelle roulait C______ ou encore son positionnement au moment du choc intervenu entre la voiture de D______ et la cycliste. L'expertise du véhicule appartenant au recourant est donc nécessaire. En effet, les données contenues dans le matériel informatique dudit véhicule saisi ou les traces qui seraient retrouvées sur celui-ci (carrosserie, pneumatiques, etc.) sont des éléments de preuves de nature à étayer les soupçons des infractions reprochées à C______, ou à le disculper. L'analyse de ces éléments vise à déterminer les vitesses et la présence d'éventuels chocs ou projections sur la carrosserie, ce notamment afin de pouvoir reconstituer les évènements.

Le séquestre du véhicule du recourant, lequel est en cours d'analyses, apparaît ainsi utile à la manifestation de la vérité et n'est dès lors nullement disproportionné. Enfin, l'intérêt public à ladite manifestation de la vérité, eu égard à la gravité des infractions en cause et des charges pesant sur les prévenus, prime l'intérêt privé du recourant à récupérer son véhicule pour ses besoins personnels, ce d'autant qu'il ressort des déclarations de C______ qu'au moment des faits, le recourant lui avait confié son véhicule, depuis plusieurs semaines, afin qu'il le loue à des tiers.

3.             Partant, l'ordonnance querellée sera confirmée et le recours rejeté.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/15916/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00